livraisons/MG_1708.xml

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      <titleStmt>
        <title>Mercure Galant, 1708</title>
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        <edition>OBVIL/IREMUS</edition>
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          <name>Anne Piéjus</name>
          <resp>Responsable d’édition</resp>
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          <name>Nathalie Berton-Blivet</name>
          <resp>Responsable d’édition</resp>
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          <name>Thomas Soury</name>
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        <publisher>Université Paris-Sorbonne, LABEX OBVIL</publisher>
        <date when="2017"/>
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          <licence target="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/3.0/fr/">
            <p>Copyright © 2017 Université Paris-Sorbonne, agissant pour le Laboratoire d’Excellence « Observatoire de la vie littéraire » (ci-après dénommé OBVIL).</p>
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        <bibl><title>Mercure Galant</title>, <publisher>Charles de Sercy</publisher>, <date>1708</date>.</bibl>
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      <div type="tome" xml:id="MG-1708-01">
        <head><hi rend="i">Mercure Galant</hi>, janvier 1708 [tome 1]</head>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-01_5">
          <head>[Prelude dans lequel on trouve un Eloge du Roy prononcé par Mr l’Evêque d’Alais, à l’ouverture des Etats de Languedoc]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, janvier 1708 [tome 1], p. 5-15.</bibl>
          <p/>
          <p>Je commence ma Lettre par un Article qui vous plaira, sans doute, puisque vous y trouverez un Eloge du Roy, fait par un sçavant Evêque, &amp; prononcé dans la Chaire de verité le jour de l’ouverture des Etats de Languedoc. Elle se fit par une Messe du Saint-Esprit, chantée en Musique, &amp; au milieu de laquelle, M<hi rend="sup">re</hi> François Chevalier de Saulx, Premier Evêque d’Alais, fit un Discours tres-éloquent. L’Eloge du Roy fut regardé comme une des principales beautez du Discours qu’il prononça. Ce Prelat dit d’abord, en parlant de Sa Majesté, qu’<hi rend="i">il cherchoit en sa Personne Royale, quelque chose de plus grand, que la Grandeur que les hommes estiment, &amp; que ce qui rendoit ses grandes &amp; immortelles actions plus considerables, est, qu’elles avoient toujours eu la justice</hi> pour leur principe, qu’<hi rend="i">elles avoient toujours esté accompagnées d’une piété, qui les rendoit en quelque maniere, divines &amp; surnaturelles, puisqu’Elle les rapportoit toutes à Dieu.</hi></p>
          <p>Mr l’Evêque d’Alais entra ensuite dans le détail des actions de Sa Majesté, qui peuvent faire aller son Regne de pair, avec ceux de nos plus saints Monarques. L’heresie détruite, le blasphême puny, les vices proscrits ; le duel deffendu, sous des peines irremissibles ; l’entrée du Royaume ouverte à tous les Princes malheureux &amp; dépoüillez de leurs Etats ; &amp; des guerres entreprises &amp; soutenuës pour le seul interest de la Religion, furent les principaux traits de la vie du Roy, que cet Evêque mit en œuvre, &amp; dans un fort beau jour. <hi rend="i">Si nous nous souvenons, avec joye</hi>, dit-il ensuite, <hi rend="i">de toutes ses Victoires, &amp; de quelle importance elles ont esté à l’Etat, nous ne devons pas considerer, avec moins de plaisir, tant de vertus si utiles à nostre instruction, &amp; si propres à nous édifier, dont Dieu s’est plû à orner l’ame de ce Prince. Cette pieté, que l’Auteur de toutes choses a gravées dans le fond du cœur de ce Grand Monarque ; pieté qu’il prend tant de soin d’inspirer, non-seulement à sa Royale Famille ; mais aussi à tout son Peuple : cette moderation, dont la victoire, qui luy a fait si souvent gagner les cœurs de ceux dont il avoit triomphé par ses armes ; cette grandeur d’ame, &amp; cette patience dans l’adversité, qui l’ont fait paroître aussi grand dans ses disgraces, que dans ses plus éclatantes prosperitez ; cette temperance, qui nous fait voir ce que peut la Religion, en nous faisant voir un grand Prince, qui regne sur ses desirs ; cette douceur &amp; cette bonté qui temperent en luy le pouvoir souverain, &amp; qui luy font doublement porter l’Image de Dieu ; ce naturel bienfaisant, qui assortit si bien le caractere de Grandeur, qui est imprimé dans son Auguste Personne ; toutes ces choses,</hi> continua ce Prelat, <hi rend="i">doivent plus estre l’objet de nostre admiration, que les étonnantes prosperitez, qui ont accompagné les soixante premieres années de son Regne.</hi> Il dit ensuite ; que <hi rend="i">n’étant pas monté en Chaire, pour consacrer un éloge aux simples vertus du siecle, il en avoit destiné un à celles qui font un parfait Chrétien, &amp;</hi> que <hi rend="i">laissant à part tout ce qui montrera à la Posterité un Heros en la Personne du Roy, il n’avoit pretendu s’attacher qu’à ce qui fera voir à cette même Posterité, en la Personne de ce Prince, un Chrétien accomply, &amp; un Rigide Observateur des maximes Evangeliques ; je ne dois</hi>, poursuivit-il, <hi rend="i">ni donner à Sa Majesté ce qui ne luy appartient pas, ni dérober à Dieu ce qui luy appartient ; mais je puis admirer en la Personne de ce Grand Prince, les merveilles de la Providence, &amp; les Dons du Saint-Esprit, &amp; comme la Religion est un Commerce sacré, entre Dieu &amp; les hommes, qui a deux parties, &amp; qui consiste en ce que Dieu aime les hommes, &amp; leur fait don de ses Graces ; &amp; que les hommes aiment Dieu, &amp; luy rendent les hommages qu’ils luy doivent : rien ne m’empêche de chercher des exemples de l’une &amp; de l’autre, dans la maniere dont le Roy sert Dieu, &amp; dans la maniere dont Dieu benit le Roy.</hi> Cela donna lieu à Mr d’Alais, d’entrer dans un détail exact de tout ce que le Roy a fait pour la Religion ; &amp; il fit voir alors, que la Guerre que ce Prince soutient aujourd’huy, est une veritable Guerre de Religion, &amp; qu’ainsi, le Clergé a une double obligation de l’aider à la soutenir ; &amp; il exhorta tous les Membres qui composoient cette illustre Assemblée, de faire attention aux besoins de l’Etat, &amp; d’en faire une tres-serieuse à la cause qui les produit. Tout ce qu’il dit sur ce sujet fut tres-touchant, &amp; attira de grands applaudissemens à ce Prelat.</p>
          <p>Il fit ensuite l’Eloge du Roy d’Espagne, &amp; il fit remarquer, que dans la conjoncture, où se trouvent aujourd’huy les deux Monarchies, on ne doit point regarder la naissance du Prince des Asturies, comme un signe équivoque de la part que le Ciel prend dans cette grande guerre, &amp; qu’il ne pouvoit mieux marquer combien il s’interesse pour la cause que les deux Rois soutiennent, qu’en donnant à l’Espagne, une consolation qu’il luy a refusée, pendant un si grand nombre d’années, &amp; sous le Regne d’un des plus pieux Princes qu’elle ait jamais eu.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-01_108">
          <head>[Benefices donnez par le Roy dans la derniere Promotion]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, janvier 1708 [tome 1], p. 108-116.</bibl>
          <p/>
          <p>Saint Nicaise est le premier Evêque de Roüen dont le nom est venu jusqu’à nous. Douze de ses successeurs ont esté reconnus pour Saints. Clement VI. fut Archevêque de Roüen avant que d’estre élevé sur la Chaire de Saint Pierre. Cette Eglise a aussi donné 13. Cardinaux au sacré College, dont deux ont esté du sang Royal de France, &amp; plusieurs Chanceliers à ce Royaume. Les Papes Martin IV. &amp; Gregoire XI. ont esté Archidiacres de l’Eglise de Roüen. Ce Chapitre est composé de 50. Chanoines, dont il y a dix Dignitez, qui sont le Doyen, le Chantre, le Tresorier, six Archidiacres, &amp; un Chancelier, sans parler de huit moindres Chanoines, &amp; d’un tres-grand nombre de Beneficiers &amp; de Chapelains. Les Archidiacres ont sous eux 27. Doyennez Ruraux, dans lesquels on compte 1388. Paroisses, dont il y en a trente dans la Ville de Roüen &amp; cinq dans les Fauxbourgs. Il y a aussi vingt-six Abbayes dans le Diocese, en comprenant celles de Saint Oüen &amp; de Saint Amand, qui sont dans Roüen. On trouve dans cette Ville &amp; dans les Fauxbourgs 24. Maisons Religieuses d’Hommes, &amp; dix de Femmes. L’Eglise Metropolitaine est sous le vocable de <hi rend="i">Nôtre-Dame</hi>. On y voit une Cloche estimée une des plus grandes du monde. On l’appelle <hi rend="i">George d’Amboise</hi>, parce qu’elle fut faite par ordre du Cardinal de ce nom, Archevêque de Roüen. Le Tresor de la Sacristie estoit bien plus considerable avant qu’il eust esté pillé par les Protestans dans le seizieme siecle. Les Archevêques de Roüen, qui ont le titre de <hi rend="i">Primats de Normandie</hi>, se sont soustraits de la Primatie de Lyon depuis l’an 1457. que le Cardinal d’Estouteville obtint cette exemption du Pape Calixte III. &amp; tout recemment feu M<hi rend="sup">r</hi> Colbert dernier Archevêque de Roüen a fait confirmer par un Arrest du Conseil d’Etat, l’independance de son Eglise de celle de Lyon. Les Suffragans de Roüen sont Bayeux, Avranches, Evreux, Seez, Lisieux &amp; Coûtances. M<hi rend="sup">r</hi> de Medavy, Predecesseur immediat de M<hi rend="sup">r</hi> Colbert, avoit succedé à feu M<hi rend="sup">r</hi> de Harlay, qui fut transferé à l’Archevêché de Paris, aprés la mort de M<hi rend="sup">r</hi> de Perefixe, &amp; M<hi rend="sup">r</hi> de Harlay avoit eu l’Archevêché de Roüen aprés M<hi rend="sup">r</hi> de Harlay son oncle, dont la memoire est encore en veneration dans l’Eglise de Roüen, qu’il a édifiée par ses vertus, &amp; qu’il a enrichie par ses bienfaits &amp; par ses ouvrages.</p>
          <p>Sa Majesté a nommé M<hi rend="sup">re</hi> François de Chasteau-neuf de Rochebonne, Chantre, Chanoine, Comte de Lyon, &amp; l’un des Grand-Vicaires de Poitiers, à l’Evêché de Noyon, qui est une des douze anciennes Pairies de France. Ce Prelat est fils de Charles de Chasteau-neuf, Comte de Rochebonne, Commandant pour le Roy dans les Provinces du Lyonnois, Forest &amp; Beaujollois, ci-devant Mestre de Camp du Regiment de la Reine ; &amp; de Dame Therese de Grignan, sœur de François-Adhemar de Monteil, Comte de Grignan, Chevalier des Ordres du Roy, &amp; son Lieutenant General en Provence. La Maison de Château-neuf est ancienne dans l’Eglise de Lyon, où les Seigneurs de ce nom sont revêtus depuis long-temps du titre de <hi rend="i">Comte de Lyon</hi>. Il y a presentement un frere &amp; un oncle de ce nouveau Prelat dans ce Chapitre, où l’on se souvient encore d’y avoir vû le Comte de Rochebonne, un de ses grands oncles. Ce nouvel Evêque est Docteur de Sorbonne de la Maison de Navarre. Il estoit de la Licence qui finit en 1699. &amp; que l’on nomme aujourd’huy par excellence <hi rend="i">Licence de Mr l’Abbé de Soubize</hi>, à cause que cet illustre Prelat presentement Evêque de Strasbourg, en estoit le principal ornement, autant par son merite personnel que par sa grande naissance.</p>
          <p>M<hi rend="sup">r</hi> de Chasteau-neuf ayant toûjours esté sous les yeux d’un Evêque qui paroist santifié dés ce monde, il n’y a pas de doute que cet Eleve ne remplisse avec beaucoup de succés tous les devoirs de l’Episcopat.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-01_147">
          <head>[Dernier ouvrage de feu Mr Toinard]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, janvier 1708 [tome 1], p. 147-151.</bibl>
          <p/>
          <p>Il paroît depuis peu un Livre de feu Mr Toinard ; il est intitulé : <hi rend="i">Evangeliorum Armonia, Græco-Latina, Nicolai Toinardi, Aurelianensis.</hi> Cet Ouvrage est fort estimé &amp; rempli d’une grande érudition. Mr Toinard avoit tous les talens necessaires, pour travailler sur une matiere aussi difficile, puisqu’il entendoit parfaitement les Langues orientales. Il avoit composé, avant sa mort, un Traité, intitulé : <hi rend="i">Numismata Samaritana</hi> ; mais il n’a pû en voir l’impression achevée, de son vivant. La connoissance parfaite qu’il avoit de l’antiquité, luy avoit donné des liaisons, avec Mr Ezechiël Spanheim, qui au jugement des Critiques, est un des plus habiles Antiquaires de l’Europe. Ce sçavant homme, dont la derniere édition, qu’il a donnée à Londres (1706.) de son excellent Livre : <hi rend="i">De Præstantia &amp; usu Numismatum Antiquorum</hi>, en parlant des Medailles Samaritaines, ou Hebraïques, &amp; en rapportant les differens sentimens des Auteurs, sur l’ancienneté de ces Medailles ; &amp; aprés avoir nommé les plus grands Ecrivains, comme Juges de cette matiere, offre de s’en rapporter au jugement de Mr Toinard, sur ce qu’il dit des Medailles Samaritaines ; c’est-à-dire, de celles dont les caracteres sont <hi rend="i">Samaritains</hi>, &amp; de celles dont les caracteres sont <hi rend="i">Assiriens</hi>, qui sont les lettres Hebraïques d’aujourd’hui.</p>
          <p>Ce sçavant Auteur, publia il y a trois ans, un petit écrit Anonyme, qu’il avoit composé, en faveur de Mr l’Abbé de Longruë, &amp; des travaux, duquel il pretendoit que Mr Simon, à present dans les Païs étrangers, s’estoit fait honneur, dans ses <hi rend="i">Lettres choisies</hi>, sans le nommer. Mr Toinard découvrit la fraude, en faisant imprimer les deux Textes ; &amp; comme celuy de Mr l’Abbé de Longruë estoit plus ancien, quoyqu’il n’eut jamais esté imprimé, le soupçon de Plagiat tomba sur Mr Simon. Mr Toinard donna à ce petit écrit, qui fit beaucoup de bruit, en ce temps là, le titre de : <hi rend="i">Phenonomene litteraire, &amp;c.</hi> &amp; il donna par là, une preuve de l’amour qu’il avoit pour la verité &amp; du zele qu’il avoit pour la gloire du sçavant Abbé de Longruë.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-01_180">
          <head>[Mr de Bionville est nommé par le Roy, Maire Alternatif-Mi-Triennal de Mets, avec les Ceremonies qui ont esté observées en cette occasion]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, janvier 1708 [tome 1], p. 180-186.</bibl>
          <p/>
          <p>Le Roy, ayant créé, il y a plusieurs années, des Maires, en titre d’Office, dans toutes les Villes du Royaume ; &amp; le Public s’étant bien trouvé de cette Creation, Sa Majesté a jugé à propos de faire, par un Edit nouveau, ces Maires <hi rend="i">Anciens-Mi-Triennaux</hi>, &amp; d’en créer d’Alternatifs Mi-Triennaux. Il y a eu à Metz plusieurs Concurrens pour cet Office, nouvellement créé ; mais la preference a esté donnée à Mr de Bionville, fameux Avocat, à qui les belles Lettres ne sont pas moins connuës que la Jurisprudence, &amp; dont l’éloquence naturelle égale la solidité &amp; la vivacité de l’esprit ; de maniere que si ce choix avoit dépendu du Peuple, il luy auroit donné la preference, dont Sa Majesté l’a jugé digne.</p>
          <p>Le jour qui avoit esté marqué pour sa reception, il fut conduit de l’Hostel de Ville à la Cathedrale. La Garnison &amp; la Bourgeoisie estoient sous les armes, &amp; les tambours, les trompettes, les timbales, les haut-bois &amp; les violons, se faisoient entendre par toute la Ville. Il estoit accompagné des Officiers de l’Etat-Major, &amp; de tous les Officiers de Ville. Mr le Marquis de Refuge, Lieutenant General &amp; Commandant en Chef dans la Province, se trouva aussi à cette ceremonie, tant pour recevoir le serment de Mr de Bionville, que pour luy mettre l’épée au costé, au nom de S.M. ce qui fut fait, aprés une Messe &amp; un <hi rend="i">Te Deum</hi> en musique. Mr le Marquis de Refuge, qui n’est pas moins sçavant que brave, dit à ce nouveau Maire, en luy ceignant l’épée, ces paroles du Prophete Roy : <hi rend="i">Diffusa est gratia in labiis tuis, accingere gladio tuo, super femur tuum potentissime intende, prospere, procede &amp; regna.</hi> L’annoblissement est une prerogative attachée de tout temps à la Dignité de <hi rend="i">Maître Echevin</hi>, ou <hi rend="i">Maire de la ville de Metz</hi>, qui est Colonel du Peuple, &amp; qui le commande. Il est juste que ce Peuple ait un Noble à sa tête, puisqu’il est tres-aguerri &amp; tres-fidelle, &amp; reconnu pour tel, depuis plusieurs siecles. En 1552. il obligea Charles-Quint de s’éloigner, quoiqu’il eut assiegé la ville de Metz, avec trois Armées, &amp; Sa Majesté, connoissant la valeur de ce Peuple, luy a souvent abandonné la garde de la Ville, quoique cette Place soit des plus importantes de l’Etat, &amp; qu’il y eut des Armées ennemies, dans son voisinage. Le Comte de Souches, avec toutes les forces de l’Empereur, en 1674. le Duc de Lorraine, avec celles de l’Empereur, &amp; de l’Empire en 1677. &amp; le Duc de Marlborough, en 1705. avec les Troupes des Alliez, marcherent vers Metz, &amp; quoiqu’il ne fût gardé que par ses Habitans, tous ces Generaux l’ont toujours respecté.</p>
          <p>Plusieurs des Ancêtres de Mr de Bionville ont esté Maîtres Echevins, ou Maires de la Ville ; ainsi on peut dire qu’il est né dans le Commandement. La Ceremonie estant finie, on se rendit à l’Hostel de Ville, où l’on servit un repas magnifique, pour toutes les Puissances. Mr de Bionville leur donna à souper le même jour, &amp; ce repas fut suivy d’un grand bal, dont Me de Valombre, sa fille, fit les honneurs.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-01_186">
          <head>[Suite des Réjoüissances faites pour la prise du Chasteau de Lerida]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, janvier 1708 [tome 1], p. 186-189.</bibl>
          <p/>
          <p>Il s’est fait beaucoup de réjouïssances pour la prise du Chasteau de Lerida, qui n’ont pu trouver place dans mes Lettres, &amp; je vous ay seulement parlé des principales Festes qui ont esté données en réjoüissance de cette importante Conqueste, &amp; quoy qu’il ne soit plus temps de rappeller ce qui s’est fait à ce sujet, je ne puis m’empêcher de vous dire en peu de paroles que M<hi rend="sup">r</hi> Bouraine, Capitaine des 100. Chevaliers de la Compagnie, appellée <hi rend="i">des Buttes</hi>, établie à Chartres, a signalé son zele en cette occasion, &amp; a fait chanter un <hi rend="i">Te Deum</hi> en Musique dans l’Eglise des Cordeliers. Je ne vous diray rien du feu d’artifice, qui fut tiré le soir, ni des Inscriptions qui l’ont accompagné, non plus que des illuminations, &amp; du vin qui fut distribué au peuple. J’ajouteray seulement que M<hi rend="sup">r</hi> Bouraine, donna un magnifique souper aux 100. Chevaliers de sa Compagnie, &amp; qui fut suivi d’un grand Bal.</p>
          <p>Les Habitans de la ville de Mortain, en basse Normandie, sujets de S.A.R. se sont aussi fort distinguez. Le <hi rend="i">Te Deum</hi> fut chanté solemnellement par les Chanoines de l’Eglise Collegiale, en presence de tous les Officiers du Bailliage, de la Vicomté, &amp; de l’Election, qui y assisterent en Corps. Le feu fut allumé ensuite par Mr l’Abbé de Viré, Doyen du Chapitre, &amp; par celuy qui estoit à la teste du Corps des Officiers. Il y eut plusieurs décharges de mousqueterie, au bruit des acclamations publiques. Toute la Ville fut illuminée ; il y eut plusieurs repas particuliers, &amp; le Chapitre &amp; les Officiers, regalerent les principales personnes de la Ville.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-01_189">
          <head>La Prise de Lerida. Sonnet</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, janvier 1708 [tome 1], p. 189-195.</bibl>
          <p/>
          <p>Je ne puis mieux placer le Sonnet qui suit, qu’aprés les Rejoüissances que vous venez de lire ; &amp; je crois pouvoir vous dire, sans chercher à vous prévenir en sa faveur, qu’il a esté fort applaudy.</p>
          <quote>
            <label><hi rend="sc">La Prise de Lerida.</hi><lb/>SONNET.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Fastueux Ecrivains, qui tracez dans l’Histoire</hi></l>
              <l><hi rend="i">Tant de Faits merveilleux du Grec &amp; du Romain,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Cessez de nous vanter leur courage hautain,</hi></l>
              <l><hi rend="i">La France a des Héros plus dignes de memoire.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Harcourt qu’on vit voler de Victoire en Victoire,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ouvrit au Grand Condé ce glorieux Chemin ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Tout couverts de Lauriers &amp; la Palme à la main</hi></l>
              <l><hi rend="i">Des plus fiers Conquerans ils ternirent la gloire.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">La fortune, il est vray, contr’eux à Lerida,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Malgré tant de valeur autrefois decida.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Mais des loix du destin, sçachez l’ordre immuable.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">De ce Roc orgueilleux, construit par les Geans,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Le sort ne leur rendit l’abord impénetrable</hi></l>
              <l><hi rend="i">Que pour le reserver aux Armes d’ORLEANS.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
          <p>Ce Sonnet est d’un homme dont le merite est connu, &amp; qui n’a pas moins d’érudition que d’esprit. La gloire de S.A.R. luy estant chere, il resolut d’ouvrir sa veine pour la chanter, quoiqu’il ne fasse que tres-rarement des Vers. Il montra ce Sonnet à une Dame de consideration, &amp; dont l’esprit est du premier ordre. Cette Dame luy dit, aprés l’avoir lû, qu’elle le trouvoit fort beau, &amp; que rien ne consacroit mieux que les beaux ouvrages, la gloire des Heros à la posterité, sans quoi elle ne leur rendroit pas toujours toute la gloire qui leur est dûë ; mais que cela ne suffisoit pas, &amp; que pour bien imprimer leurs grandes actions dans l’esprit des Peuples, il falloit des ouvrages qui pûssent non-seulement estre chantez dans les ruelles ; mais aussi parmy les personnes de toutes sortes d’étages, &amp; que tout ce que l’on appelloit <hi rend="i">Vaudeville</hi>, ne devoit pas estre si indifferent que son nom le marquoit, parce qu’il ne s’agissoit que de chançons, mais que ces sortes d’ouvrages sont souvent remplis de veritez, de vivacité, &amp; d’esprit : qu’ils sont chantez de tout le monde, &amp; que plusieurs personnes font des Recüeils de ceux qui sont les plus applaudis ; &amp; cette Dame prit delà ocasion de luy en apporter plusieurs, qui avoient esté faits, il y a prés d’un siecle.</p>
          <p>L’Auteur du Sonnet, persuadé de la verité de tout ce que luy dit cette Dame, resolut d’essayer, s’il pouroit badiner en Vers, s’il m’est permis de parler ainsi, quoiqu’il soit d’un caractere oposé. Je ne prétens pas, quoique je me serve du mot de badiner, avilir les ouvrages, dont je veux parler, &amp; je crois même qu’il est beaucoup plus facile de faire des ouvrages heroïques, que de badiner avec esprit, &amp; dans le goût de ceux qui l’ont le plus délicat.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-01_195">
          <head>[Chanson sur le même sujet, sur l’air du Bransle de Mets]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, janvier 1708 [tome 1], p. 195-209.</bibl>
          <p/>
          <p>Enfin, l’Auteur du Sonnet, animé par tout ce qu’on venoit de luy dire, &amp; tout remply du desir d’entendre chanter par tout, la gloire de S.A.R. forma aussi tost le dessein de faire un assez grand nombre de couplets de chançon, pour pouvoir donner une idée de tout ce qui s’est passé au Siege de Lerida, &amp; il fit les couplets suivans, sur l’air du <hi rend="i">Bransle de Metz</hi> ; cet air estant fort connu &amp; fort aimé du Peuple, &amp; tous les jours, dans la bouche du Public, s’il m’est permis de parler ainsi.</p>
          <p>Voicy ces couplets. Vous sçavez que dans ces sortes d’ouvrages, on ne s’attache pas scrupuleusement à la richesse des rimes.</p>
          <quote>
            <lg>
              <l><hi rend="i">A celebrer la proüesse</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Du Neveu du Grand Loüis,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Animons-nous, chers Amis,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et chantons, pleins d’allegresse,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">La Prise de Lerida</hi></l>
              <l><hi rend="i">Met la Catalogne en presse ;</hi></l>
              <l> <hi rend="i">La Prise de Lerida</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Met l’Archiduc à quia.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Pour ce recit d’importance,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Belles, prêtez-nous la main,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Et joignons au Dieu du Vin</hi></l>
              <l><hi rend="i">Les jeux, les ris &amp; la dance ;</hi></l>
              <l> <hi rend="i">La Prise de Lerida</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ramene la joye en France ;</hi></l>
              <l> <hi rend="i">La, &amp;c.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Ce fut chose à tous connuë</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Que l’Espagne en desarroy,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Ne pouvoit garder son Roy,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Sans estre mieux deffenduë ;</hi></l>
              <l> <hi rend="i">La Prise de Lerida</hi></l>
              <l><hi rend="i">Rend la Ligue confonduë ;</hi></l>
              <l> <hi rend="i">La, &amp;c.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Sans faire le Politique,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Ni trancher du grand esprit ;</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Je sçay pourtant que Madrid</hi></l>
              <l><hi rend="i">Craignoit ce Siege tragique ;</hi></l>
              <l> <hi rend="i">La Prise de Lerida</hi></l>
              <l><hi rend="i">Luy sembloit problematique ;</hi></l>
              <l> <hi rend="i">La, &amp;c.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Mais</hi>
                <hi rend="sc">Orleans</hi>
                <hi rend="i">plein d’audace</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Et pour qui rien n’est trop chaud ;</hi></l>
              <l> <hi rend="i">De Paris ne fait qu’un saut,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Pour affronter cette Place ;</hi></l>
              <l> <hi rend="i">La Prise de Lerida</hi></l>
              <l><hi rend="i">N’est pas ce qui l’embarasse ;</hi></l>
              <l> <hi rend="i">La, &amp;c.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Arrivé sur la frontiere,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Les Espagnols à l’envy,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Accourent tous devant luy ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Les Boiteux, fort loin derriere :</hi></l>
              <l> <hi rend="i">La Prise de Lerida</hi></l>
              <l><hi rend="i">Fait prendre à tous la rapiere ;</hi></l>
              <l> <hi rend="i">La, &amp;c.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Même on tient pour veritable,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Qu’en sa route on ne voyoit</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Que Castillanes au guet,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Toute d’humeur fort traitable ;</hi></l>
              <l> <hi rend="i">La Prise de Lerida</hi></l>
              <l><hi rend="i">Rend ce Prince impraticable ;</hi></l>
              <l> <hi rend="i">La, &amp;c.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Plein d’une ardeur Martiale,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Il vole vers Almansa ;</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Son seul nom lors avança</hi></l>
              <l><hi rend="i">La déroute Imperiale ;</hi></l>
              <l> <hi rend="i">La Prise de Lerida</hi></l>
              <l><hi rend="i">Concertée à la Royale ;</hi></l>
              <l> <hi rend="i">La, &amp;c.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Du même pas il enfile</hi></l>
              <l> <hi rend="i">La route de l’Arragon,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">De ce Royaume félon,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Il n’épargne aucune Ville ;</hi></l>
              <l> <hi rend="i">La Prise de Lerida</hi></l>
              <l><hi rend="i">En vaut seule autant que mille ;</hi></l>
              <l> <hi rend="i">La, &amp;c.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Sarragosse, en sa puissance,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Combien d’autres Generaux</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Auroient-ils fait là de maux,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Pillans tableaux &amp; finance ?</hi></l>
              <l> <hi rend="i">La Prise de Lerida</hi></l>
              <l><hi rend="i">Est son unique esperance ;</hi></l>
              <l> <hi rend="i">La, &amp;c.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Loin d’entendre le grimoire</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Qui se pratique en ce cas,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Il méprise or &amp; ducats,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et ne vise qu’à la gloire ;</hi></l>
              <l> <hi rend="i">La Prise de Lerida</hi></l>
              <l><hi rend="i">N’enrichit que son histoire ;</hi></l>
              <l> <hi rend="i">La, &amp;c.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Mais icy prenons haleine,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Et de ce jus tout divin,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Bûvons un coup en chemin,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Même une demie douzaine ;</hi></l>
              <l> <hi rend="i">La Prise de Lerida</hi></l>
              <l><hi rend="i">En vaut ma foy bien la peine ;</hi></l>
              <l> <hi rend="i">La, &amp;c.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">A cette orguëilleuse Roche,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Faite de mains de Geans,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Sans s’étonner ;</hi>
                <hi rend="sc">Orleans,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Dit, je tiens l’affaire en poche ;</hi></l>
              <l> <hi rend="i">La Prise de Lerida,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Dont il médite l’approche ;</hi></l>
              <l> <hi rend="i">La, &amp;c.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Icy, sans obstacle, il tranche,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Et luy seul son Conseiller,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Il s’apprête à batailler :</hi></l>
              <l><hi rend="i">Il avoit la Carte blanche ;</hi></l>
              <l> <hi rend="i">La Prise de Lerida,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Qui de son mieux se retranche ;</hi></l>
              <l> <hi rend="i">La, &amp;c.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Suivant en tout la prudence,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Ne donnant rien au hazard,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">On le prend pour un Cesar,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Tant il entre bien en danse ;</hi></l>
              <l> <hi rend="i">La Prise de Lerida,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Qu’il sçait mener en cadence ;</hi></l>
              <l> <hi rend="i">La, &amp;c.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">La main luy-mesme à l’ouvrage</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Du siege il trace le Plan,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Et comme un autre Vauban,</hi></l>
              <l><hi rend="i">A ce mêtier il fait rage.</hi></l>
              <l> <hi rend="i">La prise de Lerida,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Si fier de son pucelage,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">La, &amp;c.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Mais ce fut chose bien triste,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Lorsque le Camp s’innonda,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Le Grivois se débanda,</hi></l>
              <l><hi rend="i">On n’en trouvoit plus la piste.</hi></l>
              <l> <hi rend="i">La prise de Lerida,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Où ce Heros seul insiste,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">La, &amp;c.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Le pain d’un Ducat la livre</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Ou peu de chose s’en faut</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Le Soldat crie tout haut</hi></l>
              <l><hi rend="i">Mon Prince, item, il faut vivre.</hi></l>
              <l> <hi rend="i">La prise de Lerida,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Aux plus grands dangers le livre</hi></l>
              <l> <hi rend="i">La, &amp;c.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">L’Officier sans ressource</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Perd tout espoir &amp; vigueur,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Il luy releve le cœur</hi></l>
              <l><hi rend="i">Par son crédit &amp; sa bourse.</hi></l>
              <l> <hi rend="i">La prise de Lerida</hi></l>
              <l><hi rend="i">Par la Gloire le rembourse,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">La, &amp;c.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Alors la Junte troublée</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Veut laisser là ce dessein,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Il avoit la bale en main,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Pourquoy l’auroit-il lâchée ?</hi></l>
              <l> <hi rend="i">La prise de Lerida</hi></l>
              <l><hi rend="i">Qu’il avoit si haut jurée,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">La, &amp;c.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Plein de l’exemple d’un Pere,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Que jamais on n’oublira,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">L’Espagne, dit-il, verra,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ce que Cassel a vû faire.</hi></l>
              <l> <hi rend="i">La prise de Lerida,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Si digne de sa colere,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">La, &amp;c.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Jour &amp; nuit dans la tranchée</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Comme le moindre Aigrefin,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Il y jette au Fantassin,</hi></l>
              <l><hi rend="i">L’or &amp; l’argent à poignée.</hi></l>
              <l> <hi rend="i">La prise de Lerida,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Vaut bien ceinture dorée,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">La, &amp;c.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Et l’a gîté comme un Liévre</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Qui d’autre retraite n’a,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Il y prend son quinquina,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et se mocque de la fiévre.</hi></l>
              <l> <hi rend="i">La prise de Lerida,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Vouloit un Prince aussi miévre,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">La, &amp;c.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Bravant ce Peuple féroce,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Il arrive au pied du roc,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Et frappe, ab hac &amp; ab hoc,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Sans craindre playe ny bosse,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">La prise de Lerida</hi></l>
              <l><hi rend="i">N’est pour luy qu’un jour de nôce,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">La, &amp;c.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Lors à grands cris l’on appelle,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">La troupe de Gallowé</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Au secours tout preparé,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Mais</hi>
                <hi rend="sc">Orleans</hi>
                <hi rend="i">fond sur elle,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">La Prise de Lerida,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Q’enfin ce Mars dépucelle,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">La, &amp;c.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Sus donc, qu’on prenne le verre ;</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Renouvellons nos efforts,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Et beuvons à rouges bords,</hi></l>
              <l><hi rend="i">A ce grand foudre de guerre,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">La prise de Lerida,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Met nos ennemis par terre,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">La prise de Lerida,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Met l’Archiduc à quia.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-01_215">
          <head>[Epitre en Vers, de Minerve, à Mr le Marquis de Chamillart]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, janvier 1708 [tome 1], p. 215-226.</bibl>
          <p/>
          <p>Vous aviez raison de me demander les Vers qui ont esté faits pour Mr le Marquis de Chamillart dans le temps qu’il estoit dans l’Armée de Flandre. Ils n’estoient pas encore tombez entre mes mains, lors que vous m’avez mandé que vous souhaitiez de les voir ; mais enfin m’estant mis en peine de les chercher ; le bruit de leur réputation a esté cause qu’il ne m’a pas esté fort difficile d’en trouver une copie : je vous l’envoye.</p>
          <quote>
            <label>A MONSIEUR LE REBOURS.<lb/><hi rend="i">ENVOY.</hi></label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Reçois ces Vers que je t’adresse,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Je sçais, pour Chamillart quel zele t’interesse,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et c’est à la faveur d’un nom si glorieux</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Que ma Muse s’offre à tes yeux</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Si tu luy trouves quelque grace,</hi></l>
              <l><hi rend="i">La source n’en est pas dans le sacré valon,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Elle te doit sa noble audace,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Et tu luy tiens lieu d’Apollon.</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Accepte donc son juste hommage,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Elle est seure de l’obtenir,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Puisqu’elle a le double avantage,</hi></l>
              <l><hi rend="i">De chanter Chamillart &amp; de t’appartenir.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
          <quote>
            <label>MINERVE.<lb/>A MONSIEUR LE MARQUIS DE CHAMILLART.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Tu ne te croyois plus sous les yeux de Minerve ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">J’avois quitté la terre ; il est vray, Chamillart :</hi></l>
              <l><hi rend="i">Mais comme de l’Olympe, avec soin je t’observe,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Mon retour de bien prés a suivy mon départ.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Dans ce Camp que tes yeux viennent de reconnoître,</hi></l>
              <l><hi rend="i">J’ay cru, n’en rougis pas, qu’il falloit t’éclairer ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et dans ce noble soin dont t’a chargé ton Maître,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Sans moy, tes jeunes ans auroient pû s’égarer.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Ne me déguise rien ; déja seur de toy-même,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Tu croyois te passer de mes heureux secours ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Mais quand on aime bien, on craint pour ce qu’on aime :</hi></l>
              <l><hi rend="i">Je ne te confieray qu’à l’auteur de tes jours.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">C’est moy, qui dans ce Camp, où Vendosme preside,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Mon Egide à la main, marchois devant tes pas :</hi></l>
              <l><hi rend="i">C’est moy, dans tous les rangs, qui te servois de guide,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Quand tes yeux parcouroient les Chefs &amp; les Soldats.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">De quelle vive ardeur brûle toute l’Armée ?</hi></l>
              <l><hi rend="i">Que Vendosme est content du cœur de ses Guerriers :</hi></l>
              <l><hi rend="i">Sa main, dans l’Ausonie, à vaincre accoutumée,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Aspire, chez le Belge, à de nouveaux lauriers.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">LOUIS, je l’ay prédit ; l’effet suivra l’oracle,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Va s’immortaliser par de nouveaux Exploits.</hi></l>
              <l><hi rend="i">La fortune à ses vœux n’a mis qu’un vain obstacle :</hi></l>
              <l><hi rend="i">Elle sera forcée à rentrer sous ses loix.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Que dis-je ? Le destin, par d’heureuses premices,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Vient de justifier ce que j’ay pressenti ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et s’il a contre lui déployé ses caprices,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Il a connu son crime, &amp; s’en est repenti.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Sur les champs d’Almanza voy triompher l’Ibere,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Le Batave &amp; l’Anglois, éperdus &amp; tremblans,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Des superbes apprêts de leur vaine colere,</hi></l>
              <l><hi rend="i">N’emportent aprés eux que les débris sanglans.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Voy, d’un autre costé, les remparts mis en poudre,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Villars glace d’effroy l’indomptable Germain,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Tout fuit devant ses pas, ou tombe sous la foudre,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Que le plus grand des Rois a remise en sa main.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Des plus audacieux, par tout l’orguëil expire ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Par tout plus que jamais refleurissent les Lys ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ces Titans, qui des yeux devoroient vostre Empire,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Sous des Monts entassez semblent ensevelis.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">A ce nom de Titans, tu ne peux te méprendre ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Rappelle, Chamillart, ce que tes yeux ont vû.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Tel vouloit attaquer, qui songe à se deffendre ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Tel se croyoit Vainqueur, qui craint d’estre vaincu.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Je voudrois bien, mon fils, t’en dire davantage :</hi></l>
              <l><hi rend="i">Mais respectons du sort les Ordres éternels :</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ses terribles secrets cachez sous un nuage,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ne se dévoîlent pas aux regards des mortels.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Les Dieux-mêmes, les Dieux n’ont pas ce privilege :</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ainsi dans l’avenir, ne porte pas tes yeux :</hi></l>
              <l><hi rend="i">Espere seulement ; Minerve te protege ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et ton Auguste Maistre est cher à tous les Dieux.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Mais, j’apperçois déja ce Palais magnifique,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Digne &amp; brillant sejour du Grand Roy que tu sers ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">C’est là que ce Heros, sans relâche s’applique</hi></l>
              <l><hi rend="i">A regler, comme nous, le sort de l’Vnivers.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">C’est là, qu’auprés de luy tu vas revoir ton pere.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Arrête tes transports pouroient estre indiscrets :</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et tandis que LOUIS, avec luy delibere,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Tu ne dois pas troubler leurs augustes secrets.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Voy, quel silence regne autour de cette porte ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Du bonheur de la France, ils doivent ordonner.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Demeure ; &amp; cependant, en attendant qu’on sorte,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ecoute les conseils que je vais te donner.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">A l’Auteur de tes jours, si LOUIS se confie,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Il doit à ses vertus ce titre glorieux ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Par d’assidus travaux, il faut qu’il justifie,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Que sur luy son Monarque à dû jetter les yeux.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Si tu veux obtenir de mêmes recompenses,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Par les mêmes vertus, il y faut arriver.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Il en a mis en toy les premieres semences ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Par les mêmes travaux tu dois les cultiver.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Tu ne sçaurois choisir un plus parfait modele ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Du Peuple &amp; des Soldats, c’est le Pere &amp; l’appuy :</hi></l>
              <l><hi rend="i">Tu connois pour son Roy son amour &amp; son zele :</hi></l>
              <l><hi rend="i">Tu dois luy ressembler, estant sorty de luy.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Voy, parmy tant de soins si grands, si difficiles,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Comme il agit sans cesse, &amp; semble estre en repos ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Tel un fleuve pompeux, roule ses eaux tranquiles,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et sans trouble &amp; sans bruit, enrichit les costeaux.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Si dans tes premiers pas il soutient ta foiblesse,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Tu pouras.... Mais on vient ; c’est luy que j’apperçois :</hi></l>
              <l><hi rend="i">Tu vas le voir ; l’entendre : il suffit : je te laisse :</hi></l>
              <l><hi rend="i">Qui peut le consulter, n’a plus besoin de moy.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-01_227">
          <head>[Mort de Catherine Neufville-Villeroy, Comtesse d’Armagnac]*</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, janvier 1708 [tome 1], p. 227-235.</bibl>
          <p/>
          <p>Je passe au dernier Article des morts, &amp; quoy qu’il y en ait déja beaucoup dans cette Lettre ; je me trouve néanmoins encore obligé d’en reserver quantité d’autres pour le mois prochain.</p>
          <p>Dame Catherine de Neuf-ville-Villeroy, Comtesse d’Armagnac, est morte âgée de 65. ans. Elle a laissé de son mariage avec Louis de Lorraine, Comte d’Armagnac &amp; de Brionne, Grand Ecuyer de France, Gouverneur d’Anjou, &amp; Chevalier des Ordres du Roy, Henry de Lorraine II. du nom, Comte de Brionne, reçu en 1677. Grand Ecuyer de France en survivance de Mr le Comte d’Armagnac son pere, &amp; Gouverneur d’Anjou aussi en survivance en 1684. Il épousa en 1689. Marie d’Epinay, fille unique de Mr le Marquis d’Epinay, Duretal, &amp; de Broon, dont il a eu Mr le Comte de Lambesc ; les freres &amp; sœurs de ce Marquis sont, François-Armand, Abbé de Royaumont, de Châteliers, &amp; de Saint Faron ; Camille de Lorraine, nommé <hi rend="i">le Prince Camille</hi>, Maréchal des Camps &amp; Armées du Roy ; Louis-Alphonse-Ignace, dit <hi rend="i">le Bailly de Lorraine</hi>, Chevalier de Malthe, Chef d’Escadre des Armée Navales, tué à la Bataille de Malaga le 24. Aoust 1704. Anne-Marie, Bachelier de Sorbonne, connu sous le nom d’<hi rend="i">Abbé d’Armagnac</hi> ; le <hi rend="i">Prince Charles</hi>, Mestre de Camp &amp; Brigadier de Cavalerie ; Marguerite, mariée en 1675. à Don Nunno-Olvadez-Pereyra-de-Mello-de-Bragance, Duc de Cadaval, Grand de Portugal, &amp; Grand-Maistre de la Maison de la feuë Reine de Portugal, veuf de Marie-Angelique-Henriette de Lorraine, sœur de Mr le Prince d’Harcourt ; Marie de Lorraine, mariée à Antoine Grimaldi, Duc de Valentinois, Prince de Monaco ; Charlotte dite <hi rend="i">Mademoiselle d’Armagnac</hi>, &amp; trois autres filles mortes en bas âge. M<hi rend="sup">e</hi> la Comtesse d’Armagnac estoit fille de Nicolas III. du nom, Duc de Villeroy, Pair &amp; Maréchal de France, Gouverneur du Roy, Chevalier des Ordres de Sa Majesté, Gouverneur du Lyonnois, Forests &amp; Beaujollois, &amp; de Madelaine de Crequi, Dame de Mions &amp; de Chaponay, seconde fille de Charles, Sire de Crequi, Duc de Lesdiguieres, Pair &amp; Maréchal de France, &amp; de Madelaine de Bonne sa premiere femme, fille du Connestable de Lesdiguieres. Elle estoit sœur de Monsieur le Maréchal de Villeroy, qui a eu de Dame de N… de Cossé, sœur de feu Monsieur le Duc de Brissac, M<hi rend="sup">r</hi> le Duc de Villeroy, qui a épousé Mlle de Louvois, M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé de Villeroy, &amp; M<hi rend="sup">r</hi> le Chevalier de Villeroy, qui périt dans un Combat que les Caleres de Malthe donnérent contre les Turcs, il y a prés de dix ans, &amp; de Françoise de Neufville, qui épousa en premieres noces le Comte de Tournon ; en seconde le Duc de Chaulnes, &amp; en troisiéme le Marquis d’Hauterive. Nicolas de Neufville I. du nom, Seigneur de Villeroy, fut Lieutenant general au Gouvernement de l’Isle de France, Gouverneur de Pontoise, Mante, &amp; Meulan, &amp; Prevost des Marchands de la Ville de Paris en 1568.</p>
          <p>Nicolas de Neufville son fils, Secretaire d’Etat, servit utilement quatre de nos Rois ; sçavoir, Charles IX. Henry III. Henry IV. &amp; Louis XIII. au commencement de son regne. Il commença à exercer cette Charge à l’âge de vingt-quatre ans, qu’il eut du celebre Claude de l’Aubespine-Chasteau-neuf dont il avoit épousé la fille. Madelaine de l’Aubespine bisayeule de M<hi rend="sup">e</hi> la Comtesse d’Armagnac s’est renduë illustre par son esprit autant qu’elle l’estoit par sa beauté. Elle composa plusieurs ouvrages en Prose &amp; en Vers, &amp; on luy attribuë une Traduction des Epîtres d’Ovide. Ronsard l’a fort chantée dans ses Poësies. Elle mourut à Villeroy en 1596. &amp; Aubertau, Evêque de Seés, un des beaux esprits de son temps, fit son Epitaphe. Elle fut mere de Charles de Neufville, Marquis d’Alincourt, Gouverneur de Lyonnois, Forest &amp; Beaujollois, qui laissa de Jacqueline de Harlay, outre Nicolas de Neufville, dont je viens de parler, Camille Archevêque de Lyon, &amp; Commandeur des Ordres du Roy, &amp; Ferdinand, Evêque de Chartres. Madelaine sa fille, premiere femme de Pierre Brulart, Marquis de Sillery, Secretaire des Ordres, fut digne fille d’une mere si illustre. Elle eut relation avec les Sçavans de son temps.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-01_244">
          <head>[Détail tres-exact de la feste donnée par le Roy, à Versailles, la veille de la feste des Rois]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, janvier 1708 [tome 1], p. 244-288.</bibl>
          <p/>
          <p>Il est de certains usages, ausquels les siecles n’ont point porté d’atteintes, &amp; il paroît qu’on ne pouroit, sans irreligion, manquer à les observer, quoy que cependant, il semble estre permis de ne les pas suivre, &amp; que l’on ne fasse point un crime à ceux qui ne les observent pas. La Fête appellée, <hi rend="i">des Rois</hi>, est de ce nombre ; &amp; ce qui s’est toujours pratiqué la veille de cette Fête, &amp; souvent le jour, s’est fait de tout temps, avec plus ou moins d’éclat, selon la naissance &amp; la fortune de ceux qui s’assemblent ces jours-là, pour suivre un usage estably de tous les temps. On ne doit pas s’estonner si le Roy, qui s’est toujours conformé à tout ce qu’il a trouvé estably, avec justice, &amp; sur tout aux choses qui ont des apparences de Religion, quelques legeres qu’elles soient, a toujours observé, avec un éclat digne de son rang, &amp; de la magnificence qui luy est naturelle, ce qui se pratique dans le temps de la Fête <hi rend="i">des Rois</hi>. Cette magnificence a paru cette année, avec toute son estenduë, la veille de la Fête des Rois, S.M. ayant resolu de regaler ce jour là une partie des principales Dames de la Cour, en leur donnant un soupé, qui devoit estre servi sur quatre tables differentes, de dix-huit couverts chacune, &amp; qui devoit estre suivy d’un magnifique Bal, où devoient danser une partie des Dames du souper, ainsi que plusieurs Dames de distinction, &amp; les principaux Seigneurs de la Cour.</p>
          <p>Pour donner quelque ordre à cette Relation, je crois la devoir commencer par la maniere, dont l’escalier, par lequel on devoit passer, à l’Appartement où les tables estoient dressées, estoit illuminé ; &amp; lorsque je vous auray dit tout ce qui regarde cet Apartement, qui est le petit Apartement de Sa Majesté, &amp; que je vous auray parlé des ordres qui avoient esté donnez, afin que tout se passât sans confusion, pour le service de quatre tables, qui devoient estre remplies de soixante-douze personnes ; je les laisserai ensuite à table, aprés les avoir toutes nommées, &amp; vous avoir dit ce qui se passa à ces tables, &amp; pendant que l’on s’y divertira, suivant l’usage du jour, je passeray à l’appartement destiné pour le Bal, où j’entreray par l’escalier, qui y conduisoit, &amp; qui est du costé de la Chapelle ; &amp; aprés vous avoir fait une peinture de cet Appartement, je vous parleray du grand Salon, qui est à l’autre bout de cet Appartement, d’où j’entreray dans la Gallerie, afin de faire une description de l’estat où elle estoit alors, &amp; de tout ce que l’on avoit fait pour la rendre toute brillante de lumieres ; &amp; lorsque je vous auray fait voir les mesures que l’on avoit prises pour l’entrée des personnes à qui il devoit estre permis de voir le Bal, sans danser, je retourneray prendre l’Auguste Compagnie, qui remplissoit les quatre tables, pour la conduire au Bal, dont je vous parleray ensuite, aussi-bien que des habits, &amp; de ce qui se passa au Bal, jusques à quatre heures du matin, que le Roy d’Angleterre, &amp; Madame la Princesse sa sœur, retournerent à S. Germain.</p>
          <p>Le premier des escaliers, dont je viens de vous parler, estoit illuminé par un grand nombre de Girandoles, posées sur de grands gueridons, que l’on nomme, <hi rend="i">Torcheres</hi>, &amp; par un grand nombre de bougies, placées sur les rampes, &amp; les lumieres que produisoient plusieurs lustres, qui estoient dans les deux pieces que l’on voit vis-à-vis &amp; à la droite du haut de cet escalier, estant jointes à celles dont je viens de vous parler, produisoient toutes ensemble, un si grand éclat, qu’il ne pouvoit estre effacé que par celuy des Apartemens &amp; de la Gallerie.</p>
          <p>On entroit ensuite dans la Salle des Gardes, dans laquelle on avoit dressé des tables, où le fruit estoit posé.</p>
          <p>Les buffets estoient dressez dans la piece suivante, d’où l’on entroit, dans ce que l’on appelle aujourd’huy, <hi rend="i">le Sallon</hi>. Ce Sallon, quoy que plus long que large, n’est fait que depuis quelques années, &amp; il est composé de ce qui comprenoit auparavant l’Antichambre &amp; la Chambre de Sa Majesté, qui est presentement dans le lieu que l’on nommoit cy-devant <hi rend="i">le Sallon</hi>. Les quatre tables estoient dressées dans le nouveau Sallon, dont je viens de vous parler.</p>
          <p>Je ne vous dis point que les trois pieces dont j’ay parlé d’abord, estoient toutes brillantes de lumieres, puisqu’il est aisé de se l’imaginer. Je passe à ce qui avoit esté arresté, afin que le service pût estre fait sans confusion, quoy qu’il y eût quatre grandes tables à servir.</p>
          <p>Soixante-douze Suisses, de la Compagnie des Cent-Suisses de Sa Majesté, avoient esté choisis pour porter les plats ; &amp; comme il estoit impossible qu’il n’y eût de la confusion, si chacun ne sçavoit à quelle table il devoit porter les plats, dont il estoit chargé, ces quatre Quadrilles de Suisses, avoient chacune des rubans de couleurs differentes, &amp; marquées pour chaque table ; en sorte que ceux d’une Quadrille ne pouvoient se mêler avec ceux de l’autre, aucun ne se separant de ceux qui portoient des rubans d’une même couleur.</p>
          <p>On avoit nommé plusieurs Controlleurs de la Maison du Roy, pour poser les viandes ; de maniere qu’il y en avoit deux à chaque table, pour faire cette fonction.</p>
          <p>Le service des Officiers du Gobelet, fut aussi partagé, touchant ce qui regarde leurs Charges ; &amp; Mr Benoist, Controlleur de la Maison du Roy, regloit toutes les tables.</p>
          <p>Mr le Marquis de Livry, Premier Maître d’Hostel, eut l’honneur de servir Sa Majesté, &amp; Mr Felix, Controlleur general de la Maison du Roy, eut celuy de servir Monseigneur le Dauphin.</p>
          <p>Le Roy soupa à dix heures, à son ordinaire ; &amp; Sa Majesté ayant esté avertie qu’Elle estoit servie, entra dans la Gallerie, seulement pour y jetter un coup d’œil, afin de voir l’effet du grand nombre de lumieres, qui en faisoient briller toutes les beautez. Sa Majesté estoit acompagnée du Roy d’Angleterre, de Madame la Princesse sa Sœur, de tous les Princes, de toutes les Princesses de la Maison Royale, &amp; de toutes les personnes qui devoient avoir, ce soir là, l’honneur de manger aux tables qui venoient d’estre servies.</p>
          <p>Voicy les noms des personnes qui mangeoient à ces Tables.</p>
          <quote>
            <label>PREMIERE TABLE.</label>
            <p><hi rend="i">LE ROY,</hi> &amp; à la droite de Sa Majesté, <hi rend="i">LE ROY D’ANGLETERRE.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Madame LA PRINCESSE D’ANGLETERRE.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Madame</hi>, à la gauche de Sa Majesté.</p>
            <p><hi rend="i">Madame la Duchesse de Bourgogne.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Madame la Duchesse d’Orleans.</hi></p>
            <p>Les autres places furent occupées indifferemment. Celles qui les remplirent, sont :</p>
            <p><hi rend="i">Madame la Duchesse d’Aumont,</hi> qui fut Reine.</p>
            <p><hi rend="i">Me la D. de la Ferté.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Me la D. de Brancas.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Me la D. de Roquelaure.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Me la D. du Lude.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Me de Middelton.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Me la Princesse de Montauban.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Me la Princesse d’Epinoy.</hi></p>
            <p><hi rend="i">&amp; Me la Princesse d’Harcourt.</hi></p>
            <p>16.</p>
          </quote>
          <quote>
            <label>SECONDE TABLE.</label>
            <p><hi rend="i">MONSEIGNEUR.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Monsieur le Duc d’Orleans.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Madame la Duchesse</hi>, qui fut Reine.</p>
            <p><hi rend="i">Mademoiselle de Bourbon.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Mademoiselle de Conty.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Me la Duchesse d’Albe.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Me de Bouflers.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Me de Souvray.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Mlle de Tourbes.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Mlle de Meleun,</hi></p>
            <p><hi rend="i">Me la Maréchale de Clerembault.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Me de l’Aigle.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Me de Mirepoix.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Me de la Vieuville.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Me la Comtesse d’Harcourt.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Me la D. de la Feüillade.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Me la D. du Duras.</hi></p>
            <p>17.</p>
          </quote>
          <quote>
            <label>TROISIÉME TABLE.</label>
            <p><hi rend="i">MONSEIGNEUR LE DUC DE BOURGOGNE.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Me la D. de Villeroy.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Me la D. de Lorge.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Me la D. de Nogaret.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Me d’O.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Me d’Epinay,</hi> qui fut Reine.</p>
            <p><hi rend="i">Me de Torcy.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Me de la Valliere,</hi></p>
            <p><hi rend="i">Mlle de Villefranche.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Me de Gié.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Me de Villacerf.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Me de Belfond.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Me de Gondrin.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Me la D. de Noailles.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Me la D. de Guiche.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Me la Maréchale d’Estrées.</hi></p>
            <p>16.</p>
          </quote>
          <quote>
            <label>QUATRIÉME TABLE.</label>
            <p><hi rend="i">MONSEIGNEUR LE DUC DE BERRY.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Me la Maréchale de Rochefort.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Me de Mailly.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Me de Beaumont.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Me de Listenay.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Me la Duchesse d’Estrées.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Me de Sforce.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Me de Chasteauthiers.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Me la Vidame.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Me de Maulevrier.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Me la Comtesse de Livry,</hi> qui fut Reine.</p>
            <p><hi rend="i">Mlle de Langeron.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Mlle de Sainte-Hermine.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Me de la Vrilliere.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Me de Tobieska.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Me de Montbazon.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Mlle de Boüillon.</hi></p>
            <p>17.</p>
          </quote>
          <p>Il n’est pas surprenant que les 72. Couverts dont estoient le 4. Tables, n’ayent pas esté tous remplis, puisqu’il est presque impossible que parmy soixante-douze personnes il ne s’en trouve toûjours quelques-unes d’arrêtées par quelque obstacle qui les empêchent de joüir d’un honneur que leur naissance ou leur rang leur ont procuré.</p>
          <p>Toutes ces Tables furent également services ; aussi estoient-elles toutes regardées comme la <hi rend="i">Table du Roy.</hi></p>
          <p>Pendant que les Reines burent, on suivit l’usage ancien &amp; general, &amp; les cris de <hi rend="i">la Reine boit</hi>, se firent entendre ; &amp; comme il arrivoit quelquefois que deux ou trois Reines buvoient dans le même temps, le bruit que faisoient ces cris, estoit plus ou moins grand ; mais toujours fort agreable, parce que les voix des Dames l’emportoient sur celles des hommes qui estoient à ces Tables, &amp; ce qui augmentoit encore le bruit du Concert formé par tant de voix differentes, est que quoy que ceux qui servoient n’y mêlassent par leurs voix, les uns se frappoient dans les mains, &amp; les autres trouvoient moyen de frapper harmonieusement sur quelque piece d’argenterie, de maniere que tous ces bruits ensemble, &amp; formez sur differens tons, avoient quelque chose de divertissant, &amp; convenoient fort à la Ceremonie du jour.</p>
          <p>Laissons continuer un divertissement, d’autant plus rejouïssant qu’il n’est pas ordinaire, dans un lieu si Auguste, &amp; passons par l’escalier qui conduit au grand Apartement du Roy, dans lequel on devoit danser, afin d’examiner tout ce que l’on peut dire de cet Escalier ; de cet Apartement ; du grand Sallon qui est au bout, &amp; de la Gallerie que l’on voit dans le retour.</p>
          <p>Cet escalier étoit éclairé de la même maniere que l’escalier de la gauche, &amp; l’on y voyoit beaucoup de Torcheres &amp; de Girandoles, ce qui en faisoit briller toutes les beautez, qui peuvent aller de pair avec tout ce qui enrichit les plus beaux Apartemens. Il y avoit sur un des paliers, un grand Buffet, chargé de toutes sortes de rafraîchissemens.</p>
          <p>Les pieces par où l’on entroit dans le grand Apartement du Roy, aprés avoir quitté l’escalier, estoient garnies de Buffets, sur lesquels estoient encore d’autres rafraîchissemens, &amp; d’une partie de tout ce qui devoit servir à la collation, qui devoit estre distribuée pendant le Bal. Ces piéces étoient parfaitement bien éclairées.</p>
          <p>Il y avoit dans la Salle du Bal qui suivoit, douze Lustres, dix Torcheres, avec des Girandoles, &amp; l’on avoit aussi placé plusieurs Girandoles, sur l’appuy des deux Tribunes, qui sont dans cette Salle, qui servent ordinairement à placer la Symphonie.</p>
          <p>Le Cercle du Bal estoit au milieu de cette Salle. Il y avoit à l’un des bouts de ce Cercle, deux fauteüils, dont l’un étoit pour le Roy, &amp; l’autre pour le Roy d’Angleterre. La figure de ce Cercle, representoit un quaré long, &amp; des plians, qui suivoient les deux fauteüils dont je viens de parler, achevoient de former le premier rang ; il y en avoit un second, de Tabourets, &amp; un troisiéme de formes. Il y avoit aux deux bouts de la Salle, &amp; dans les croisées des Gradins, par étages, pour les Spectateurs.</p>
          <p>Les Officiers ordinaires de la Musique, étoient placez dans les deux Tribunes ; ainsi on peut juger que le nombre en étoit considerable, &amp; que tous les airs sur lesquels on dansa, furent parfaitement bien joüez.</p>
          <p>La Chambre du Lit, &amp; celle du Trône, que l’on trouvoit aprés la Salle du Bal, lorsque l’on étoit entré par le grand escalier qui est à la droite, étoient éclairées par plusieurs Torcheres, garnies de Girandoles, &amp; par plusieurs autres Girandoles qui étoient sur les tables. On doit remarquer qu’il y a au milieu de chacune de ces Chambres, un Lustre d’une tres-grande beauté, &amp; que les lumieres de ces deux Lustres, &amp; celles des Girandoles, en faisoient briller les Cristaux, qui jettoient un éclat si ébloüissant, que la vûë ne pouvoit s’arêter long-temps à les regarder.</p>
          <p>Il y avoit aussi un tres-magnifique Lustre, dans le Sallon où l’on entre en sortant de la Chambre du Trône. Il étoit non-seulement éclairé par les bougies dont le Lustre étoit garny ; mais aussi par les Girandoles qui étoient placées sur plusieurs Torcheres, &amp; sur les tables de marbre de ce Sallon.</p>
          <p>On entroit ensuite dans la Gallerie, qui étoit éclairée par un rang de Lustres, qui en remplissoient toute la longueur ; par un grand nombre de Girandoles, placées sur les tables, &amp; en divers autres endroits, &amp; par huit piramides de 15. pieds de haut chacune, &amp; dont les bazes, de plus de 4. pieds de haut, étoient richement ornées.</p>
          <p>Les piramides qui estoient portées par ces bazes, avoient huit étages, si remplis de flambeaux, qu’ils se touchoient les uns les autres. Il y avoit 132. bougies sur chacune de ses piramides, qui étoient terminées par une grosse bougie en flambeau, &amp; toutes ces lumieres étant oposées à une étoffe d’or, qui couvroit le corps de ces piramides, il en sortoit un éclat si brilant &amp; si vif, qu’il seroit dificile de l’exprimer.</p>
          <p>Le Sallon qui est à l’autre bout de la Gallerie, entre l’Apartement de Madame la Duchesse de Bourgogne, &amp; la Gallerie, &amp; qui fait face à celui qui est au bout du grand Apartement du Roy, estoit illuminé de la même maniere, que celui par où l’on entre dans ce grand Apartement, &amp; dont je vous ay déja parlé de l’illumination Il y avoit 70. Girandoles, tant dans ces deux Sallons, que dans la Gallerie.</p>
          <p>Comme il auroit été mal aisé d’éviter la confusion, si on n’y avoit pas aporté un grand ordre ; les Huissiers de la Chambre occupoient toutes les avenuës de l’Appartement où l’on devoit danser, &amp; Mr le Duc de la Tremoüille, premier Gentilhomme de la Chambre en année, leur avoit donné des Listes des personnes à qui il avoit jugé à propos d’accorder des places sur les Gradins de la Salle du Bal.</p>
          <p>Le soupé finit sur les onze heures &amp; demie, &amp; toute la Cour ayant traversé la Gallerie ; le Sallon par lequel on entre dans le grand Appartement du Roy ; la chambre du Trône &amp; celle du Lit, entra dans la Salle du Bal : Voicy les noms de ceux qui dansérent.</p>
          <quote>
            <p>LE ROY d’Angleterre.</p>
            <p>Monseigneur le Duc de Berry.</p>
            <p>S.A.R. Monsieur le Duc d’Orleans.</p>
            <p>Monsieur le Duc d’Enghien.</p>
            <p>Mr le Duc d’Estrées.</p>
            <p>Mr le Duc de Mortemart.</p>
          </quote>
          <p>Tous les noms qui suivent sont mis icy sans qu’on ait observé de suivre les rangs de ceux qui les portent ; je ne sçay même si on n’en a point oublié quelques-uns.</p>
          <quote>
            <p>Mr le Marquis de Gondrin.</p>
            <p>Mr le Marquis de Nangis.</p>
            <p>Mr le Comte de la Mothe.</p>
            <p>Mr le Marquis de Listenay.</p>
            <p>Mr le Marquis de Boisfremont.</p>
            <p>Mr le Marquis de Roussillon.</p>
            <p>Mr le Marquis de Seignelay.</p>
            <p>Mr le Marquis de Tessé.</p>
            <p>Mr le Marquis de Biron.</p>
            <p>Mr le Marquis de Nesle.</p>
            <p>Mr le Marquis d’Egvilly.</p>
            <p>Mr le Marquis de Livry.</p>
            <p>Mr le Marquis de Chabanois.</p>
            <p>Mr le Comte de Montessor.</p>
            <p>Mr le Marquis de Grave.</p>
            <p>Mr le Marquis de Rouvroy.</p>
          </quote>
          <p>Voicy les noms des Dames qui ont dansé au même Bal.</p>
          <quote>
            <p><hi rend="sc">Madame la Princesse</hi> d’Angleterre.</p>
            <p><hi rend="sc">Madame la Duchesse de Bourgogne.</hi></p>
            <p>Mademoiselle de Bourbon.</p>
            <p>Mademoiselle de Conty.</p>
            <p>Mademoiselle de la Roche-sur-Yon.</p>
          </quote>
          <p>Les Dames qui suivent ne sont point nommées selon leur rang.</p>
          <quote>
            <p>Me la Duchesse de Duras.</p>
            <p>Me la Comtesse d’Harcourt.</p>
            <p>Me la Duchesse de Noailles.</p>
            <p>Me la Marquise de la Vrilliere.</p>
            <p>Me de Gié.</p>
            <p>Me la Marquise de Belle-fond.</p>
            <p>Me la Marquise de Listenay.</p>
            <p>Mlle de Sainte-Hermine.</p>
            <p>Me de Chaumont.</p>
            <p>Me de Tobieska.</p>
            <p>Mlle de Langeron.</p>
            <p>Mlle de Villefranche.</p>
          </quote>
          <p>Il seroit difficile de vous faire une peinture bien exacte des habits de toutes ces Dames, &amp; des pierreries qui leur servoient d’ornemens. Madame la Princesse d’Angleterre estoit en Robbe, ce que l’on appelle aujourd’huy <hi rend="i">grand Habit</hi>, &amp; les habits de toutes les Dames du Bal, estoient de la même maniere. Celuy de cette Princesse estoit de velours jaune ; son Corps estoit tout garny de pierreries, aussi bien que sa Robbe, dont les attaches aussi de pierreries estoient des plus brillantes, &amp; la Juppe de cette Princesse n’avoit pas de moindres ornemens. L’Habit de Madame la Duchesse de Bourgogne qui estoit de velours noir, estoit garni de même, &amp; sa Juppe estoit semée de plusieurs bouquets de pierreries. Ces deux Princesses avoient de tres-belles Aigrettes, &amp; toute leur coëffure estoit aussi mêlée de pierreries.</p>
          <p>Tous les habits des Dames estoient aussi de velours de differentes couleurs, avec des parures de diamans, &amp; les habits de celles qui estoient en deüil, estoient garnis d’hermines avec des attaches de diamans.</p>
          <p>Le Bal s’ouvrit par le Roy d’Angleterre &amp; par Madame la Princesse sa Sœur. On doit remarquer que la premiere fois que Sa Majesté Britannique se leva pour danser, le Roy se leva aussi, &amp; que Sa Majesté se tint debout, pendant tout le temps que ce Prince dansa. On doit observer aussi, que les Princes, les Princesses, &amp; generalement toutes les personnes qui danserent, saluerent Leurs Majestez, avant que de danser.</p>
          <p>Le Roy d’Angleterre, aprés avoir dansé, avec Madame la Princesse sa Sœur, prit Madame la Duchesse de Bourgogne, &amp; ces deux Princesses s’en acquitterent, avec tant de graces, que toute l’Assemblée en fut charmée. Madame la Duchesse de Bourgogne prit Monseigneur le Duc de Berry ; Monseigneur le Duc de Berry prit Mademoiselle de Bourbon ; cette Princesse dansa ensuite, avec Monsieur le Duc d’Orleans, qui prit Mademoiselle de Conty, qui dansa aprés, avec Monsieur le Duc d’Enghien, qui prit Mademoiselle de la Roche-sur-Yon, &amp; Mademoiselle de la Roche-sur-Yon prit Mr le Duc d’Estrées, qui fut le premier des Seigneurs qui danserent, aprés les Princes ; &amp; pendant le reste du Bal, on se prit indifferemment.</p>
          <p>Il est aisé de s’imaginer, que toutes les danses, qui sont aujourd’huy le plus en usage, furent dansées, &amp; que les contre danses ne furent pas oubliées. Il seroit difficile de trouver dans aucun Bal, quand même il seroit composé d’un plus grand nombre de Danseurs &amp; de Danseuses, autant de personnes qui dansassent aussi-bien, non-seulement (&amp; je le dis avec verité) parce que le bon air regne plus à la Cour qu’ailleurs, &amp; qu’il peut estre difficilement imité par ceux qui n’y font pas leur sejour ordinaire, ou qui n’y viennent pas souvent ; mais aussi parce que l’on ne risque gueres de danser dans un lieu si auguste, &amp; où l’on est si éclairé, sans estre persuadé que l’on ne s’exposera pas à la censure de ceux qui ne pardonnent rien. Cependant, il ne laisse pas d’estre constant qu’un Bal estant ordinairement composé d’un grand nombre de personnes, les unes ont plus de naturel pour la danse que les autres, &amp; qu’il s’en trouve toûjours qui remportent le prix ; mais comme il est quelquesfois difficile de decider, &amp; qu’on le peut faire par inclination, ou par goût, &amp; que le goût de ceux qui decident n’est pas toujours juste, je crois ne devoir rien dire qui soit plus à l’avantage des unes que des autres ; &amp; d’ailleurs l’on doit estre persuadé que ceux dont la danse a le moins brillé dans cette Assemblée, seroient sûrs de remporter le prix par tout ailleurs.</p>
          <p>Le Roy quitta le Bal à une heure. La collation qui parut quelque temps aprés, fut d’abord presentée à tout le Cercle, &amp; elle fut ensuite distribuée aux Spectateurs. Je ne dis point que cette collation fut composée de tout ce qui pouvoit estre servy dans un Bal, &amp; rafraîchir une Assemblée, que la chaleur d’un lieu, remply de monde, &amp; brillant de lumieres, devoit avoir alteré : on sçait assez que c’est à la Cour, où ces collations paroissent avec plus d’éclat, &amp; que les Officiers du Roy, qui en ont soin, n’ont point de pareils dans le monde.</p>
          <p>Le Bal recommença aprés la collation, &amp; l’on peut dire que ce divertissement fit tant de plaisir aux Danseurs &amp; aux Spectateurs, que l’Assemblée ne se separa que sur les quatre heures du matin.</p>
          <p>Le Bal finy, Sa Majesté Britannique, &amp; Madame la Princesse sa Sœur, retournerent à S. Germain. Les Gardes du Corps, les Cent-Suisses, ainsi que les Gardes Françoises &amp; Suisses, estoient sous les armes, dans leurs postes ordinaires, &amp; les tambours battirent aux champs, de même qu’ils font en plein jour, lorsque Leurs Majestez Britanniques viennent chez le Roy.</p>
          <p>La description de cette Fête parle assez, sans qu’il soit necessaire d’en rien dire davantage, si ce n’est qu’il paroît impossible qu’on puisse voir, dans aucun lieu du monde, autant de pierreries ensemble, qu’il en parut dans ce Bal ; &amp; qu’il est certain que l’on n’en peut donner dans des Appartemens plus magnifiques &amp; plus étendus que ceux de Versailles, à cause de la Gallerie, &amp; des deux grands Sallons, qui sont aux deux bouts.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-01_289">
          <head>[Rejoüissances faites par la Reine Douairiere d’Espagne]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, janvier 1708 [tome 1], p. 289-290.</bibl>
          <p/>
          <p>La Reine Doüairiere d’Espagne, continuant d’estre charmée des honnestetez qu’elle reçoit de la part de Philippe V. cette Princesse continuë aussi d’en faire voir sa reconnoissance dans toutes les occasions, où elles en peut donner des marques publiques, &amp; toutes les fois que les Espagnols en donnent de leur zele &amp; de leur amour pour leur Souverain, &amp; qu’ils ont lieu de faire éclater leur joye, par des réjoüissances publiques. Cette Reine qui fait son sejour à Bayonne, y fait aussi paroître sa joye, avec éclat : ce qui m’a souvent obligé de parler des Fêtes qu’elle y a données. La derniere, a esté à l’occasion du jour de la naissance de Sa Majesté Catholique cette Princesse fit, ce jour là, illuminer tout son Palais : Elle fit tirer beaucoup d’artifice, qui fut accompagné de divers concerts ; &amp; ce divertissement fut suivy d’une Comedie, qui fut representée dans la grande salle de son Palais.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-01_304">
          <head>Estrenes de Minerve, à Monsieur le Marquis de Chamillart</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, janvier 1708 [tome 1], p. 304-310.</bibl>
          <p/>
          <p>Les Vers qui suivent sont de l’Auteur qui se cache sous le nom de Minerve, &amp; dont les ouvrages ont toûjours esté trouvez de bon goust, &amp; remplis de sagesse &amp; de bon sens. Comme ils ont esté presentez quelques jours avant le mariage de Mr le Marquis de Chamillart, presentement Marquis de <hi rend="i">Cany</hi>, ils peuvent servir de Prelude à l’article de ce mariage.</p>
          <quote>
            <label>ESTRENES DE MINERVE,<lb/>A MONSIEUR LE MARQUIS DE CHAMILLART.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Chamillart, de ton sort connois toute la gloire,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Lorsque l’Hymen pour toy fait briller son flambeau ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">De mes premiers bien-faits rapelle la mémoire,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et voy qu’elle est la main qui forme un Nœud si beau.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">C’est la main de Minerve, oüy Minerve elle même ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">De Junon, de Lucine, exerce icy l’Employ,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et le Dieu de l’Hymen, qui sçait combien je t’aime ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Semble d’empressemens disputer avec moy.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Pour te marquer mes soins par de riches estrenes ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Sur ce Vaste Vnivers, j’ay beau porter les yeux ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Tunir à Mortemart, par d’éternelles chaînes,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Me paroît le present le plus digne des Dieux.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Je ne te vante point l’éclat de sa Naissance.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Tu sçais de quels Heros elle a reçû le jour,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Sur l’éclat de ses yeux, je garde le silence,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Je veux pour d’autre biens, t’inspirer de l’Amour.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">J’aime mieux te tracer les beautez de son ame,</hi></l>
              <l><hi rend="i">C’est là ce qui te plaist, m’en desavoüeras tu ?</hi></l>
              <l><hi rend="i">Non, je te connois trop, c’est tout ce qui t’enflame,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et rien n’est dans ton cœur, du prix de la vertu.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Sincerité, douceur, sagesse, tout conspire,</hi></l>
              <l><hi rend="i">A te rendre plus cher, le choix que j’en ay fait,</hi></l>
              <l><hi rend="i">C’est moy qui la conduis, qui l’éclaire, &amp; l’inspire,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Je n’ay jamais formé d’ouvrage plus par fait.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">C’est par un tel present qu’en vers toy je m’acquite,</hi></l>
              <l><hi rend="i">De l’ardeur qui t’anime à m’offrir tous tes vœux,</hi></l>
              <l><hi rend="i">A l’aspect éclattant, d’un si rare merite ?</hi></l>
              <l><hi rend="i">Les autheurs de tes jours comme toy sont heureux.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Ainsi furent heureux Vlisse, &amp; Penelope,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Lorsque de leur cher fils, couronnant les travaux,</hi></l>
              <l><hi rend="i">J’unis à son destin, le destin d’Antiope,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Digne objet des soupirs de cent Roys ses Rivaux.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Le tendre attachement, qu’il montra pour son pere,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Qu’il eut pour ses devoirs, fit éclater mes soins,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Par les mêmes vertus, tu sçus l’art de me plaire ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ayme bien, Chamillart, &amp; n’espere pas moins,</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Déja, tout jeune encor, tu marches sur ses traces.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Du fruit de mes Leçons ne trompe point l’espoir ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Si tu veux de ma main obtenir d’autres graces ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Poursuis, &amp; dans ses yeux, lis toûjours ton devoir.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Je ne te parle plus d’une épouse charmante,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Tu l’aimeras toûjours &amp; je me le promets ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">L’amour de la vertu, par la vertu s’augmente,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ses divines beautez ne vieillissent jamais.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Mais pour vôtre bonheur, je vois que toute s’apprête,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ma presence en ces lieux troubleroit vos plaisirs,</hi></l>
              <l><hi rend="i">A dieu : c’est à l’amour d’achever cette Fête,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Je lui laisse le soin de remplir vos desirs.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-01_325">
          <head>[Bal masqué donné à Versailles]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, janvier 1708 [tome 1], p. 325-330.</bibl>
          <p/>
          <p>Quelques jours aprés le Bal que le Roy donna à Versailles, la veille de la Fête des Rois, il y en eut un autre, où il fut permis à toutes les personnes de la Cour de venir masquées, ainsi qu’aux Officiers de guerre, du nombre desquels pourtant, n’estoient compris que les Lieutenans-Colonels, &amp; tous ceux qui sont au-dessus. Personne ne devoit entrer à ce Bal, sans s’estre fait connoître, &amp; l’on avoit cru devoir se servir de toutes ces précautions, pour éviter la confusion qui se rencontre toujours en de pareilles occasions, &amp; qui n’auroit pas manqué d’ariver, si l’on n’en avoit pas usé de la sorte, quoy qu’il n’y ait point en Europe de plus vastes Apartemens que ceux de Versailles ; mais la Cour de France est toujours si grosse, &amp; Paris est remply d’un si grand nombre de personnes de distinction, qu’il est impossible de les joindre ensemble, sans que la confusion soit tout-à-fait grande. Ce n’est pas que cela ne soit arrivé quelques-fois ; &amp; l’on peut dire, en parlant de ces sortes d’Assemblées, que la magnificence y regne dans un suprême degré, &amp; qu’il est impossible d’en trouver autant en quelque lieu du monde que ce soit. Cependant, quoique les yeux y soient charmez, par un amas ébloüissant de riches habits, ils ne sont pas moins divertis, par l’ingenieuse varieté de diverses Mascarades, composées par des Compagnies differentes, non plus que par les habits de plusieurs Particuliers, qui en imaginent souvent de differens, qui n’ont jamais esté vûs, &amp; dont la singularité fait plaisir. Enfin, l’on peut dire que tous les déguisemens du Bal, dont je vous parle, furent riches, galans &amp; ingenieux. On dansa dans le même lieu, où le <hi rend="i">Bal serieux</hi> s’estoit donné, dix ou douze jours auparavant. Les illuminations estoient disposées de même que celles du premier Bal ; mais on en avoit retranché les Pyramides, parce que la fumée du grand nombre de lumieres, dont elles estoient couvertes, pouvoit endommager la peinture de la Gallerie.</p>
          <p>Le Roy d’Angleterre vint <hi rend="i">incognito</hi> à ce Bal, accompagné de quelques Seigneurs de sa Cour. Ce Prince n’avoit pas voulu d’habit magnifique, afin de n’estre pas reconnu. Cependant il ne put échaper à la penetration du Roy, qui jugeant qu’il ne vouloit pas estre reconnu, ne le découvrit point. Sa Majesté soupa à son ordinaire, avant le Bal, avec la Famille Royale ; Monseigneur, &amp; Monseigneur le Duc de Bourgogne ne masquerent point. Le Bal fut ouvert par Monseigneur le Duc de Berry, &amp; par Mademoiselle de Bourbon. Rien ne fut épargné à la Collation : on y distribua de tres-beaux fruits, &amp; des confitures seiches, en pacquets, &amp; les eaux y furent servies en abondance. Le Roy demeura au Bal, jusqu’à une heure &amp; demie, &amp; l’on peut dire que toute l’Assemblée s’y divertit beaucoup, puisqu’elle ne se separa qu’à cinq heures du matin. Entre les déguisemens d’une invention toute singuliere, dont je vous ay déja parlé, on admira celuy de Mr le Vidame, qui estoit deguisé en Vase ; &amp; lors qu’on l’eut pris pour danser, le pied du Vase se forma en pieds naturels ; les Ances en deux bras, qui s’étendirent, &amp; le couvercle parut s’élever &amp; former une tête ; &amp; quand il eut cessé de danser, le Vase reprit sa premiere forme, &amp; parut comme il estoit auparavant.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-01_372">
          <head>[Sur les affaires de Catalogne]*</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, janvier 1708 [tome 1], p. 372.</bibl>
          <p/>
          <p>On ne doit pas s’étonner si le Prince Eugene voyant la situation des affaires de Catalogne, telle que je viens de la depeindre, a refusé absolument d’aller commander dans un païs où il perdroit seurement la reputation qu’il s’est acquise parmi les Alliez. Ce n’est pas qu’elle ne pust encore s’augmenter de la mesme maniere qu’elle a déja fait, s’ils continuoient de faire chanter des <hi rend="i">Te-Deum</hi> pour toutes les batailles qu’il perdroit, &amp; pour les places qu’il laisseroit prendre.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-01_396">
          <head>[Article des Enigmes]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, janvier 1708 [tome 1], p. 396-400.</bibl>
          <p/>
          <p>Le mot de l’Enigme du mois dernier estoit <hi rend="i">la Terre</hi>. Ceux qui l’ont trouvé sont, Mrs l’Abbé de la Place, Geographe à Rouen ; de la Touret de la ruë S. Denis ; de la Serriere, Grandet du Marais ; de Beaumont ; d’Overney, Suisse, &amp; Robert de l’enclos du Temple. Le bel Adonis son voisin ; l’Ecolier malgré-luy, &amp; son amy Pierrot ; D.B. le Solitaire Que-mine, &amp; son Ami Darius ; le Diseur de bonne-avanture, &amp; le Diable boiteux de la ruë S. Denis. Mlles de Ville-neuve &amp; l’Esterel du Marais ; de Nesle, &amp; de Champerou, de la ruë S. Antoine ; l’Aimable Roget de l’Arcenal ; Agnés du quartier du Palais, &amp; Geneviéve Jollain, de la ruë S. Jacques ; la jeune Muse renaissante ; l’Aimable precieuse de l’enclos du Temple ; la sçavante Uranie du même quartier ; la belle &amp; jeune B.… de la ruë de Bussi, &amp; son aimable sœur ; l’aimable Preau &amp; la charmante de Rouvroy, voisines du Val-de-Grace ; la Solitaire, de la ruë aux Féves ; la plus jeune des belles Dames de la ruë des Bernardins ; D.P. la fidelle Gogo, de Rouen ; la belle A. d’Orleans, &amp; M : son amie.</p>
          <p>L’Enigme que je vous envoye est de Me la Presidente Baucheron, de la Chastre en Berry.</p>
          <quote>
            <label>ENIGME.</label>
            <lg>
              <l> <hi rend="i">Vn nombre impair joint quatre fois</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Vous apprendra combien nous sommes,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Nous servons de deffense &amp; d’ornement aux hommes</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Ainsi qu’aux habitans des Bois.</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Nous souffrons sans murmure,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Qu’un double fer taille nostre figure.</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Quoy que nous soyons transparans</hi></l>
              <l><hi rend="i">Nous sommes rarement sans de petits points blancs.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Quant à nostre couleur, c’est le sang qui la donne ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Nous avons tres-souvent un demy cercle noir</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Qui n’est pas agreable à voir,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Que difficilement aux Galands on pardonne.</hi></l>
              <l> <hi rend="i">On craint souvent nostre pouvoir</hi></l>
              <l><hi rend="i">Quand on est animé d’un cruel desespoir,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et l’on voit des Amans porter sur leurs visages</hi></l>
              <l><hi rend="i">Des traits sanglans de nos outrages ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Enfin pour achever de peindre nostre sort,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Nous croissons même aprés la mort.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-01_408">
          <head>[Divertissement de Marly, pendant le dernier séjour que la Cour y a fait]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, janvier 1708 [tome 1], p. 408-412.</bibl>
          <p/>
          <p>Pendant qu’ils se donnent des mouvemens par tout, pour avoir des Troupes capables de soutenir la Campagne prochaine, les efforts des deux Rois, on se divertit à Versailles &amp; à Marly ; &amp; pendant le dernier sejour de Marly, qui a duré dix jours, il y a eu trois magnifiques Bals, en habits serieux ; &amp; un autre Bal, où il n’a esté permis d’entrer qu’en habits de Masque. Je ne vous dis rien des pierreries, &amp; des riches habits, qui ont brillé dans ces Bals où les meilleurs Danseurs de France, &amp; qui n’avoient point dansé depuis long-temps, se sont fait admirer ; mais je vous parleray seulement d’une galanterie toute spirituelle, dont le nom de celuy ou de celle qui l’a faite m’est inconnu. Il parut tout-à-coup devant Madame la Duchesse de Bourgogne, un Amour, qui s’étoit glissé parmy la foule, sans estre apperçû, &amp; qui aprés avoir mis un genoüil en terre, presenta à cette Princesse une Pomme d’or, sur laquelle on lisoit : <hi rend="i">A la plus gracieuse, &amp; la plus aimable Princesse de l’Vnivers.</hi> Cette Pomme d’or estoit accompagnée d’une Chanson, sur l’air de Joconde, dont voicy les paroles.</p>
          <quote>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Le Berger Paris couronna</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Jadis une immortelle</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et la pomme qu’il lui donna</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Etoit pour la plus belle ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Vn Dieu, Princesse, dans ce jour</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Vous rend le mesme hommage,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Recevez ici de l’Amour</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Cette Pomme pour gage.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Il vous la donne par mes mains</hi></l>
              <l> <hi rend="i">N’osant ici paroître,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Deguisé sous des traits humains,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Qui pourroit le connoître ?</hi></l>
              <l><hi rend="i">Il vous suit pourtant en tous lieux</hi></l>
              <l> <hi rend="i">A vos pas il s’attache,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et dans nos cœurs, &amp; dans vos yeux</hi></l>
              <l><hi rend="i">Quelquefois il se cache.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
          <p>La Pomme d’or s’ouvroit, &amp; il y avoit dedans un Bandeau de Mousseline plié, &amp; renoüé d’un Ruban couleur de feu, avec deux petites aîles de Plumes blanches &amp; couleur de feu, attachées par un pareil Ruban, avec ces mots &amp; les vers suivants.</p>
          <quote>
            <label><hi rend="sc">L’Amour.</hi><lb/>A la plus aimable Princesse du monde.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Je suis Dieu des amours, des graces &amp; des ris</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et sur tant de Beautez qu’on voit ici paroistre</hi></l>
              <l> <hi rend="i">C’est moi qui vous donne le Prix,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Le Dieu d’Amour doit s’y connoistre,</hi></l>
              <l><hi rend="i">J’ai quitte mon Bandeau pour pouvoir desormais</hi></l>
              <l><hi rend="i">Chaque instant admirer tant de graces nouvelles,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Et pour ne vous quitter jamais</hi></l>
              <l> <hi rend="i">J’ai moi-mesme coupé mes aîles.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-01_412">
          <head>[Article touchant les Discours prononcez aux ouvertures du Parlement]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, janvier 1708 [tome 1], p. 412-414.</bibl>
          <p/>
          <p>Je ne puis mieux finir que par un article aussi galant que celuy que vous venez de lire. Cependant je dois vous dire que ma mauvaise santé, &amp; la perte de ma vûë, ne me permettant pas d’aller aux principales actions publiques, qui se font au commencement de chaque mois, &amp; dont je me suis imposé une loy, de vous entretenir, je ne puis vous en parler que sur le raport de ceux dont j’ay fait l’épreuve de la memoire en plusieurs ocasions, &amp; qui m’a toujours paru des plus heureuses ; cependant, comme il paroît assez impossible que l’on puisse retenir tout ce qu’il y a de plus brillant dans les differens discours, qui se prononcent en moins d’une ou deux heures de temps, comme l’on fait, sur tout le jour que le Parlement rentre, le jour de l’ouverture des Audiences, &amp; le jour des Mercuriales ; &amp; comme il peut arriver que ce que l’on m’en raporte ne soit pas toujours entierement conforme à la verité, j’ay toujours observé de ne rien mettre dans les discours que j’ay raportez, qui ne pût estre digne d’un homme d’esprit, &amp; zelé pour la justice, &amp; qui par consequent pût faire tort à sa reputation, quand il ne l’auroit pas entierement prononcé, suivant qu’il est raporté. Il y avoit beaucoup de ces discours dans ma derniere lettre, &amp; je ne suis pas surpris que vous l’ayez trouvée si curieuse, puisque, contenant les nouvelles de deux mois entiers, elle estoit remplie d’un tres-grand nombre d’articles, qui ont dû vous faire plaisir, ainsi qu’à tous ceux qui l’ont lûë. Je suis, Madame, vôtre, &amp;c.</p>
          <p><hi rend="i">A Paris, ce</hi> 31. <hi rend="i">Janvier</hi>. 1708.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-01_415">
          <head>Le Libraire au Lecteur</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, janvier 1708 [tome 1], p. 415-416.</bibl>
          <p/>
          <label><hi rend="sc">Le Libraire au Lecteur.</hi></label>
          <p>L’Histoire du siége de Toulon ayant obligé l’Auteur de reculer le Mercure de Decembre d’un mois, cela a donné lieu à quelques Particuliers de dire que le Mercure étoit cessé, l’Auteur n’étant plus en état de le continüer ; cependant, il a donné au commencement de Janvier, un Volume plus gros que les autres, puisqu’il contient les nouvelles du mois de Decembre, &amp; celles du mois de Novembre. On trouve dans le titre de ce Volume, <hi rend="i">Novembre</hi>, &amp; <hi rend="i">Decembre.</hi></p>
        </div>
      </div>
      <div type="tome" xml:id="MG-1708-02">
        <head><hi rend="i">Mercure Galant</hi>, février 1708 [tome 2]</head>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-02_55">
          <head>[Extrait d’un discours prononcé à l’Academie Royale des Sciences]*</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, février 1708 [tome 2], p. 55-58.</bibl>
          <p/>
          <p>Mr Nicolle lut ensuite une dissertation de Mr Carré ; sur la nature des tons, &amp; sur les accords de la Musique ; cette piéce fut écoutée avec beaucoup d’attention ; elle estoit remplie de tout ce que les Anciens ont laissé de plus curieux sur cette matiere ; l’Auteur traita d’abord en habile Physicien, ce qui regarde le son : il combatit ensuite le sentiment ordinaire des Philosophes sur cette matiere, qu’ils font consister dans la vibration, &amp;c. &amp; il proposa une nouvelle Hypothese, qui soutenuë de quelques nouvelles preuves, pourra plaire à ceux qui s’attachent à cet Art. Il prétend que ce n’est point dans la vibration de l’air, mais dans le corps même, c’est-à-dire dans les cordes que le son est formé : il raporta sur ce sujet quelques experiences, qui étant bien verifiées, peuvent servir à prouver son opinion. Mr Carré traita ensuite avec beaucoup d’habileté, tous les accords de la Musique &amp; l’on peut dire qu’il parla de cette matiere en Maître. Il examina toutes les proprietez des tons de cet Art depuis <hi rend="i">l’Ut</hi> jusqu’au <hi rend="i">Ré</hi> ; il fit connoître ceux qui portent à la joye, ceux qui inspirent de la tristesse, &amp; ceux qui expriment les differens sentimens de l’Ame, comme l’amour, l’indifference, la haine, le repos, l’indolence, &amp;c. il cita plusieurs Autheurs qui ont fait des traitez, ou qui ont parlé sur cette matiere, ainsi que Plutarque, Ciceron, &amp; Saint Augustin. Il raporta les paroles de Platon, qui est que la musique est insuportable aux personnes qui sont dans l’affliction ; <hi rend="i">musica in luctu tristis narratio.</hi></p>
          <p>Le sujet qu’il traitoit lui donna lieu de parler de l’union de l’ame &amp; du corps, sur laquelle les Philosophes ont esté fort partagez, &amp; ce qu’il dit sur ce sujet, parut fort convenable à la matiere qu’il traitoit.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-02_158">
          <head>[Relation tres-curieuse de la reception faite à la Reine Doüairiere d’Espagne au Convent des Augustins de Bayonne]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, février 1708 [tome 2], p. 158-186.</bibl>
          <p/>
          <p>Quoy que la Relation que je vous envoyay de la reception faite à Bayonne à la Reine au Convent des Augustins, le jour de la Fête de S. Augustin, ait merité quelque attention, ce qui s’y est passé ce jour là, estant infiniment plus considerable, que tout ce que je vous en ay dit, &amp; me paroissant digne de vôtre curiosité, &amp; même de celle de toute l’Europe, j’ay cru vous en devoir envoyer un article, remply de plusieurs circonstances, qui vous feront connoître que le zele &amp; la pieté des Peres de ce Convent n’ont pas esté les seules choses qui ont éclaté en cette ocasion. La Reine Doüairiere d’Espagne, qui depuis qu’elle est à Bayonne, a continuellement donné des marques d’une éminente vertu, &amp; d’une pieté tres-exemplaire, ayant souvent visité les Communautez des Religieux &amp; des Religieuses de Bayonne, le Pere Campmartin, Prieur du Convent des Augustins, esperant que cette Princesse leur feroit le même honneur le jour de la Feste de S. Augustin, fit preparer toutes choses long-temps auparavant : il fit travailler presque pendant un mois entier à faire faire plusieurs reparations dans son Monastere, &amp; à faire blanchir toutes les murailles du Cloître, de l’Eglise, des Galleries &amp; des Dortoirs ; il fit orner tous les lieux qui estoient les plus exposez, &amp; il y fit placer des Tableaux. Enfin, ce Pere ayant esté assuré que la Reine se rendroit à leur Eglise, le jour de la Fête de S. Augustin, il y fit tendre de riches Tapisseries, qui formerent un double rang. Elle fut aussi ornée de divers Tableaux, placez dans des lieux convenables, &amp; tout le tour de la même Eglise fut remply de Lustres. Plus de trois cent Cierges allumez, tant sur le Maître Autel que sur toutes les Chapelles de cette Eglise, en faisoient briller l’argenterie &amp; les riches ornemens.</p>
          <p>La Reine arriva sur les cinq heures du soir, acompagnée de toutes les personnes de distinction de sa Maison, &amp; de la Ville, qui avoient grossi son Cortege, par un grand nombre de carosses. Le Pere Campmartin eut l’honneur de la recevoir à la tête de sa Communauté, composée de vingt Religieux, dont la plûpart estoient revêtus de Chappes &amp; de Dalmatiques &amp; tenoient des bâtons d’argent. Aprés les Ceremonies accoutumées en pareilles ocasions ; &amp; que le Pere Campmartin eut presenté l’Eau benîte à cette Princesse &amp; le Crucifix à baiser, il luy fit le compliment suivant.</p>
          <quote>
            <p><hi rend="i">Madame, quelle joye pour nous, de voir Vôtre Majesté pour la premiere fois dans ce saint Lieu, faire tout l’ornement du Sanctuaire. Nous devons ce bonheur au zele &amp; à la pieté dont Elle est animée, afin d’exciter la Foy des Fidéles, &amp; les assujetir par une loy d’exemple, au respect &amp; au culte que la Religion veut qu’ils rendent à la sainteté &amp; à la gloire d’un grand Docteur &amp; d’un saint Evêque, dont nous sommes les enfans, &amp; qui a esté une des plus brillantes lumieres de l’Eglise de Jesus-Christ ; le Soutien &amp; la Colonne de la Maison du Seigneur, de même que celle dont Vôtre Majesté puise son auguste sang, a esté dans tous les temps l’appuy des saints Autels ; &amp; de même qu’elle est encore aujourd’huy le soutien &amp; l’appuy des Trônes les plus élevez du monde Chrétien ; que les démarches de Vôtre Majesté, Madame, nous paroissent belles ? Vous marquez tous vos pas par des œuvres saintes, &amp; par des vertus d’éclat, qui sont utiles à la Religion : vous les accompagnez de cette Majesté de Souveraine, qui nous persuade que tout autre place qu’un Trône eût esté indigne de Vôtre Majesté, de ce grand cœur &amp; de cette magnificence Royale, qui surpassent</hi> (<hi rend="i">si je l’ose dire</hi>) <hi rend="i">Vôtre illustre naissance : cet air obligeant, qui fait que Vôtre Majesté s’abbaisse sans descendre de son rang ; ce qui vous attire tous les cœurs, &amp; ce qui vous a fait regner si glorieusement, sur une des plus puissantes Monarchies de la Terre. Si j’osois, Madame, m’abandonner à mon zele, j’aurois dequoy m’étendre beaucoup, sur un si grand &amp; si noble sujet ; mais je crains de déplaire à Vôtre Majesté : &amp; je sçay, Madame, qu’un Ministre de Jesus-Christ, ne doit ni interrompre, ni même suspendre le Sacrifice que Vôtre Majesté vient luy faire de toutes ses grandeurs, au pied de ce saint Autel. Nos vœux, Madame, vous accompagneront par tout. Nous allons en rendre des actions de graces à Dieu Tout-Puissant, Souverain du Ciel &amp; de la Terre : c’est par luy que les Souverains vivent &amp; regnent ; &amp; nous n’employerons point pour cet effet, d’autre priere que celle que l’Eglise a reçûë du grand Saint Augustin, qui en est l’Oracle :</hi> Te Deum laudamus.</p>
          </quote>
          <p>Pendant le <hi rend="i">Te Deum</hi> qui fut chanté au son de l’Orgue, touché avec beaucoup de delicatesse, par le Pere Lamarrigue Religieux Organiste de ce Convent, connu par son habileté, la Reine fut introduite dans le Sanctuaire. Le <hi rend="i">Te Deum</hi> fut suivi d’une Oraison <hi rend="i">pour la Reine</hi> ; aprés quoy le Pseaume <hi rend="i">Diligam te Domine fortitudo mea</hi>, fut chanté en Musique avec une tres-belle Symphonie, de la composition de feu Monsieur Gilles, Maître de Musique de l’Eglise de Toulouse, dont les Ouvrages ont toûjours esté fort estimez des Connoisseurs. Ce Motet étoit un des quatre que ce Maître fameux eut l’honneur de faire chanter à Toulouse, lorsque Monseigneur le Duc de Bourgogne, &amp; Monseigneur le Duc de Berry y passerent, &amp; ceux qui l’avoient entendu à Toulouse, trouverent qu’il avoit été tres-bien executé à Bayonne. La Reine assista au Salut, &amp; le Prieur donna la Benediction du Saint Sacrement ; aprés laquelle la Symphonie seule recommença à se faire entendre par des Airs devots &amp; touchans, de la composition du même Maître. Le Pere Prieur &amp; ses Assistants eurent le temps de quitter leurs Ornemens &amp; de revenir se representer devant la Reine pour la supplier de vouloir leur faire l’honneur d’entrer dans l’Interieur du Convent, ce que S.M. leur accorda d’une maniere tres gratieuse &amp; avec des demonstrations d’une tres-grande bonté, en témoignant au Pere Prieur, combien elle avoit été touchée du compliment qu’il luy avoit fait, lorsqu’elle étoit entrée dans l’Eglise, &amp; de la maniere dont il l’avoit prononcé.</p>
          <p>Le lieu preparé pour recevoir la Reine, étoit une Salle bien proportionnée, &amp; ouverte en quatre endroits, &amp; dont les croisées qui avoient trois jours chacune étant fort grandes, donnoient lieu d’y respirer un air, dont on avoit grand besoin, à cause du grand nombre de personnes qui se trouverent en ce lieu, &amp; de la grande quantité de lumieres. Cette Salle étoit tenduë d’une tres-belle &amp; tres-riche Tapisserie qui representoit les Conquêtes du Roy en Hollande ; on avoit placé dans le fond un Superbe Dais de drap d’or, avec des Ecussons aux Armes de France &amp; d’Espagne. Il y avoit aux côtez de ce Dais quatre Lustres d’argent à plusieurs branches, &amp; il y avoit sous le même Dais un riche fauteuil sur une Estrade, avec deux carreaux de velours, couleur de feu, ornez de nates &amp; de crespines d’or, l’un étoit dans le fauteuil, &amp; l’autre aux pieds. Ce fauteuil étoit placé entre les Portraits du Roy &amp; de la Reine d’Espagne aujourd’huy regnant. De l’autre côté de la Salle, vis-à-le Dais, &amp; le Fauteuil de la Reine étoient le Portrait du Roy au milieu, &amp; aux côtez du Portrait de ce Monarque, étoient ceux de Monseigneur le Duc de Bourgogne, &amp; de Madame la Duchesse de Bourgogne. On voyoit encore au milieu du côté droit de la Salle, un autre Portrait du Roy, &amp; aux côtez les Portraits de Monseigneur le Dauphin &amp; de Monseigneur le Duc de Berry. Au milieu du côté gauche de la même Salle, on remarquoit un tres-beau Portrait de la Reine Doüairiere d’Espagne au dessous duquel on avoit placé un tres-beau Clavecin. Le Portrait de Madame la Duchesse d’Orleans Doüairiere, étoit à côté de celuy de la Reine Doüairiere d’Espagne dans une médiocre distance ; tous ces Portraits étoient fort grands &amp; ornez de tres-riches bordures : le reste de la Salle étoit rempli de glaces dans des bordures dorées, &amp; orné de diverses manieres, le tout accompagné d’un grand nombre de lumieres, placées dans tous les endroits convenables pour faire briller tout ce que l’on avoit mis dans cette Salle, &amp; pour faire remarquer un plafond orné de tres-belles Peintures, &amp; d’où pendoient plusieurs grands Lustres remplis de Bougies. On avoit étendu plusieurs tapis sur le plancher de la même Salle ; dans laquelle on avoit dressé trois grands Buffets garnis d’un tres-grand nombre de pieces d’argenterie, de vermeil, &amp; de cristal. Il y avoit sur les même Buffets quantité de flambeaux garnis de lumieres ; on avoit aussi dressé au devant du Fauteuil de la Reine, trois grandes Tables sur une même ligne, &amp; separées par une distance assez considerable. Ces Tables étoient chargées de differentes sortes de confitures, ainsi que des plus beaux fruits de la saison. La Reine considera pendant quelques temps la beauté &amp; la disposition de tout ce Service. Le Pere Prieur suplia ensuite cette Princesse de toucher aux fruits &amp; aux confitures. La Reine se mit à la Table d’un air tres-obligeant ; tout le Service de la Reine étoit de Vermeil, il n’avoit jamais servi à personne, &amp; l’Ouvrage en étoit tres-beau, &amp; la plieure de la Serviette de cette Princesse imitoit sa Couronne.</p>
          <p>La Reine mangea, &amp; fit l’honneur au Pere Prieur de boire à sa santé, &amp; elle abandonna les deux Tables qui étoient à la droite &amp; à la gauche de la sienne aux Dames de sa suite, &amp; à celles quelle avoit fait inviter à cette Feste, &amp; cette Princesse leur permit de manger en sa presence. On doit remarquer qu’il n’y avoit de sieges dans la Salle, que le fauteüil de la Reine ; mais seulement un carreau pour Me la Duchesse de Liñarez, sa Camerera-Major. La Reine donna de sa propre main, presque tout ce qui estoit sur sa table, aux personnes les plus distinguées de l’Assemblée, qui bien qu’elle eût esté choisie, se trouva neanmoins fort nombreuse. La Reine voulant combler d’honneur la Communauté des Peres Augustins, voulut bien consentir que l’on reservât des confitures &amp; des fruits pour les porter dans son Palais. Les Buffets étoient remplis de vins de France &amp; d’Espagne, &amp; de diverses autres sortes, ainsi que de quantité de liqueurs &amp; de divers rafraîchissemens à la glace. Pendant tout le temps que l’on mangea, l’Assemblée fut divertie par une tres-belle Symphonie que le Pere Prieur avoit fait placer dans un lieu d’où elle pouvoit être facilement entenduë. La Reine sortit de cette magnifique &amp; brillante Salle, aprés y avoir demeuré pendant deux heures ; &amp; le Pere Prieur, avec de toute sa Communauté, eut l’honneur de l’accompagner jusqu’à la portiére de son carrosse, où cette Princesse lui dit, qu’<hi rend="i">il estoit trés-dificile de trouver un homme de sa Profession, qui fit les honneurs de sa Maison, avec autant de goût &amp; de magnificence, qu’il venoit de le faire</hi>. L’on peut dire, en effet, que le Pere Campmartin, qui est fort estimé à Bayonne, &amp; qui l’a toûjours esté beaucoup par tout où il a esté, a infiniment d’esprit ; &amp; qu’il sçait parfaitement, tout ce qui convient à son estat : Il a de grands talens pour la Prédication, ayant prêché plusieurs Avents &amp; plusieurs Carêmes, dans les plus considerables Villes de la Guienne &amp; du Languedoc : Il est de Toulouse, où il prêcha le Carême dernier, dans la fameuse Eglise Abbatiale de S. Sernin. Sa modestie l’avoit empêché de donner aucun détail de la Relation que vous venez de lire ; &amp; il auroit toûjours continué de le refuser, si le Pere Loüis Durieu du Pradel, Provincial des Augustins dans les Provinces de Toulouse &amp; de Giuenne, en ayant esté informé, ne lui eût écrit ; &amp; ne lui eût même fait une espece de Commandement, de lui envoyer un détail de tout ce qu’il avoit fait, pour signaler son zéle &amp; celui de son Ordre, dans une occasion aussi importante que l’estoit celle où il venoit de le faire paroître. On jugeroit de l’esprit de ce Pere, par la réponse qu’il a faite à ce Prieur, si l’on n’étoit pas déja convaincu par beaucoup d’autres endroits, que le Pere Durieu du Pradel est tres-distingué par sa qualité ; par son grand sçavoir ; par sa vertu, &amp; par sa maniere de parler, d’écrire, de prêcher, &amp; de regir sa Province. Voici sa Lettre ; elle peut servir de modéle aux Superieurs, qui sçavent soûtenir la dignité de leurs Emplois &amp; de leur Charge ; &amp; animer le zéle de ceux qui sont de leur Dépendance, lorsqu’il s’agit de le faire voir, pour la gloire de la Religion ; &amp; pour faire reverer les traits de la Puissance, &amp; de la Majesté du Seigneur, dans la personne d’une Majesté sacrée.</p>
          <quote>
            <p><hi rend="i">Je vous remercie, mon Reverend Pere, non pas du plaisir que vous m’avez fait, de m’envoyer la Relation de la reception faite à la Reine Doüairiere d’Espagne, dans vostre Eglise &amp; dans vostre Convent, vous me le deviez ; mais, de l’honneur que vous avez fait à nostre Province, &amp; à nostre Robe : je vous dois ce remerciment de sa part ; &amp; je vous felicite du bonheur que vous avez eu, de plaire à cette Princesse, dans tout ce que vous lui avez dit, &amp; dans tout ce que vous avez fait, pour lui témoigner tout vostre zéle. Je n’aprouve pas seulement, ce que vous lui avez dit ; mais je le revere dans son tout, &amp; jusqu’aux syllabes : Tout y doit être regardé comme consacré, dés qu’il est parvenu aux oreilles d’une Majesté sacrée, &amp; qu’il en a esté favorablement écouté. Le moins, que vous y deviez vous mesme ; c’est, de ne rien ajoûter, ou de ne rien changer, à ce qui vous a paru du goût d’une si Grande Reine. Je ne puis vous dire autre chose ; si ce n’est, que je n’ai pû lire vostre Relation, sans m’attendrir beaucoup sur tout ce qu’elle raporte, &amp; qu’elle représente si naturellement. Encore une fois, je vous en remercie ; faites en plaisir, à ceux que vous jugerez à propos : il ne peut que vous en revenir un trés-grand honneur, si le Public en est informé. Je suis toûjours, mon Reverend Pere, vostre tres-humble, &amp; tres-affectionné Serviteur, F.P. Durieu, Provincial des Augustins. A Bordeaux, ce</hi> 17. <hi rend="i">Septembre</hi> 1707.</p>
          </quote>
          <p>Le Pere Campmartin se rendit, quelques jours aprés la Fête de S. Augustin, avec une partie de sa Communauté, au Palais de la Reine, pour avoir l’honneur de lui faire ses tres-humbles remerciemens : S.M. lui fit celui, de lui donner une audience en forme. Il fut conduit dans son Apartement, par Madame la Duchesse de Liñarez, sa Camerera-Major, &amp; par Mr le Comte d’Albe, son Majordome : Et cette Princesse eut la bonté de lui dire, que <hi rend="i">depuis qu’Elle estoit en France, Elle n’avoit pas eu une journée, qui lui eût paru aussi agreable, que celle du jour de la Fête de S. Augustin.</hi></p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-02_237">
          <head>Epithalame</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, février 1708 [tome 2], p. 237-244.</bibl>
          <p>Je crois que l’Epithalame qui suit, tiendra bien sa place aprés les Mariages que vous venez de lire. Cet ouvrage est d’un Auteur fameux, &amp; il a été fait pour un Mariage de consequence qui fut celebré le mois passé.</p>
          <quote>
            <label>EPITHALAME.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">De vôtre fête, Hymen, voicy le jour.</hi></l>
              <l><hi rend="i">N’oubliez pas d’en avertir l’Amour.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Quand Jupiter pour complaire à Cibelle,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Eut pris congé du joyeux Celibat,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Il épousa, malgré la Parentelle,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Sa sœur Junon, par maxime d’Etat.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Nopces, jamais ne firent tel éclat ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Jamais Hymen ne se fit tant de fête :</hi></l>
              <l><hi rend="i">Mais au milieu du celeste Apparat,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Venus, dit-on, crioit à pleine tête,</hi></l>
              <l>De vôtre fête, Hymen, voicy le jour.</l>
              <l>N’oubliez pas d’en avertir l’Amour.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Venus parloit en Déesse sensée.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Hymen agit en Dieu tres-imprudent.</hi></l>
              <l><hi rend="i">L’Enfant aislé sortit de sa pensée,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Dont, contre luy, l’Amour eut une dent,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et de là vint, que de colere ardent,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Le petit Dieu toujours luy fit la guerre,</hi></l>
              <l><hi rend="i">L’angariant, le vexant, l’excedant</hi></l>
              <l><hi rend="i">En cent façons, &amp; chassant sur sa terre.</hi></l>
              <l>De vôtre fête, Hymen, voicy le jour.</l>
              <l>N’oubliez pas d’en avertir l’Amour.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Malheur, dit-on, est bon à quelque chose,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Le Blond Hymen maudissant son destin.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Même, l’Amour, qui jamais ne repose,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Luy deroba sa torche un beau matin,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Le pauvre Dieu pleura, fit le lutin ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Amour est tendre, &amp; n’a point de rancune :</hi></l>
              <l><hi rend="i">Tiens, luy dit-il, ne soit plus si mutin ; fortune.</hi></l>
              <l>De vôtre fête, Hymen, voicy le jour.</l>
              <l>N’oubliez pas d’en avertir l’Amour.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Hymen d’abord se met en sentinelle.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ajuste l’Arc, &amp; bien-tost apperçoit</hi></l>
              <l><hi rend="i">Venir à luy jeune &amp; gente Pucelle,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et Bachelier propre à galant exploit,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Hymentira, mais si juste &amp; si droit,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Que Cupidon même ne s’en pût taire.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Oh ! oh ! dit-il, le Compere est adroit :</hi></l>
              <l><hi rend="i">C’est bien visé ; je n’eusse pû mieux faire.</hi></l>
              <l>Amour, Hymen, vous voila bien remis,</l>
              <l>Mais, s’il se peut, soyez long-temps amis,</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Or voila donc par les mains d’Hymenée</hi></l>
              <l><hi rend="i">D’un trait d’Amour, deux jeunes cœurs blessez</hi></l>
              <l><hi rend="i">J’ay veu le Dieu, de fleurs la teste ornée,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Les Brodequins de Perles rehaussez,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Le front modeste, &amp; les regards baissez,</hi></l>
              <l><hi rend="i">En robe blanche, il marchoit à la feste.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et conduisant ces amants empressez,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Il étendoit son voile sur leurs testes,</hi></l>
              <l>Amour, Hymen, vous voila bien remis,</l>
              <l>Mais s’il se peut, soyez long-temps amis,</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Que faisoient lors les Enfans de Cithere !</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ils soulageoient Hymen en ses exploits :</hi></l>
              <l><hi rend="i">L’un de flambeaux, éclairoit le Mistere,</hi></l>
              <l><hi rend="i">L’autre du Dieu, dictoit les chastes loix,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ceux-cy faisoient raisonner le hautbois,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ceux-là dansoient Pavane figurée,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et tous en Chœur, chantoient à haute voix,</hi></l>
              <l>Hymen, Amour, Amour, oh, Hymenée,</l>
              <l>Amour, Hymen, vous voila bien remis,</l>
              <l>Mais s’il se peut, soyez long-temps amis.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Enfin finale, aprés maintes Orgies</hi></l>
              <l><hi rend="i">Au benoist lit, le couple fut conduit,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Le bon Hymen, éteignant les bougies,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Leur dit, Enfans</hi>, bon soir &amp; bonne nuit</l>
              <l><hi rend="i">Lors Cupidon s’empara du reduit,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et les Amours de rire, &amp; de s’ébatre</hi></l>
              <l><hi rend="i">Se rigolans, menant joyeux deduit</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et jusqu’au jour faisant, le diable à quatre.</hi></l>
              <l>Amour, Hymen, vous voilà bien remis :</l>
              <l>Mais, s’il se peut, soyez long-temps Amis.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Par tel moyen entre les Dieux Illustres,</hi></l>
              <l><hi rend="i">L’accord fut fait, &amp; le traité conclu,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Jeunes Epoux, faites que de vingt lustres,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Traité si doux, point ne soit dissolu,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et puissiez vous devant l’an revolu,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Tant operer, que d’une aimable Mere,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Naisse un beau jour, quelque petit Joufflu,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Digne des vœux, de l’ayeul &amp; du Pere.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-02_244">
          <head>Reponse à Phylis</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, février 1708 [tome 2], p. 244-247.</bibl>
          <p/>
          <p>Si l’Auteur des vers suivans n’est pas marié, il paroist par son ouvrage qu’il est du moins fort amoureux. Ces vers ont un tour fort agréable, &amp; ils ont esté fort estimez dans le monde. Ils sont de Mr de Souvenel.</p>
          <quote>
            <label>REPONSE A PHYLIS.</label>
            <lg>
              <l> <hi rend="i">Si je vais chez vous rarement</hi></l>
              <l><hi rend="i">Philis, pourquoy s’en prendre à mon indiference ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ma raison me deffend d’en agir autrement</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et c’est bien malgré moy que j’use de prudence ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Mais enfin quand le Ciel voulut former mon cœur,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Il le forma pour mon malheur</hi></l>
              <l><hi rend="i">Si prompt à s’enflamer, si sensible, &amp; si tendre</hi></l>
              <l><hi rend="i">Que dés qu’il voit deux yeux &amp; doux &amp; languissants</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Il cherche en vain à s’en deffendre</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Aussi-tost mille traits perçants</hi></l>
              <l><hi rend="i">Malgré tous ses efforts l’obligent à se rendre.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Que faire helas ! dans cette extremité ?</hi></l>
              <l><hi rend="i">De son propre malheur, on se trouve enchanté,</hi></l>
              <l><hi rend="i">On veut toûjours revoir l’objet que l’on adore,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Tout choque, tout déplaist quand on est loin de luy,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et plus on le revoit, plus on se plonge encore</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Dans le chagrin &amp; dans l’ennuy.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Je sçay ce qu’il en est, je tâche d’être sage</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Et je me trouve d’autant mieux</hi></l>
              <l><hi rend="i">Que je m’expose moins a l’éclat de vos yeux ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Cessez donc d’en tirer quelque mauvais presage,</hi></l>
              <l><hi rend="i">La beauté, les amours, les graces, &amp; les ris</hi></l>
              <l> <hi rend="i">N’en sont pas moins vôtre partage,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Vous n’en estes pas moins la charmante Phylis.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Peut-estre même helas ! que malgré mon courage</hi></l>
              <l><hi rend="i">Rempli du même feu que je veux éviter,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Je me sens déja transporter …</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ah ! ne me pressez pas d’en dire davantage.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-02_247">
          <head>Air nouveau</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, février 1708 [tome 2], p. 247-248.</bibl>
          <p/>
          <p>Les chansons à boire étant pendant le Carnaval, plus en regne que les autres, je vous en envoye une.</p>
          <quote>
            <label>AIR NOUVEAU.</label>
            <lg>
              <l> <hi rend="i">Chantons le pouvoir de Bachus,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Goutons le jusque sa treille nous donne :</hi></l>
              <l>  <hi rend="i">Sans ce doux jus</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Croire qu’une fête soit bonne ;</hi></l>
              <l>  <hi rend="i">C’est un abus,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Chantons le pouvoir de Bachus.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-02_294">
          <head>[Divertissemens du Carnaval, à la teste desquels on trouve un prelude tres-curieux]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, février 1708 [tome 2], p. 294-320.</bibl>
          <p/>
          <p>Le divertissement du Carnaval ayant commencé à la Cour, dés le mois passé, &amp; vous en ayant parlé dans ma derniere Lettre, il ne me reste à vous entretenir que de ce qui s’est passé à cet égard, depuis le commencement de ce mois, jusqu’au 21. que le Carnaval a finy. Les Etrangers qui sont icy (la guerre ne pouvant empêcher qu’il ne s’y en trouve toujours quelques uns) ont esté surpris de voir que les choses se sont passées, d’une maniere toute contraire à ce que l’on publie dans leur Païs, de la situation où se trouve la France, &amp; ils ont bien connu que l’on cherche à tromper les Peuples des Nations qui sont en guerre, afin de leur en faire supporter plus patiemment le joug &amp; les frais. En effet, dans quelque situation que puisse estre la France, elle doit toujours plus esperer que craindre, du côté de ses Troupes. Il est vray que depuis quatre ans, ses affaires ont esté derangées par trois de ces évenemens, dont il faut souvent plusieurs siecles, pour en produire de pareils ; mais on doit remarquer que dans ces évenemens, la valeur n’a point manqué aux Troupes ; &amp; que si par des fatalitez où je ne dois point entrer, elles ont eu le malheur de perdre quelque place seulement, parce que l’on estoit fort avancé dans le Païs Ennemy, les Alliez ont cherement acheté ces avantages, les François n’aïant sucombé qu’aprés avoir fait perir, par le fer &amp; par le feu, un grand nombre de leurs Ennemis. Ainsi si l’on fait reflexion sur cette valeur, &amp; sur ce qui s’est passé depuis 1672. on trouvera qu’ils ont gagné plus de 30 Batailles complettes, ou pour mieux dire, qu’ils n’en ont livré aucune, sans avoir pleinement triomphé ; &amp; il paroît aujourd’huy qu’ils sont plus en estat que jamais de faire la même chose, &amp; même en estat de faire remettre sous la puissance du Roy d’Espagne, les Etats que d’infideles Sujets avoient fait livrer à ses Ennemis. Le Roy a de bons Generaux à la tête de ses Troupes ; la valeur des Officiers a esté souvent éprouvée ; tous les Soldats sont de bonne volonté, &amp; il paroît tous les jours que la France n’est pas épuisée d’hommes, &amp; que l’on en levera autant que l’on voudra, toutes les fois que l’on sera en estat de le faire. Il est constant que l’argent est abondant en France ; quoy qu’il y ait des temps où l’on a de la peine à le faire circuler ; le Royaume en est infiniment plus remply qu’il n’estoit à la fin de la derniere guerre ; les raisons en sont évidentes, &amp; je ne crois pas qu’il soit necessaire de les raporter. Cependant, à peine la paix eut elle esté concluë, que la crainte d’un rabais fit voir que la France estoit toute d’or, &amp; que chacun s’offroit l’un à l’autre, de l’argent, pour une année, sans aucun interest. Ce Royaume sera toujours le plus pecunieux Etat du monde. Son industrie l’enrichira toujours, &amp; les Etrangers, quelque deffense que l’on fasse dans leurs Etats, rechercheront toujours toutes les nouveautez que ses modes produisent, &amp; quand ce qui vient des Nations les plus éloignées, a passé par les mains des François, tous les Habitans du monde marquent de l’empressement pour en avoir. Je pourois en donner des milliers de preuves incontestables ; mais tous les Etrangers en sont si bien informez, que je ne crois pas me devoir donner cette peine. Si ceux qui ont cru que la France estoit perduë, à cause des trois revers de fortune, qui l’ont empêchée d’étendre ses conquêtes, depuis quatre ans, aussi loin qu’elle auroit pû faire, se vouloient donner la peine de reflechir sur la situation de ses affaires, ils verroient qu’elle n’a pas perdu plus de deux ou trois places, depuis le commencement de cette guerre, &amp; que ce qu’elle a gagné sur ses Ennemis, &amp; dont elle est aujourd’huy en possession, est infiniment plus considerable. Je m’étendrois davantage là dessus, si je n’avois resolu de ne point finir ma lettre sans vous parler de la situation des affaires presentes, ce qui achevera de faire connoître à ceux qui sont toûjours acompagnez d’un esprit de crainte que l’on a pû, &amp; que l’on a dû se divertir à la Cour, de la maniere que l’on a fait pendant tout le Carnaval, &amp; je défie le plus entesté de faire voir qu’il y ait un seul mot, contraire à la verité, dans tout ce que je viens de dire.</p>
          <p>Je reviens aux divertissemens du Carnaval, dont j’ay commencé à vous parler le mois passé ; ils ont recommencé ce mois-cy par un Bal que le Roy donna dans son grand appartement, &amp; où il fut permis à tous les Masques d’entrer ; j’aurois beaucoup de choses à vous dire de ce divertissement, si je ne vous avois pas fait le mois passé une description de ce superbe apartement, &amp; de la maniere qu’il avoit été decoré pour le divertissement que le Roy y donna la veille de la Fête des Rois. Je ne pourois d’ailleurs vous rien dire de la collation, qu’il ne soit aisé de s’imaginer, la magnificence du Roy étant connuë, ainsi que la maniere de servir de ses Officiers.</p>
          <p>Quant à ce qui regarde les personnes Masquées qui parurent dans ce Bal, personne n’ignore dequoy les François sont capables ; que rien ne leur coûte lorsqu’il s’agit de paroître devant leur souverain, &amp; qu’étant aussi galants qu’inventifs, il se trouva à ce Bal, un tres-grand nombre de Masques, dont les habits aussi riches que singuliers, n’étoient pas moins dignes de l’attention du public par leur invention que par leur richesse.</p>
          <p>Madame la Duchesse de Bourgogne alla quelques jours aprés chez M<hi rend="sup">e</hi> de Chamillart, à qui elle avoit demandé un Bal quelque temps auparavant, &amp; cette Princesse s’y rendit accompagnée de Monseigneur le Duc de Berry, de plusieurs Princes &amp; Princesses, &amp; de la plus grande partie de la Cour. L’Assemblée y fut aussi magnifique que nombreuse ; &amp; l’on y dança dans trois differentes Salles tres bien illuminées. La collation étoit dressée dans une grande gallerie ; ainsi l’on doit juger que rien n’y manquoit de toutes les choses necessaires dans une pareille occasion. Madame la Duchesse de Bourgogne, &amp; Monseigneur le Duc de Berry furent servis par Mr le Duc de la Feüillade, &amp; par Mr le Marquis de Cany. Quoyque l’Assemblée fut des plus nombreuses, l’ordre ne laissa pas d’y être admirable, ce qui est aussi rare que difficile.</p>
          <p>Madame la Duchesse de Bourgogne donna quelques jours aprés un grand Bal dans son Apartement, où toute la Cour se trouva, ainsi qu’un grand nombre de Masques venus de Paris, à qui il fut permis d’y entrer, cette Princesse ayant declaré quelques jours auparavant qu’elle donnoit ce Bal en consideration des Dames de Paris, qui de leur côté y parurent avec le plus d’éclat qu’il leur fut possible. Je ne vous raporte rien de la Magnificence de ce Bal, puisqu’il suffit de vous dire qu’il étoit donné par Madame la Duchesse de Bourgogne. On ne peut rien ajoûter à la beauté de la collation qui fut dressée dans deux chambres de l’Apartement de Monseigneur le Duc de Bourgogne, qui joint celuy de la Princesse qui donnoit ce Bal.</p>
          <p>Monseigneur le Dauphin à aussi donné toutes sortes de divertissemens, &amp; il y à souvent eu chez ce Prince, Jeu, &amp; Musique, &amp; tout s’est enfin passé en plaisirs à Versailles, jusques au jour que la Cour en est partie pour Marly, afin d’y prendre de nouveaux divertissemens pendant tout le reste du Carnaval.</p>
          <p>Pendant les trois derniers jours, il y a eu quatre grands Bals. Il y en eut un le Dimanche à Seaux, donné par Madame la Duchesse du Maine. Le lundy, il y en eut un à S. Germain en Laye ; donné par le Roy d’Angleterre, &amp; le mardy le Roy en donna un à Marly. Comme les plaisirs ne pouvoient être en tres-grand nombre ce jour-là, Madame la Duchesse du Maine reçût aussi tous les Masques à Seaux, car l’on doit remarquer que tous les Masques furent reçûs dans ces quatre grands Bals.</p>
          <p>Les manieres obligeantes &amp; genereuses avec lesquelles L.A. Serenissines, Monsieur &amp; Madame la Duchesse du Maine, reçoivent à Seaux tous ceux qui se donnent l’honneur de les aller voir durant les sejours qu’ils y font de temps en temps pendant tout le cours de chaque année, sont cause que la plus grande partie des personnes distinguées de la Cour &amp; de Paris, se rend à Seaux les trois derniers jours du Carnaval, les portes de cette delicieuse Maison étant ouvertes depuis plusieurs années à toutes les personnes Masquées qui veulent y venir pendant ces trois jours, &amp; je puis dire que l’on n’y va pas ; mais que l’on y vole, s’il m’est permis de parler ainsi, &amp; les ordres sont si bien donnez pour empêcher que personne ne soit incommodé de la confusion causée par les personnes de toutes sortes d’Etats qui se rendent à Seaux pendant ces trois jours, de maniere que par une espece d’enchantement, on y entre sans être obligé d’attendre, quoyque de quart-d’heure en quart-d’heure, on y voye arriver des centaines de Carosses à la fois. Les Courts y sont éclairées de maniere, ainsi que les Escaliers, que l’on diroit que la nuit y fait honte au jour, &amp; on les traverse au milieu d’une grande foule sans se trouver pressé. Tous les Masques trouvent des places malgré la prodigieuse quantité qui y vient de toutes parts. On n’y attend point que le Bal soit avancé pour y servir des colations, &amp; pour y donner des rafraîchissemens, ce que l’on fait pendant que tout le Bal dure : c’est-à-dire, pendant toute la soirée ; &amp; pendant la plus grande partie de la nuit ; mais toutes ces choses touchent moins que l’accueil obligeant que Madame la Duchesse du Maine fait à tout le Monde. Ses airs prevenans &amp; gracieux charment toutes les Assemblées : elle les reçoit d’abord avec des habits dignes de son rang, &amp; de sa magnificence, &amp; aprés s’estre ainsi fait connoître pour marquer le plaisir que luy fait l’empressement que l’on témoigne de venir à Seaux, sans que l’on soit rebuté de la longueur &amp; de la difficulté du chemin : cette Princesse change de plusieurs habits, &amp; se mesle avec les Masques. Enfin elle s’est trouvée par tout pour sçavoir par elle-même ce qui se passoit, &amp; pour voir si ses ordres étoient bien executez. On à chaque jour prodigué dans ces Bals, les plus beaux fruits, &amp; les plus belles confitures seiches, &amp; outre celles que l’on portoit dans les trois Appartemens où l’on dançoit, il y avoit des Buffets garnis de toutes sortes de vins, de diverses liqueurs, &amp; de plusieurs sortes d’eaux que l’on distribuoit en abondance à tous ceux qui venoient en demander.</p>
          <p>Outre les divertissemens destinez pour chaque soir, on servoit plusieurs Tables à l’heure du dîné pour les Compagnies qui venoient voir Monsieur &amp; Madame la Duchesse du Maine, &amp; l’aprés dînée, chacun choisissoit le divertissement qui luy faisoit le plus de plaisir. Les uns se plaisoient à entendre des Concerts ; les autres joüoient aux jeux qui sont le plus en usage ; d’autres se divertissoient à joüer à des jeux d’esprit, &amp; enfin, plusieurs se faisoient un plaisir de la conversation, ainsi que de regarder les joüeurs, sur les visages desquels on voit souvent des passions bien naturellement representées. Il s’en faut peu que je n’imite ceux qui ne pouvant sortir de Seaux à cause du plaisir qu’ils y prenoient, ne le purent quitter que lorsque le jour commença à paroître, &amp; j’ay autant de peine à finir cet article qu’ils en avoient à sortir d’un lieu où tout leur faisoit plaisir.</p>
          <p>Je ne vous diray rien du Bal qui fut donné le lundy à S. Germain en Laye, parce que l’on ne doit point risquer de parler d’une Feste Royale sans estre bien informé de tout ce qui s’y est passé, &amp; que je ne le suis pas assez pour entrer dans un grand détail. Quoyque ce Bal se soit donné dans un lieu trop éloigné de Paris pour y attirer une grande foule, je suis neanmoins persuadé que l’Assemblée doit avoir été nombreuse, à cause du plaisir que l’on reçoit à voir le Roy d’Angleterre, &amp; Madame la Prince sa sœur, tant on trouve de graces, répanduës sur ce Monarque, &amp; sur cette Princesse. Ils peuvent se vanter de regner sur les cœurs de tous ceux qui les connoissent, ce qui est un grand prejuge que lorsque S.M.B. commander : dans les trois Royaumes qu’elle tient du Ciel &amp; de sa Naissance, son Empire sera grand sur les Cœurs de tous ses Sujets.</p>
          <p>Je devrois vous entretenir du Bal qui fut donné à Marly le dernier jour du Carnaval, &amp; où tous les Masques eurent permission d’entrer ; mais il est des choses dont on ne peut parler sans en diminuer l’éclat, &amp; que le public se represente mieux sur l’idée qu’il s’en forme que sur tout ce qu’on luy en peut dire, &amp; l’article qui regarde le Bal de Marly est de ce nombre. On n’a qu’à s’imaginer pour sçavoir bien-tôt tout ce qu’on en doit penser, tout ce qu’à d’auguste &amp; de galant, la plus brillante Cour de l’Europe, assemblée dans le plus beau lieu du monde ; la magnificence de cette Cour, &amp; le bon air de tous ceux qui s’exposent à danser dans une pareille Assemblée ; ainsi je crois vous avoir beaucoup dit en peu de paroles, &amp; que vôtre imagination doit être aussi remplie de ce Bal, que si je vous en envoyois un article plus étendu.</p>
          <p>Je viens d’apprendre beaucoup de choses, dont j’aurois parlé dans l’article des Bals que vous venez de lire, si j’en avois été plûtôt informé. Voicy en peu de paroles, une partie de ce qui auroit dû estre inseré dans ces Articles. Le premier Bal, aprés le retour du Roy de Marly à Versailles avant la fin du Carnaval, a été donné par Monsieur le Prince de Conty. L’entrée en fut permise aux Masques : il fut magnifique &amp; tres-bien entendu, &amp; la nombreuse assemblée qui s’y trouva, s’en retourna fort satisfaite. Il y a eu aussi plusieurs autres Bals hors du Château de Versailles, qui ont été trouvez tres-beaux, &amp; qui ont esté honorez de la presence de la plus grande partie de la Cour, &amp; sur tout celui qui à l’occasion d’un Mariage, a été donné à l’Hôtel de Gondrin par Mrs de Lazur Officiers du Roy. Les rafraîchissemens y furent abondamment distribuez, &amp; l’ordre y fut si bon que nonobstant la foule ; il n’y eut point de confusion.</p>
          <p>Je ne vous ay parlé que d’un Bal donné par le Roy dans le dernier voyage de Marly. Cependant il y en eut un le Vendredy qui a precedé les trois derniers jours du Carnaval, &amp; un autre le Dimanche. Je dois ajoûter qu’il y eut outre le Bal du Mardy, un divertissement, accompagné de Musique ; ce divertissement étoit tiré d’une Marcarade inventée par Mr le Vidame, fils de Mr le Duc de Chevreuse.</p>
          <p>Le Bal du Roy d’Angleterre, dont je vous ay déja parlé, a esté donné dans la Salle des Ballets de S. Germain en Laye. Ce lieu étant propre à donner de pareils divertissemens, &amp; étant fort spacieux, on peut juger que se trouvant remply de Masques, l’Assemblée devoit estre des plus brillantes &amp; des plus magnifiques.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-02_338">
          <head>[Article des Enigmes]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, février 1708 [tome 2], p. 338-343.</bibl>
          <p/>
          <p>Je passe d’un article bien serieux à un article qui l’est bien peu, quoique du tems des Oedipes, l’occupation de deviner des Enigmes fût des plus serieuses, &amp; regardée comme telle parmy les Souverains. Je vous diray aprés cela que <hi rend="i">les Ongles</hi> étoient le mot de l’Enigme du mois dernier. Voicy les noms de ceux qui l’ont deviné.</p>
          <p>Mrs Brandt ; de Barneon, de Tarascon en Provence ; Hémier, de la ruë des bons Enfans ; Alleaume ; l’Abbé Bougeard ; Laîné, proche le Cadran de S. Honoré ; de Laumel ; Michel, &amp; son Amy ; le G.D. L.B.D.L.P. &amp; son voisin le Fevre ; le Pere Jacob, de la Lune d’argent ; le Pere Becquet du Pont Nôtre-Dame ; le Mouton Ferré ; l’Anonyme ; D. J.F. de la ruë des Rats, &amp; son aimable Javotte de la ruë des Lavandieres ; le Vert Galant, &amp; la verte Galante du quartier des Carmes ; Beagle le gracieux, &amp; son amy du quartier S. Landry ; l’Elixire de la Galanterie, de la ruë des Marmousets ; le Solitaire Que-mine, &amp; son ami Darius ; l’Huissier de la ville, qui fait plus de vers en un jour, que dix Poëtes en une année ; le Cousin du Mouchel, devenu bel esprit par hazard ; le Fin Vieillard, de la ruë S. Jean de Beauvais, &amp; son ami ruzé, du Cloistre Saint Benoist ; Le Marquis Nesgrosny, &amp; le Chevalier Corsiny, de la ruë Saint Loüis au Marais ; Mlles Langlois, du Pont Nôtre-Dame ; de la Boulaye, de la ruë S. Antoine ; Manon le Blanc, &amp; son fidel ami de la ruë S. Honoré ; Suzane de la Porte ; la jeune Muse renaissante ; la Boule recherchée en Cour, &amp; la Conventuelle aux trois Oches ; la Dame qui sçait plaire à tout le monde, ruë de Richelieu ; Manieze, &amp; S.B.L. la Dame qui s’est acquis le don de plaire à tous ceux qui la connoissent, même ruë, à côté des Quinze-vingts ; la Dame qui n’a que de bonnes qualitez ; la Brune du Port S. Landry ; la vieille Pie du desert ; la plus jeune des belles Dames de la ruë de Bernardins ; la rare Simplicité ; la Solitaire de la ruë aux Feves ; la charmante Godon d’Argenteüil, &amp; son ami du même nom, la Brune du Port Landry ; la Grande H. de la ruë S. Jacques ; la belle Chenevelle ; la fidelle Gogo, &amp; son frere de S.P. la belle Morillon, de la ruë Montmartre ; Sainte Carolte, &amp; son aimable sœur de la ruë de l’Université ; &amp; l’enjouée M. Vernier.</p>
          <p>L’Enigme nouvelle, que je vous envoye est de Mr M.D.M.</p>
          <quote>
            <label>ENIGME.</label>
            <lg>
              <l> <hi rend="i">Ma figure est pyramidale,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Au corail le plus vif ma couleur est égale,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Quoyque petit de corps, je me pique d’honneur ;</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Et de noblesse &amp; de grandeur.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Souvent je ne suis point, ce que je veux paroître,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">je suis difficile à connoître,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et tel parle de moy qui ne me connoît pas.</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Je suis par tout si necessaire,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Que sans moy dans le monde &amp; parmy les combats,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Il n’est point d’honnête homme &amp; de vaillans Soldats.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Lorsque je veux parler, mon langage est sincere,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Il ne faut pas s’y fier autrement,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Car je suis quelquefois sujet au changement.</hi></l>
              <l><hi rend="i">On m’aime, on me conserve, &amp; ma vie est fort chere.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Je ne puis subsister que par le mouvement ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Le froid m’est tout-à-fait contraire,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et je péris au moindre attouchement.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-02_343">
          <head>Air nouveau</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, février 1708 [tome 2], p. 343-344.</bibl>
          <p/>
          <p>L’Air qui suit a reçû de grands applaudissemens, &amp; les paroles en ont esté trouvées tres-belles.</p>
          <quote>
            <label>AIR NOUVEAU.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Les plaisirs les plus charmans,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Sont ceux où Bachus nous convie :</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ce sont les seuls de la vie,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Dont on joüit malgré les ans.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Les Amours pour leur partage,</hi></l>
              <l><hi rend="i">N’ont que nôtre printemps ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">On n’aime pas à tout âge ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Mais on boit en tout temps.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
      </div>
      <div type="tome" xml:id="MG-1708-03">
        <head><hi rend="i">Mercure Galant</hi>, mars 1708 [tome 3]</head>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-03_5">
          <head>[Prelude, dans lequel on trouve une Epitre au Roy]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mars 1708 [tome 3], p. 5-10.</bibl>
          <p/>
          <p>Je crois ne pouvoir mieux commencer ma Lettre qu’en vous parlant d’un Livre nouveau, intitulé : <hi rend="i">Prieres Chrestiennes, tirées des Pseaumes, avec une Priere particuliere pour le Roy, &amp; pour demander à Dieu la Paix, dediées au Roy par un Pere de famille.</hi></p>
          <p>L’Epître qui est à la teste de cet Ouvrage estant fort courte, j’ay cru que la lecture vous en feroit plaisir, &amp; c’est pourquoy je vous l’envoye.</p>
          <quote>
            <label>AU ROY.</label>
            <p><hi rend="i">SIRE,</hi></p>
            <p><hi rend="i">Les Prieres Chrestiennes que j’ay l’honneur de presenter à</hi>
              <hi rend="sc">Vôtre Majesté</hi>, <hi rend="i">sont celles du Prophete Roy, que l’Eglise a consacrées, &amp; qu’elle met tous les jours dans la bouche des Fidelles pour adorer Dieu, &amp; pour implorer son assistance. Les Grands du monde sont plus obligez que les autres hommes, de vacquer à la Priere, parce qu’ils sont plus environnez de plaisirs, &amp; qu’ils ont plus besoin de la Grace pour les en délivrer. Les pompes qui les charment &amp; les plaisirs dont ils joüissent, sont autant d’ennemis dangereux qui les attaquent, &amp; qui remportent sur eux la victoire, s’ils n’ont pas la force de leur resister ; ce ne peut estre que par le secours de la Priere qu’ils les peuvent genereusement surmonter. Il ne faut pas s’étonner, SIRE, si</hi>
              <hi rend="sc">Vôtre Majesté</hi>
              <hi rend="i">s’est tellement renduë maistresse des passions humaines, puisque nous la voyons tous les jours se répandre devant Dieu, avec tant d’aneantissement &amp; de pieté qu’elle édifie tous ses Peuples, &amp; doit servir d’exemple à tous les Rois. Si</hi>
              <hi rend="sc">Vôtre Majesté</hi>
              <hi rend="i">veut bien jetter les yeux sur ces Prieres qui sont tirées de l’Ecriture Sainte, elle y goûtera sans doute, une onction toute divine ; parce qu’elles sont remplies de l’esprit, dont Dieu n’anima autrefois ce saint Roy, qu’afin de le transmettre ensuite dans le cœur de tous les Monarques. Il n’y a rien de moy dans cet Ouvrage ; tout vient de Dieu, &amp;</hi>
              <hi rend="sc">Vôtre Majesté</hi>
              <hi rend="i">n’y trouvera à mon égard qu’un amour respectueux &amp; particulier que j’ay toûjours eu pour Elle pendant toute ma vie. La bonté singuliere qu’Elle m’a témoignée toutes les fois que j’ay eu le bonheur d’approcher de sa Personne sacrée en luy presentant mes petits Ouvrages, m’a si vivement touché le cœur, que je tâcheray de luy donner le reste de mes jours des marques de ma soûmission, de mon zele, &amp; du tres-profond respect avec lequel je suis, &amp;c.</hi></p>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-03_60">
          <head>[Mort de Mre Etienne de Bachet]*</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mars 1708 [tome 3], p. 60-73.</bibl>
          <p/>
          <p>On ne trouve pas seulement dans la plûpart des articles de morts que je vous envoye, ce qui regarde la Genealogie des personnes dont je vous aprens la mort. Ce n’est pas toujours ce qui rend ces articles curieux ; mais comme il s’y trouve souvent quantité de faits historiques, dont la plûpart n’ont pas esté rendus publics, &amp; que l’on y trouve souvent les noms de plusieurs ouvrages, ou qui sont inconnus, ou dont on ignoroit les noms des Auteurs. Comme, dis-je, la plûpart de tous les articles de mort sont remplis de toutes ces choses, &amp; d’une infinité de faits curieux, on les doit regarder comme des morceaux d’histoire, qui doivent faire plaisir au Public, &amp; honorer la France. Vous trouverez dans l’article suivant beaucoup de choses, qui doivent faire plaisir à ceux qui font profession d’érudition &amp; qui aiment les belles Lettres.</p>
          <p>Mre Etienne de Bachet Seigneur de Meyseria, ancien President en la Cour Presidiale de Bresse, mourut le mois passé à Bourg, âgé de 81. an. Il avoit exercé cette Charge pendant 57. ans, avec beaucoup de répution ; il avoit un grand attachement pour sa Compagnie, composée de Magistrats tres-éclairez &amp; tres-integres, &amp; dont plusieurs sont Gentils-hommes. Je ne remonte point aux Ancêtres de ce President, qui ont esté annoblis par les armes, il y a trois siecles, &amp; je vous parleray seulement de ceux, qui de même que le Défunt, se sont rendus recommandables dans la Robbe.</p>
          <p>Etienne de Bachet, qui vient de mourir estoit fils de Claude Gaspard de Bachet, Seigneur de Meyseria, qui fut l’un des quarante, que le Cardinal de Richelieu choisit pour former l’Academie Françoise, où il merita cette place, par la profonde érudition, repanduë dans plusieurs de ses ouvrages, du nombre desquels est sa traduction de Plutarque, avec de sçavantes Notes Critiques, dans lesquelles il fait remarquer un nombre infiny de fautes grossieres, qui avoient échapé à Amyot, Traducteur de ce même Auteur : il a aussi composé la Vie d’Esope, fort recherchée des Sçavans, qui est imprimée à Bourg, &amp; dans laquelle il fait démonstrativement connoître l’erreur de quelques Historiens, qui ont trompé le Public dans le portrait défiguré de ce sage Auteur, qui l’ont representé bossu &amp; tout contrefait, quoy qu’il n’eût rien de défectueux dans sa personne. Mr de Bachet avoit particulierement excellé dans les Mathematiques &amp; dans l’Algebre, ayant composé plusieurs ouvrages sur les Sciences, dont il a laissé quantité de Manuscrits, n’ayant pas trouvé le temps de les faire imprimer. Ceux qui sont imprimez sont, <hi rend="i">Diaphanti Alexandrini Arithmeticorum, Libri sex ; De numeris Multangulis, Liber unus</hi> : il avoit dedié ce dernier au fameux President Favre son oncle, Premier President au Senat de Chambery ; ses Problemes de Mathematique &amp; d’Arithmetique sont dans les mains de tous les Curieux. Les Manuscrits sont, <hi rend="i">Elementorum Arithmeticorum, Lib.</hi> 13. <hi rend="i">Tractatus de Geometricis questionibus Algebram ; Appollodori Atheniensis Grammatici Bibliotheces, sive de origine Deorum, Lib.</hi> 3. Une Traduction d’Agathemeres, Geographe, Grec, fort exact, avec des Notes sur cet Auteur ; &amp; comme son esprit estoit universel, il a aussi laissé plusieurs ouvrages de Poësie ; des Notes sur le plus galant des Poëtes, &amp; des ouvrages de Morale ; de si grands talens l’avoient fait juger digne d’estre Précepteur de Loüis XIII. mais ayant appris qu’on jettoit les yeux sur luy pour ce grand Employ, qui l’auroit distrait de la lecture de ses livres, qu’il cherissoit plus que tous les postes les plus brillans, il quitta brusquement la Cour, pour retourner en Province. Il avoit épousé Philiberte de Chabert, fille de Claude de Chabert, Ecuyer Seigneur de Becerel, de Peronne &amp; de Puget, de laquelle il eut cinq enfans ; sçavoir deux filles Religieuses, Peronne &amp; Marie de Bachet, Pierre-Gaspard de Bachet, mort sans avoir esté marié, ainsi qu’Antoine de Bachet, Jean de Bachet, qui a eu de N. de Barbarel quatre fils, qui sont vivans ; sçavoir N. de Bachet, Gentilhomme, fort estimé dans sa Province, &amp; qui remplit dignement l’employ d’Elû ou Sindic de la Noblesse de Bresse. N. de Bachet Prêtre. N. de Bachet Enseigne de Vaisseau, Seigneur de la Garde, &amp; N. de Bachet, Seigneur de la Martiniere, qui a servy avec reputation, en qualité de Capitaine dans le Regiment de la Couronne, &amp; en qualité d’Aide de Camp de Mr le Commandeur de la Beaume-Forsat, Lieutenant General des Armées du Roy : il eut une troisiéme fille, nommée Marie, qui épousa Mr de Bertod, Ecuyer &amp; Seigneur du Bourg ; cette Dame est dans une grande consideration. Claude Gaspard dont je viens de parler, eut pour pere Jean de Bachet, Seigneur de Meyseria &amp; de Vauluisant, qui fut Juge des Appellations de Bresse ; il brilla dans cette Dignité, qui luy fit acquerir la reputation d’un des sçavans &amp; des plus integres Juges de son temps. Il eut deux femmes ; la premiere estoit fille de Mr le Comte de Chavannes, &amp; Sebastienne Odinet, de la Maison des Comtes de Montfort. Il épousa en secondes noces, Claire de la Beviere, fille de Jean de la Beviere, Ecuyer Seigneur de Dananches. Jean de Bachet estoit fils de Pierre de Bachet, Seigneur de Meyseria, Vauluysan &amp; Lionnieres, Lieu-tenant General du Bailliage de Bresse, sous Henry II. puis Juge des Appellations, ou Juge-Mage, lors que cette Province retourna à la Savoye ; il y fut souvent consulté comme un Oracle de Jurisprudence. On a imprimé deux tomes de ses Consultations, &amp; un tome des Lettres qu’il écrivoit aux plus sçavans de l’Europe, &amp; de celles qu’il en recevoit. Il avoit épousé Françoise de Soria, Portugaise, dont le pere avoit acheté en Bresse, où il avoit suivy la Duchesse de Savoye, les Terres de Bouvens &amp; de la Garde. Cette Famille porte de sable à un triangle d’or au chef cousu d’azur à trois étoiles d’or, &amp; elle a pour devise <hi rend="i">Nescit labi virtus</hi>. Je dois ajouter à ce que je vous ay dit au commencement de cet article d’Etienne de Bachet, qu’il n’est pas surprenant que le fils &amp; petit-fils de tant de grands Magistrats en ait receu l’esprit avec le sang ; il a passé pour l’un des plus beaux genies de sa Province ; il a soutenu ce caractere dans tous ses discours publics, &amp; particulierement dans la Harangue qu’il eut l’honneur de faire au Roy, au nom de sa Compagnie en 1660 &amp; qui fut admirée de toute la Cour. Il brilloit aussi beaucoup dans les entretiens particuliers, &amp; sur tout par ses reparties toujours vives &amp; remplies de sel, &amp; l’on a remarqué que les mauvais Plaisans ne l’ont jamais attaqué par aucune raillerie. Il n’a laissé que deux fils, dont l’un ou l’autre auroient pû remplir dignement l’Employ, dont il est mort revêtu, s’ils n’avoient repris le party de l’épée, que leurs Predecesseurs avoient portée avec honneur, avant que ceux dont je viens de parler eussent honoré la Robbe par leur merite personnel.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-03_103">
          <head>[Lettre touchant l’Histoire de la Poësie]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mars 1708 [tome 3], p. 103-106.</bibl>
          <p/>
          <p>Mr de S. Quentin Gentilhomme de la Ville d’Apt en Provence ; connû par plusieurs Ouvrages qu’il a donnez au public, &amp; par son talent pour la Poësie vient de faire Imprimer une <hi rend="i">Lettre adressée à Monsieur de *** servant de réponse à Mr Mervesin sur l’histoire de la Poësie</hi> 1707. Cette petite guerre litteraire dure depuis prés de 2. ans &amp; elle est, ainsi que bien d’autres demelez de cette nature, la source d’une infinité de découvertes curieuses qui sans ces diversitez d’opinions n’auroient peut-être jamais esté faites. Dans cette lettre, que l’on croit adressée à Mr de Chastuëil-Galaup ami de Mr de S. Quentin, quoyque son nom ne soit pas à la tête ; l’Auteur pretend que <hi rend="i">les Gots n’avoient jamais inondé les Gaules, &amp; qu’ils n’occuperent qu’une partie des sept Provinces que de leurs temps, on ne confondoit point avec les Gaules</hi> : il fait voir en même-temps que les Gaulois avoient toûjours negligé d’aprendre le secret d’endurcir l’acier, dont quelques Auteurs leurs ont cependant attribué l’usage. Mr de S. Quentin pretend aussi, &amp; il le prouve fort bien, que le nom de <hi rend="i">Fatistes</hi> ne doit point être donné aux Poëtes qui vivoient sous la premiere &amp; sous la seconde race de nos Rois. Mr Mervesin soutient le contraire, &amp; qu’un de ces Poëtes qui vivoit du temps de Charlemagne, ayant mis par hazard ou autrement dans l’Hymne de S. Jean <hi rend="i">ut, ré, my, fa, sol, la</hi>, on en fit ensuite les six Notes de la Musique. La fable qui termine cette lettre est tres-ingenieuse &amp; a attiré beaucoup de loüanges à son Auteur, dont on attend l’histoire de S. Elzear Gentilhomme Provençal, que l’on acheve d’imprimer, &amp; que d’illustres &amp; sçavans Prelats de Provence &amp; de Languedoc, l’ont engagé de donner au public. Personne n’estoit plus capable de travailler à cette vie, que Mr de S. Quentin, parce qu’il connoît parfaitement la Noblesse &amp; les antiquitez de Provence.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-03_106">
          <head>[Stratagème nouveau]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mars 1708 [tome 3], p. 106-115.</bibl>
          <p/>
          <p>Il est souvent plus difficile de badiner agreablement dans un ouvrage dont le sujet semble ne rien promettre, ou pour mieux dire ne promet rien du tout, que de réüssir, dans un ouvrage serieux, &amp; dont le sujet peut fournir beaucoup. On trouve une infinité d’ouvrages serieux qui ont merité l’approbation du Public ; mais à peine a-t-on vû dans chaque siecle, deux ou trois Auteurs, qui sur des riens, s’il m’est permis de parler ainsi, ont fait des ouvrages qui ont esté generalement applaudis, &amp; qui sans s’abbaisser ny tomber dans un fade ridicule, ont rendu des bagatelles immortelles. Enfin toute l’Europe est remplie d’un nombre infini de Recüeils de Lettres serieuses, &amp; celles de Voiture seules, se font remarquer par un caractere que personne n’a pû imiter parfaitement. On peut dire que l’Affiche que je vous envoye, est toute remplie d’invention &amp; d’esprit, &amp; qu’elle doit faire d’autant plus d’honneur à son Auteur, que le sujet auroit paru sterile à beaucoup d’autres qui font profession d’esprit &amp; qui en ont effectivement.</p>
          <p>La Lettre que vous allez lire est d’un des Amis de l’Auteur, &amp; elle accompagnoit les Vers qui la suivent.</p>
          <quote>
            <p><hi rend="i">MONSIEUR,</hi></p>
            <p><hi rend="i">Voicy un plaisant Stratagême pour retrouver un livre perdu ; ce livre doit estre pretieux à l’Auteur de la piece que je vous envoye, puisqu’il contient les Oeuvres de feu Mr Santeüil avec un éloge magnifique à la teste écrit de sa propre main : cet éloge où ce fameux Poëte avoit eu soin d’écrire son nom &amp; celuy de nôtre Auteur, rouloit sur son goût &amp; sur sa delicatesse dans la Poësie. Mr Santeüil n’estoit point prodigue d’encens, sur tout envers les Poëtes, &amp; il est certain qu’un pareil éloge est un Titre d’honneur à conserver dans des Archives. La piece que je vous envoye, vient de me tomber imprimée entre les mains, le nom &amp; les qualitez de son Auteur n’y sont marquez que par des Lettres initiales ; son stile le fait assez connoistre dans sa Province, &amp; il n’a pas voulu estre connu ailleurs. Je vous diray seulement qu’il est Chanoine de l’Eglise d’Amiens, &amp; que je vous ay envoyé plusieurs de ces Ouvrages, du nombre desquels sont les Hymnes latines qui se chantent dans son Diocese, avec leurs traductions en Vers François ; vous avez dû juger par son stile toûjours aisé qu’il se joüe de la Rime, &amp; qu’il meritoit bien l’estime d’un des plus grands Poëtes de nostre Siécle. Je suis avec toute l’estime possible, Monsieur, vostre &amp;c.</hi></p>
          </quote>
          <quote>
            <label>ELOGE EN VERS, REPAS EN FORME,<lb/><hi rend="i">Ou trois Loüis-d’Or en espece, à gagner.</hi></label>
            <lg>
              <l> Santeüil jadis ce grand Poëte,</l>
              <l>Des neuf Sœurs le docte Interprete,</l>
              <l>M’avoit de son Livre honoré,</l>
              <l>Et de sa main avoit paré</l>
              <l>Le frontispice de ce Livre,</l>
              <l>D’un éloge à me faire vivre</l>
              <l>Plus de mille ans aprés ma mort.</l>
              <l>Un Quidam jaloux de mon sort,</l>
              <l>Retient ce bien-aimé Volume,</l>
              <l>L’appuy glorieux de ma plume,</l>
              <l>Sans sonner mot depuis trois ans ;</l>
              <l>(S’il prend des prêts pour des presens,</l>
              <l>Il fera sa bibliotheque</l>
              <l>A peu de frais, sur l’hipotheque</l>
              <l>Qu’il s’imagine en sûreté</l>
              <l>A voir sur tout livre emprunté :)</l>
              <l>Son nom est hors de ma memoire,</l>
              <l>Mais je l’ay dans quelque grimoire,</l>
              <l>Et peut-estre qu’un beau matin</l>
              <l>Il me tombera sous la main.</l>
              <l>Ou si je fais enquête vaine ;</l>
              <l>Du Santeüil dont je suis en peine,</l>
              <l>Tost ou tard un bon fureteur</l>
              <l>Me déterrera l’Emprunteur.</l>
              <l>Il fera bien de me le rendre,</l>
              <l>Ou par la mort, il doit s’attendre….</l>
              <l>Mais que produira mon couroux !</l>
              <l>On gagne plus à filer doux,</l>
              <l>Si de sa part c’est indolence,</l>
              <l>Si c’est petite negligence,</l>
              <l>En est-il moins homme d’honneur ?</l>
              <l>Ainsi donc sans taxer son cœur,</l>
              <l>Je luy promets, foy de Poëte,</l>
              <l>Et foy de * personne discrete,</l>
              <l>Sitost qu’il m’aura fait raison,</l>
              <l>Des Vers, &amp; des Vers à foison,</l>
              <l>Des Sonnets &amp; des Epigrammes,</l>
              <l>Des Rondeaux &amp; des Anagrammes ;</l>
              <l>Que sçait-on peut-estre sans art,</l>
              <l>Par un coup heureux du hazard,</l>
              <l>Pourois-je en produire à sa gloire,</l>
              <l>Dignes des Filles de Memoire ;</l>
              <l>Mais si la rime est à son goût,</l>
              <l>Viande creuse &amp; maigre ragoût,</l>
              <l>Il n’a qu’à dire s’il veut faire</l>
              <l>Chere entiere de C…</l>
              <l>S’il est friand de lapereaux,</l>
              <l>De chapons du Mans, de perdreaux,</l>
              <l>D’un cochon de lait, d’une éclanche,</l>
              <l>D’un ragoût d’anguille ou de tanche,</l>
              <l>D’un plat de sole ou de saumon,</l>
              <l>Et de vin gris, j’en ay de bon ;</l>
              <l>En faveur de cette trouvaille,</l>
              <l>Nous ferons ensemble ripaille.</l>
              <l>Mais enfin, s’il ne se rend pas</l>
              <l>A l’espoir touchant d’un repas,</l>
              <l>Et d’un éloge de ma veine,</l>
              <l>Que l’interest donc me l’amene,</l>
              <l>Et je luy rendray grace encor,</l>
              <l>En luy donnant trois loüis-d’or.</l>
            </lg>
            <p><hi rend="sc">L’Abbé D.C. * D. l’E. d’A.</hi> &amp; <hi rend="sc">l’U.D.A.D.S.</hi></p>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-03_116">
          <head>[Article touchant la nouvelle découverte faite sur l’Ouye]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mars 1708 [tome 3], p. 116-118.</bibl>
          <p/>
          <p>Vous me demandez des nouvelles de la découverte que Mr du Guet a faite sur l’oüye, &amp; dont je vous ay parlé dans ma Lettre du mois de Decembre. Il est peu de découvertes dont le succés ait esté aussi grand &amp; aussi prompt, &amp; tant de gens m’en ont parlé, &amp; ont eu recours à son secret, que je crois que l’on peut dire de beaucoup de personnes, <hi rend="i">Aures habent &amp; non audient</hi>. En effet, ce secret qui regarde l’augmentation de l’oüye, est d’une tres-grande utilité pour ceux qui l’ont dure, puisque l’on peut par son moyen se parler &amp; s’entendre sur Mer, d’un vaisseau à l’autre, de plus loin qu’il n’a esté possible jusqu’à present, même sans que celuy qui parle soit entendu d’aucune autre personne, que de celle qui aura l’oreille à cette nouvelle Machine, qui approche les sons ou les tons de l’oreille, de même que les lunettes approchent les objets de l’œil. Ainsi elle procure une infinité d’avantages ; sçavoir, d’entendre de plus loin les Orateurs, l’Opera, &amp; la Comedie, des loges les plus éloignées, &amp;c. Mr du Guet demeure dans la ruë de l’Arbre sec.</p>
          <p>Le même Mr du Guet a fait plusieurs autres découvertes, parmy lesquelles il s’en trouve qui peuvent estre tres-utiles à l’Etat, &amp; dont il a donné plusieurs Memoires à Messieurs de l’Academie des Sciences qui les ont fait mettre dans leurs Registres. Je pourray vous en faire part lorsque je seray moins accablé des nouvelles du temps.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-03_225">
          <head>Air nouveau</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mars 1708 [tome 3], p. 225-226.</bibl>
          <p/>
          <p>Je vous envoye un Air nouveau, dont vous reconnoîtrez sans doute les paroles, puisqu’elles sont tirées de ma Lettre du mois de Janvier dernier, dans lequel je vous ay parlé d’un Amour galant, qui s’est fait admirer dans l’un des Bals de la Cour du Carnaval dernier.</p>
          <quote>
            <label>AIR NOUVEAU.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Je suis Dieu des Amours, des graces &amp; des ris ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et sur tant de beautez qu’on voit icy paroître,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">C’est moy qui vous donne le prix.</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Le Dieu d’Amour doit s’y conoître.</hi></l>
              <l><hi rend="i">J’ay quitté mon bandeau pour pouvoir desormais</hi></l>
              <l><hi rend="i">Chaque instant admirer tant de graces nouvelles ;</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Et pour ne vous quitter jamais,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">J’ay moy-même coupé mes aîles.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-03_226">
          <head>Lettre à Monsieur le Duc de Vendosme</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mars 1708 [tome 3], p. 226-231.</bibl>
          <p/>
          <p>Je crois devoir ensuite des Vers que vous venez de lire, qui ont esté presentez par l’Amour à une grande Princesse, placer les Vers suivans, envoyez par une Muse à Monsieur le Duc de Vendosme. Je dis Muse, parce qu’ils ont esté faits par une personne de vôtre sexe, qui s’est acquis beaucoup de reputation par ses ouvrages, &amp; dont l’esprit repond à la qualité.</p>
          <quote>
            <label>LETTRE A MONSIEUR LE DUC DE VENDOSME.</label>
            <lg>
              <l>Serois-je seule dans la France</l>
              <l>Sans te voir, sans t’entretenir,</l>
              <l>Et desirant toûjours l’honneur de ta presence,</l>
              <l> Ne pourray-je point l’obtenir ?</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l>Si j’avois d’Abaris la merveilleuse fleche</l>
              <l> J’en serois servie à souhait</l>
              <l>Et sans aucun secours de chevaux de Caleche</l>
              <l> Je serois bien-tost à Anet.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l>Là, te rencontrant seul, prés d’une pallissade</l>
              <l> Dans tes Jardins delicieux,</l>
              <l>Je sçaurois t’amuser en cüeillant ta salade,</l>
              <l> Par quelque recit curieux.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l>En voyant ton Palais je parlerois sans cesse</l>
              <l> De celuy de Semiramis</l>
              <l>Je dirois ses hauts faits, je dirois sa foiblesse,</l>
              <l>Tout ce que jusqu’à nous l’Histoire en a transmis ;</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l>Que ne dirois-je point de ce Grec temeraire</l>
              <l> Dont l’heureuse rapidité</l>
              <l>Ne vit jamais la fortune contraire</l>
              <l> A son immense avidité.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l>Semblable à ce guerrier, mais plus simple &amp; plus sage</l>
              <l> Moins orguëilleux que luy, tu mesure tes pas.</l>
              <l> Plus Grand par plus d’un avantage,</l>
              <l>Tu brille des vertus qu’il ne possedoit pas.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l>Redoutable aux Combats, chez toy doux &amp; paisible,</l>
              <l> Aimé par tout également</l>
              <l>Plus qu’un Dieu, quand il faut, tu te montres terrible,</l>
              <l> Dans A net un homme charmant.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l>Qu’on ne me parle point de ces Heros qu’on vante</l>
              <l> Uniquement par leur valeur ;</l>
              <l> Je veux que le Heros ressente</l>
              <l> Tous les mouvemens d’un bon cœur.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l>Ah ! ce n’est pas toûjours en teste d’une armée</l>
              <l>Qu’on s’attire du monde &amp; l’estime &amp; les vœux</l>
              <l> Et pour remplir sa renommée</l>
              <l>Il faut servir les malheureux.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l>Tu m’as cent fois promis de reparer l’outrage</l>
              <l>Du Sort qui m’accablant n’a pû m’assujettir ;</l>
              <l> Acheve, acheve ton ouvrage</l>
              <l> Force le de se démentir.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l>On me croit ton Amie, &amp; j’en tire ma gloire,</l>
              <l><hi rend="sc">Prince</hi>, ton nom est grand pour moy,</l>
              <l> Fais que l’avenir puisse croire</l>
              <l> Qu’il n’est pas indigne de toy.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-03_237">
          <head>[<hi rend="i">Diarium Europæum Historico Litterarium</hi>]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mars 1708 [tome 3], p. 237-240.</bibl>
          <p/>
          <p>Le Pere Hommey Augustin Reformé de la Communauté d’Angers, connu dans la Republique des Lettres par plusieurs ouvrages qu’il a donnez au public, &amp; sur tout par son Supplément des Peres, &amp; par le <hi rend="i">Diarium Historico-Litterarium</hi>, qu’il avoit commencé à publier à Paris en 1703. en a commencé un nouveau qui s’imprime à Luxembourg chez le sieur Chevalier, &amp; qui a pour titre : <hi rend="i">Diarium Europæum Historico-Litterarium, Ann. M. DCC. VII. Trimestre</hi> 1. Le Plan de l’Auteur est d’en donner un semblable tous les trois mois ; il est à souhaiter qu’il l’execute, puis qu’à en juger par celuy-cy on aura lieu d’estre content de cet ouvrage. On trouve dans l’Article d’Angleterre les 25. Articles de l’Union entre ce Royaume-là &amp; l’Ecosse. On voit dans ce Journal plusieurs pieces de Poësie Latine, parmi lesquelles sont une Pompe Funebre en Vers Latins du grand Gustave-Adolphe Roy de Suéde, tué à la Bataille de Lutzen ; un petit Poëme tres-ingenieux adressé à Philippe V. Roy d’Espagne ; &amp; une piece en Prose Latine à la gloire de Charles XII. aujourd’huy Roy de Suéde ; &amp; un Eloge aussi en Vers de M<hi rend="sup">r</hi> l’Evêque d’Osnabruk. Le Pere Hommey annonce quelques livres nouveaux, mais il se plaint de leur cherté. Cet Auteur infatigable nous promet une Histoire suivie du dix-huitiéme siecle, &amp; il doit commencer à l’avenement de Monseigneur le Duc d’Anjou au Trône d’Espagne l’année 1701. est presque imprimée.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-03_306">
          <head>[Place d’Eleve, remplie à l’Academie Royale des Inscriptions]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mars 1708 [tome 3], p. 306-307.</bibl>
          <p/>
          <p>A prés vous avoir parlé de ceux qui s’avancent dans la guerre, je dois vous entretenir de ceux qui font des progrés dans les Lettres.</p>
          <p>Mr de Ville-fort, l’un des Eleves de l’Academie Royale des Inscriptions, connu par son merite &amp; par divers ouvrages de Prose Françoise, parmy lesquels se trouvent les Vies des Peres du Desert, &amp; celle de S. Bernard, ayant demandé à se retirer à cause de son peu de santé qui ne luy permettoit pas de satisfaire aux assiduitez &amp; aux travaux Academiques portez par les Reglemens, Mr de Boze, Secretaire perpetuel de l’Academie, qui en qualité de Pensionnaire avoit droit de nommer à la place vaccante par la démission de Mr de Ville-fort, a presenté Mr Ron, Conseiller au Chastelet, &amp; cette nomination a esté agrée de toute la Compagnie, &amp; confirmée par Sa Majesté. L’érudition de ce jeune Magistrat, &amp; son talent pour la Poësie Françoise, luy ont acquis beaucoup de réputation.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-03_307">
          <head>[Article des Enigmes]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mars 1708 [tome 3], p. 307-313.</bibl>
          <p/>
          <p>Une Dame amie de l’Autheur de l’Enigme du mois dernier, en ayant trouvé le mot, il a cru devoir faire pour elle les Vers suivans.</p>
          <quote>
            <label>MADRIGAL.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Par le mot que sans peine, Iris, a deviné,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Son éloge en ces Vers se trouve terminé.</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Elle est belle, bien faite, aimable,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">On est charmé de sa douceur,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Son esprit la rend estimable,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Mais elle l’est encor cent fois plus par</hi> le Cœur.</l>
            </lg>
          </quote>
          <p>Le dernier mot de ces Vers est celuy de l’Enigme. Ceux qui l’ont aussi deviné sont : Mrs le Begue, Precepteur de Mr de Miromesnil ; de Motiers, de la ruë Geoffroy-l’Asnier ; du Pin ; Tellusson ; D. le Chin, Procureur Fiscal à Egligny prés d’Auxerre, &amp; son grand Amy Jacquart de Nanteil, Capitaine des Grenadiers au Regiment d’Orleanois, son voisin ; Vannereau ; J. le Beuf, Lieutenant d’Artillerie ; Barriere, C.… &amp;c. Verninac, premier Consul de Soüillac pour la quatriéme année ; l’Americien ; du Hamel, &amp; son neveu Neou ; Rouzaut, Commis au Greffe Civil du Parlement de Toulouse, &amp; son Amy Aussaque ; Jacob, de la Lune d’argent ; Demachy, de la Toilette Royale ; Becquet, Philosophe, du Pont Nôtre-Dame ; Herbin, du même Pont ; M.L. M.D.R. l’Oedipe de l’Hostel d’Entragues ; les vrais rayons du Soleil d’or A.B.D.G.T.V. Le vieux M.P. Novice ; Richard sans barbe ; le grand Chaperon des Nymphes, &amp; le P. des Perroquets ; les petits enfans, &amp; Pilliette ; le Solitaire du Culde-sac Saint Landry ; le B.G. de la ruë du Meurier ; le Solitaire Que-mine &amp; son amy Darius. Mlles du Boisrond ; de Poitiers ; Morillon L.F.E.S. A.M.S ; l’aimable Demoiselle Gombaut de la ruë S. Pierre aux Bœufs ; la jeune Muse renaissante ; M.A. l’Hoste de Boulogne sur Mer ; la Poule brune du bois de Cerf ; l’aimable Cochot, de la ruë aux Féves ; la Solitaire de la même ruë ; la belle Denise. D.C.R.D. P.N.D. La belle Tonton, de la ruë de Grenelle ; la Maman téton de M<hi rend="sup">r</hi> le Duc de Thouars, &amp; sa grosse Gouvernante ; la plus jeune des belles Dames de la ruë des Bernardins ; la Colombe de Merignac ; les deux Charmantes, du Pont Nôtre-Dame ; Javotte sur le Quay neuf ; Echuodub, sur le même Quay ; les deux sœurs inseparables, de la ruë neuve S. Eustache ; l’aimable niece du Solitaire, de la Croix du Tiroir ; la charmante de la Ronde ; la Nymphe de la Fossée ; L.G. de la ruë Geoffroy l’Asnier, &amp; sa sœur Manette ; la toute aimable S.C.L.B. &amp; la Maraine de la Commette.</p>
          <p>Je vous envoye une Enigme nouvelle. Elle est d’une personne de distinction.</p>
          <quote>
            <label>ENIGME.</label>
            <lg>
              <l> <hi rend="i">Dans les quatre saisons, je suis toûjours de même</hi></l>
              <l><hi rend="i">Les grands &amp; les petits, je sers également</hi></l>
              <l><hi rend="i">Aux deux sexes, je donne un fragile ornement,</hi></l>
              <l><hi rend="i">De qui ne peut m’avoir, la disette est extrême.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Mon teint approche moins du vermeil que du blême</hi></l>
              <l><hi rend="i">Dans toutes les couleurs, je fais du changement</hi></l>
              <l><hi rend="i">Pourvû qu’on en excepte, une ou deux seulement,</hi></l>
              <l><hi rend="i">On me trouve au village, &amp; sous le diadéme.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Je n’ay pas d’ennemy plus rude que le vent ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">On ne fait aucun cas de moy dans le Convent</hi></l>
              <l><hi rend="i">Si tu sçais d’où tu viens, tu connois bien ma mere.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Mon pere sans me voir, me bat soir &amp; matin</hi></l>
              <l><hi rend="i">Nous finirons tous trois, par un divers destin</hi></l>
              <l><hi rend="i">Rien plus commun que moy, rien si peu necessaire.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-03_313">
          <head>Air nouveau</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mars 1708 [tome 3], p. 313-314.</bibl>
          <p/>
          <p>L’air que je vous envoye est dé saison, puisqu’il regarde le Printemps.</p>
          <quote>
            <label>AIR NOUVEAU.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Le doux chant des oiseaux vient bannir la tristesse</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et l’aimable Printemps raméne les beaux jours :</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Reveillez-vous, tendre jeunesse,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Et reprenez vos fidelles amours.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
          <p>Les oiseaux ne se font pas entendre seuls dans cette saison, &amp; ils sont souvent effarouchez en ce temps-cy par le bruit des tambours &amp; des trompettes, &amp; par celuy des armes, dont voicy le temps de vous entretenir.</p>
        </div>
      </div>
      <div type="tome" xml:id="MG-1708-04">
        <head><hi rend="i">Mercure Galant</hi>, avril 1708 [tome 4]</head>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-04_5">
          <head>[Prelude, dans lequel se trouve trois Eloges du Roy, prononcez par les deux Academiciens qui ont esté reçûs en dernier lieu, &amp; par celuy qui a fait la fonction de Directeur à cette Reception]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, avril 1708 [tome 4], p. 5-22.</bibl>
          <p/>
          <p>Comme vous sçavez que Mr l’Abbé Mongin, &amp; Mr l’Abbé Fraguier, ont esté reçûs à l’Academie Françoise, le premier à la place de feu Mr l’Abbé Gallois, &amp; le second à la place de feu Mr Colbert, Archevêque de Roüen ; vous sçavez aussi que selon les Statuts de l’Academie, les nouveaux Academiciens, doivent faire l’Eloge du Cardinal de Richelieu, fondateur de l’Academie ; du Chancelier Seguier qui la protegea, &amp; luy donna un lieu dans son Hôtel pour tenir ses Assemblées, aprés la mort de ce Cardinal ; qu’ils doivent aussi parler de l’Academicien auquel ils succedent, &amp; que l’Eloge du Roy doit faire la principale partie de leurs discours, en reconnoissance de la Protection que leur donne ce Monarque, &amp; de ce qu’ils tiennent leurs sceances dans son Palais. Depuis trente deux ans, je vous ay donné des Extraits de tous ces Eloges, en vous parlant des Academiciens qui ont esté reçûs ; mais comme ces Eloges me meneroient trop loin, parce que dans la derniere sceance publique de l’Academie, on a reçû deux Academiciens en même temps, parce qu’ils avoient esté nommez dans un même jour, je me contenteray de rapporter icy ce qu’ils ont dit à la gloire du Roy. Mr l’Abbé Mongin parla le premier. Voicy par où il entra dans l’Eloge de S.M. par rapport à l’Academie.</p>
          <quote>
            <p><hi rend="i">En loüant le Roy, elle ne sort point de ses regles. Elle trouve le Heros au-dessus du Monarque, ses vertus au-dessus de ses victoires, ses sentimens plus élevez que ses Trophées, son cœur plus noble que sa Couronne, &amp; plus grand que sa fortune ; disons mieux, plus grand que sa propre Renommée.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Quel bonheur pour vous, Mrs, d’avoir sans cesse à loüer un Prince qui vous fait trouver dans sa seule personne, un fond toûjours inépuisable de loüanges ! en effet, si sa gloire eut esté attachée à ses seules conquestes, si sa grandeur eut esté l’ouvrage d’une aveugle fortune, où auriez vous pris des Eloges aprés ces fatales journées où la valeur de la Nation se vit trompée ou trahie par la victoire ? Ce Heros immortel dont la Religion &amp; la Justice ont toûjours conduit les entreprises, se verroit donc confondu avec ces Heros Profanes qui ne doivent leur gloire qu’à leur fureur, &amp; dont tout le merite consiste à avoir esté ambitieux, injustes, barbares, &amp; usurpateurs avec succés ? Ce seroit pour de tels vainqueurs que l’Eloquence se trouveroit confuse ou muette au premier changement de fortune. Mais comme le digne sujet de vos veilles n’a point changé, vous n’avez dû, Mrs, ny vous taire ny changer de langage ; le Heros a soutenu le Conquerant, son cœur toûjours ferme, toûjours invincible vous a toûjours laissé le droit de publier ses propres victoires, &amp; sa vertu plus forte que ses armées a mis vos Eloges &amp; sa gloire au dessus de l’inconstance &amp; de l’instabilité des choses humaines. Les vrais Heros, sont Heros dans tous les temps. Comme leur grandeur reside dans leur ame &amp; non dans les bras de leurs Soldats, il n’est pas necessaire qu’ils soient toûjours heureux pour estre grands. Il leur suffit d’agir toûjours par de grands principes &amp; pour de grands objets, le reste n’est pas de leur devoir. Mais graces au Ciel les épreuves de patience &amp; de soumission n’ont pas duré ; l’Eclipse a esté courte, &amp; déja, Mrs, vous pouvez reprendre le noble &amp; magnifique langage de la victoire. Déja nos troupes victorieuses &amp; triomphantes ont repris leur premier ascendant, &amp; ont vû nos fiers ennemis confondus de toutes parts, fugitifs en Alemagne, déconcertez en Flandre, repoussez en Provence, battus &amp; défaits en Espagne.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Puissiez vous aussi reprendre bien-tost un stile plus doux &amp; plus éloquent encore que celuy des Triomphes. Il est pour les grandes ames un plaisir plus touchant que celuy de vaincre.</hi>
              <hi rend="sc">Louis le Grand</hi>
              <hi rend="i">l’a souvent appris à ses Ennemis, &amp; les Nations entieres tant de fois soulevées contre sa gloire, &amp; tant de fois pacifiées par sa moderation, devroient bien se souvenir qu’il a souvent oublié ses injures pour essuyer leurs larmes &amp; finir leurs miseres. Mais oublions, s’il se peut, &amp; sa moderation &amp; ses victoires pour réünir nos vœux au seul objet qui interesse tout à la fois nostre amour, nostre repos &amp; nostre gloire. Ne demandons pas à Dieu que ce Heros triomphe ou qu’il fasse la paix, demandons seulement qu’il vive, &amp; qu’il regle ses jours sur nos desirs, ce seroit former des souhaits indiscrets ; mais du moins sur nos besoins. Nous ne ferons pas des vœux tous seuls. Les Rois malheureux, &amp; indignement détrônez, le Regne de la pieté rétably ; l’Etat sauvé des fureurs de l’heresie ; les Souverains legitimes en possession de l’heritage de leurs Peres ; les droits les plus sacrez qu’on attaque, ou qu’on viole ; les Trônes renversez, ou les Trônes raffermis, sont comme autant de voix qui demandent au Ciel la conservation du seul Protecteur de la Religion, de la Royauté &amp; de la Justice.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Que ne puis-je, Messieurs, venir souvent apprendre de vous, à exprimer les sentimens d’admiration qu’inspirent les vertus &amp; la presence de ce Prince Auguste. Mais si je ne puis rien pour sa gloire, j’essayeray de contribuer en quelque sorte à sa joye, en cultivant les pretieuses semences de sagesse &amp; de pieté, que son sang &amp; ses exemples ont transmises dans le cœur du Prince que j’ay l’honneur d’instruire. Déja, le Roy y reconnoît l’image de sa jeunesse ; Puisse-t-il y remarquer un jour quelques traits de sa valeur &amp; de ses vertus.</hi></p>
          </quote>
          <p>Voicy de quelle maniere Mr l’Abbé Fraguier parla du Roy.</p>
          <quote>
            <p><hi rend="i">Oseray-je pourtant, Messieurs, vous dire ce que vous sçavez, sans doute, comme moy ? Vous pouvez bien parvenir à rendre à</hi>
              <hi rend="sc">Louis le Grand</hi>, <hi rend="i">le plus noble &amp; le plus exquis tribut de loüanges qui ait jamais esté rendu à un grand Prince ; mais vous ne pouvez rien ajouter à ce qu’en publiera sa Renommée. Sans vous, sans le secours des Muses, la voix des Peuples fera entendre qu’il a vaincu les Nations les plus fieres, &amp; qu’il est le Protecteur des Rois, le Destructeur de l’heresie, &amp; le Deffenseur des Autels.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Quels vœux la France ne doit-elle point faire pour la conservation d’un Monarque qui rassemble en luy tout ce qui fait la veritable grandeur des hommes, &amp; tout ce qui, dans les Rois, produit la ressemblance avec Dieu même ? Et quels vœux ne dois-je pas faire en mon particulier, pour un Prince, qui selon ce qu’Homere a dit du Soleil ;</hi> voit tout &amp; entend tout, <hi rend="i">&amp; qui par sa lumiere, perce &amp; dissipe les noires tenebres de la calomnie ?</hi></p>
            <p><hi rend="i">Fasse celuy par qui les Rois regnent, &amp; qui a versé tant de benedictions sur sa Personne sacrée, &amp; sur son auguste Maison, que cette Maison n’ait aucunes bornes dans sa durée. Puisse ce Prince incomparable, voir l’orguëil de ses Ennemis humilié, comme un jeune Heros de son sang, vient d’humilier, par sa naissance &amp; par sa valeur, l’ancien orguëil d’une Ville fameuse ; &amp; puissent tous les momens de sa vie, estre long-temps marquez par quelque nouvelle faveur du Ciel.</hi></p>
          </quote>
          <p>Tous les Eloges particuliers qui remplissoient les Discours des deux Academiciens, furent trouvez tres-beaux, &amp; loin que l’impression qui en a esté faite leur ait rien fait perdre des beautez que l’on y avoit trouvées, lorsqu’ils furent prononcez, on y en a découvert de nouvelles.</p>
          <p>Mr l’Abbé de Dangeau, qui se trouvoit alors Directeur de l’Academie, estant indisposé, lorsque les deux Academiciens furent reçûs, &amp; le Chancelier de la même Academie estant absent, Mr l’Abbé Regnier des Marais, qui en est Secretaire perpetuel, n’avoit pas cru devoir repondre aux Discours de Mr l’Abbé Mongin, &amp; de Mr l’Abbé Fraguier ; de maniere qu’il n’eut que tres-peu de temps pour s’y preparer. Cependant, il ne laissa pas de s’attirer de grands applaudissemens de toute l’Assemblée. Il loüa dignement les deux nouveaux Academiciens, &amp; ceux dont ils remplissoient la place, &amp; il parla du Roy de la maniere suivante, en leur adressant la parole.</p>
          <quote>
            <p><hi rend="i">Ce que je ne puis trop vous dire, c’est que vous entrez desormais dans toutes les obligations de l’Academie, &amp; qu’Elle n’en a point de plus grande &amp; de plus pressante, que d’essayer de se rendre digne de la protection particuliere, dont le plus grand Roy du monde luy a fait la grace de l’honorer.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Au milieu de ses grandes occupations, au milieu de tant de soins qu’il est obligé de donner continuellement au Gouvernement des Etats que la Providence luy a confiez, il a la bonté de descendre dans le détail de ce qui nous regarde. Il n’y a rien sur quoy sa vigilance ne s’étende ; mais au même-temps qu’il veut bien abaisser ses regards jusqu’à nous, avec quelle force, avec quelle penetration ne les porte-t-il point jusqu’aux extremitez de l’Vnivers, pour le salut de la France, &amp; pour reprimer tant d’Ennemis que sa gloire &amp; sa puissance luy ont suscitez.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le Ciel, dans la derniere Campagne, a confondu par tout leur orguëil &amp; leurs esperances. Quelles graces dans la suite ne devons nous point nous promettre du Dieu des Armées, en faveur d’un Prince si zélé pour le culte des Autels, &amp; dans une guerre qu’il ne soutient que pour la deffense de ses Peuples, pour la conservation du droit des Gens, &amp; de la nature, &amp; pour reduire ses Ennemis aux conditions d’une paix qui puisse estre équitable &amp; ferme.</hi></p>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-04_22">
          <head>Epitre à son Altesse Monseigneur le Duc de Vendosme</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, avril 1708 [tome 4], p. 22-34.</bibl>
          <p/>
          <p>A peine Mr l’Abbé Regnier eut-il cessé de parler, que Mr de Campistron, Academicien, &amp; Secretaire des Commandemens de Monsieur le Duc de Vendosme, lut l’Epitre suivante, adressée à ce Prince.</p>
          <quote>
            <label>EPITRE A SON ALTESSE MONSEIGNEUR LE DUC DE VENDOSME.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Otoy, qui seul peut-estre au sortir de l’Enfance</hi></l>
              <l><hi rend="i">Sçûs du faux, &amp; du vray, faire la difference,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et préferant à tout l’austere verité,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Joüir de la Grandeur avec simplicité,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Qui sans montrer jamais de servile bassesse</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ignorant de la Cour les détours &amp; l’adresse,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Par ta seule vertu, ton courage &amp; ta foy,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Possede &amp; l’estime, &amp; le cœur de ton Roy,</hi></l>
              <l><hi rend="sc">Vendosme</hi>
                <hi rend="i">dans ces traits qu’en toy l’on voit paroistre,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Sans attendre ton nom, l’on doit te reconnoistre.</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Cependant permets-moy d’exposer à tes yeux</hi></l>
              <l><hi rend="i">Quelque leger crayon de tes faits glorieux ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Mais ce n’est point assez, le zele qui m’enflame,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Veut qu’avec tes exploits, je peigne encor ton ame.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Je ne me flate point ; je sçay que ce Tableau</hi></l>
              <l><hi rend="i">Meriteroit sans doute un plus hardi pinceau,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Que le mien est peu propre à finir cet ouvrage ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Mais si je l’entreprends, j’ay du moins l’avantage</hi></l>
              <l><hi rend="i">Que cinq Lustres entiers à ta suite attaché</hi></l>
              <l><hi rend="i">Des secrets de ton cœur, rien ne me fut caché,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et que témoin des faits qui t’ont comblé de gloire,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Il doit m’estre permis d’en raconter l’histoire.</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Quel autre plus fameux par ses travaux guerriers</hi></l>
              <l><hi rend="i">En differents climats cuëillit plus de lauriers ?</hi></l>
              <l><hi rend="i">Quand tu courus chercher la guerre &amp; les alarmes,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Rien n’égala l’éclat de tes premieres armes,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et l’on jugea dès lors par ces nobles essais,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Quels devoient estre un jour ta gloire &amp; tes succez ;</hi></l>
              <l><hi rend="sc">Turenne</hi>
                <hi rend="i">en ta faveur rendit ce témoignage,</hi></l>
              <l><hi rend="sc">Crequy</hi>
                <hi rend="i">te consulta sans égard à ton âge,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Tu leur parus formé pour les premiers emplois ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et si-tost que l’armée a marché sous tes loix,</hi></l>
              <l><hi rend="i">L’Ebre, le Pô, l’Escaut, estonnez de ta gloire</hi></l>
              <l><hi rend="i">Sur leurs rives, t’ont vû ramener la victoire,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et dans les mêmes lieux où le sort en courroux</hi></l>
              <l><hi rend="i">Nous avoit accablez des plus funestes coups,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Trois fois de ta valeur la foudre vangeresse</hi></l>
              <l><hi rend="i">Changer des jours de deüil, en des jours d’allegresse,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ranimer des soldats qu’on croyoit aux abois,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et reparer par tout l’honneur du nom François.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Que de combats gagnez ! que de villes conquises !</hi></l>
              <l><hi rend="i">Quel nombre ! quel tissu d’heureuses entreprises !</hi></l>
              <l><hi rend="i">Nos plus fiers Ennemis tremblans ou dispersez,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Leurs Chefs les plus fameux surpris, embarrassez,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Des roches dont la cime osoit percer les nuës</hi></l>
              <l><hi rend="i">Par de triples remparts &amp; des murs soûtenuës,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Malgré tous les secours de la flamme &amp; du fer,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Contraintes de se rendre au milieu de l’hyver.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Mais ce qui plus que tout doit paroîstre incroyable,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Toûjours à tes desseins le sort fut favorable,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Les lauriers immortels qui te ceignent le front</hi></l>
              <l><hi rend="i">N’ont jamais de sa part reçû le moindre affront,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Comme si la victoire attentive à te plaire,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Agissoit par tes loix, ou craignoit ta colere.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Cependant si ton cœur pour la gloire formé</hi></l>
              <l><hi rend="i">De plus douces vertus n’étoit point animé</hi></l>
              <l><hi rend="i">Obtiendrois tu de nous une si haute estime ?</hi></l>
              <l><hi rend="i">Non, non, &amp; souviens-toy de ce guerrier sublime,</hi></l>
              <l><hi rend="i">D’Alexandre qui fut le plus grand des mortels.</hi></l>
              <l><hi rend="i">En vain à son courage on dressa des Autels :</hi></l>
              <l><hi rend="i">Nous reprochons encore à ce grand Alexandre</hi></l>
              <l><hi rend="i">Le meurtre de Clytus, Persepolis en cendre,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Lisimachus forcé de combattre un Lyon,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et les Grecs indignez pleurant Parmenion.</hi></l>
              <l><hi rend="i">La suprême valeur est précieuse &amp; rare,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Mais seule, &amp; toute nuë, elle tient du Barbare.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Je veux que le Heros soit pitoyable &amp; doux ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Qu’il soit fier sans orguëil, &amp; vaillant sans courroux.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Plaindre les malheureux, soulager leur misere,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Les aimer, leur servir de refuge &amp; de pere,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Estre accessible, humain, sont des dons aussi grands</hi></l>
              <l><hi rend="i">Que tous ceux, dont l’orguëil flate les Conquerans.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Rarement les voit-on briller dans le même homme.</hi></l>
              <l><hi rend="i">La valeur, la prudence éclaterent dans Rome,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Presque tous ses enfans possedoient ces vertus ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Mais Rome n’a produit &amp; n’a vû qu’un Titus,</hi></l>
              <l><hi rend="i">De qui le Ciel soigneux d’achever son ouvrage,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Voulut que la bonté fut égale au courage ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">C’est par cette bonté, c’est par cette douceur,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Qui fait la caractere &amp; le prix de ton cœur,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et qui nous sert d’exemple à tous tant que nous sommes,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Que nous te distinguons entre les autres hommes :</hi></l>
              <l><hi rend="i">C’est par là que ton nom aujourd’hui reveré</hi></l>
              <l><hi rend="i">Plus que par tes hauts faits, doit estre consacré,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et que tout l’avenir en lisant ton Histoire</hi></l>
              <l><hi rend="i">Justement attendri benira ta memoire.</hi></l>
              <l><hi rend="i">C’est par là qu’entraînant tous les cœurs des soldats</hi></l>
              <l><hi rend="i">Tu leur fais avec joye accompagner tes pas,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Quand tu cours pour servir ton Maître &amp; ta Patrie</hi></l>
              <l><hi rend="i">D’un monde d’Ennemis reprimer la furie,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Braver mille hazards, &amp; prodiguant ton sang,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Remplir tous les devoirs attachez à ton rang,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Toutefois ne croy pas te sauver de l’envie ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ses traits empoisonnez voudroient noircir ta vie.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Des Courtisans jaloux sans estre tes Rivaux</hi></l>
              <l><hi rend="i">S’efforcent d’affoiblir le prix de tes travaux,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et de mesler quelqu’ombre à l’éclat de ta gloire :</hi></l>
              <l><hi rend="i">Mais que peut contre toy la fureur la plus noire ?</hi></l>
              <l><hi rend="i">On n’ose t’attaquer que sur de vains sujets ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">On s’attache à chercher de frivoles objets ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">On voudroit que ton cœur semblable aux cœurs vulgaires</hi></l>
              <l><hi rend="i">S’occupast de desirs &amp; de soins ordinaires,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Qu’il s’ouvrist à l’intrigue, au faste, à l’interest,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et qu’il fust en un mot beaucoup moins grand qu’il n’est.</hi></l>
              <l><hi rend="i">De tous ces envieux l’odieuse Critique,</hi></l>
              <l><hi rend="i">En voulant t’abaisser fait ton Panegyrique.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Vis donc ; &amp; poursuivant ta course &amp; tes projets,</hi></l>
              <l><hi rend="i">En triomphant toûjours ramene-nous la Paix.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Enfin fasse le Ciel secondant mon envie</hi></l>
              <l><hi rend="i">Qu’un bonheur toûjours pur accompagne ta vie,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Que les ans de Nestor pour toy renouvellez</hi></l>
              <l><hi rend="i">Aprés leur dernier jour soient encor redoublez ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et pour combler les vœux, que pour toy l’on peut faire,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Que toûjours à</hi>
                <hi rend="sc">Louis</hi>
                <hi rend="i">tu sois digne de plaire.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-04_34">
          <head>Epigramme</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, avril 1708 [tome 4], p. 34-36.</bibl>
          <p/>
          <p>La lecture de cette Epitre estant finie, Mr l’Abbé Tallemant recita l’Impromptu suivant, adressé à Mr de Campistron.</p>
          <quote>
            <label><hi rend="i">EPIGRAMME.</hi></label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">L’Epitre où tu nous peins ton Heros tout aimable,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Doux &amp; simple en ses mœurs, en guerre redoutable,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Brille par tout d’une extrême beauté,</hi></l>
              <l><hi rend="i">On n’y voit pas un trait qui ne ressemble.</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Heureux d’avoir pû joindre ensemble</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Ton amour &amp; la verité.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Que ton attachement est doux, prés d’un tel Maistre</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Qui te cherit, &amp; que tu sers</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Et que tu nous fais bien connoistre</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Que c’est du cœur que partent les bons Vers.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
          <p>Mr de Malezieu, lut ensuite un Eloge en vers de Monseigneur le Duc de Bourgogne, sorti de la veine de Mr l’Abbé Genest, dont les Ouvrages ont toûjours esté applaudis. La maniere dont Mr de Malezieu le lut, fit beaucoup de plaisir à l’Assemblée. On ne doit pas s’en étonner ; c’est un homme universel : &amp; qui réüssit dans tout ce qu’il entreprend.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-04_76">
          <head>[Epitaphe du Pere Mabillon]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, avril 1708 [tome 4], p. 76-78.</bibl>
          <p/>
          <p>La mort du Pere Mabillon a donné lieu à plusieurs écrits, &amp; ce sçavant Défunt n’a pas manqué d’Epitaphes. Celle qui suit est une Traduction d’une Epitaphe latine.</p>
          <quote>
            <lg>
              <l> <hi rend="i">Tu vois sous cette Tombe nuë</hi></l>
              <l><hi rend="i">Du sçavant</hi>
                <hi rend="sc">Mabillon</hi>
                <hi rend="i">les restes precieux ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">De sa seule vertu son ame revêtuë</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Brille maintenant dans les cieux.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Par un heureux succés digne de l’entreprise</hi></l>
              <l><hi rend="i">Des plus Saints de son Ordre il recüeillit les mœurs.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Il purgea les écrits de nos sacrez Docteurs</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et fut jugé luy-même un Pere de l’Eglise.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-04_78">
          <head>Air nouveau</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, avril 1708 [tome 4], p. 78-79.</bibl>
          <p/>
          <p>Ceux qui demandent de la varieté dans mes Lettres, en trouveront beaucoup en lisant l’Article suivant, qui est bien different de celuy qui le precede. Vous remarquerez, sans doute, d’abord que les Vers qui ont esté mis en Air, sont tirez d’une Mascarade du Carnaval dernier, &amp; vous vous souviendrez qu’ils ont esté faits pour une grande Princesse.</p>
          <quote>
            <label>AIR NOUVEAU.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Le Berger Paris couronna jadis une Immortelle,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et la Pomme qu’il luy donna estoit pour la plus belle.</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Un Dieu, Princesse, dans ce jour</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Vous rend le même hommage,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Recevez-icy de l’Amour</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Cette Pomme pour gage.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-04_79">
          <head>[Discours prononcé à l’Abbaye de S. Victor, sur l’utilité des Bibliotheques publiques, &amp; fondé par Mr le President Cousin]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, avril 1708 [tome 4], p. 79-87.</bibl>
          <p/>
          <p>Je passe à un Article plus utile, quoy que moins divertissant.</p>
          <p>Mr de Bourges Docteur de Sorbonne, Chanoine Regulier &amp; ancien Prieur de l’Abbaye de Saint Victor, y prononça un Discours Latin le 25. de Février dernier, où suivant l’intention de Mr le President Cousin, Bienfaicteur de cette Abbaye, &amp; qui a donné aux Religieux sa Bibliotheque, il prouva l’utilité des Bibliotheques publiques. Il chercha dans l’antiquité la plus reculée, tout ce qui pouvoit prouver l’usage où l’on est aujourd’huy en France, &amp; divers autres lieux de l’Europe, d’ouvrir à certains jours de la semaine, les Bibliotheques au Public. Il trouva que cela s’étoit pratiqué chez les Hebreux, chez les Grecs &amp; chez les Romains ; &amp; aprés avoir parlé de l’amour que ces deux dernieres Nations eurent sur tout pour les Sciences &amp; pour les beaux Arts, il fit voir que jamais Peuples n’eurent une plus grande application pour faire instruire la Jeunesse, &amp; pour fournir à ceux qui avoient du goût pour les belles Lettres, des moyens aisez pour les cultiver. Les Gaulois, que certains Auteurs ont voulu mal-à-propos taxer d’ignorance, &amp; d’une profonde stupidité, se piquerent de la même attention, non-seulement ils éleverent des Ecoles publiques en tout genre de Science, pour l’instruction de leurs enfans ; ils ouvrirent aussi des Bibliotheques aux personnes de leur Nation, qui déja instruites de Sciences, n’avoient pas, faute de Livres le moyen de les cultiver. Les Druydes furent renommez dans leurs siecles, par des progrez qu’ils firent dans l’étude de leurs Loix, &amp; par l’aplication qu’ils avoient d’instruire les Peuples, dont on leur confia la conduite, en leur ouvrant tous leurs tresors d’érudition.</p>
          <p>Mr de Bourges parla ensuite des François, sous la deuxiéme &amp; troisiéme race, qui plus civilisez que ceux qui vivoient sous la premiere, travaillerent aussi avec plus de soin à la culture des Lettres ; il fit un détail de ces celebres Abbayes de l’Ordre de Saint Benoist, où elles furent enseignées, avec un si grand succés dans les siecles precedens, de l’amas considerable de Livres qu’on y avoit fait, &amp; de l’affabilité avec laquelle on en faisoit part à tous ceux qui vouloient puiser dans ces sources abondantes.</p>
          <p>Mr de Bourges n’oublia pas, comme on le peut juger, de faire dans ce Discours l’éloge de Mr le President Cousin. Il luy donna des loüanges fines &amp; délicates ; mais qui ne firent que representer au naturel ce qu’il avoit esté. Aprés avoir peint ses mœurs, &amp; en avoir décrit, avec beaucoup d’élegance, la pureté &amp; l’uniformité, il parla de l’élevation de son genie, à qui rien n’avoit jamais été impenetrable, de son application continuelle, &amp; de son attachement à l’étude ; ce qui luy avoit donné la facilité de faire un si grand nombre d’ouvrages, que quatre personnes aussi sçavantes que luy, mais moins laborieuses, n’auroient jamais pû y fournir. Il entra dans le détail de ces ouvrages, tels que sont sa belle Histoire Bizantine, ses Traductions des Peres de l’Eglise, &amp; sur tout celle d’Eusebe de Cesarée, &amp;c. &amp; à ce grand nombre de Volumes de Journaux qu’il a donnez pendant plusieurs années, chargé seul d’un travail si penible &amp; d’une si grande étenduë.</p>
          <p>La Bibliotheque que ce Magistrat a donnée à Messieurs de Saint Victor, est composée de plus de cinq mille volumes, &amp; elle a esté mêlée avec celle de cette Abbaye, qui est ouverte au Public.</p>
          <p>Mr Cousin à aussi laissé un fonds pour faire toutes les années un Discours Latin, sur l’avantage &amp; l’utilité des Bibliotheques publiques. Celuy de Mr de Banages, Bibliothequaire de cette Maison, eut de grands applaudissemens. Tous les Evêques &amp; autres personnes illustres, y furent également touchées de la beauté de la Latinité de Mr de Bourges.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-04_91">
          <head>[Nouveau Poëme donné au public]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, avril 1708 [tome 4], p. 91-94.</bibl>
          <p/>
          <p>Mr Michel Rhode Docteur de la Faculté de Francfort sur l’Oder, a donné au public un Poëme de 1296. Vers qu’il a intitulé : <hi rend="i">Miracula sæculi secundi quod providentia summi numinis, beneficio august. ac potentissimi Principi Friderici Regis Borussorum &amp; Electoris Brandeburgici &amp;c. præsidio ac moderamine auspicatissimo ser. Principis Friderici Willelmi, &amp;c. hæredis unici Rectoris sui magnificentissimi, Academia viadrina incomparabili felicitate absolvit in ipso ingressu optatissimo sæculi tertii die</hi> 26. <hi rend="i">Aprilis</hi> 1706. <hi rend="i">Vniversitatis conditæ.</hi> 201. C’est-à-dire <hi rend="i">les merveilles</hi> du second siecle de l’Academie de Francfort sur l’Oder. On trouve dans ce recüeil plusieurs pieces de Poësie d’un goust excellent, sur tout celle qui regarde la mort d’Henri II. Roi de France, la reduction de la Rochelle à l’obéissance du Roy Loüis XIII. &amp; l’election de Philippe V. dit <hi rend="i">le Constant</hi>, grand pere de Madame, à la Couronne de Bohëme. Le Poëme fait sur la mort du Duc de Fronsac, jeune Prince de grande esperance, fils unique du Comte de S. Paul Gouverneur d’Orleans, &amp; tué l’an 1622 au siége de Montpellier, est une piece tres-belle en son genre, &amp; qui a eu de grands applaudissemens de tous les Connoisseurs ; l’abdication de Cazimir Roy de Pologne, en huit Vers, est une des meilleures pieces de ce Recüeil, l’extrait des Theses Philosophiques que la celebre Morella Lionnaise, soutint en 1607. à Lyon sa patrie, âgée de douze ans, est aussi un bon morceau ; on trouve enfin dans ce Recüeil un Eloge funebre de Mr Streit un des plus sçavans hommes d’Allemagne, &amp; un de ceux qui sçavoient mieux l’antiquité &amp; les origines de l’Empire &amp; des Etats d’Allemagne. Le recüeil de Mr Rhode a esté réimprimé deux fois, &amp; la promptitude avec laquelle les Editions ont été venduës, sont une preuve de sa bonté, &amp; du bon choix des pieces qui le composent.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-04_104">
          <head>[Second article des Morts, contenant plusieurs Morts Etrangeres]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, avril 1708 [tome 4], p. 104-125.</bibl>
          <p/>
          <p>Les articles suivans, regardent la mort de plusieurs Etrangers de consideration.</p>
          <p>Le Landgrave Frederic de Hesse-Hombourg, &amp; ensuite de Bingenheim aprés la mort de son frere, est mort âgé de soixante &amp; quatorze ans ; ce Prince servit d’abord dans les Armées du Roy de Suéde, ayeul de celuy qui regne aujourd’huy, &amp; il perdit une cuisse au Siége de Copenhague ; il s’attacha ensuite au service de feu Mr l’Electeur de Brandebourg qui luy donna le gouvernement de Pomeranie ; il a esté marié trois fois ; la premiere en 1661. avec Magdeleine Brahé, morte en 1669. &amp; fille de Mr Abraham Brahé, Comte de Wisinspurg, Chancelier de Suéde, &amp; veuve du Comte Jean d’Oxeinstern grand Maréchal de Suéde. La seconde avec Loüise Elizabeth fille de Jacques Duc de Curlande, qu’il épousa en 1671. &amp; qui mourut en 1690. &amp; la troisiéme avec Sophie-Sibille Comtesse de Leiningein-Westerbourg, veuve de Jean Loüis, Comte de Leiningein-Heidesheim, qu’il épousa en 1692. il n’a point eu d’enfans du premier lit ; il a du deuxiéme le Prince Frederic Jacques né en 1673. Charles-Christian né en 1674. &amp; tué au Siége de Namur en 1695. Philippe né en 1676. &amp; tué à la Bataille de Spire en 1703. Casimir Guillaume né en 1696. deux autres fils mort jeunes : Charlotte Sophie Dorothée, née en 1672. &amp; mariée en 1694. à Jean Ernest Duc de Saxe Weimar : Hedwige Loüise née en 1675. &amp; quatre autres filles ; il laisse un Prince de son troisiéme mariage. Le Prince Frederic qui vient de mourir, n’âquit en 1633. &amp; il estoit le troisiéme fils de Frederic Landgrave de Hesse-Hombourg, qui forma la Branche de Hombourg, &amp; de Marguerite Elizabeth, fille de Christophe, Comte de Leineigen. Il succeda à son frere aîné Guillaume Christophe de Bingenheim, qui mourut en 1681. &amp; qui n’a laissé de ses deux mariages, l’un avec la Princesse de Hesse Darmstad, &amp; l’autre avec la Princesse de Saxe Lawembourg, que deux filles ; l’une mariée au Duc de Meckelbourg, dont elle est veuve, &amp; l’autre mariée au Comte de Salms-Greifenstein. Frederic Pere de celuy qui vient de mourir, estoit le quatriéme fils de George I. Landgrave de Hesse-Darmstad qui forma la Branche de Darmstad.</p>
          <p>M<hi rend="sup">r</hi> le Comte d’Eck Envoyé Extraordinaire de Sa Majesté Imperiale, prés du Chapitre de Munster, y mourut d’une attaque d’apoplexie sur la fin de l’année derniere. Il estoit d’une ancienne famille de Silesie, alliée à celles de Lambert &amp; de Grimani. Il avoit esté employé en diverses Negociations, où il avoit donné des preuves de son habileté. Il est vray que l’affaire de Munster où il n’a pas réüssi a un peu diminué de la grande opinion que l’on avoit de luy dans l’Empire. Le Chapitre de Munster a rendu de grands honneurs au corps du deffunt. On fit un Service magnifique dans la Cathedrale deux jours aprés sa mort, où toute la Noblesse du Pays fut invitée. M<hi rend="sup">r</hi> le Comte d’Eck aimoit fort les belles Lettres ; il les a cultivées pendant le cours de sa Negociation, &amp; il a eu occasion pendant le sejour qu’il a fait à Munster, d’y faire un grand amas de Livres rares &amp; curieux. Il acheta une partie de la belle Bibliotheque du celebre M<hi rend="sup">r</hi> d’Obreicht, Préteur de Strasbourg, qui mourut il y à cinq ou six ans, &amp; il en a formé une Bibliotheque tres-nombreuse &amp; des plus belles de l’Empire. Il est mort dans un âge peu avancé.</p>
          <p>M<hi rend="sup">r</hi> de Filicaia, Senateur de Florence, y est mort regretté de tous les Sçavans d’Italie, dont il estoit fort connu &amp; tres-estimé. Il estoit étroitement lié d’amitié avec M<hi rend="sup">r</hi> Magliabecci, Bibliothequaire de Monsieur le grand Duc de Florence. Ces deux sçavans hommes ne faisoient rien sans se le communiquer. Celuy dont je vous apprens la mort faisoit imprimer un Recüeil de ses Poësies, auquel il a donné pour titre, <hi rend="i">Canzoniero</hi> ; mais il est mort avant que l’Impression en fust achevée. Ceux qui ont du goust pour la Poësie &amp; pour la langue Toscane, attendent ce Recüeil avec beaucoup d’impatience. Il paroîtra incessamment, suivant les dernieres Lettres venuës de Florence. Ce Senateur estoit d’une tres-ancienne Maison de Toscane ; il y estoit allié aux plus anciennes familles de Florence ; sçavoir à celles de Salviati &amp; de Gondi ; il estoit un des plus habiles du Senat de Florence, &amp; M<hi rend="sup">r</hi> le grand Duc l’estimoit beaucoup ; il l’appelloit souvent dans des conversations particulieres, où M<hi rend="sup">r</hi> Magliabecci faisoit le tiers, &amp; où ces deux Sçavans Hommes rendoient compte au Souverain du progrés que les Sciences faisoient dans son Etat, où elles sont autant cultivées, sur tout pour ce qui regarde l’Antiquité, qu’en aucun autre pays de l’Europe.</p>
          <p>M<hi rend="sup">re</hi> Benoist Averani, grand Maistre des Arts de l’Université de Pise, y est mort depuis quelque temps. Il estoit regardé comme l’un des plus sçavans hommes de l’Europe. Il avoit rendu publiques, quelque tems avant sa mort les dix leçons qu’il a faites en langue Toscane, sur le quatriéme Sonnet de Petrarque. Cet ouvrage a eu un succés étonnant, &amp; on en va faire incessamment une seconde édition. On a trouvé parmi les papiers de ce sçavant homme dix Harangues latines qu’il a prononcées en differentes années à l’ouverture des Classes. La Latinité en paroist tres-pure &amp; tres élegante, &amp; on doit les faire imprimer incessamment. Elles sont attenduës du public avec beaucoup d’impatience. Cet Auteur avoit eu d’étroites liaisons avec M<hi rend="sup">rs</hi> Pitcarne, Baglivi sçavant Medecin de Rome, Bellini, Malpighi &amp; Borelli, qui sont l’ornement de l’Italie. Il avoit aussi des relations fort grandes avec le fameux M<hi rend="sup">r</hi> Boyle, l’un des plus grands Philosophes d’Angleterre. M<hi rend="sup">r</hi> Averani, examinoit lorsque la mort l’a surpris, un Traité d’un de ses Amis, sur les Thermopoles, ou espece de Cabarets, des Anciens, où ils s’assembloient pour passer le temps honnestement &amp; sans danger pour leur santé, à boire de l’eau chaude ; car alors, comme l’a si bien remarqué Mr Hecquet, dans sa These de la Boisson, le vin estoit relegué dans les Boutiques d’Apothiquaires, où on n’en faisoit usage que pour les remedes.</p>
          <p>Mr de Wolzogue, un des plus sçavans hommes d’Holande, est aussi decedé. Il a souhaité en mourant qu’on imprimât la Traduction Françoise, qu’il a faite du <hi rend="i">Dictionnaire de la Langue Sainte</hi>, ou <hi rend="i">Critique Sacrée</hi>, du Chevalier Edoüard Leig. Henry de Middoch avoit fait une Traduction Latine de l’Ouvrage du Chevalier Anglois, &amp; c’est sur cette Traduction, que Mr de Wolzogue a fait la sienne. Ce sçavant homme est mort dans la Religion Protestante. On a enrichy ce <hi rend="i">Dictionnaire</hi> d’un Suplément &amp; de trois Tables. La premiere des mots Hebreux. La deuxiéme des Noms propres &amp; des autres mots Hebreux, Grecs, &amp; Latins &amp; des autres Langues. Et la troisiéme des Passages de l’Ecriture Sainte, qui sont éclaircis dans ce Dictionnaire. Cette Traduction a paru depuis peu à Amsterdam, chez Pierre Mortier, &amp; l’on dit que l’on en fera bien-tost une deuxiéme édition. Mr de Wolzogue s’estoit attaché à la Critique sacrée &amp; à l’étude des Saintes Lettres, dés qu’il avoit commencé à faire usage de sa raison. Il sçavoit parfaitement les Langues Orientales. Il avoit frequenté, pour s’y perfectionner, les plus habiles gens de son Pays, &amp; il avoit des relations avec des Etrangers qui s’attachent à ce genre d’étude. Mr Simon, qui a donné au Public une Traduction du Vieux &amp; du Nouveau Testament, &amp; qui est si connu par les Ouvrages qu’il a faits sur ce divin Livre, avoit d’étroites relations avec Mr de Wolzogue ; ils se consultoient reciproquement sur tout ce qui devoit sortir de leur plume ; &amp; Mr de Wolzogue fit même, il y a plusieurs années, un voyage en France, dans le seul dessein d’y voir Mr Simon, qui estoit alors dans la Congregation de l’Oratoire. Ce sçavant homme avoit plusieurs autres illustres Amis, &amp; l’on doit faire un Recüeil de ses Lettres ; celuy qui a esté chargé de ses papiers, en a déja ramassé dequoy faire un gros volume. On y trouvera des choses curieuses &amp; interessantes.</p>
          <p>Le celebre Mr Brokhusius est mort depuis peu à Amsterdam. Il avoit passé sa vie dans la culture des belles Lettres, &amp; du beau talent qu’il avoit pour la Poësie. Mr de Voit, Secretaire de la Ville d’Amsterdam, &amp; l’un des meilleurs amis de Mr Brokhusius, luy a rendu les derniers devoirs de l’amitié, dans une Elegie qu’il a consacrée à sa loüange, &amp; dans laquelle il luy donne le titre de <hi rend="i">Prince des Poëtes</hi>. Le Deffunt a fait faire une nouvelle édition de Tibulle, qu’il a embellie d’un Commentaire tres-étendu &amp; tres-exact. Il s’y est principalement attaché à rechercher ceux qui ont imité Tibulle, &amp; il n’a rien dit de ceux que Tibulle a imitez.</p>
          <p>Mr Brokhusius estoit en commerce avec feu Mr Bayle, &amp; avec Mr le Clerc. Il a même fourny à ce dernier de bons Memoires pour la <hi rend="i">Bibliotheque choisie</hi>, qu’il donne depuis cinq ou six ans. Les Memoires de cet excellent homme ont même beaucoup servy à remplir le neuviéme tome de cette <hi rend="i">Bibliotheque choisie</hi>, &amp; sur tout à faire l’Extrait de l’<hi rend="i">Historia Baptismorum tùm Hebraïcorum, tum Christianorum, &amp; Dissertatio de Sanchoniathone</hi> de Vandale ; dont il a aussi esté parlé dans le huitiéme tome. C’est une justice que Mr le Clerc rend luy-même, avec beaucoup de sincerité, à feu Mr Brokhusius. Les Etats Generaux ont fait faire compliment aux heritiers de ce sçavant homme, afin de leur marquer la douleur qu’ils avoient de sa mort.</p>
          <p>Mr Overbeek, l’un des plus fameux Peintres des Païs-Bas, est aussi mort à Amsterdam, fort regretté de ceux qui le connoissoient. Il ne s’estoit pas attaché à la peinture, comme à une profession qui pût le faire subsister. Il ne cultivoit ce bel Art que pour son plaisir, &amp; sans aucune vûë d’interest. Il a demeuré plusieurs années à Rome ; &amp; pendant son sejour il a fait luy-même sur les lieux, &amp; avec la plus grande exactitude, les desseins qu’on trouvera dans un grand Ouvrage qu’il a fait, sur ce qui reste de Bâtimens antiques à Rome. Cet Ouvrage paroîtra au premier jour. Il a fait graver ces desseins avec beaucoup de soin à Amsterdam.</p>
          <p>Le Peintre n’y a rien ajouté pour embellir les objets. Ils y sont representez tels qu’ils sont en effet ; mais comme les desseins furent faits à Rome, avant les derniers tremblemens de terre, qui ont abatu la plus grande partie du Colysée, on trouvera dans ces Estampes des morceaux qui n’existent plus. La description qui va paroître de ces Ouvrages contient trois grands volumes <hi rend="i">in folio</hi>, qui renferment chacun cinquante Planches, avec une explication en Latin &amp; en François ; les noms des Monumens ; leur origine ; leur situation ; &amp; enfin l’explication de diverses Médailles anciennes, qui y ont du rapport. On y a même joint celles des Papes, qui ont relevé ou embelly quelques uns de ces édifices. Mr Overbeek, cousin &amp; heritier du deffunt, prend soin de l’impression de cet Ouvrage, qui selon le succés qu’il aura, donnera encore quelques desseins du deffunt, qu’il a entre les mains.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-04_132">
          <head>Epitre</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, avril 1708 [tome 4], p. 132-151.</bibl>
          <p/>
          <p>Rien n’estant si sterile que les Lauriers cüeillis par les Poëtes, on ne doit pas s’étonner s’il s’en trouve souvent qui cessent de faire des sacrifices à Apollon pour adorer le Veau d’or. C’est ce que vient de faire M<hi rend="sup">r</hi> Rousseau qui a quitté le Parnasse pour entrer dans un Bureau de Finance. Plusieurs beaux esprits ont écrit sur sa desertion du Parnasse, &amp; l’ont loüé de l’avoir abandonné. Je vous envoye une Epître sur ce sujet : elle est de Mr de Palaprat, attaché comme vous sçavez à un grand Prince &amp; Auteur de la Comedie du <hi rend="i">Grondeur</hi>, qui ne reçoit pas moins d’applaudissemens toutes les fois qu’on la represente, qu’elle en a reçu le premier jour qu’elle a paru sur le Theatre, ce qui doit vous faire avoir bonne opinion de l’Epître que vous allez lire.</p>
          <quote>
            <label>EPITRE</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Graces à la faveur dont l’Olimpe t’honore,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Des jours d’un âge d’or, tu vois naître l’Aurore,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Cherchant à te donner des biens d’un nouveau prix,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Phœbus se justifie à tous ses favoris,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Assez de vains lauriers, ont Couronné ta teste,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Une moisson solide, enfin pour toy s’apreste,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et le pere de l’or, comme des vers heureux,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Veut te rendre à la fois, maistre de tous les deux,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Du premier de ces dons, s’il fut pour nous avare,</hi></l>
              <l><hi rend="i">C’est qu’aux yeux des mortels, quoiqu’il soit le plus rare,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Il ne luy paroissoit que le plus vil de tous,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Le siecle l’a forcé de penser comme nous.</hi></l>
              <l><hi rend="i">C’est pour le riche seul, que tout rit, tout abonde,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Le moindre Tresorier, reçoit de tout le monde,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Plus d’honneur que n’ont eu la Fontaine &amp; Marot,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Un bel esprit sans bien, aujourd’huy n’est qu’un sot.</hi></l>
              <l><hi rend="i">S’oseroit-il flater de plaire à quelque belle,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Le Dieu même des Vers, trouva Daphné cruelle,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Quand de l’Or qu’il produit, méprisant la vertu,</hi></l>
              <l><hi rend="i">De son merite seul, il parut revêtu,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Il ignoroit encor ce Dieu de la lumiere,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Que ce riche métal desarme la plus fiére ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Mais nos solides mœurs, ont dessillé ses yeux</hi></l>
              <l><hi rend="i">Il n’a connu que trop, à la honte des Dieux,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Qu’on prefere aux Forests, de ses lauriers arides,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Un seul rameau chargé, du fruit des Hesperides,</hi></l>
              <l><hi rend="i">De ces fruits adorez, trop surveillant Dragon,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Tu n’imiteras pas un avide Harpagon,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Qui pour en augmenter, la funeste abondance,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Reduiroit en deserts la moitié de la France.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Oüy, je puis m’épargner, d’inutiles conseils,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Rousseau, je te connois, je connois nos pareils,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Attentif, aux leçons des immortelles Filles,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Sourds aux avares loix, des nouvel-quadrilles,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Maistre de la Fortune, &amp; non pas ses valets,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Affermis dans nos mœurs, par les remords d’Alais,</hi></l>
              <l><hi rend="i">D’un Bureau de Traitans, nous ferions un Parnasse,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et nos premiers Commis, de Catulle &amp; d’Horace,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Avec le bon esprit, que tu puisas chez eux,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Tu feras sans danger un mêtier dangereux,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et du fatal veau d’or, sans opprobre &amp; sans crime,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Nous te verrons le Prestre, &amp; non pas la Victime,</hi></l>
              <l><hi rend="i">L’art est, tu le sçauras pratiquer à ravir,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Non à servir l’Idole, il est à s’en servir.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Puisque tel est l’Edit du Ciel qui l’a fait naistre,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Que sans avoir de bien, l’homme ne peut rien estre,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Non pas même estre pauvre, &amp; pour moy je sens bien,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Que je le serois moins, si j’eusse eu moins de bien,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Au lieu que sans travail, sans cabale &amp; sans peine,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Pour moy du pur loisir, la source fut prochaine,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Apollon m’y porta, deux Princes genereux,</hi></l>
              <l><hi rend="i">D’abord à me l’ouvrir, s’empresserent tous deux,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Content de leurs bienfaits, satisfait de leurs graces,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Des Patrons fastueux, sans éprouver les glaces,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Je pûs dés ce moment, en toute liberté,</hi></l>
              <l><hi rend="i">D’un Philosophe heureux, goûter la pauvreté.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Je la goûte à longs traits, dans un reduit tranquile,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Quoique fort éloigné, des talens de Virgile,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Mon bonheur m’a donné, deux Mecenes pour un,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Le bien acquis sans soin, n’est pas le plus commun.</hi></l>
              <l><hi rend="i">On apprend mieux qu’ailleurs, aux bords de la Garone,</hi></l>
              <l><hi rend="i">A vivre avec celuy que la naissance donne,</hi></l>
              <l><hi rend="i">On ne l’y peut accroistre, &amp; comment &amp; par où,</hi></l>
              <l><hi rend="i">C’est de tous les Pays, les plus loin du Perou ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Des mines du Potose, il est les Antipodes,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Pour y trouver de l’Or, je mets au pis de Rodes.</hi></l>
              <l><hi rend="i">On fait à l’Ariege, un honneur fabuleux ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ses flots n’en rendent point leurs voisins plus heureux,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et s’ils roulent quelqu’or, ce n’est pas comme au Tage,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Il va tout à la mer, sans toucher au rivage,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Mais du Dieu des tresors, ce pays negligé ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Par les soins de Minerve, en est mieux dirigé ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Elle a toûjours regné dans ses sçavantes plaines,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et Toulouse, bien-tost, la consola d’Athenes.</hi></l>
              <l><hi rend="i">J’y pouvois cultiver, &amp; Pallas &amp; Themis,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Mais je n’aurois pas fait, tant d’Illustres Amis,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et gueri de l’orgueil, de Lucain &amp; du Dante,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ce seul bien vaut pour moy, des millions de rente.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Voy toûjours un tel bien de l’œil dont tu le vois,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Employe à le grossir jusques à tes emplois</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ils croitront &amp; bien loin, banissant Uranie</hi></l>
              <l><hi rend="i">Que la soif d’amasser desseiche ton genie,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Te contraigne à quitter pour l’escompte honteux,</hi></l>
              <l><hi rend="i">La cadence d’un Vers, ou facile ou pompeux,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Pour consacrer les traits de la reconnoissance,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Qu’une dixiéme Sœur, naisse de la finance.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Comblé de la faveur, de plus d’un demy Dieu,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Tu dois la publier en tout temps, en tout lieu,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Va, fuis, crains des ingrats, les odieux exemples,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Pour Condé, pour d’Anguien, bâtis tes premiers temples,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Que l’encens le plus pur, choisi des mains de ****</hi></l>
              <l><hi rend="i">Fume pour ces Heros, fume pour des Marests,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et des Mecenes vrais, par des hymnes nouvelles,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Aux enfans d’Apollon, chante ces grands modelles.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Je ne veux point icy, parcourir tous les rangs,</hi></l>
              <l><hi rend="i">De ceux à qui tu dois, des Autels differens,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Si de tes Partisans, j’allois faire des listes,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Leur nombre égaleroit, celuy des Nouvelistes,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Qui par l’oisiveté, rassemblez au printemps,</hi></l>
              <l><hi rend="i">A Vendosme, à Villars, marqueront tous les Camps.</hi></l>
              <l><hi rend="i">On te fait en tous lieux, un accüeil favorable,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Les Muses à leur cour, &amp; les Dieux à leur table ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Mais tu ne peux atteindre au bonheur souverain,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Sans avoir vû d’Anet, le Ciel toûjours serein.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Quand l’invincible Alcide, y pose sa massuë,</hi></l>
              <l><hi rend="i">C’est-là que chaque Muse, est toûjours bien reçûë ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Chapelle, la Fontaine, y coulerent des jours,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Par les Graces filez, tissus par les Amours.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Tant d’autres, dont les noms honorent l’Hypocrene,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et celuy qu’inspira l’esprit de Melpomene,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et qu’Andronic tout seul, sauveroit de l’oubli,</hi></l>
              <l><hi rend="i">De qui les tendres Vers, animez par Lully,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Sur les rives de l’Eure, ammenant Galatée,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Du fils de Jupiter, ont l’oreille flatée,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et moy qui m’ose icy mêler mal-à-propos,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Nous avons tous joüy, des loisirs du Heros,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Né digne de l’honneur de t’en faire connoistre,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Avec les beaux talens, dont le Ciel t’a fait Maître,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Tu pourrois aisément, ne le devoir qu’à toy,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Mais laisse un si beau soin à Campistron, à moy.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ne perds jamais de vûë, un mêtier qui t’honore,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et si tu t’honoras, jeune &amp; timide encore,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Quand chez l’Abbé Bruis, nous faisions un Trio,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Moins oüy de Plutus, qu’écouté de Clio,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Quel doit estre l’effort, de ta vertu tranquile,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Sur le soin de trouver, des Patrons, un azile.</hi></l>
              <l><hi rend="i">L’abondance produit l’Entouziasme heureux,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ses Vers seront chantez par nos derniers neveux.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Veux-tu voir le destin, de l’Hysope &amp; du Cedre,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Tu n’as qu’à comparer, la Thebaïde &amp; Phedre,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Racine estoit plus riche, &amp; crois-tu que Cinna,</hi></l>
              <l><hi rend="i">N’auroit point avoüé pour frere Surenna.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Si dans ces derniers temps, le premier des Corneilles,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Dans ses Vers seulement, eut occupé ses veilles,</hi></l>
              <l><hi rend="i">La Mote pour les siens, couronné tant de fois,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Digne chantre des Dieux, des Heros &amp; des Rois,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Qui sans craindre le sort, du temeraire Icare,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Forme son vol hardy, sur l’Essor de Pindare,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Le suivroit de plus prés, s’il avoit dans Paris,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Autant de bons Contrats, qu’il a gagné de prix.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Coturne de Danchet, Coturne de la Fosse,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Que je voudrois bien voir, élever en Carosse,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Non à rés-de-Chaussée avec mon Brodequin,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Crainte d’estre écrasez, par le char d’un Faquin,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Qui fier d’un Ecusson, chargé de sa Couronne,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Passeroit sur le ventre, à Sophocle en personne.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Un commode équipage aux Muses ne nuit pas,</hi></l>
              <l><hi rend="i">On y rêve à son gré, sans crainte d’embarras,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Au lieu que dans Paris, la Muse fantassine,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Trouve quelque fleau, qui toûjours l’assassine,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et tel qu’Eumolpe, prest d’enfanter un beau Vers,</hi></l>
              <l><hi rend="i">En avorte en glissant, &amp; tombant à l’envers.</hi></l>
              <l><hi rend="i">J’affiche &amp; je suis prest, à soûtenir des Theses,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Pour un genie heureux, aidé de tous ses aises,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Contre un genie égal, à qui tout manqueroit,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Mais le rare dessein, qui me contre-diroit ?</hi></l>
              <l><hi rend="i">La lire toute seule, encor flattant l’oreille,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Trouve en vain quelque cœur, qu’à peine elle reveille.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Les miracles fameux, que la Grece à chantez,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Par ses soins aujourd’huy, ne sont plus enfantez.</hi></l>
              <l><hi rend="i">On regarde Amphion, comme un Conte de Fées,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et les Rochers sont sourds, pour les meilleurs Orphées ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Mais pour faire obéir les rochers &amp; les bois,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Le Riche n’a besoin que d’un files de voix.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Les plus indifferens, trouvent sa voix touchante,</hi></l>
              <l><hi rend="i">La nature soûmise, aplaudit quand il chante,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et parut-il d’ailleurs plus brutal qu’Orion,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Cent Dauphins empressez, le traitent d’Arion.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Moy-même dont les ans, refroidissent la veine,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Je serois plus suivi, qu’un Cigne de la Seine,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Si je pouvois, traitant Princesses, Paladins,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Dans mes belles maisons, dans mes riants Jardins,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Embellis par les soins, du neveu de</hi>
                <hi rend="sc">Lenôtre,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Traiter l’un, &amp; prêter de l’argent à quelqu’autre,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et joindre à mes chansons, pour quelque objet nouveau,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Le Bal, la Comedie, &amp; des Fêtes sur l’eau,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Du démon de Breussin, j’aurois l’ame saisie,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ce ne seroit que suc, que précis d’Ambroisie,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Lorsqu’en Vers, je voudrois faire à mon Cuisinier,</hi></l>
              <l><hi rend="i">L’honneur que Depreaux, fait à son Jardinier.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
          <p>FIN.</p>
          <quote>
            <lg>
              <l><hi rend="i">J’aurois jusqu’à ce jour, par ma Muse importune,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Sur mille fades tons, haranguant la fortune,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Fait à force de pas, &amp; de soins assidus,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Peut-estre un pas utile, aprés mille perdus.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-04_151">
          <head>[Service fait pour feu Mr le Comte d’Egmont]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, avril 1708 [tome 4], p. 151-158.</bibl>
          <p/>
          <p>Je vous parlay il y a quelques mois de la mort de Mr le Comte d’Egmont ; mais je ne vous ay rien dit du Service qui s’est fait à la Paroisse de la Serre, Terre qui appartient à la veuve de cet illustre Deffunt. M<hi rend="sup">e</hi> la Marquise de Cosnac, mere de cette jeune veuve, avoit ordonné qu’on n’oubliast rien pour rendre cette Ceremonie lugubre des plus magnifiques. L’Eglise estoit toute tenduë de noir, &amp; ornée d’un grand nombre d’Ecussons de la Maison d’Egmont. La representation, qui estoit élevée au milieu de l’Eglise étoit environnée d’un tres-grand nombre de Cierges garnis d’Ecussons. L’ordre &amp; la magnificence, dont de pareilles Ceremonies sont susceptibles, y regnerent également. Le Pere Placide, Religieux du Tiers-Ordre de Saint François, Confesseur de M<hi rend="sup">e</hi> la Marquise de Cosnac, &amp; distingué par son merite, a fait connoistre son bon goust par le soin qu’il s’est donné de disposer toutes les choses necessaires pour faire briller cette lugubre Ceremonie. Ce Service fut differé pendant quelque temps, parce que Mr l’Evêque de Condom, dont rien ne peut arrester la vigilance Pastorale dans l’exercice de son Ministere, estoit occupé à la Visite &amp; à des Missions qu’il faisoit dans son Diocese. Ce Prelat, à qui rien n’échape de tout ce qui peut faire plaisir à ses Diocesains, ayant appris que M<hi rend="sup">e</hi> la Marquise de Cosnac se preparoit à faire faire un Service pour son illustre Gendre, voulut bien la seconder dans ce pieux dessein. On sçait qu’elle mêle à tout ce qu’elle fait, les exercices les plus rigides d’une vie chrestienne, &amp; que les sentimens nobles &amp; genereux sont naturels à ceux de son nom. Mr de Condom se rendit à la Serre un jour avant la Ceremonie funebre dont je viens de vous parler, &amp; les Archidiacres, le Chantre, &amp; plusieurs Chanoines de sa Cathedrale, s’y rendirent aussi, avec Mr l’Abbé de Maubranches qui estoit à leur teste. Cet Abbé est neveu, grand Vicaire, &amp; Vicaire general de Mr de Condom. Il joint toute la conduite d’un digne Ecclesiastique à l’application d’un sçavant &amp; zelé Official, employ dont il s’acquitte avec un applaudissement general. Tous les Curez des environs furent invitez à la Ceremonie, &amp; l’on peut dire que l’on en n’avoit jamais vû dans la Province de plus belle de cette nature. Mr Suffiere, Docteur en Theologie, prononça l’Oraison funebre. Elle reçut beaucoup d’applaudissement. Il fit connoistre au commencement de son Discours par plusieurs traits éloquens, &amp; qui partoient d’un cœur veritablement affligé, la part qu’il prenoit à la perte de cet illustre Deffunt ; &amp; comme il connoissoit par luy-même ce jeune Prince, il en fit un portrait naturel &amp; sans exageration. Ce Discours ayant esté imprimé, je ne crois pas en devoir rien rapporter icy. Je diray seulement que la modestie de l’Auteur a eu beaucoup de peine à consentir à cette Impression, estant dépoüillé de l’Amour propre qui fait que plusieurs sont idolâtres de leurs Ouvrages. Il a prononcé beaucoup de Panegyriques, &amp; fait plusieurs Sermons, dans lesquels les traits de son éloquence ont brillé.</p>
          <p>Je dois ajouter à ce que j’ay déja dit de la Maison d’Egmont, qu’elle descend des Rois de Frise, &amp; qu’elle s’est soûtenuë dans un fort grand lustre pendant plusieurs siecles, ayant fait des alliances avec des Empereurs, des Rois de Hongrie, &amp; plusieurs Princes Souverains des Pays-Bas, d’Allemagne, &amp; d’Italie ; sçavoir, avec les Comtes de Flandres, les Ducs de Gueldres, de Saxe, de Brunswick, de Brandebourg, de Milan, de Baviere ; &amp; elle a donné des filles aux Maisons de France, d’Ecosse, Palatine, de Hesse, de Nassau, de Cleves, &amp;c.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-04_185">
          <head>Les Sermons à la Mode, à Monsieur C. H. Fameux Predicateur</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, avril 1708 [tome 4], p. 185-191.</bibl>
          <p/>
          <p>La piece qui suit, est de Mr de la Fevrerie, dont tous les Ouvrages ont toûjours eu le bonheur de vous plaire. Il y a beaucoup de vray dans ce que vous allez lire de cet Auteur ; mais ce qu’il dit des Predicateurs d’aujourd’huy est trop general, &amp; ce n’est pas dans une pareille occasion que l’on doit prendre une partie pour le tout. Il est vray qu’il y a des Predicateurs tels qu’il les dépeint ; mais il s’en trouve aussi un grand nombre d’autres, qui n’ayant en vûë dans leurs Sermons, que le salut des Ames, convertissent tous les jours les pecheurs les plus endurcis, &amp; font admirer leur zele pour la gloire de Dieu, pendant que les autres ne songent qu’à s’attirer des applaudissemens, en faisant briller leur Eloquence.</p>
          <quote>
            <label>LES SERMONS A LA MODE,<lb/>A MONSIEUR C.H.<lb/>Fameux Predicateur.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Poussé de l’Esprit saint qui sçait toucher les cœurs,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Tu marches sur les pas des grands Predicateurs.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Le Peuple pour t’entendre accourt en affluence,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Tout applaudit, tout cede à ta rare éloquence.</hi></l>
              <l><hi rend="i">L’accent pur, la voix nette, &amp; le geste excellent,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et de persuader un merveilleux talent.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Un air édifiant, une heureuse memoire,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Enfin, tout ce qu’il faut pour charmer l’Auditoire.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Jamais Predicateur dans son commencement,</hi></l>
              <l><hi rend="i">N’a monté dans la Chaire avec plus d’agrément.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Cependant tu parois peu content de toy-même,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et n’oses qu’en tremblant entreprendre un Caresme.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Il te manque, dis-tu, bien d’autres qualitez,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Pour prêcher dignement les saintes Veritez.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Tu veux prescher d’exemple, &amp; même tu te piques</hi></l>
              <l><hi rend="i">De ne rien enseigner que tu ne le pratiques.</hi></l>
              <l><hi rend="i">J’approuve ton dessein ; mais est-il des Censeurs,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Qui trouvent quelque chose à reprendre en tes mœurs ?</hi></l>
              <l><hi rend="i">Avant que d’annoncer la Parole divine,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ta Vie estoit déja Conforme à la Doctrine.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Mais un autre scrupule agite ton esprit,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Les Sermons de ce temps, ne font guere de fruit.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Toûjours nouveaux portraits, &amp; nouveaux caracteres,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Stile bien different du langage des Peres,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Qui soûtenu du Zele &amp; de la Charité,</hi></l>
              <l><hi rend="i">A bien plus d’onction, &amp; de solidité,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Que ces discours tissus de force sinonimes,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Dont on croit aujourd’huy faire la guerre aux crimes.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Il est vray, quand on veut renoncer au peché,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Des Sermons à la mode on est fort peu touché.</hi></l>
              <l><hi rend="i">On y voit des tableaux des vertus &amp; des vices,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Du bonheur éternel, de l’horreur des supplices</hi></l>
              <l><hi rend="i">Que souffrent les damnez ; mais je ne sçay pourquoy,</hi></l>
              <l><hi rend="i">L’Enfer si bien dépeint, nous cause peu d’effroy :</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et la felicité qui regne en l’autre vie,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Malgré ces beaux Discours ne fait aucune envie.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ne te rebutes pas, ce goust se passera,</hi></l>
              <l><hi rend="i">L’Homelie aux Portraits, un jour succedera,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et la pure Morale avec soin expliquée,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Sera par l’Auditeur suivie &amp; pratiquée.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Mais d’où peut-on attendre un si grand changement ?</hi></l>
              <l><hi rend="i">De ceux qui comme toy preschent chrestiennement.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et tu voudrois, Abbé, retourner en arriere ?</hi></l>
              <l><hi rend="i">Secondes ce dessein, acheves ta carriere.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-04_191">
          <head>[Galanterie faite par Mr le Comte de Pontchartrain]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, avril 1708 [tome 4], p. 191-193.</bibl>
          <p>Mr le Chevalier de Roye, frere de Me la Comtesse de Pont-chartrain, ayant esté fort assidu auprés de cette Comtesse, pendant la longue maladie, qui a d’autant plus fait craindre pour ses jours, que cette Dame est generalement aimée, Mr le Comte de Pontchartrain a fait present d’un tres-beau cheval à ce Chevalier, &amp; celuy qui le luy presenta luy donna les Vers suivans, au nom du cheval qu’il luy presentoit.</p>
          <quote>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Monsieur le Chevalier, fleur de Chevalerie,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Je viens vous demander place en vostre Ecurie.</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Il estoit jadis un Cheval</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Fameux dans l’Histoire Romaine,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Qui sous les deux Gemeaux ne galopoit pas mal ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et pour eux volontiers se mettoit hors d’haleine,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Lorsqu’il falloit dans Rome annoncer des premiers</hi></l>
              <l><hi rend="i">Un Combat éclatant &amp; de nouveaux Lauriers.</hi></l>
              <l><hi rend="i">De ce noble Animal, je viens en droite ligne,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et vous, vous ressemblez à ces jeunes Heros,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Par un endroit sur tout qui vous rend digne,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">De monter sur mon noble dos.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Pour vostre aimable sœur, Reine des Nereydes,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Vous avez plus fait seul, que douze Tindarides,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">C’est ce qui m’a touché le cœur ;</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Montez sur vostre serviteur.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-04_233">
          <head>[Ce qui s’est passé à l’ouverture d’aprés Pâques de l’Academie Royale des Inscriptions &amp; à celle de l’Academie Royale des Sciences, avec plusieurs Extraits des discours qui y ont été prononcez]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, avril 1708 [tome 4], p. 233-269.</bibl>
          <p/>
          <p>Le Mardy 17. de ce mois l’Academie Royale des Inscriptions tint sa Séance publique d’aprés Pâques, où Mr l’Abbé Bignon presida. Mr Gros de Boze Secretaire perpetuel de l’Academie fit l’éloge funebre du Pere Mabillon, Membre de cette Academie, &amp; comme j’ay eu le bonheur de vous apprendre le premier dans l’Article que je vous ay envoyé de sa mort, une partie des choses qu’il rapporta, j’ajoûteray seulement à ce qu’il en dit que ce sçavant Religieux estoit né en Champagne, dans un Bourg prés de l’Abbaye du Mont-Dieu, &amp; non à Paris, ainsi que l’on m’en avoit assuré, &amp; que les Religieux de l’Abbaye de Saint Germain ont reçu une Lettre du Cardinal Colloredo qui leur écrit de la part du Pape pour leur témoigner le chagrin que Sa Sainteté a ressenti de la mort de ce grand homme. Il leur recommande expressement de la part du Pape de l’enterrer dans un lieu où les étrangers puissent avoir la consolation d’aller visiter ses cendres lorsqu’ils viendront en cette Ville, &amp; de ne pas confondre celles de ce sçavant personnage avec une infinité d’autres.</p>
          <p>Aprés que Mr l’Abbé Bignon eut resumé le discours de Mr de Boze, &amp; qu’il eut donné de nouvelles loüanges au Pere Mabillon, avec la delicatesse d’esprit qui luy est ordinaire, Mr Couture lut une Dissertation sur les occupations journalieres des Romains &amp; autres Anciens qui avoient mené une vie privée, &amp; aprés qu’il eut rassuré son Auditoire sur la crainte qu’il pouvoit avoir qu’une pareille matiere ne fut pas fort interessante, il dit qu’il estoit le premier qui traitoit ce sujet &amp; que dans la distribution des matieres qu’on donnoit chaque année aux Academiciens, celle dont il s’agit n’avoit point esté proposée, ce qui l’avoit engagé de s’offrir à la traiter. Il parla des six premieres heures des Romains dans leur vie privée, &amp; remit le reste de leur journée à une autre séance. Il remarqua qu’à la premiere heure, qui doit estre regardée comme les six heures du matin des François, c’estoit un usage établi parmy eux de se rendre des visites, &amp; de s’aller souhaiter une heureuse journée au lever du Soleil : on passoit dans cet exercice jusqu’à neuf heures, qu’ils appelloient leur <hi rend="i">troisiéme heure</hi>, &amp; c’est de la connoissance de cet usage qu’on tire l’explication de quelques Passages des anciens Poëtes, &amp; sur tout de Virgile &amp; d’Horace, qui sans cela seroient fort difficiles à expliquer ; il cita à ce sujet un Passage de Ciceron qui sert à expliquer une circonstance de la vie de cet Orateur. A la troisiéme heure, qui revient à nos neuf heures du matin ; ainsi que vous venez de voir, Mr Couture representa les Romains occupez à leurs affaires particulieres ; à consulter ou à donner des avis ; à soûtenir le droit des Parties dans les Tribunaux, ou à deffendre le leur, &amp; au labourage, ou à l’Agriculture : &amp; en cet endroit il s’étendit fort sur la moderation &amp; sur la modestie des anciens Romains qu’on tiroit souvent du labourage pour les élever à la Dictature ou au commandement des Armées &amp; des Provinces, &amp; qui aprés avoir rempli le temps de leur mission, reprenoient avec beaucoup de tranquilité le même exercice d’où on les avoit tirez. Il rapporta en cette occasion plusieurs faits de l’Histoire Romaine, qui avoient rapport au sujet qu’il traittoit &amp; qui furent écoutez avec beaucoup de plaisir. Un peu avant la sixiéme heure qui revient à nostre midy, les Anciens prenoient leur refection, d’une maniere tres-frugale dans les premiers temps de la Republique, &amp; dans les siecles, où par l’ignorance dans laquelle ses Citoyens estoient du luxe &amp; de la sumptuosité, elle fut si florissante qu’elle devint bientost maistresse de toute la terre. Le repas des Romains fini, ils ne manquoient jamais de prendre leur repos. C’estoit parmi eux un usage inviolable, &amp; à la sixiéme heure qui revient parmi nous à la deuxiéme, tout estoit fermé dans Rome, &amp; il estoit rare de trouver quelqu’un dans les ruës. Mr l’Abbé Couture finit à cette sixiéme heure, &amp; dit fort agreablement qu’il falloit laisser dormir les Romains.</p>
          <p>Ce discours plut fort à l’Assemblée. Le stile en estoit pur &amp; rempli de pensées aussi vives que brillantes. Mr l’Abbé Bignon qui le resuma, donna de fort grandes loüanges à l’Auteur, &amp; avoüa qu’il avoit tiré d’un sujet, qui paroissoit fort sterile, tout ce qu’on en pouvoit tirer, &amp; tout ce que la Compagnie en pouvoit attendre.</p>
          <p>Mr Boivin Sous-Bibliothequaire du Roy, parla ensuite ; il lut un Discours, qui renfermoit presque tout ce que l’antiquité a pensé sur Homere &amp; sur Virgile, &amp; il dit qu’aprés avoir parlé dans une Seance precedente d’une guerre litteraire, qui s’éleva entre les Philosophes du quinziéme siecle, au sujet de Platon &amp; d’Aristote, il avoit cru que la Compagnie écouteroit avec plaisir, ce que les Anciens &amp; les Modernes avoient pensé de Virgile &amp; d’Homere. Properce fut le premier Auteur d’entre les Poëtes qu’il cita ; il en rapporta quelques Vers qui faisoient assez voir ce que cet ancien Poëte avoit pensé de plus avantageux de Virgile, qu’il égaloit hardiment au Prince des Poëtes Grecs ; il fit paroître ensuite Ovide sur la Scene, &amp; il raporta l’endroit où ce Poëte dit qu’il est autant au dessus de Virgile, que celuy-cy est inferieur à Homere ; il cita ensuite d’autres Poëtes ; sçavoir, Martial, Claudien, Silius-Italicus &amp; &amp; plusieurs autres. Il raporta, aprés avoir parlé des Poëtes, le témoignage des Orateurs ; il appuya fort sur tout sur celuy de Ciceron, &amp; il fit voir qu’il n’est pas aisé de juger par les termes de ce Prince des Orateurs, à qui il donne la preference du Poëte Latin, ou du Poëte Grec, puisqu’il donne beaucoup de loüanges à l’un &amp; à l’autre.</p>
          <p>Mr Boyvin, en parlant des Modernes, &amp; en citant les jugemens, qu’ils avoient portez sur ces deux anciens Poëtes, commença par Ange Politien, qu’il regarda comme celuy qui avoit commencé à rétablir en Italie le goût des belles Lettres &amp; de la Poësie, sur la fin du quinziéme siecle. Cet Auteur dont la reputation a esté si grande, se déclara pour Virgile, dans un Ouvrage fait exprés, pour établir l’égalité entre ce Poëte &amp; Homere. Les mesures qu’il prit pour en venir à bout, pouvoient faire reüssir son dessein, puisqu’il commença par affoiblir l’idée avantageuse qu’on avoit toujours euë des deux Poëmes du Prince des Poëtes Grecs ; il fit une espece de Critique, qui fit beaucoup de bruit en Italie, &amp; qui reveilla tous les Partisans du Poëte Grec ; &amp; aprés avoir donné à la reputation de cet ancien Auteur toute l’atteinte qu’il pût luy donner, il releva le merite du Poëte Latin ; &amp; il en mit toutes les beautez dans le plus beau jour qu’elles pouvoient recevoir. Lascaris, ce celebre Grec, qui joignoit à l’honneur qu’il avoit d’estre né d’une famille Imperiale, une tres-grande érudition, embrassa hautement les interests d’un Poëte qui avoit tant fait d’honneur à sa Nation. Il s’éleva contre Politien. Il fit des Vers contre luy. Il en fit aussi contre Virgile, &amp; il fit rendre à Homere toute la gloire, dont on avoit entrepris de le degrader ; mais il s’en falloit beaucoup que la cause du Poëte Grec, fut en d’aussi bonne mains que celle du Poëte Latin ; Lascaris n’avoit ni le feu d’imagination, ni la délicatesse de Politien ; &amp; comme remarqua fort agreablement Mr Boyvin, &amp; l’on ne trouvoit rien de meilleur dans les Pieces que Lascaris donnoit au Public, pour deffendre la gloire de son Heros, que les morceaux qu’il tiroit de ses Ouvrages, pour en faire connoître la beauté. Mr Boyvin cita plusieurs autres Auteurs, tant Poëtes qu’Orateurs, qui ont pris party pour ou contre Virgile, ainsi que pour ou contre Homere. Il en rapporta des Passages entiers dans leur Langue naturelle, qui plurent fort à l’Assemblée. Il voulut plusieurs fois finir son discours, parce-qu’il estoit fort long ; mais Mr l’Abbé Bignon ne voulut pas le lui permettre, afin de ne pas priver l’Assemblée de la suite d’une Piece remplie d’une si grande érudition. Il parut que Mr Boyvin penchoit à donner la preference à Homere sur Virgile, puisqu’il fit remarquer que ceux qui avoient le plus loué le Poëte Latin, n’avoient jamais fait que l’égaler au Poëte Grec, &amp; qu’ils s’estoient tenus à cette égalité, comme au veritable &amp; seul periode de sa gloire, au lieu que les Partisans d’Homere luy donnoient toujours une preference éclatante sur Virgile, &amp; regardoient ce dernier comme luy estant fort inferieur.</p>
          <p>Mr l’Abbé Bignon, en rassemblant toutes les parties de ce Discours, parla avec toute l’éloquence &amp; la facilité qui luy sont naturelles, &amp; donna de grandes loüanges à Mr Boyvin &amp; aux recherches qu’il avoit faites.</p>
          <p>Mr Danchet, fort connu par les Pieces de Theâtre qu’il a données au Public, lut ensuite une fort belle Dissertation sur les Epousailles des Anciens, &amp; il cita sur ce sujet plusieurs fragmens de Poësie des Anciens &amp; des Modernes. Il parla d’abord de la Ceremonie qui repondoit à ce que nous appellons, <hi rend="i">Fiançailles</hi> ; le détail qu’il en fit plut fort à l’Assemblée ; il décrivit ensuite dans des termes choisis &amp; propres au sujet qu’il traitoit toutes les Ceremonies &amp; les autres formalitez qui suivoient les Fiançailles, &amp; il n’oublia pas même la Peinture des habits des Epoux. Tout ce qu’il dit sur ce sujet parut tres-recherché, &amp; rempli d’une grande érudition ; il examina la nature de l’engagement, que les Contractans formoient ; les peines qu’ils encouroient, lorsqu’ils le violoient, &amp; leur maniere de vivre dans le temps qui suivoit ce que nos appellons, les <hi rend="i">Fiançailles</hi>, &amp; qui precedoit les Nôces ; la peinture qu’il fit ensuite de l’habit de la nouvelle mariée, &amp; du soin qu’elle prenoit de se cacher sous un voile, fut tres bien touchée, &amp; lorsqu’il fut question de décrire tous les momens qui precedent immédiatement le temps ou le mariage s’acheve, l’Auteur, en n’omettant aucune des circonstances les plus particulieres, fit voir cependant qu’il avoit une attention scrupuleuse qui l’empêchoit de blesser en rien la moindre bien-seance. Quelques Episodes convenables au sujet dont il étoit question, ornerent beaucoup ce discours. Celuy sur tout qui regardoit l’Hymenée, &amp; l’avanture qui le fit choisir pour le Dieu des Mariages, ainsi que l’augure des Mariages heureux plût beaucoup. <hi rend="i">Hymeneus</hi>, dit-il, <hi rend="i">étoit un jeune homme d’Athenes qui fut épris d’une grande passion pour une des personnes les plus qualifiées de la Ville ; il connut bientost que l’inegalité de leurs conditions &amp; de leurs fortunes, estoit un obstacle insurmontable pour sa passion, mais aprés y avoir bien pensé, il ne laissa pas de s’embarquer sur la providence de l’amour. Cette confiance luy réüssit : il trouva une occasion de délivrer un grand nombre de filles de qualité d’Athenes qui voient esté enlevées par un peuple ennemi ; mais il mit un prix à leur délivrance, ce fut la liberté d’épouser la personne pour laquelle il sentoit depuis long tems un violent amour. Il délivra les Captives, &amp; devint luy-même Captif par les liens qu’il se forma. Depuis ce temps-là, on donna à une divinité qui devoit présider aux mariages heureux, le nom du jeune Athenien. Chaque ceremonie du mariage avoit aussi sa divinité particuliere.</hi></p>
          <p>Mr Danchet parla aussi des Chœurs d’allegresse chantez par des jeunes garçons &amp; par des jeunes filles en conduisant les Epoux au lit Nuptial <hi rend="i">jo hymen hymen jo</hi>, &amp;c.</p>
          <p>Le célibat étoit un état honteux parmy les Romains comme parmy les Juifs ; mais la honte qui y estoit attachée procedoit de differens motifs, puisque parmy les Juifs on ne regardoit la sterilité où le genre de vie auquel elles étoient attachées que parce que les familles où cela se rencontroit, étoient privées de l’esperance de voir sortir un jour le Messie de leur sein, au lieu que parmi les Romains les familles où l’on embrassoit par choix le célibat, étoient regardées comme inutiles à la République, &amp; par consequent indignes d’aucune consideration ; &amp; si on excepte les Vestales dont la profession étoit tres honorable parmy les Anciens, &amp; qui joüissoient de tres-grands Privileges, ainsi que je l’ay fait voir dans l’extrait d’une dissertation de Mr l’Abbé Nadal, que l’on trouve dans une de mes dernieres lettres, &amp; que Mr Danchet cita sans nommer l’Auteur, l’état du célibat estoit dans un grand mépris chez les Anciens ; ils avoient même poussé si loin les Privileges du mariage &amp; de ceux qui s’y engageoient, qu’ils imposoient des peines à ceux qui y renonçoient du nombre desquelles étoient celles d’aller nuds pieds, ou de découvrir quelques parties du corps ; c’étoit sans doute, remarqua Mr Danchet, qui répandit beaucoup d’enjouëment dans cet endroit de son discours pour dédommager ceux que leur estat engageoit dans les mariages, des peines &amp; des disgraces qu’ils y devoient essuyer, qu’on avoit pour eux de grandes distinctions &amp; d’excessives complaisances, comme c’étoit aussi pour temperer le bonheur de ceux qui y avoient renoncé, qu’on mêloit dans la douceur &amp; dans la tranquillité de leur vie quelques humiliations. Mr l’Abbé Bignon aprés avoir loüé l’érudition &amp; la delicatesse du discours de Mr Danchet, termina l’Assemblée, en lui disant que le plaisir que l’on avoit pris à l’écouter, quoyque l’heure fut passée, faisoit son Eloge.</p>
          <p>Le lendemain l’Academie Royale des Sciences tint aussi sa séance publique d’aprés Pasques. Mr l’Abbé de Louvois qui y presidoit, en fit l’ouverture, &amp; parla de la difference qui se trouve entre les Assemblées publiques &amp; les particulieres, qui consiste en ce que dans les premieres il n’y a aucune dispute comme dans les autres. Il dit ensuite que Mr Dodart estant mort peu de jours avant la séance publique d’aprés la Saint Martin, le Secretaire, quelque facilité qu’il eust à travailler, n’avoit pas eu le temps de faire son éloge, parce que cet éloge devant plus consister en faits qu’en pensées &amp; en sentimens, il avoit besoin de tems pour chercher des Memoires. Il dit ensuite que Mr l’Abbé Bignon (qui estoit present) avoit ébauché cet éloge par tout ce qu’il avoit dit à la gloire de ce sçavant homme, &amp; que ce que son cœur luy avoit alors fourny, pouvoit passer pour un beau Panegyrique du Deffunt.</p>
          <p>Mr de Fontenelles Secretaire de l’Academie, lut ensuite l’éloge de Mr Denis Dodart Parisien, &amp; fils de Jean Dodart Bourgeois de Paris, &amp; qui mit toute son application à bien faire élever son fils. Ses soins ne furent pas perdus. Dés l’âge de quinze ans Mr Dodart donna des marques d’une grande sagesse &amp; d’une habileté prématurée. Mr Patin s’en explique dans plusieurs de ses Lettres d’une maniere avantageuse ; la premiere où il parle du jeune Ecolier de Medecine, est celle où il mande à son Amy que le jeune Candidat a pris le degré de Bachelier. Il rend dans cette Lettre un témoignage avantageux à sa sagesse &amp; à son érudition, &amp; il prédit à son Amy que le jeune Dodart sera un jour un des plus habiles Medecins de Paris. Il parut depuis que Mr Patin ne le perdit plus de vûë ; il rend compte à son Amy de tous les progrés qu’il faisoit dans son Art, &amp; il en parle dans les termes dont les plus sçavans parlent ordinairement de ceux qui s’attachent aux Sciences &amp; qui les cultivent avec succés.</p>
          <p>Mr de Fontenelles parla ensuite des engagemens qu’on voulut faire prendre à Mr Dodart, à la Cour &amp; dans l’Eglise, &amp; qu’il refusa avec beaucoup de modestie, ne pouvant se resoudre à abandonner sa chere solitude. Il fut cependant obligé dans la suite d’accepter la qualité de Medecin de Messieurs les Princes de Conti ; qualité, pour suivit Mr de Fontenelles, qui ne luy servit qu’à faire voir sa probité &amp; son desinteressement. Le goust que Mr Dodart avoit pour la solitude &amp; les charmes qu’il y trouvoit, luy donnerent les moyens de devenir un des plus habiles hommes de son siecle ; il y étudia la nature avec tranquilité, &amp; il là suivie pendant plus de trente années d’experiences, sans aucun relâche, &amp; c’est ce qui luy fit faire tant de belles découvertes sur la transpiration dont Sanctorius a le premier parlé avec tant de précision. Mr Dodart, ajouta Mr de Fontenelles, estoit excellent Physicien, &amp; s’il avoit penetré tous les secrets de la Philosophie, il en avoit aussi pris toutes les maximes. Content du peu qu’il avoit &amp; vivant sans ambition, il a travaillé jusqu’à la fin de sa vie avec une application sans relâche ; il avoit fait un Sisteme entier de Physique, &amp; il avoit commencé un Traité de la Musique que la mort l’a empêché d’achever. Mr de Fontenelles dit aussi que Mr Dodart n’avoit épargné ni soins, ni argent pour faire de nouvelles découvertes, &amp; que pour le bien du Public, il les avoit communiquées avec autant de facilité, qu’il avoit eu de peine à les faire. Il ajouta que voulant sçavoir l’effet que la nourriture maigre &amp; la viande faisoit sur le corps humain, il s’estoit fait peser le matin du Mercredy des Cendres, &amp; que s’estant encore fait peser le soir du dernier Samedy de Caresme, il avoit trouvé qu’il pesoit huit livres de moins qu’au commencement du Caresme ; &amp; que s’estant fait peser de nouveau, le premier Jeudy d’aprés Pasques, il pesoit quatre livres de plus que la derniere fois qu’il s’estoit fait peser : de maniere qu’en cinq jours son poids avoit augmenté de la moitié des huit livres, dont il estoit diminué en six semaines. Mr de Fontenelles, en parlant des Amis de Mr Dodard, n’oublia pas Mr le Clerc Medecin de Geneve, frere de l’<hi rend="i">illustre Mr le Clerc</hi> d’Hollande. Il fit voir que les qualitez du cœur de Mr Dodart ne le cedoient pas à celles de son esprit. Il finit l’Eloge, de ce fameux Medecin, par la peinture qu’il fit de ses mœurs &amp; de son cœur ; il loüa fort sur tout sa charité &amp; les moyens ingenieux qu’il employoit pour la mettre en œuvre. Madame la Princesse de Conty Doüairiere, à laquelle il estoit attaché, fit voir qu’elle connoissoit bien son merite, &amp; la perte qu’elle faisoit, puisqu’on luy vit répandre des larmes, lors qu’on luy aprit sa mort. Elle arriva, cette mort, ajouta Mr de Fontenelles dans une conjoncture heureuse, pour Mr Dodard, puisque le peu de temps qui restoit jusqu’à la Sceance publique, n’ayant pû suffire pour rassembler les Memoires necessaires, pour composer son Eloge, Mr l’Abbé Bignon y suppléa abondamment, par ce qu’il dist sur le champ, dans cette Sceance, à l’occasion de la perte que l’Academie venoit de faire ; honneur qu’aucun Academicien n’avoit encore reçû.</p>
          <p>Mr l’Abbé de Louvois en resumant le discours de Mr de Fontenelles, ajouta encore quelques traits à la gloire de l’illustre mort.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-04_280">
          <head>Air nouveau</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, avril 1708 [tome 4], p. 280-281.</bibl>
          <p/>
          <p>La Musique tenant un rang considerable entre les Sciences &amp; les Arts, je crois devoir ajouter à ce que je vous en viens de dire, la Chanson suivante.</p>
          <quote>
            <label>AIR NOUVEAU.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">De ces Costeaux fleuris, que l’aspect est charmant,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Mais sur tout qu’ils ont dequoy plaire</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Pour un fidelle Amant</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Quand il y revoit sa Bergere.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-04_308">
          <head>[Party de l’Epée embrassé par un Abbé de distinction]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, avril 1708 [tome 4], p. 308-311.</bibl>
          <p/>
          <p>Il me reste à vous parler de quelques autres Mariages arrêtez entre des personnes du premier rang ; mais dont je crois ne vous devoir entretenir qu’aprés que l’amour aura tiré le Rideau sur les futurs Epoux.</p>
          <p>Cet article me fait souvenir que Mr l’Abbé de Noailles, vient de quitter le party qui engage à un perpetuel célibat, &amp; qu’ainsi il pourroit bien un jour entrer dans un Sacrement dont l’Etat tire de grandes utilitez, &amp; selon toutes les apparences, il ne sera pas long-temps sans servir le Roy, &amp; sans exposer son sang pour le bien &amp; pour la gloire de sa patrie, puisque aussi-tost aprés avoir fait ses Exercices à l’Academie, il entrera dans les Mousquetaires.</p>
          <p>Mr le Cardinal de Noailles son oncle, a donné le Canonicat de l’Eglise de Paris, dont cet Abbé joüissoit, à Mr l’Abbé de Gontaut, qui a eu depuis prés d’une année dans la même Eglise, la dignité de Chantre, par la demission de Mr l’Abbé Perrochel. Mr l’Abbé de Gontaut est de la maison de Biron, &amp; de la Branche de Gontaut Cabreres. Je vous en ay amplement parlé lorsque je vous ay appris qu’il avoit eu la dignité de Chantre. Mr l’Abbé de Gontaut avoit porté les Armes avec beaucoup de réputation avant d’entrer dans l’état Ecclesiastique. Il a esté long-temps Capitaine de Carabiniers, &amp; il servoit pendant les Campagnes que Mr le Maréchal de Noailles fit en Catalogne dans la derniere Guerre. Lorsque l’on a beaucoup d’esprit, on est propre à toutes sortes d’états ; quoique Mr de Gontaut n’eut pas esté destiné à celuy où il se trouve aujourd’huy engagé, il n’en remplit pas moins bien les devoirs. Il est tres-bon Predicateur, tres-éclairé, &amp; tres-bon Theologien, &amp; il a exercé ses grands talens dans les meilleures Chaires de Paris.</p>
          <p>La lecture de cet article doit faire remarquer que Mr l’Abbé de Gontaut a quitté les Troupes pour prendre le party de l’Eglise, &amp; que Mr l’Abbé de Noailles a quitté l’Eglise pour entrer dans les Troupes, de maniere que l’Eglise &amp; l’Etat ne perdent rien à ce changement.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-04_372">
          <head>[Article des Enigmes]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, avril 1708 [tome 4], p. 372-376.</bibl>
          <p/>
          <p>Le mot de l’Enigme du mois dernier estoit <hi rend="i">la Poudre à poudrer</hi>. Ceux qui l’ont trouvé sont : Mrs de la Tour-Gohory ; du Breüil ; Gallois ; le P.P. Lauriau ; Becquet, Philosophe du Pont Nostre Dame, &amp; sa voisine ; le Pere Jacob, sur le même Pont ; T. Destournelles ; l’Abbé Douët, des Montagnes d’Auvergne ; M.E. le vieux Avocat au Parlement d’Orange ; Laisné, de la ruë &amp; attenant le Cadran S. Honoré ; M. Martin ; D. le Chin, Procureur Fiscal à Egligny prés d’Auxerre, &amp; son grand Amy Mr Trébuchet, Lieutenant general dudit lieu ; Perrin ; Tamiriste ; le Constant Oronte, &amp; son inflexible Belise ; le Baron d’Albicrac ; l’Amant de la petite Javotte de la ruë du Plâtre, &amp; la Gouvernante de l’Amant ; le Solitaire Desanglous, &amp; son ami Darius ; le Mechanicien, de Cour Cheverny prés de Blois Mlles de la Cour de la ruë S. Antoine, de la Guichardiere ; la jeune Muse renaissante. G.O. l’Aimable du Rocher à la voix claire, de la ruë de Beaune ; l’Adorable du Martrait de la ruë du Mail ; la Soudoyenne des Muses ; la Blonde du Commun de Versailles ; la plus spirituelle Dame de la ruë de la Harpe ; la plus jeune des belles Dames de la ruë des Bernardins ; O. Kambout, objet de la tendresse du Comte … la Colombe de Merignac, prés Bordeaux ; l’aimable Gabrielle de la ruë Geoffroy-Lasnier, &amp; la Finette au Jeu des Dames ; la Poule brune &amp; son Cocq blond ; L.M. &amp; l’Exilé volontaire ; la demi-Prisonniere de la Conciergerie ; les deux Charmantes du Pont Nostre-Dame ; la Solitaire de la ruë aux Féves, &amp; Mlle Court-d’Amant.</p>
          <p>Je vous envoye une Enigme nouvelle ; elle est d’une personne de vostre Sexe.</p>
          <quote>
            <label>ENIGME.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Je fais quand je travaille un penible exercice.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Je monte, je descends, &amp; voicy mon suplice.</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Quand je suis descendu</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Je me trouve pendu :</hi></l>
              <l><hi rend="i">Je suis cent fois le jour en si belle posture,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Au commencement j’y suis nud ;</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Mais en revanche plus j’endure</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Et mieux je me trouve vêtu.</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Je travaille à faire la corde</hi></l>
              <l> <hi rend="i">A laquelle ensuite on me pend :</hi></l>
              <l><hi rend="i">Si j’aide à ce travail, le secours que j’accorde</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Me rend plus gros &amp; plus pesant.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-04_392">
          <head>Conclusion</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, avril 1708 [tome 4], p. 392.</bibl>
          <p/>
          <quote>
            <label>CONCLUSION.</label>
            <p>Je crois que vous devez estre satisfaite de ma Lettre ; le grand nombre de matieres differentes qu’elle contient, doit plaire, à ceux qui veulent de la varieté : &amp; ceux qui aiment les Pieces d’Eloquence, les Sciences, la Galanterie, &amp; les Nouvelles de Guerre, y doivent trouver dequoy se satisfaire. Je suis, &amp;c.</p>
            <p><hi rend="i">A Paris ce</hi> 30. <hi rend="i">Avril</hi> 1708.</p>
          </quote>
        </div>
      </div>
      <div type="tome" xml:id="MG-1708-05">
        <head><hi rend="i">Mercure Galant</hi>, mai 1708 [tome 5]</head>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-05_58">
          <head>[Mort de Mre François de Maucroix, chanoine de l’Eglise metropolitaine de Reims]*</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mai 1708 [tome 5], p. 58-66.</bibl>
          <p/>
          <p>M<hi rend="sup">re</hi> François de Maucroix Chanoine de l’Eglise Metropolitaine de Rheims, y est mort âgé de quatre-vingt dix ans, &amp; il y a plus de soixante ans qu’il faisoit une grande figure dans la République des Lettres ; les Ouvrages pleins d’érudition, &amp; les excellentes Traditions qu’il a données au public en divers temps rendront sa memoire chere à tous les sçavans. Il estoit né à Noyon en Picardie dans une famille tres-considerable ; il en sortit fort jeune, &amp; s’étant attaché ensuite à l’Eglise de Rheims, il ne l’a point voulu quitter, content de l’établissement qu’il y avoit &amp; d’un petit Prieuré qui n’en est pas fort éloigné. Les Ouvrages que l’on a de lui sont les vies des Cardinaux Volsey &amp; Polus, la traduction du Schisme d’Angleterre de Sanderus ; des Homelies de S. Jean Chrysostome au peuple d’Antioche ; celles d’Astierus ; &amp; enfin la version Françoise des plus fortes pieces de l’antiquité ; sçavoir, les Philipiques de Demosthene, l’Eutyphron, le grand Hippias, &amp; l’Euthydemas de Platon ; la traduction des quatre Harangues de Demosthene contre Philippe, de la quatriéme Harangue de Ciceron contre Verrez, &amp; des trois Dialogues de Platon, sont écrits dans une grande pureté. L’Auteur y developpe les raisonnemens &amp; les pensées de l’Original avec une force &amp; une clarté merveilleuse, &amp; il les exprime d’une maniere qui fait entrer dans l’esprit les mêmes Notions, &amp; il fait sentir les mêmes agrémens, que l’on sentoit autrefois dans la Grece lorsqu’on y lisoit dans leur Langue originale, les écrits de ces trois grands hommes. Mr de Maucroix ayant publié en 1685. avec Mr de la Fontaine son amy particulier, ses Ouvrages de Prose &amp; de Poësie, &amp; l’amitié qu’ils avoient l’un pour l’autre les ayant obligé à ne faire qu’un même livre de leurs dernieres productions, quoyque celles du dernier fussent d’un caractere entierement opposé à celuy de l’autre ; Mr de la Fontaine fut chargé de faire la Dédicace, &amp; d’aprendre aux Lecteurs dans quel esprit on doit lire les Dialogues de Platon. Mr de Maucroix dans une Preface particuliere faire voir le caractere des deux autres Auteurs sur lesquels il a travaillé ; sçavoir, de Demosthene &amp; de Ciceron. Cette Preface est digne non seulement d’être lûë ; mais aussi d’estre meditée profondement, car elle donne des ouvertures admirables pour connoître le genie &amp; les manieres des Anciens ; &amp; puisqu’il n’est rien de plus utile pour acquerir un goust sûr que de bien étudier celuy des grands hommes de l’antiquité, il est tres-important de bien étudier &amp; de méditer sur ce que l’on nous découvre du caractere de Ciceron &amp; de Demosthene &amp; sur la diversité des talens qui les ont fait admirer. On voit aussi dans la Preface de Mr de Maucroix que de toutes les Harangues que l’on a de Ciceron, il n’y en a point de plus diversifiée que la quatriéme Verrine ; l’Orateur Romain y parle de statuës, de peintures de Tapisseries, de vases d’or &amp; d’argent, &amp; il témoigne par occasion le mépris que l’on doit avoir pour ces curiositez. Mr de Maucroix &amp; Mr de la Fontaine eurent le plaisir de voir réimprimer leurs Ouvrages en 1688. &amp; les Hollandois en firent faire une Edition afin de les rendre plus communs dans leur Province. Mr de Maucroix traduisit aussi en François, à la priere de Mr l’Archevêque de Rheims il y a quelques années, le <hi rend="i">Retionarium Temporum</hi> du P. Petau. Il a aussi donné au public quelques recüeils d’Epigrammes, &amp; d’autres pieces de vers. Il réüssissoit également bien en Prose &amp; en Vers, &amp; tout ce qu’il faisoit dans ces deux genres d’écrire, se ressentoit de la douceur &amp; de la délicatesse de son esprit. Mr de Maucroix comptoit entre ses amis particuliers, Mr de la Fontaine ; Mr l’Abbé Furetiere, &amp; Mrs le Jau de Chanberiot, freres, tous distinguez par leur amour pour les belles Lettres.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-05_69">
          <head>[Nommination de l’Abbé Gallisson]*</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mai 1708 [tome 5], p. 69-71.</bibl>
          <p/>
          <p>M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé de Gallisson Docteur de la Maison &amp; Societé de Sorbonne, Chanoine &amp; Chantre de l’Eglise Royale de Saint Martin de Tours, a esté nommé par le Pape &amp; de l’agrément du Roy, Evesque d’Agathopolis &amp; Coadjuteur de Babylone. M<hi rend="sup">r</hi> Pidou de S. Olon Evêque de Babylone estant fort vieux &amp; accablé d’infirmitez qui sont le fruit de ses longs &amp; pénibles travaux dans les Missions de l’Orient, ne pouvant plus travailler par luy-même, a demandé du secours à Sa Sainteté, &amp; a désigné pour son successeur dans le Siege de Babylone, qui porte aujourd’huy le nom de <hi rend="i">Bagdet</hi>, M<hi rend="sup">r</hi> de Gallisson dont il connoît depuis long-temps la vertu &amp; le merite ; il en a obtenu l’agrément du Roy &amp; la nomination de Sa Sainteté. Le Siége d’Agathopolis dans l’Asie est titulaire, mais celuy de Babylone est réel &amp; effectif ; il est vray que les Evesques n’y resident pas, &amp; que les Musulmans qui sont maistres de cette ville autrefois si celebre, n’y souffrent pas l’exercice de la Religion Catholique ; ainsi le Siége en a esté transporté à <hi rend="i">Amadan</hi>, petite ville qui n’est qu’à dix lieuës de Babylone, où il y a un Clergé Catholique assez nombreux. M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé de Gallisson est tres-bon Theologien ; il a une connoissance exacte des Langues Grecque &amp; Arabe, que l’on doit sçavoir lorsqu’on va resider en ce Pays-là ; il est d’une ancienne Famille originaire de Touraine &amp; alliée aux principales Maisons de cette Province.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-05_83">
          <head>[Lettre tres curieuse touchant des Ceremonies dont on n’a point encore donné de Relations au Public]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mai 1708 [tome 5], p. 83-151.</bibl>
          <p/>
          <p>On a peu vû de Relations de Ceremonies aussi étenduës, &amp; aussi particularisées que celles qui se trouvent dans la Lettre que je vous envoye. Elles sont remplies d’un nombre infini de faits curieux, &amp; comme l’objet qu’elles ont pour but, est aussi saint que grand, elles meritent l’attention de toutes sortes de personnes.</p>
          <quote>
            <label>A Perpignan le 11. Avril 1708.</label>
            <p><hi rend="i">Enfin, Monsieur, j’ay vû les ceremonies de la Semaine sainte, si fameuses en ce Pays-cy, &amp; elles m’ont paru si éclatantes &amp; si remplies de pieté, &amp; de choses extraordinaires, que j’ay crû que le détail de ces ceremonies seroit digne de vostre curiosité. Le Carême se passe icy tres-devotement. Il y a tous les jours Sermon François dans la principale Eglise, &amp; Sermon Catalan dans une autre Paroisse. Il y a alternativement pendant tout le Caresme des Prieres de quarante heures, dans chacune des Eglises de la Ville ; exposition du S. Sacrement, Sermon tous les soirs presque toûjours en Catalan, &amp; Salut souvent en Musique ; tous les Vendredis Sermon François devant Mrs les Chanoines dans une Chapelle separée, &amp; qui est proche de leur Eglise ; la porte de cette Chapelle est ouverte à tout le monde ; ce Sermon commence à</hi> 4. <hi rend="i">heures, &amp; il est suivi d’un</hi> Miserere <hi rend="i">en Musique, dont Mrs les Chanoines disent alternativement un Verset en basse Psalmodie. Les mêmes jours à six heures du soir les Confreres du Tiers-Ordre s’assemblent aux Cordeliers dans une grande Chapelle separée de leur Eglise, &amp; aprés une Exhortation, ils se donnent tous ensemble la discipline ; les Sœurs font cette ceremonie chez elles chacune en leur particulier. Voilà, Monsieur, les devotions du Pays pendant le Caresme, qui ne servent que de Prelude à celles des trois derniers jours de la Semaine sainte.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le Vendredy qui precede le Dimanche des Rameaux, le Tiers-Ordre de S. François fit une Procession par la Ville, que je trouvay tres-devote. On s’assembla aux Cordeliers, &amp; aprés un Sermon fait en Catalan, on se mit en marche. Je fus fort surpris de voir le Predicateur, qui estoit un Ecclesiastique, prêcher en Soutane &amp; en Manteau long, sans Surplis &amp; en Bonnet quarré. Les Croix des Religieux de ce Pays, n’ont point de Christ ; on y voit seulement une Couronne d’épines attachée au milieu. Celle de la Procession dont je vous parle, estoit portée par un Ecclesiastique en Manteau long &amp; en Bonnet quarré, accompagné de deux jeunes Clercs en Soutanelle &amp; en Manteau court. Toutes les Sœurs du Tiers-Ordre suivoient ; il y a parmi elles des Dames de qualité, dont les unes sont vêtuës à la Françoise, &amp; les autres à la Catalane ; elles avoient toutes le Cordon de S. François sur leurs habits, qui pendoit jusqu’à terre ; elles marchoient deux à deux, tenant chacune un gros cierge. Ensuite paroissoient les Confreres, suivis de plusieurs Prestres seculiers, vêtus de même que celuy qui portoit la Croix, &amp; ayant chacun un cierge à la main ; ces Prestres fermoient la marche. Les Cordeliers estoient dispersez dans les rangs, &amp; Psalmodioient d’un ton lugubre, les Litanies de la Passion, ausquels on répondoit</hi> Miserere nobis. <hi rend="i">Et comme cette Procession estoit de plus de quatre cens personnes, le Cordeliers formoient quatre Chœurs qui Psalmodioient ces Litanies, afin que tout le monde pust entendre &amp; répondre. Presque tous ces Cordeliers tenoient par la main de petits enfans vêtus en Cordeliers. On doit remarquer que la coûtume du Pays est d’habiller presque tous les enfans, quelques-uns jusqu’à l’âge de sept ans, de quelque habit Religieux, de sorte que tous ces enfans forment par les ruës une bigarrure extraordinaire. On voyoit à la suite de la Procession dont je viens de parler, un Ecclesiastique vêtu d’une espece de Robbe de chambre couleur de pourpre, ayant une perruque dont les cheveux pendoient pardevant jusqu’à la ceinture ; de maniere qu’il ne voyoit pour se conduire, qu’à travers ces cheveux qui estoient fort épais, de sorte qu’il ne pouvoit tout au plus voir que ses pieds, qui estoient nuds comme ses jambes. Il avoit seulement sous la plante des pieds des semelles de cordes, avec lesquelles un homme peu accoûtumé à cette chaussure, doit avoir bien de la peine à marcher ; ces semelles sont attachées avec des cordons sur le pied. Cet homme avoit aussi sur la teste une Couronne d’épines, &amp; une grosse chaîne de fer pendoit de derriere son col, &amp; elle traînoit huit pieds derriere luy. Il avoit sur l’épaule gauche une tres-grande Croix &amp; fort épaisse, de maniere qu’il auroit esté impossible qu’il eust pu la porter si elle n’eust esté creuse ; il la portoit en équilibre. Six des principales personnes du Tiers-Ordre marchoient devant luy, &amp; portoient six grands flambeaux ; il estoit conduit par</hi> 2. <hi rend="i">hommes qui estoient à costé de luy. Cette Procession qui dure prés de trois heures, passe par plusieurs ruës de la ville, avec une modestie qui édifioit tout le monde. Elle entre en chemin dans deux Eglises qui sont sur sa route, &amp; dans chacune desquelles, on luy fait un Sermon en Catalan ; mais fort court : elle trouve par les ruës, d’espace en espace des Autels ornez &amp; éclairez sur lesquels on voit un Tableau qui represente un des Mysteres de la Passion de Nostre Seigneur, &amp; lorsque la moitié de la Procession a achevé de passer devant chacun de ces Autels, on sonne une petite clochette, &amp; alors tout le monde se met à genoux en quelqu’endroit que l’on se trouve. Quatre Cordeliers dispersez dans le milieu de la Procession, lisent une Meditation en Catalan sur le Mystere representé, &amp; l’on dit à la fin un</hi> Pater noster. <hi rend="i">On se releve au même son de la clochette, &amp; lorsque celuy qui porte la Croix sur ses épaules est arrivé devant l’Autel on se remet à genoux, &amp; celuy qui porte la Croix s’incline bien plus profondement, ce qui le soulage un peu, puisqu’alors sa Croix pose à terre ; l’attitude qu’il tient est tres-gênante, puisqu’il a encore des cordes qui l’obligent à tenir toûjours sa teste penchée sur le devant. On ignore presque toûjours le nom de l’Ecclesiastique qui fait cette fonction. C’estoit cette année un jeune Moine de Montferrat, Prestre &amp; âgé de vingt-six ans qui fait icy sa Theologie chez les Cordeliers. Mrs de Montferrat ont un Benefice à deux lieuës &amp; demie d’icy où ils sont six, &amp; celuy-cy en est un. Cette Procession est toûjours suivie de quantité de personnes pieuses qui ne sont point du Tiers-Ordre. J’y trouvay tant de modestie que j’avoüay à nôtre Prelat qu’il avoit eu raison en m’exhortant de la voir, de me dire que</hi> c’estoit veritablement une Procession de Chrestiens. <hi rend="i">Je viens à celles du Jeudy &amp; du Vendredy Saint ; mais avant que d’entrer dans le détail, je dois vous faire une description de la décoration des Eglises.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Celle que l’on nomme de</hi> S. Jean, <hi rend="i">&amp; qui tient lieu de Cathedrale, est vaste &amp; belle. Ce n’est qu’une Nef sans piliers &amp; tres-large ; le Chœur est au milieu, &amp; l’on y descend par trois marches ; son enceinte est de marbre blanc &amp; rouge, &amp; orné de pilastres. Cette enceinte n’est au dehors que d’environ six pieds de haut ; mais les trois marches que l’on descend en dedans, l’élevent de ce costé-là de deux pieds &amp; demy de plus. Le peu de hauteur de cette enceinte, fait que du bas de l’Eglise, on voit aisément le Maître Autel ; le devant du Chœur qui le regarde est fermé par une balustrade de fer à hauteur d’appuy. On monte trois marches qui sont dans le Chœur pour entrer dans un grand espace ou se forme une croisée &amp; l’on trouve un bel Autel de chaque costé, &amp; ensuite un Sanctuaire élevé de trois marches. Quatre autres marches que l’on trouve ou bout de ce Sanctuaire, font arriver à un lieu propre pour les Ceremonies, &amp; sur lequel le grand Autel est placé, sur une espece de cul de Lampe qui termine l’Eglise, &amp; qui laisse voir un Retable fort élevé, &amp; dont la face est unie, le tout composé de figures en Relief, de marbre blanc dans des especes de Tableaux de même matiere, séparez les uns des autres par des Pilastres chargez de figures de Grottoge &amp; bien travaillées. Ce Retable est fort estimé tant pour la matiere que pour le travail. Toute l’Eglise est parée de marbre ; on assure qu’elle a esté bâtie du temps de François I. &amp; alors nous estions Maistres du Roussillon ; c’est pourquoy l’on voit les Armes de France à la clef de la voûte au dessus du Sanctuaire. Celles de Perpignan sont semées de France dans un Ecu en Lozange, avec un S. Jean dans le milieu. J’oubliois de vous dire qu’on voit au milieu du beau Retable dont je viens de parler, une Niche fort grande dans laquelle est une figure de S. Jean, un peu plus haute que le naturel &amp; isolée. Quand on expose le S. Sacrement, il y a une Machine qui fait retirer tout d’un coup cette statuë, à la place de laquelle on voit un Ostensoire plus haut que moy de la hauteur du bras, le tout de Vermeil doré. Il pese plus de quatre cent Marcs, &amp; lors qu’on le porte en Procession, il faut huit forts Ecclesiastiques pour le porter. Cette Eglise dans les jours de Ceremonie, est tenduë d’une tres-belle Tapisserie ancienne qui represente l’histoire de la Passion de Nostre-Seigneur ; on voit un autre Tapisserie au-dessus de celle-là : elle est à bandes de Damas jaune &amp; bleu. Le Sanctuaire est tendu d’une Tapisserie de même Damas, qui s’éleve tres-haut &amp; qui pend fort bas. On dresse ces jours-cy, ce que l’on nomme en France</hi> le Reposoir, <hi rend="i">&amp; que l’on appelle icy</hi> le Monument, <hi rend="i">à la grand’Porte au bas de l’Eglise que l’on condamne entierement. Il est élevé de sept marches, &amp; tient plus de la moitié de la largeur de l’Eglise. Cet Edifice represente une Eglise ayant deux bas-costez séparez chacun de la grande Nef, par un rang de Piliers. Les voutes sont formées en arceaux de bois, &amp; couvertes d’une grande Toile. La Façade represente un grand Portail rond, &amp; deux autres aux costez, le tout terminé par un Fronton coupé ; &amp; au dessus du principal Portail s’éleve un morceau d’Architecture au haut duquel sont les Armes de la Ville, ce qui paroist élevé plus haut que la moitié de l’Eglise, &amp; de la voute de cette Eglise, descend une Tapisserie à bandes de Tafetas rouge &amp; jaune qui contient toute la largeur, &amp; qui vient battre sur la voute de cet Edifice de bois. L’enfoncement de cette espece d’Eglise est de plus de trois Toises, &amp; l’on voit dans le fonds, un cul de Lampe tres-bien formé avec toute l’Architecture ordinaire. Il est fermé de tres-belles Tapisseries de Damas cramoisi, &amp; il y a un Autel en forme élevé de trois marches, au haut duquel est une espece de petit Monument tres-propre pour enfermer le S. Sacrement, &amp; au-dessus de ce Monument on voit un grand Crucifix couronné par le haut d’une espece de Pavillon de Damas cramoisi, attaché à la voute de cet Edifice de bois ; il est garny de gros galons d’or &amp; de grandes Crespines. Il n’y a que six Cierges sur cet Autel ; mais les trois degrez &amp; les sept par où l’on monte à ce Temple artificiel, aussi bien que son pavé qui est couvert d’un grand Tapis de Turquie, sont pour ainsi dire semez de Cierges. Le long des deux bas costez entre chaque pilier qui sont au nombre de cinq de chaque costé, est une Balustrade formée par de gros cierges, ainsi qu’une autre Balustrade qui ferme en dehors les bas-costez. Il y a aussi une Balustrade pareille aux deux bouts des marches par où l’on monte à cet Edifice, &amp; tout le tour de l’Eglise en dedans fait voir aussi une Menuiserie haute de sept pieds toute garnie de pareils gros cierges de deux livres au moins chacun, courts &amp; renforcez en façon de flambeaux ronds. L’enceinte du Chœur en est aussi toute garnie, de maniere que la grande Eglise n’a point d’autre jour que celuy qu’elle tire de cinq cent cierges qui brûlent toûjours, ou du moins prés de la moitié en de certains temps.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Je vis la Procession que fit le Chapitre pour porter le S. Sacrement. L’habit des Chanoines est majestueux ; il consiste en une grande Robbe noire bordée d’un petit Liserage cramoisi, &amp; fermée par devant par de grands lacs d’amour de la même couleur, attachez sur l’étofe, avec de grandes houpes. Cette Robbe sous laquelle les Chanoines ont un Rochet est ordinairement retroussée, faisant deux tours à leur ceinture, &amp; pendant par le costé ; mais le Jeudy, le Vendredy &amp; le Samedy elle est abatuë, &amp; la queuë traîne de plus d’une aune &amp; demie. Ils ont sur cette Robbe une fourure comme Mrs les Bacheliers ; les bords de l’étofe &amp; de la fourure sont aussi liserez de cramoisi. Cette fourure qui se termine par derriere en espece de coqueluchon qui pend plus bas que la ceinture, est ordinairement rattachée sur l’épaule ; mais pendant ces trois jours, ils la font monter jusques sur leur teste, &amp; elles forment une espece de</hi> Domino <hi rend="i">à la maniere des anciens Moines, &amp; ils marchent même ainsi à la Procession du S. Sacrement, disant que cela marque plus de deüil. Ils tenoient un cierge d’une main, &amp; de l’autre leur bonnet quarré devant eux. Le Dimanche ils quittent ces fourures &amp; prennent de petits Camails violets ouverts par devant, &amp; doublez de Tafetas cramoisi. Dés que le S. Sacrement fut placé dans le petit Monument, Mr de Quinson, Commandant dans la Province, &amp; le Premier Consul, allerent mettre un sçeau de Cire rouge sur la serrure, dont on attacha la clef au bras de Mr l’Evêque, afin de marquer par là, les</hi> Signantes Lapidem, <hi rend="i">&amp; le Vendredy Saint, ils allerent reconnoistre leur sçeau avant qu’on le rompist afin de voir si on n’y avoit point fait de fraction. Les années precedentes, pour imiter entierement le Tombeau, il y avoit deux hommes armez de pied en cap, que l’on nommoit des</hi> Stafers, <hi rend="i">dont la fonction estoit de demeurer debout, tenant d’une main une grosse halebarde sans remuer non plus que des Statuës pendant vingt-quatre heures, ce qui a été aboly cette année.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le soir environ sur les huit heures &amp; demie, une Procession se mit en marche ; elle ne commençoit autrefois à marcher qu’à onze heures du soir ; mais depuis l’année derniere, Mr l’Evêque a obtenu qu’elle sortiroit à sept heures &amp; demie au plus tard, cependant elle a esté retardée d’une heure. Cette Procession estoit éclairée au moins de cinq cent flambeaux tres-gros &amp; tres-hauts, &amp; portez par des Suisses dont il y a icy un Regiment, &amp; par des Paysans. Plusieurs personnes de cette ville assistoient à cette Procession avec des Robbes de Treillis noir tres-luisant. Elles avoient sur leur teste, un Capuchon tres-long, &amp; on voyoit pendre par devant une Toile qui descendoit jusqu’à la ceinture, qui est ordinairement d’une Cordeliere tres-propre. Les queuës de ces Robbes ont plus de deux aunes &amp; demie ; quelques-unes les laissent traîner, &amp; les autres les font porter par des valets. Dans le milieu de cette Procession on voyoit pour y maintenir l’ordre, plusieurs</hi> Regidors ; <hi rend="i">c’est-à-dire Maistres de Ceremonies, de tous Etats, Prestres, gens à Perruque, &amp; se donner de grands mouvemens. Ils étoient vêtus de même Robbe ; mais leur visage n’estoit point caché. Ils avoient de grands rabats de belle toile, &amp; leur Capuchon pendoit par derriere. Ils avoient des gants blancs, &amp; ils tenoient des baguettes noires de sept à huit pieds de haut. Plusieurs enfans de huit à neuf ans dans le mesme équipage, faisoient aussi les mesmes fonctions. D’autres de mesme taille portoient de petits Etendarts noirs aux armes de la Passion, &amp; ils avoient de petits Compagnons qui tenoient les cordons de ces Etendarts. On voyoit dans le milieu de cette Procession, des Penitens de toutes especes ; les uns estoient vestus à crud d’habits tout d’une piece, bas, culotte, camisolle, de grosses nattes de jonc sauvage, qui avoient des piquans tres-forts, &amp; ils estoient nuds pieds. Plusieurs d’entr’eux portoient des testes de mort, des Crucifix, des Inscriptions de</hi> Memento mori, <hi rend="i">&amp; quelques-uns avoient des Casques de la mesme étoffe. On voyoit aussi d’autres gens équipez de mesme maniere qui avoient les bras étendus &amp; attachez sur une barre de fer plate qui estoit sur leur chair dessous les manches de jonc, &amp; qui passoit par derriere leur dos, &amp; en cet estat ils marcherent nuds pieds pendant prés de cinq heures. On dit que c’est le plus rude de tous ces exercices de penitence. On peut leur donner le nom de</hi> Croix ambulantes, <hi rend="i">puisque leurs bras forment un travers de Croix : les piquans du jonc leur perçoient la peau, en sorte qu’il en couloit du sang ; leur visage estoit voilé. On voyoit aussi des Penitens vêtus de sacs de toile, qui tenoient de la main gauche un petit plat rempli de cendre, &amp; qui montroient cette cendre avec l’index de la main droite ; il ne leur est pas permis de changer cette attitude. Enfin l’on voyoit les Flagellans, vêtus d’habits de toile fine &amp; blanche faits en jupes, qui alloient jusqu’à la cheville du pied ; ils avoient des camisoles blanches tres justes à leurs corps &amp; à leurs bras ; ils avoient des gants de fil blanc tres-propres ; un grand coqueluchon sur la teste, élevé en pointe de la hauteur d’une aulne &amp; demie au moins, d’où pendoit par devant un linge ouvert vis-à-vis de leurs yeux, &amp; qui descendoit jusqu’à mi-jambes, où il formoit une grosse houpe attachée d’un ruban. Cet habillement estoit ouvert dans le milieu du dos justement, de la largeur d’un pied ou environ. Ils tenoient à la main des foüets de cordes fines de huit ou dix branches, &amp; qui estoient garnies de petites rosettes de fer par le bout. Ils se foüettoient si cruellement avec ces instrumens, que le sang ruisseloit de tous costez. Ils prenoient plaisir à faire aller ce foüet sur leurs habits &amp; sur les clochers qu’ils avoient sur la teste, afin de les marquer de leur sang. Ceux qui se fouettoient avec le plus de force, dont le nombre pouvoit aller à vingt ou environ, faisoient regarder cette Procession avec une espece d’horreur ; cependant on n’est pas reputé bon Catalan, si l’on ne s’est fouetté deux ou trois fois en sa vie. Pendant que j’attendois cette Procession afin de la voir passer, dans une Eglise qui joint la Cathedrale où nostre Prelat m’avoit mené, un de ces fouetteurs s’exerçoit dans un coin d’une Chapelle, ce qui dura prés de demi-heure, &amp; le Prelat me dit que</hi> cet homme s’essayoit, &amp; se mettoit en estat d’entrer dans la Procession avec honneur, <hi rend="i">c’est-à-dire tout en sang. Il s’en trouve quelquefois de si incommodez, &amp; même de si malades aprés cette Procession que l’on est quinze jours ou trois semaines sans les revoir. Ils se font suivre par un Chirurgien qui essuye leurs playes avec de petites éponges, &amp; qui quand leur sang cesse de ruisseler, leur fait avec la pointe d’une lancette de petites ouvertures en forme des cinq Playes de Nostre-Seigneur. Dans le jour, pendant que l’on va aux Stations on trouve de ces Foüetteurs dans les Eglises, ou de ceux qui portent la barre ; mais pour reprendre la suite de la Procession on vit paroistre aprés les derniers dont je vous ay parlé, plusieurs figures representant des Mysteres de la Passion ; sçavoir, J.C. au Jardin des Olives, Jesus flagellé, &amp; Jesus couronné d’épines, presenté par Pilate lorsqu’il dit</hi> Ecce Homo. <hi rend="i">Ces Mysteres sont des figures au-dessus du naturel placées dans des Niches ornées magnifiquement, sur tout de cristaux, de pieces d’orfevrie, de fruits artificiels faits admirablement bien, &amp; de fleurs de même nature, le Christ lié avec des chaînes d’or d’un tres-beau travail &amp; quantité de pierreries. Il y a des gens en ce Pays qui ont des Tresors qu’ils n’employent jamais que pour ces sortes de Ceremonies. Ces Mysteres, placez sur des Brancarts couverts de noir, estoient portez par quatre ou huit Penitens en sacs noirs &amp; environnez d’un grand nombre de flambeaux. J’oubliois un autre genre de Penitens ; ce sont ceux qui traînent dans les ruës de grosses chaînes, &amp; d’autres attachez à une même chaîne dont ils tiennent chacun un bout à leurs épaules : cette chaîne est comme celles qui sont à Paris pour fermer les ruës, &amp; sans exageration, j’en vis une qui barreroit une grande ruë. Enfin le dernier Mystere estoit un Crucifix au naturel, couché sur un grand lit noir, &amp; couvert d’un crespe noir, dont les bouts estoient portez par des gens de consideration, vêtus avec les robes dont je vous ay déja fait une peinture ; mais ayant tous le visage découvert &amp; des Perruques bien frisées. Les Perruquiers de cette Ville travaillent plus pour ces Processions, qu’ils ne font en tout le reste de l’année. On portoit au-dessus de ce Lit un Pavillon en façon de Dais. Il estoit de tafetas noir, &amp; garni de dentelles d’argent ; &amp; la Procession estoit terminée par des Ecclesiastiques en habits de Chœur, le cierge à la main, &amp; qui Psalmodioient le</hi> Miserere. <hi rend="i">Il y avoit derriere chaque Mystere un Chœur de Musique, de Violons, de Bassons, &amp; de Harpes, qui chantoit de temps en temps, selon qu’il plaisoit aux Porteurs du Mystere, de régaler ceux qu’ils appercevoient aux fenestres. On voyoit à la teste de la Procession plus de cinquante petits enfans, vêtus de Souquenilles blanches, ayant les jambes nuës, qui portoient de petites Croix, &amp; qui crioient presque sans interruption &amp; à pleine voix</hi> Misericorde. <hi rend="i">Je ne vous ay pas dit, qu’au milieu de la Procession on voyoit un homme vestu aussi en Penitent, &amp; une Perruque sur la teste qui luy couvroit le visage. Il estoit chargé d’une Croix tres-pesante, &amp; suivi d’un jeune homme de quinze à seize ans, vestu à l’Espagnole, culotte &amp; pourpoint serrez, la gonille, &amp;c. Il avoit le visage découvert, &amp; il soûtenoit le bout de la Croix dans la posture que l’on peint Simon le Cyrenéen, &amp; il marcha ainsi à demi courbé pendant toute la Procession ; il avoit le visage collé à cette Croix, &amp; il ne changea point de situation ; cette posture est des plus gesnantes. Ce Porte-Croix estoit environné de gens vestus en Soldats avec des Cuirasses &amp; le Pot en teste. Ils estoient precedez de leur Capitaine vestu à la Romaine ; il estoit en brodequins &amp; cuirassé, &amp; son casque estoit garny de plumes par derriere. On s’arreste de temps en temps, &amp; il se presente un homme la teste couverte d’un Manteau noir, guimpé par devant, qui fort gravement presente une toile noire au visage du Porte-Croix, &amp; qui en se retournant tres-modestement, fait un cercle en montrant à l’Assemblée, l’impression d’une face du Christ de mesme qu’elle est representée à la Veronique. Cette fonction est toûjours faite par un Prestre.</hi></p>
            <p><hi rend="i">On vit le Vendredy aprés midi, un autre spectacle dans la seconde Eglise de la Ville qui est tres-vaste. Aussi estoit-elle remplie d’un peuple prodigieux. Cette Eglise n’estoit guere moins ornée que celle de Saint Jean. On y voit une Tapisserie qui appartient à la Fabrique, qui l’a achetée sept mille livres, depuis sept ou huit années ; c’est une Verdure d’Aubusson. Il y a au dessus une autre Tapisserie de tafetas faite par bandes rouges &amp; jaunes ; on n’épargne rien en ce Pays pour la Maison du Seigneur. Le Retable du grand Autel qui n’est que de bois, &amp; que l’on acheve, a déja coûté dix mille livres, quoy qu’il n’y ait encore aucune dorure. Vn Jardinier fait faire actuellement un Soleil plus haut que moy, qui coûte dix mille livres, &amp; dont il fait present à sa Paroisse. On m’y a montré une Croix de vermeil de cinq pieds de haut, qui est un des plus beaux &amp; des plus delicats ouvrages que l’on puisse trouver. On ne voit rien de plus riche &amp; de mieux travaillé. Le Roy d’Espagne à qui on la montra à son passage, avoua ainsi que tous les Espagnols qui l’accompagnoient, que l’Espagne quoy que magnifique dans ses Eglises, n’avoit rien qui luy ressamblast. Deux hommes qui portent cette Croix dans les Processions en sont assez chargez. Je reviens au spectacle. Il y avoit au fond de l’Eglise un Theatre qui couvroit entierement le Retable du grand Autel. On y montoit par vingt-sept degrez, qui, la veille estoient tous couverts de Damas cramoisi &amp; semez de cierges &amp; de bouquets, &amp;c. sur ce Theatre est élevé un Crucifix au naturel, sur quatre degrez couverts de noir, avec quantité de chandeliers. La Musique estoit à l’un des costez de ce Theatre, &amp; l’autre estoit remply de Spectateurs. On me fit l’honneur de m’y placer, &amp; je fus fort surpris d’y trouver Mr l’Abbé de Cœur-de-Chesne, Aumônier de Madame, venu exprés de Montpellier, avec un de ses freres, Officier, pour voir les Processions du Pays. Ils estoient accompagnez d’un President de Montpellier, homme de beaucoup d’esprit. Le fond de ce Theatre estoit orné des mêmes Tapisseries dont l’Eglise l’étoit la veille. Un grand Pavillon de même étofe, &amp; fort élevé, le couvroit entierement. Il estoit éclairé par des especes de Candelabres qui descendoient de ce Pavillon. Lorsque ceux qui formoient le spectacle commencerent à s’approcher, on vit paroistre</hi> 2. <hi rend="i">hommes avec des Dalmatiques noires, qui monterent les degrez à pas compassez, portant des échelles de Tapissiers peintes en noir, &amp; qui les placérent aux deux costez d’une Croix. Ces deux hommes estoient suivis de quatre enfans en Dalmatiques portant sur leur teste des Bassins d’argent dans lesquels estoient des marteaux, des tenailles, &amp; des bandes de toile ornées de nœuds de ruban a de certains endroits ; ensuite paroissoient quatre petits enfans de famille vêtus en Anges ; mais magnifiquement ; deux desquels portoient deux encensoirs, &amp; deux les navettes, &amp; quatre Chanoines vêtus en Dalmatiques de velours noir galonnées d’or, &amp; force cordons &amp; houpes qui croisoient sur le dos. Ils monterent tous à pas comptez, &amp; encenserent le Christ. Ensuite deux de ces Chanoines, aprés de certaines salutations entr’eux faites modestement, montérent sur les échelles toûjours à pas compassez, &amp; s’y placérent de costé les mains jointes dans une posture des plus édifiantes. Les deux qui estoient restez en bas leur presenterent les bandelettes l’une aprés l’autre ; mais l’un d’eux en prenant l’une de ces bandelettes, l’éleva pour la faire voir, puis il l’approcha de ses yeux pour la regarder ; il la montra en même temps au peuple ; il la presenta ensuite à un de ceux qui estoient sur l’échelle, qui fit la même ceremonie, &amp; ils en userent de même pour toutes les choses qui furent presentées. Pendant que tout cela se passa la Musique chanta par intervales, des couplets du</hi> Lustris sex, <hi rend="i">avec les violons, les bassons, les harpes, &amp;c. On plaça une de ces bandelettes au milieu de la poitrine du Christ ; elle reprenoit sur la Croix &amp; pendoit par derriere, &amp; un homme placé sur le travers de la Croix en tenoit les deux costez, &amp; une bande mise en long en soûtenoit les bras. On avoit avant cela osté la Couronne d’épines, &amp; aprés l’avoir montrée au peuple, ils la donnerent à un de ceux qui estoient en bas, qui aprés l’avoir reçuë ayant la main couverte d’une espece d’écharpe de tafetas noir, &amp; l’avoir examinée &amp; fait voir au peuple, la porta au bas du Theatre en marchant à pas lents, &amp; la tenant élevée la mit dans un bassin d’argent ; &amp; aprés qu’il eut remonté, les autres allerent encore encenser le Christ &amp; remonterent, &amp; l’on donna en ceremonie un marteau à l’un d’eux, qui en frappa trois fois derriere la Croix, ayant laissé quelque espace de temps entre chaque coup. Vn profond silence regnoit dans toute l’Eglise pendant cette Ceremonie, &amp; il ne finit que par les coups de poing que le peuple se donna sur la poitrine. Celuy qui avoit frappé avec le marteau, l’ayant rendu en ceremonie, on luy donna les tenailles, avec lesquelles il tira le cloud ; il rendit ces tenailles de mesme que le marteau ; il ôta ensuite le cloud qu’il montra au peuple, &amp; aprés l’avoir baisé il le donna à celuy qui estoit au-dessous de luy, qui aprés avoir porté ce cloud en bas avec la mesme ceremonie qu’il y avoit porté la Couronne d’épines, &amp; aprés qu’il eut remonté, celuy qui avoit détaché le bras, le laissa tomber doucement en le conduisant sur le costé. Le Corps du Christ estant de maniere qu’il pouvoit faire cet effet, il ajusta l’un des nœuds de ruban couleur de feu qui estoit aux bandes de toiles, sur le trou de la Croix de même qu’on avoit ajusté celuy qui estoit à la bande qui tenoit le Corps en estat, sur la playe du costé, &amp; se tenant alors les mains jointes en adoration, son Compagnon détacha le bras gauche avec la même ceremonie. Ils descendirent ensuite &amp; ils ôterent les échelles. On ne pourroit mieux peindre une Descente de Croix, qu’en la copiant sur ce que font ces Messieurs, qui s’en acquittent en perfection. Estant descendus ils encenserent le Christ ; &amp; aprés s’estre mis à genoux sur les degrez du Calvaire, on leur donna à chacun un marteau pour ester le cloud des pieds. Ils frapperent chacun trois fois, &amp; aprés avoir porté le cloud en bas, on lâcha peu à peu la Bandelette qui tenoit le corps en estat, &amp; les quatre Diacres l’ayant reçû entre leurs bras le porterent en bas, &amp; on le mit dans un Lit de velours noir galonné d’or, ayant un oreillé de même sous la teste ; mais avant qu’on l’y eut placé, une jeune fille de dix a onze ans, &amp; ayant le visage voilé, luy avoit mis sur la teste une Couronne de pierreries. Les bords de ce Lit, ou plûtost de ce grand Berceau, puisqu’il en avoit la figure, s’élevoient d’un pied, &amp; ils estoient formez de Rocailles composées de pierres pretieuses, de cristaux, de fleurs &amp; de fruits au naturel, &amp; le tout avec beaucoup de clinquant dispersé fort artistement. On voyoit pendre tout à l’entour de riches bandes de velours noir d’une aune de hauteur, garnies de gros galons d’or avec un molet de même, &amp; une grande frange au bas. Dans le milieu de chacun de ces Soubassemens étoient les Armes de la Passion, la Couronne d’Epines, &amp; les trois clouds brodez d’or &amp; en bosse. On chargea sur les épaules de quatre Gentilshommes, le Brancas sur lequel estoit ce magnifique Berceau, &amp; environnez de Gardes en Cuirasses &amp; le Casque en teste, on le porta au bas de l’Eglise à la porte d’une Chapelle toute tenduë de noir. Il y resta jusqu’à la Procession qui se fit la nuit à peu prés pareille à celle qu’on avoit faite la veille ; mais plus magnifique ; &amp; il y avoit plus de huit cent flambeaux. Vn bataillon Suisse avoit esté commandé pour en porter cinq cent ; on leur donna à chacun six sols &amp; demi, &amp; avant la Procession bien à souper ; les flambeaux estoient de quatre à cinq livres. Les trois cent autres estoient portez par des Paysans &amp; par des gens habillez en Penitens. Pour fournir à cette dépence, le Corps des Notaires avoit donné un Mystere, &amp; un autre Mystere avoit esté donné par un autre Corps, &amp; ainsi des autres. Celuy des Gentilshommes avoit fourny trois cent flambeaux. La principale Croix de la Procession estoit tres-forte &amp; tres-haute, &amp; outre le Christ elle avoit tous les instrumens de la Passion ; mais le tout de Carton, sans quoy on n’auroit pû la porter. Elle estoit portée par Mr le Comte de **** Gentilhomme de la premiere qualité de la Province. Le Christ de cette Croix avoit une Perruque assez longue. Les Mysteres étoient beaucoup plus riches que ceux de la veille. Le premier representoit une descente de Croix ; le second la Sainte Vierge qui tenoit le Corps de son fils sur ses genoux ; le troisiéme estoit le Berceau dont j’ay déja parlé, couvert d’un Pavillon noir, dont les bastons estoient portez par des personnes du premier rang, &amp; le dernier Mystere, estoit une Vierge vêtuë de noir, &amp; dont l’habit estoit à la Catalane, &amp; d’une tres-grande propreté, &amp; qui avoit une espece de rochet, comme le portent en France, les Religieuses de Saint Augustin ; mais d’une Gaze des plus fines &amp; des plus blanches. Cette Vierge étoit à genoux devant une tres-haute Croix de Cristal de roche enchassée dans du Vermeil, &amp; ce Mystere étoit orné de la même rocaille que les autres ; on ne peut assez bien dépeindre cette Rocaille, le travail en estant surprenant. Les soubassemens de cette Machine étoient de velours noir galonnez d’or en zigzag, &amp; le tout semé de perles &amp; de pierreries d’un éclat merveilleux. Voilà bien de la magnificence ; cependant Mr l’Evêque de Gironne, chez lequel je vis passer la seconde Procession, me dit que ce n’estoit rien en comparaison de ce qui se passe à Barcelonne, où tous ces Mysteres sont d’argent, travaillez en perfection, où la grande Eglise est éclairée de douze cent gros cierges de quatre livres chacun, sans compter vingt-quatre cierges tres-hauts &amp; d’un pied de diametre, qui brûlent prés du S. Sacrement. On voit aussi dans la même ville, une autre Eglise éclairée de mille flambeaux, deux de six cent chacune, &amp; les autres Eglises à proportion. La Procession qui s’y fait, est éclairée par douze à quinze cens flambeaux, &amp; marche toute la nuit jusqu’à la pointe du jour. Ce qu’il y a d’étonnant à Barcelone, c’est qu’un Particulier qui offriroit une année une certaine quantité de flambeaux quelque grande quelle fust, pour éclairer l’Eglise ou la Procession, son offrande ne seroit point acceptée, s’il n’en faisoit la fondation à perpetuité.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Les Spectacles de ce Pays-cy ne ne finissent que le jour de Pâques au matin, par des Processions qui se font en quelques Eglises. Les Cordeliers la font entre quatre &amp; cinq heures du matin, &amp; portent le S. Sacrement dans quelques ruës aux environs de leur Maison ; mais on ne tapisse pas les ruës. Mon Prelat me dit qu’il falloit voir celle de la Paroisse où j’avois vû le spectacle de la descente de Croix, &amp; qui avoit fait la magnifique Procession du Jeudy au soir. Cette Eglise se nomme</hi> Nostre-Dame de la Reale ; <hi rend="i">elle est ainsi appellée parce que ce fut un Roy d’Aragon qui la fit bastir. Un Pape dont on n’a pû me dire le nom, la consacra en personne, assisté d’un grand nombre de Cardinaux. Il l’exempta de la Jurisdiction Episcopale, &amp; comme elle est Paroisse d’une partie considerable de la ville, les Evêques ont toûjours fort souhaité de la voir unie à l’Evêché, car elle est Abbaye à la nomination du Roy. Elle estoit autrefois Reguliere ; mais elle a esté secularisée, &amp; nôtre Prelat a eu la Bulle d’union à son Evêché. J’allay donc voir cette Procession qui sortit à sept heures &amp; demie. On voyoit à l’entrée de l’Eglise à l’endroit où l’on avoit vû la veille le Sepulcre, une figure de cire d’un Christ au naturel, tel qu’on le peint au jour de la Resurrection, couronné de fleurs, un bouquet à la main droite, tenant de sa gauche une Croix legere. Il estoit placé dans un Jardin de fleurs artificielles, faites d’argent, de cire, de clinquant, de pierres pretieuses &amp; qui representoient parfaitement bien le naturel. On voyoit vis-à-vis de ce Christ ; sur un autre Brancas, une figure de la Vierge au naturel &amp; de cire. Elle estoit à genoux les mains jointes, entre lesquelles estoit un bouquet. Elle estoit vêtuë cette année d’un habit à la Françoise fort magnifique, prêté par une Dame de qualité. Il estoit de Damas blanc avec des fleurs d’or ; il y avoit au bas de la Juppe un grand galon d’or &amp; une frange de même &amp; aux manches du Manteau, une frange d’or aussi. Elle avoit de belles engageantes ; son sein estoit couvert d’une tres-belle Collerette à dentelle, &amp; son col estoit garni de chaînes d’or, ratachées avec des nœuds de Diamans. Une autre chaîne d’or luy servoit de Ceinture ; sa coëffure estoit comme celles de nos Dames, &amp; elle avoit par dessus de grandes coëffes de Gaze blanche, avec un grand rayon de Vermeil doré qui ne formoit qu’un demy cercle. Deux Tambours &amp; quatre Trompettes marchoient à la teste de cette Procession, &amp; un Etendart, qui en ce Pays, tient lieu de nos Bannieres, devançoit la magnifique Croix dont je vous ay fait la description. Deux cent Artisans qui portoient de gros flambeaux, marchoient ensuite deux à deux, &amp; au milieu de cette Troupe, on voyoit la figure de Jesus ressuscité, soutenuë par quatre hommes en Dalmatique ; la figure de la Vierge, paroissoit à une distance de quarante pas ; elle estoit portée par deux hommes aussi en Dalmatiques, qui luy faisoient faire la reverence, lors qu’au détour de quelque ruë, elle passoit devant le Christ ou devant le S. Sacrement. Les deux cent Artisans étoient suivis d’un Chœur de Musique, avec des Hautbois, des Violons, des Bassons, &amp; des Harpes. Les Prestres marchoient ensuite en chapes ; ils chantoient alternativement avec la Musique, un Verset du</hi> Te Deum. <hi rend="i">On voyoit enfin le S. Sacrement enfermé dans une tres-belle Custode d’un travail antique, sous un Pavillon soutenu de six bastons. Ces Pavillons sont differens de nos Dais, puisque tous les bastons se réünissent, en sorte qu’un seul homme peut porter le pavillon plié. Six Prestres en Chape portoient ces bastons ; ils estoient precedez par quatre des principaux de la Confrairie portant de grands flambeaux. Quatre enfans vêtus en Anges ; mais tres-magnifiquement, les Dames leur prêtant pour cette Ceremonie, ce qu’elles ont de plus beau, marchoient aussi devant ; deux de ces enfans encensoient le S. Sacrement, &amp; les deux autres portoient les navettes. Cette marche estoit fermée par une grande foule de peuple qui donnoit des marques d’une pieté exemplaire.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Je dois ajoûter icy, que la figure de la Vierge que l’on a habillée à la Françoise dans la derniere Procession, demeure tous les jours de l’année à genoux au coin d’un Autel, où il y a un grand Crucifix en bosse ; mais elle est en grand deüil, comme le sont les Dames de qualité de Catalogne qui conservent quelque chose de la maniere ancienne de s’habiller dans le Pays. Elle a de grandes coëffes de Crespon noir, sous lesquelles sont des rayons semblables à ceux que les Dames portoient il y a quelques années, &amp; elle a toûjours les mains jointes. Le Vendredy Saint elle estoit en cette posture auprés de la Croix dont on détacha le Christ ; mais ses coëffes estoient baissées. Le jour de Pâques, les Dames que l’on nomme</hi> Madonne, <hi rend="i">allerent dés la pointe du jour, selon l’usage du Pays, luy souhaiter un bon</hi> Alleluya.</p>
          </quote>
          <p>Je ne crois pas que l’on ait jamais Imprimé de Relations pareilles à celle que je vous envoye, &amp; je suis persuadé qu’elle vous paroîtra toute nouvelle, estant beaucoup plus remplie de circonstances curieuses que tout ce que l’on a raporté jusqu’icy, des Processions faites par des Penitens de diverses especes. On ne peut donner trop de loüanges à la memoire de celuy qui s’est donné la peine d’entrer dans de si grands détails, &amp; s’il voyageoit, &amp; qu’il se voulût donner la peine d’écrire ses Voyages, ils seroient sans doute tres curieux &amp; fort recherchez. Rien n’est égal au nombre de Cierges &amp; de flambeaux qui donnent l’éclat à ces Ceremonies, &amp; on ne les peut compter que par milliers. Enfin l’on doit avoir l’esprit si remply de tout ce quelles contiennent qu’il doit estre impossible de s’en ressouvenir, à moins d’en recommencer plusieurs fois la lecture, ce qui doit d’autant plus faire admirer celuy qui en a donné la description, qu’il ne les avoit jamais vûës, &amp; qu’ainsi tout ce qu’elles contiennent luy estoit entierement nouveau.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-05_160">
          <head>La Beauté. A Madame de… Ode</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mai 1708 [tome 5], p. 160-166.</bibl>
          <p/>
          <p>Si la Piece que je vous envoye répond à la beauté de la matiere, elle doit estre toute brillante, puisque la Beauté en fait le sujet. Elle est de Mr de Gendron du petit Fouhaut, dont je vous ay déja envoyé des Ouvrages qui ont esté fort applaudis.</p>
          <quote>
            <label>LA BEAUTÉ,<lb/>A MADAME DE….<lb/>ODE.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Quelle divinité charmante,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Vient fraper nos yeux &amp; nos cœurs ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Quelle est belle, quelle est touchante</hi></l>
              <l><hi rend="i">Que de graces, que de grandeurs ?</hi></l>
              <l><hi rend="i">Tout ce qui vit ou qui respire,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Reconnoist par tout son Empire,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Rien ne l’égale sous les Cieux ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">C’est Venus, c’est la beauté même</hi></l>
              <l><hi rend="i">C’est elle, &amp; son pouvoir suprême,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Soumet les hommes &amp; les Dieux.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Pour vaincre, ses traits &amp; ses armes</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ne sont que ses divins regards ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ce noble objet avec ses charmes</hi></l>
              <l><hi rend="i">Revient vainqueur de toutes parts ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">A l’aspect de tant de merveilles</hi></l>
              <l><hi rend="i">Les oiseaux flatent nos oreilles,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et renouvellent leurs concerts,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ils rejouissent la nature,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et de leur aimable murmure,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Remplissent la terre &amp; les airs.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l> <hi rend="i">Les poissons charmez sur leurs rives,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Sont tous attentifs à la voir,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et sous leurs ondes fugitives</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ressentent son divin pouvoir,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Tous se plaist dans ses douces chaines,</hi></l>
              <l><hi rend="i">L’amour suit ses pas dans les plaines,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Tout quitte les sombres forests</hi></l>
              <l><hi rend="i">Rempli d’une vive allegresse,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Chaque Berger soudain s’empresse</hi></l>
              <l><hi rend="i">A celebrer ses doux attraits.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l> <hi rend="i">Deux Colombes avec deux Cignes,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Traînent son Char victorieux</hi></l>
              <l><hi rend="i">Qui porte les marques insignes</hi></l>
              <l><hi rend="i">Du vainqueur le plus glorieux,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Parmy les plaisirs &amp; les graces</hi></l>
              <l><hi rend="i">L’amour luy-même sur ces traces</hi></l>
              <l><hi rend="i">Chante son pouvoir souverain ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">L’univers l’encense &amp; l’admire,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Elle a pour marquer son Empire</hi></l>
              <l><hi rend="i">Le globe du monde en sa main.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l> <hi rend="i">Le Myrte couronne sa teste</hi></l>
              <l><hi rend="i">La Roze brille sur son sein,</hi></l>
              <l><hi rend="i">La pomme qui fut sa Conqueste</hi></l>
              <l><hi rend="i">Eclate de l’or le plus fin.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Cupidon la prend pour sa mere</hi></l>
              <l><hi rend="i">Il la suit, l’aime la, revere ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Il luy fait sans cesse sa Cour</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ah que j’aime à voir auprés d’elle</hi></l>
              <l><hi rend="i">Adonis son Epoux fidele !</hi></l>
              <l><hi rend="i">Adonis plus beau que le jour.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l> <hi rend="i">Ce beau couple est toûjours le même</hi></l>
              <l><hi rend="i">Un nœud pareil serre leur cœur,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Un rayon du bonheur suprême</hi></l>
              <l><hi rend="i">Semble éclater dans leur ardeur,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Leur ame par la simpathie</hi></l>
              <l><hi rend="i">L’un à l’autre bien assortie</hi></l>
              <l><hi rend="i">Verra toûjours durer ce nœud,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et jalouse de cette flame</hi></l>
              <l><hi rend="i">La Parque respectant leur trame</hi></l>
              <l><hi rend="i">N’oseroit éteindre ce feu.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l> <hi rend="i">Autour de leur Char de victoire,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Les mortels faisant mille veux,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ne respirent que pour leur gloire</hi></l>
              <l><hi rend="i">Pleins de respect pour tous les deux,</hi></l>
              <l><hi rend="i">De zele &amp; d’ardeur animée</hi></l>
              <l><hi rend="i">On voit voler la renommée</hi></l>
              <l><hi rend="i">Devançant leur Char à grands pas ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et d’un si beau couple ravie</hi></l>
              <l><hi rend="i">De l’un &amp; l’autre elle publie</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et le merite &amp; les appas.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l> <hi rend="i">Elle plaist sans songer à plaire</hi></l>
              <l><hi rend="i">Par sa douceur, par sa fierté ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Dans son air honneste &amp; sincere</hi></l>
              <l><hi rend="i">On admire sa Majesté,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Son visage, ses yeux, sa bouche</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ont un je ne sçay quoy qui touche</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et qui ravit d’abord le cœur ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Chacun l’aime, chacun l’estime,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et dans son ame magnanime</hi></l>
              <l><hi rend="i">Voit son esprit plein de candeur.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l> <hi rend="i">Bel Astre, beau Soleil du monde,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Portrait de la Divinité,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Clarté penetrante &amp; profonde.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Nœud des Cœurs, divine Beauté,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Felicité de nostre vie ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Mais source d’une maladie</hi></l>
              <l><hi rend="i">Dont on aime les doux accés</hi></l>
              <l><hi rend="i">Jaloux de ton noble avantage</hi></l>
              <l><hi rend="i">Les Dieux charmez de ton visage</hi></l>
              <l><hi rend="i">Pour plaire, en empruntent les traits.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l> <hi rend="i">Le Printemps te voyant si belle</hi></l>
              <l><hi rend="i">Fait pour toy renaistre les fleurs,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et l’Eté ne se renouvelle</hi></l>
              <l><hi rend="i">Que pour te combler de faveurs.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Bachus d’accord avec Pomonne</hi></l>
              <l><hi rend="i">Joint ses fruits à ceux de l’Autonne,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Pour rendre hommage à tes attraits,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Le jour te prend pour son Aurore</hi></l>
              <l><hi rend="i">Dont l’Vnivers entier adore</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et les graces &amp; les bienfaits.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-05_166">
          <head>Air nouveau</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mai 1708 [tome 5], p. 166-167.</bibl>
          <p/>
          <p>Il paroist que l’Auteur a fait les paroles que vous allez lire est plus touché des plaisirs que fait goûter Bachus, que de ceux de l’Amour, &amp; que la bouteille luy plaist plus que la plus grande beauté.</p>
          <quote>
            <label>AIR NOUVEAU.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Sans le plaisir charmant ou Bachus nous convie</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Que faire dans la vie</hi></l>
              <l> <hi rend="i">A quoy passer ses jours ?</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Si l’on ne boit toûjours</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Tous déplaist tout ennuye.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Sans le plaisir, &amp;c.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-05_167">
          <head>[Cours de Peinture, par principes]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mai 1708 [tome 5], p. 167-186.</bibl>
          <p/>
          <p>Il paroist un Livre nouveau intitulé <hi rend="i">Cours de Peinture, par principes, composé par Mr de Piles. A Paris chez Jacques Estienne, ruë S. Jacques, au coin de la ruë de la Parcheminerie, à la Vertu.</hi></p>
          <p>Il n’est pas besoin d’ajoûter de qualitez au nom de l’Auteur de cet ouvrage pour le faire connoistre ; on sçait que cet homme tout merveilleux a servi l’Etat en plusieurs emplois importans, &amp; que sa vie a esté long-temps en danger pour le service de S.M. &amp; qu’il ne fut tiré du péril où il estoit que par la derniere Paix. C’est un homme d’une sagesse reconnuë, &amp; capable de former des Ministres, pour ne pas dire qu’il en a formé ; mais quelques grandes qu’ayent toûjours esté ses occupations, &amp; son étude pour la Politique dont il avoit besoin pour bien remplir les emplois qui luy ont esté confiez, il n’a pas cessé un moment de donner des marques de l’amour qu’il a pour les beaux Arts, &amp; particulierement pour la Peinture ; &amp; enfin l’on ne peut voir sans penser en même temps qu’il y a une espece de miracle, qu’un homme qui ne faisoit profession que d’estre amateur de la Peinture, en ait néanmoins donné des Chef d’œuvres dans le temps même que les differens emplois qu’il a remplis le devoient occuper entierement. On peut dire que divers voyages ont affermi son bon goust, &amp; qu’il s’est fortifié par la vuë des originaux des plus grands Maistres qu’il a eu le plaisir de considerer avec attention dans les differens Etats de l’Europe où ses emplois l’ont fait aller, &amp; même sejourner assez longtemps pour le service du Roy.</p>
          <p>L’Ouvrage qu’il vient de mettre au jour a esté precedé de beaucoup d’autres qui regardent aussi la Peinture, &amp; dont le succés a aussi esté tres-grand. Je crois vous devoir envoyer la Lettre suivante, avant que d’entrer dans le détail de ce que contient le Livre que je viens de vous annoncer. Elle est de Mr du Guet, qui l’a adressée à une Dame de qualité qui luy avoit demandé son sentiment sur le <hi rend="sc">Cours de Peinture par Principes</hi>.</p>
          <quote>
            <label>Le 9. Mars 1704.</label>
            <p><hi rend="i">Le Traité du Vray dans la Peinture, Madame, m’a plus instruit, &amp; m’a donné un plus solide plaisir que les Discours dont vous sçavez que j’ay esté si content. Il m’a paru n’estre pas seulement un Abregé des Regles ; mais en découvrir le fondement &amp; le but ; &amp; j’y ay appris avec beaucoup de satisfaction le secret de concilier deux choses qui me sembloient opposées, d’imiter la Nature &amp; de ne se pas borner à l’imiter ; d’ajoûter à ses beautez pour les atteindre, &amp; de la corriger pour la bien faire sentir.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le Vray, simple fournit le mouvement &amp; la vie. L’Ideal luy choisit avec art tout ce qui peut l’embellir &amp; le rendre touchant, &amp; il ne le choisit pas hors du Vray simple, qui est pauvre dans de certaines parties ; mais riche dans son tout.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Si le second Vray ne suppose pas le premier ; s’il l’étouffe &amp; l’empêche de se faire plus sentir que tout ce que le second luy ajoûte, l’Art s’éloigne de la Nature ; il se montre au lieu d’elle ; il en occupe la place au lieu de la representer ; il trompe l’attente du Spectateur, &amp; non ses yeux ; il l’avertit du piege &amp; ne sçait pas le luy preparer.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Si au contraire le premier Vray qui a toute la verité du mouvement &amp; de la vie ; mais qui n’a pas toûjours la noblesse, l’exactitude &amp; les graces qui se trouvent ailleurs, dans le second Vray, toûjours grand &amp; parfait ; il ne plaist qu’autant qu’il est agreable &amp; fini, &amp; le Tableau perd tout ce qui a manqué à son Modelle.</hi></p>
            <p><hi rend="i">L’usage donc de ce second Vray, consiste à suppléer dans chaque sujet qu’il n’avoit pas ; mais qu’il pouvoit avoir, &amp; que la Nature avoit répandu dans quelques autres, &amp; de réünir ainsi ce qu’elle divise presque toûjours.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Ce second Vray, à parler dans la rigueur, est presque aussi réel que le premier : car il n’invente rien ; mais il choisit par tout. Il étudie tout ce qui peut plaire, instruire, animer. Rien ne luy échape, lors même qu’il paroist échappé au hasard ; il arreste par le Dessein, ce qui ne se montre qu’une fois ; &amp; il s’enrichit de mille beautez differentes pour estre toûjours regulier, &amp; ne jamais retomber dans les redites.</hi></p>
            <p><hi rend="i">C’est pour cette raison, ce me semble, que l’union des deux Vrais a un effet si surprenant, car alors c’est une imitation parfaite de ce qu’il y a dans la Nature de plus spirituel, de plus touchant, &amp; de plus parfait.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Tout est alors vrai-semblable, parce que tout est vray ; mais tout est surprenant parce que tout est rare. Tout fait impression, parce que l’on a observé tout ce qui est capable d’en faire ; mais rien ne paroist affecté, parce que l’on a choisi le naturel, en choisissant le merveilleux &amp; le parfait.</hi></p>
            <p><hi rend="i">C’est s’écarter des Regles &amp; de la fin de la Peinture que de vouloir faire remarquer une beauté au préjudice d’une autre, ou que de vouloir estre estimé par une partie &amp; non par le tout. Le Dessein ; la connoissance de l’Anatomie ; le desir même de plaire &amp; d’estre approuvé, doivent ceder à la verité. Il faut que la Peinture enleve le spectateur dans les premiers momens, &amp; qu’on ne revienne au Peintre que par l’admiration de son ouvrage.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Monsieur de Piles, a tres-heureusement marqué le caractere du Titien par le Vray simple dans sa plus grande force, &amp; celuy de Raphaël par l’annoblissement du Simple uni à l’Ideal, &amp; je ne sçay si l’on pouvoit établir une maniere plus spirituelle &amp; plus universelle pour juger du merite des plus grands Peintres, qu’en allant au-delà de leurs efforts &amp; de leurs succés, &amp; marquant pour terme l’union des deux Vrais qu’ils ont dû chercher, &amp; qu’ils n’ont pu atteindre.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Je ne sçay, Madame, pourquoy j’en dis tant, mais vous verrez par là combien je suis plein de ce que je viens de lire, &amp; qu’elle estime je fais des choses que je ne puis m’empêcher de vous rapporter lors même que je comprens que je les affoiblis. Je suis, Madame, avec tout le respect possible, &amp;c.</hi></p>
          </quote>
          <p>Je m’estois proposé de vous envoyer un Article du Livre dont Mr du Guet vient de parler si avantageusement, &amp; qui pust vous en donner une idée plus complette ; mais plus j’examine le grand nombre de matieres differentes que cet Ouvrage contient, &amp; qui sont toutes curieuses &amp; remplies de faits dignes d’estre rapportez tous, plus je trouve qu’il m’est impossible de réüssir dans mon dessein, puisque tout ce que je trouve à dire sur chacun de ces Articles differens devroit estre aussi étendu, &amp; même plus que l’Article même, puisqu’outre le précis que je vous en devrois donner, je ne pourrois m’empêcher de raisonner sur la maniere dont toutes ces matieres sont traitées, &amp; vous faire voir l’avantage que tous les Peintres en doivent tirer, &amp; la connoissance parfaite de la Peinture qu’elles doivent inspirer, s’il m’est permis de parler ainsi, à tous ceux qui les liront avec application &amp; avec reflexion. Ainsi je me suis trouvé obligé de prendre le parti de vous nommer seulement la plus grande partie des Matieres dont il est traité dans cet Ouvrage. Mr de Piles y fait voir ce que c’est que Peinture, &amp; sa définition ; ce que c’est qu’Allegorie en Peinture ; que les Peintres doivent sçavoir l’Anatomie ; ce qui, dans un Tableau, appelle les spectateurs ; quel doit estre le choix des Attitudes ; ce que c’est que Caractere en Peinture, Contraste, Clair obscur ; comment on peut arriver au Clair obscur ; le Coloris ; la difference qu’il y a entre Couleur &amp; Coloris &amp; tout ce qui regarde les couleurs tant naturelles qu’artificielles ; les moyens de copier avec profit ; la correction du dessein &amp; tout ce qui le regarde ; ce que c’est qu’Elegance &amp; Entousiasme en Peinture. Il fait voir aussi que l’exageration est necessaire en Peinture ; la difference qu’il y a entre l’expression &amp; la passion ; ce que c’est que les Fabriques en Peinture, c’est-à-dire les Bastimens ; le goust du dessein ; en quoy consistent les Grouppes, par rapport au dessein &amp; par raport au Clair obscur. Il y fait connoistre ce que c’est que l’Harmonie, &amp; ses diferens genres dans la Peinture, ce que c’est que l’Histoire dans un Tableau, &amp; Idée en Peinture tant à l’égard des Peintres qu’à l’égard des Particuliers ; ce que c’est qu’Invention, &amp; les manieres dont elle se doit considerer ; ce qui regarde les Lointains &amp; les Montagnes ; les Caracteres des nuages ; l’ordre qu’il faut tenir dans l’Etude de la Peinture ; dans quel ordre on a placé les parties de la Peinture &amp; pourquoy ; ce que c’est que les passions de l’ame en Peinture ; les effets que la Peinture doit produire. On y voit des descriptions de l’Heroïque &amp; du Champestre dans le Paysage, &amp; tout ce qui le regarde ; ce qui regarde les Plantes ; la maniere de bien faire les Portraits, &amp; le vray, &amp; l’unité du vray dans la Peinture.</p>
          <p>Quelques personnes ayant demandé à Mr de Piles de leur faire connoistre le degré de merite de chaque Peintre d’une réputation établie, &amp; l’ayant prié de faire comme une Balance dans laquelle il mit d’un côté le nom du Peintre, &amp; les parties les plus essentielles de son art dans le degré qu’il les a possedées, &amp; de l’autre côté le poids de merite qui leur convient, en sorte que ramassant toutes les parties comme elles se trouvent dans les Ouvrages de chaque Peintre, elles pussent juger combien pese le tout.</p>
          <p>Il a fait cet Essay, plûtost, dit-il, pour se divertir que pour attirer les autres dans son sentiment, les jugemens estant trop differens sur cette matiere, pour croire, continuë-t’il, qu’il ait tout seul raison. Tout ce qu’il demande en cela, ajoûte-t’il, est qu’on luy donne la liberté d’exposer ce qu’il pense, de même qu’il la laisse aux autres, de conserver l’idée qu’ils pouroient avoir toute differente de la sienne. Vous trouverez à la fin de son Livre, l’usage qu’il fait de cette Balance pour satisfaire ceux qui l’ont prié de la faire, &amp; je ne doute point que cette Balance ne vous plaise fort, &amp; qu’elle n’excite beaucoup de curiosité, sur tout parmy les Peintres &amp; parmy les amateurs de la Peinture.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-05_256">
          <head>[Troisiéme article des Morts]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mai 1708 [tome 5], p. 256-265.</bibl>
          <p/>
          <p>Comme tous les jours de l’année sont marquez par des Triomphes éclatans de la mort, vous ne devez pas vous étonner si les articles de mort sont frequens dans mes Lettres. Le nombre en seroit infiniment plus grand, si je n’en retranchois un tres-grand nombre, de maniere que je ne parle que de ceux qui sont distinguez par leur naissance, par leur valeur, par leur pieté, par leur érudition, ou par quelques autres endroits qui les rendent recommandables.</p>
          <p>Dom Claude de Vert, Vicaire General de l’Ordre du Cluny, &amp; Prieur de S. Pierre d’Abbeville, est mort âgé de soixante-trois ans. Il estoit connu par plusieurs Ouvrages qu’il avoit donnez au public sur les Antiquitez Ecclesiastiques &amp; Monastiques. Ce sçavant Religieux estoit d’une tres-bonne famille de Paris. Il avoit une sœur mariée à Mr Duché, Tresorier des Menus, &amp; un frere qui estoit aussi dans l’Ordre de Cluny, où il avoit un Benefice fort considerable. Ce Vicaire General a toûjours esté fort consideré de Mr le Cardinal de Boüillon son General, qui l’a élevé aux premieres Charges de son Ordre, &amp; qui le chargea du soin de faire le nouveau Breviaire de Cluny. Cet Ouvrage luy fait beaucoup d’honneur. La latinité en est pure &amp; élegante, &amp; on y trouve de grandes recherches. Mr de Vert a fait aussi plusieurs Traitez touchant les Ceremonies de l’Eglise, &amp; il a dit beaucoup de choses sur ce sujet qu’on ne trouve ny dans Gavantus, ny dans les Lettres du Chanoine Regulier de S. Augustin, sur cette matiere. Cet Auteur a donné en dernier lieu un Ouvrage considerable sur le Service de l’Eglise, &amp; on imprime actuellement le troisiéme Volume. Le premier regarde le Sacrifice de la Messe. Le second, l’Office de l’Eglise, &amp; le troisiéme sera sur d’autres pratiques usitées dans l’Eglise Romaine. Il y a quelques années qu’il eut une contestation de Litterature sur l’Antiquité avec le feu Pere Mabillon. Elle regardoit l’ablution que les Clercs &amp; même les Prestres dans les jours solemnels, alloient prendre dans un lieu destiné à cet usage, aprés avoir reçû l’Eucharistie. Il écrivit sur cet ancien usage avec beaucoup d’érudition, &amp; le Pere Mabillon dont il combattoit les sentimens ne fit aucune réponse.</p>
          <p>Le R.P.N.…. Finé de Brianville, Abbé Regulier de Pontigny, de l’Ordre de Cisteaux, est mort dans un âge peu avancé. Il estoit fort consideré dans son Ordre, &amp; il s’estoit attiré l’estime &amp; l’amitié de tous ses Religieux par ses manieres douces &amp; polies. Il estoit frere du Pere de Brianville, Licentié de la Faculté de Theologie de Paris, Religieux du même Ordre, &amp; Prieur de l’Abbaye de Pontigny. Mrs de Brianville sont de Dauphiné &amp; d’une famille originaire de Briançon dans la même Province, ou François Finé exerçoit la Medecine avec beaucoup de succés dans le commencement du seiziéme siecle. Oronce Finé son fils fut un celebre Mathematicien, &amp; sa réputation fut si grande, que le Roy François I. qui vouloit rétablir l’exercice des Sciences dans son Royaume, l’appella à Paris pour y enseigner publiquement les Mathematiques. Il y eut la qualité de Professeur Royal, &amp; il y publia divers ouvrages de Geometrie &amp; d’Astrologie. Il mourut sous le regne de Henry II. &amp; il fut enterré dans l’Eglise des Carmes. Les plus beaux esprits de son siecle firent à sa loüange des Vers &amp; des Epitaphes dont on fit un Recüeil qui avoit pour Titre : <hi rend="i">Funebræ Symbolum aliquot Doctorum virorum, viro doctissimo Orontio Finæo.</hi> Sa vie a esté écrite par le Medecin Antoine Mizault. Le fameux Scevole de Sainte-Marthe a fait aussi son éloge parmi ceux des Doctes François, de même que la Croix du Maine, &amp; du Verdier-Vauprivas.</p>
          <p>L’Abbaye de Pontigny est l’une des quatre Filles de Cisteaux ; on appelle ainsi quatre celebres Abbayes qui ont sous elles diverses autres Maisons de l’un &amp; de l’autre sexe de l’Ordre de Cisteaux. L’Abbaye de Pontigny a produit de grands hommes ; &amp; elle est encore aujourd’huy remplie de Religieux qui font honneur à leur Ordre par la regularité de leur conduite &amp; par leurs lumieres.</p>
          <p>Les Curieux ont perdu depuis peu M<hi rend="sup">r</hi> Dorat. Il estoit d’une tres-bonne famille de la Robbe. Trois choses, sans parler du Jeu, auquel il a beaucoup gagné, faisoient sa passion. Il aimoit les Tableaux, &amp; n’épargnoit rien pour en avoir des plus grands Maistres. Les beaux Meubles l’attachoient aussi beaucoup, &amp; l’on peut dire que son bon goust là-dessus, aussi bien que sur tout ce qui concernoit la Peinture, l’avoit fait regarder comme un homme dont les jugemens qu’il portoit sur ces sortes de choses, estoient tres-justes &amp; sans appel. La passion qu’il avoit pour la Musique, estoit aussi fort grande, &amp; il donnoit souvent des Concerts chez luy, qui luy attiroient des Compagnies choisies. Il avoit vendu il y a quelque temps, une partie de ses plus beaux Tableaux, à S. A.R. Monsieur le Duc d’Orleans, &amp; l’on doit juger par là de leur beauté, puisque rien n’échape au bon goust de ce Prince.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-05_322">
          <head>[Article où l’on voit que le parti que Mr Rousseau vient de prendre ne luy fera pas abandonner les Muses]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mai 1708 [tome 5], p. 322-323.</bibl>
          <p/>
          <p>Je vous ay dit le mois passé que rien n’estant si sterile que les Lauriers cueillis par les Poëtes, on ne devoit pas s’étonner s’il s’en trouvoit beaucoup qui cessoient de faire des sacrifices à Apollon pour adorer le Veau d’Or, ce que venoit de faire Mr Rousseau qui avoit quitté le Parnasse pour entrer dans un Bureau de Finances ; &amp; que plusieurs Beaux Esprits avoient écrit sur sa desertion du Parnasse, &amp; l’avoient loué de l’avoir abandonné, ce qui en stile figuré, ne veut rien dire autre chose, sinon qu’un Bel-Esprit a pris le parti des Finances, &amp; que comme il est avantageux de prendre un engagement dans lequel on peut faire fortune, plusieurs beaux esprits luy ont écrit sur ce sujet, &amp; l’en ont loué. Comme vous estes du nombre des personnes qui estiment ses Ouvrages, vous avez pris la chose trop au pied de la Lettre en croyant que son employ le doive empêcher de laisser quelquesfois échapper des productions de son esprit, puisque loin de renoncer aux belles Lettres, il s’est mis en estat de les faire valoir avec plus de dignité.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-05_323">
          <head>[Article des Enigmes]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mai 1708 [tome 5], p. 323-328.</bibl>
          <p/>
          <p>Le mot de l’Enigme du mois dernier estoit <hi rend="i">le Fuseau</hi> ; ceux qui l’ont trouvé sont, Mrs le Prevost de Marizy ; le Chevalier du Buisson de Fontaine ; l’Abbé de Peynpergus de S.S ; Perrin &amp; Chasteauregnaux son Amy ; de Beauval ; M.T. des Tournelles ; J. Milet ; P.B. Gertrude, de la ruë des Petits-Champs ; Durental ; Coquebert le Solitaire ; le Constant Oronte &amp; son Inflexible Belise ; le Solitaire du Bureau des Indes Orientales, &amp; son Amy B. de Nôtre-Dame de Paris ; le bon Normand ; le Solitaire des Angloux, &amp; son Amy Darius ; le Solitaire du Cul de sacq de S. Landry, &amp; le Mechanicien de Cour-Cheverny. Mlles Harginvillier &amp; du Pré ; la jeune Muse renaissante G.O ; la belle de Lor ; l’aimable Spirituelle du coin de la ruë des Mauvais Garçons ; la Poule brune &amp; son Cocq blond du B.D.C ; la vertueuse Me Dirum ; la belle Blonde &amp; spirituelle Mlle Madelon Hellouin d’Argentan ; la plus jeune des belles Dames de la rue des Bernardins ; la Solitaire de la rue aux Féves ; la Colombe de Merignac, prés de Bordeaux : la chere mere du Cul de sacq de Saint Landry, &amp; l’incomparable Nymphe de la Fossée sa fille ; la famille Solitaire, de la rue de Bievre.</p>
          <p>Je dois ajoûter icy deux Explications en Vers, contenues dans deux Couplets de Chanson. Le premier est sur l’Air, <hi rend="i">Belle &amp; charmante Brune, &amp;c.</hi></p>
          <quote>
            <lg>
              <l> La Bergere Lisette,</l>
              <l> Du Quay Dauphin,</l>
              <l> Filant sa Quenouillette</l>
              <l> D’un fil tres-fin,</l>
              <l>Dit, ah je tiens l’Enigme dans ma main !</l>
            </lg>
          </quote>
          <p>L’autre Couplet est sur l’Air, <hi rend="i">Le sçavant Diogene, &amp;c.</hi></p>
          <quote>
            <lg>
              <l>La Bergere Lisette</l>
              <l>Filant sa Quenouillette</l>
              <l>Le long des bords de l’eau,</l>
              <l>Dit, rêvant au Mercure,</l>
              <l>La plaisante Avanture,</l>
              <l>L’Enigme est mon Fuseau.</l>
            </lg>
          </quote>
          <p>Quoy que les Enigmes dont tous les rapports sont justes soient plus faciles à deviner que les autres, &amp; que celle que je vous envoye soit de ce nombre, je crois neanmoins qu’on ne la devinera pas facilement.</p>
          <quote>
            <label>ENIGME.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Je suis, ou peu sans faut, de tout temps, de tous lieux :</hi></l>
              <l><hi rend="i">Mais je ne suis pas seul, &amp; j’ay beaucoup de freres,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Petits, grands, bons, mauvais, enfin jeunes &amp; vieux ;</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Nous avons tous aussi differents Peres.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Je fais vivre le mort, &amp; mourir le vivant,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Selon que chacun s’en rend digne :</hi></l>
              <l><hi rend="i">Nos Sujets sont rangez sur une droite ligne,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Dont je forme un Carré, qu’on a battu souvent.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Quelquefois on me brûle, &amp; ce cas arrivant,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">J’en suis toûjours plus rare &amp; plus insigne.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-05_328">
          <head>Air nouveau</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mai 1708 [tome 5], p. 328.</bibl>
          <p/>
          <p>Je vous envoye une Chanson nouvelle.</p>
          <quote>
            <label>AIR NOUVEAU.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Il n’est point de bonne chere</hi></l>
              <l><hi rend="i">Sans le secours du bon vin ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Sans luy je n’estime guere</hi></l>
              <l><hi rend="i">Le plus excellent festin,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et ce ragoust si divin</hi></l>
              <l><hi rend="i">A seul dequoy satisfaire.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Il n’est point, &amp;c.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
      </div>
      <div type="tome" xml:id="MG-1708-06">
        <head><hi rend="i">Mercure Galant</hi>, juin 1708 [tome 6]</head>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-06_12">
          <head>[Feste donnée à la Reine Doüairiere d’Espagne au Chasteau neuf de Bayonne]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juin 1708 [tome 6], p. 12-17.</bibl>
          <p/>
          <p>La Reine d’Espagne, qui depuis qu’elle est à Bayonne n’avoit point esté voir le Chasteau neuf de cette Ville, où commande Mr de Framboisiere, s’y rendit le mois dernier avec toute sa Cour ; &amp; aprés en avoir visité à pied toutes les Fortifications, Sa Majesté alla se promener dans les Jardins. Mr le Duc &amp; Me la Duchesse de Gramont y allerent trouver S.M. avec une grande suite d’Officiers &amp; de Dames. Cette Princesse alla voir aussi la Chapelle de ce Chasteau, &amp; lors qu’elle en sortit Mr le Duc de Gramont eu l’honneur de luy donner la main pour la conduire à l’Appartement qui avoit esté preparé pour la recevoir, où elle joüa avec les principales Dames qui l’accompagnoient. Le jeu ayant fini sur les sept heures du soir, S.M. visita tous les Appartemens du Chasteau. Cette Princesse à qui Mr le Commandant avoit fait preparer un grand souper, se mit à table sur les huit heures du soir, &amp; elle fut servie à genoux par ce Commandant &amp; par Me son épouse : Personne n’eut l’honneur de la voir souper. Dans la salle qui est à costé de la chambre où S.M. mangea, on avoit preparé un ambigu magnifique pour les personnes les plus distinguées qui avoient accompagné la Reine. Il y eut aussi une autre table qui fut servie de la deserte de la table de la Reine ; ainsi quoiqu’il y eut plus de cent cinquante personnes, elles furent toutes regalées ; la santé de la Reine fut buë au bruit d’une decharge du canon. Cette santé fut commencée par Mr de Gibaudiere Lieutenant pour le Roy des Villes, Chasteaux &amp; Citadelle de Bayonne. On sortit de table aprés avoir bû cette santé, &amp; l’on dança devant la Reine qui estoit sortie de l’Appartement où elle avoit soupé pour prendre le plaisir de ce divertissement qui dura jusqu’à onze heures du soir. La Reine trouva en sortant du Chasteau toutes les cours &amp; les pont-le-vis remplis de pots à feu qui produisoient un tres-bel effet. Toute la garnison du Chasteau estoit sous les armes, &amp; S.M. fut saluée du canon en sortant de ce Chasteau de la même maniere qu’elle l’avoit esté en entrant, &amp; au bruit de plus de cinquante boëttes. On doit remarquer que Mr le Duc de Gramont s’estant trouvé indisposé, estoit sorti sur les sept heures du soir ; tous ceux qui se trouverent à cette feste, en sortirent tres-satisfaits. Le lendemain la Reine envoya chercher Me de Framboisiere, &amp; lors qu’elle fut au Palais, S.M. luy fit present de son portrait enrichi de diamans. La mere de cette Dame a esté élevée Dame d’honneur de la mere de la Reine.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-06_39">
          <head>[Traité des Eunuques]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juin 1708 [tome 6], p. 39-46.</bibl>
          <p/>
          <p>Mr Dolincan connu dans la Republique des Lettres par la culture qu’il a donnée à son esprit &amp; par le plaisir qu’il s’est fait de traiter des sujets singuliers, vient de publier un Traité des Eunuques où il en fait voir de differentes especes, avec le rang qu’ils ont tenu &amp; le cas qu’on en a fait dans tous les temps &amp; dans les differens Empires du monde. Cet ouvrage est dedié à Mr Bayle qui vivoit encore lorsqu’il a esté composé ; il luy rend compte dans son Epitre dedicatoire des raisons qui l’ont engagé à traiter ce sujet ; le sejour que plusieurs Eunuques Italiens faisoient dans le lieu de la residence de Mr Dolincan, &amp; la distinction dans laquelle ils y vivoient, sont le principal motif qui l’a fait écrire sur cette matiere ; ils estoient tous Musiciens, &amp; avec le secours de leur voix ils se mirent bien des chimeres dans la teste par raport au beau sexe ; leurs projets ne reüssirent pas, continuë l’Auteur, les Dames ne furent pas ébloüies par ce faux éclat ; il y en eut cependant une qui écouta les propositions de mariage que lui fit un de ces Chanteurs. Un parent de cette Dame engagea l’Auteur à metre par écrit ce qu’il pensoit sur cette alliance, afin de pouvoir à l’aide de ses raisonnemens détourner la Dame d’un pareil engagement. Dans cet ouvrage, auquel cette avanture a donné lieu, &amp; qui est divisé en trois parties, Mr Dolincan parle d’abord de l’origine des Eunuques, &amp; il leur donne une antiquité si reculée, qu’elle devient presque imperceptible ; il prouve dans la 117. lettre de saint Basile de la traduction de M<hi rend="sup">re</hi> Jean-Baptiste Morvan Abbé de Bellegarde, la definition qu’il donne des Eunuques. Il auroit pû la prouver d’une maniere encore plus seure dans l’original Grec de ce Pere de l’Eglise ; il developpe ensuite les raisons que les Anciens avoient euës de se servir de ces sortes de gens, &amp; il explique la maniere dont on faisoit cette operation douloureuse ; il dit ensuite qu’il y avoit quatre sortes d’Eunuques, dont étoient ceux qui portoient seulement ce nom, parce que leurs charges qui avoient esté remplies par des Eunuques du nombre desquels estoit Putifar Eunuque de Pharaon, &amp; dont la femme eut une si violente passion pour Joseph. Il finit sa premiere partie par un détail des Loix faites contre les Eunuques. Dans la seconde il soûtient que le mariage est interdit aux Eunuques, &amp; il raporte sur ce sujet l’autorité &amp; les Loix de toutes les Nations ; il trouve un exemple des inconveniens que de tels mariages peuvent produire dans Eusebia, jeune Princesse qui épousa l’Empereur Constantius, qu’une suite d’infirmitez avoit presque mis dans le triste estat des Eunuques. Ce mariage ne fut pas heureux, la Princesse tomba dans une tristesse que rien ne put dissiper : sa grande jeunesse la fit resister quelque temps, mais comme une fleur qu’une trop vive ardeur séche, la Princesse tomba dans une fiévre éthique &amp; mourut. Dans la troisiéme preuve de la premiere partie, Mr Dolincan fait voir que les Loix des Catholiques, des Calvinistes, &amp; des Lutheriens, &amp; enfin de tous les Protestans, déclarent nuls ces sortes de mariages. Dans la communion Lutherienne on trouve un exemple qui fait voir de la variation dans la doctrine des Sectaires. Un Eunuque Italien, Chambellan de l’Electeur de Saxe, épousa une jeune fille qui n’ignoroit pas son estat non plus que ses parens, qui ne s’opposerent pas à ce mariage, qui fit ensuite du bruit. L’Electeur consulta les Theologiens qui se partagerent sur ce sujet, &amp; dans cette incertitude l’Electeur soudainement inspiré, prononça sur la validité du mariage ; mais Mr Dolincan traite cette décision de l’Electeur de subreptice &amp; d’incompetente. Les réponses qu’on peut faire à six des principales objections en faveur des Eunuques, contre la rigueur des Loix Civiles &amp; Ecclesiastiques, sont le fonds de la troisiéme partie de l’ouvrage de Mr Dolincan. Il détruit avec solidité la force specieuse de ces objections, &amp; il ferme la bouche à ses Adversaires.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-06_126">
          <head>[<hi rend="i">Mital</hi>, Livre nouveau]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juin 1708 [tome 6], p. 126-129.</bibl>
          <p>Si vous souhaitez sçavoir ce qui a esté écrit de plus surprenant, de plus admirable, de plus extraordinaire &amp; de plus prodigieux par les Naturalistes, les Historiens &amp; les Voyageurs sur les choses naturelles, sur les Coûtumes, sur les Usages, &amp; sur les Opinions, vous l’apprendrez dans un Livre nouveau qui paroît ici depuis quelque temps, &amp; qui, autant que j’en puis juger par le grand debit qui s’en fait, doit satisfaire vostre curiosité. Il est intitulé <hi rend="i">Mital, ou Avantures incroyables, &amp; toute-fois, &amp; cetera</hi>, &amp; il se vend chez Charles le Clerc, Quay des Augustins, du côté du Pont Saint Michel, à la Toison d’or. Tout est nouveau dans cet Ouvrage ; il est unique dans son espece, dans son projet, dans son dessein, &amp; dans son execution. Il contient une diversité fort amusante ; on y trouve un mélange d’enjoument &amp; de serieux, qui en rend la lecture fort agreable. Ne vous fatiguez point, croyez-moy, comme beaucoup d’autres, pour y trouver des explications misterieuses ; il n’y en a point d’autre dans le dessein de l’Auteur, que celle qu’on peut tirer de ce que je vous ay dit au commencement de cet article ; puisque c’est un jeu sur ce que bien des gens nous ont laissé par écrit de plus bisarre, de plus merveilleux &amp; de plus incroyable. On en promet une clef, dont je vous feray part aussitôt qu’elle paroistra ; je vous diray cependant que le stile de ce livre est fort aisé, qu’on y trouve en plusieurs endroits un sel répandu fort à propos, qui donne beaucoup de goût pour ce qu’on lit ; aussi cet ouvrage est-il d’un homme qui en a donné plusieurs au public, qui les a tres-bien reçus.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-06_129">
          <head>A Madame la Presidente de Croismare, Bouquet</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juin 1708 [tome 6], p. 129-136.</bibl>
          <p/>
          <p>Je vous envoïe l’article suivant de la même maniere que je l’ai reçu.</p>
          <quote>
            <p><hi rend="i">Une Dame des amis de Madame la Presidente de Croismare étant à une Terre de Mr le Marquis de Braque, nommée la Cave, proche Chantilly, trouva en rêvant seule, &amp; se promenant vers la fin de l’Automne dernier, une fleur blanchâtre qui ne paroît que dans ce temps &amp; qui ressemble assez à des cheveux blancs, ou à une barbe, blanche, ce qui donna l’idée à la Dame de feindre l’Histoire cy jointe ; elle se proposa de l’envoyer en bouquet à Madame la Presidente de Croismare le jour de sa Feste, Dame d’un caractere aimable, &amp; qui attire par ses manieres charmantes tout ce qu’il y a de gens de mérite &amp; d’esprit.</hi></p>
            <quote>
              <label>A MADAME LA PRESIDENTE DE CROISMARE,<lb/>BOUQUET.</label>
              <lg>
                <l><hi rend="i">Vn jour me promenant seule aux Bois de la Cave,</hi></l>
                <l> <hi rend="i">J’entendis marcher prés de moy :</hi></l>
                <l> <hi rend="i">Et me tournant avec effroy ;</hi></l>
                <l><hi rend="i">J’apperçus un Vieillard d’une mine assez grave,</hi></l>
                <l> <hi rend="i">Qui me dit d’un ton radoucy,</hi></l>
                <l> <hi rend="i">Que cherchez-vous, Madame, icy ?</hi></l>
                <l> <hi rend="i">Je cherche quelques violettes,</hi></l>
                <l> <hi rend="i">Luy dis-je, d’un ton gracieux.</hi></l>
                <l><hi rend="i">Quoy dans cette saison voir des fleurs en ces lieux !</hi></l>
                <l> <hi rend="i">Ne cherchez-vous point les fleurettes</hi></l>
                <l> <hi rend="i">D’un aimable &amp; jeune amoureux ?</hi></l>
                <l><hi rend="i">Monseigneur, ou Monsieur, car selon vostre mine,</hi></l>
                <l><hi rend="i">Je ne puis deviner quel est vostre origine :</hi></l>
                <l> <hi rend="i">Lorsque l’on passe soixante ans,</hi></l>
                <l> <hi rend="i">L’on ne songe point aux Amans.</hi></l>
                <l><hi rend="i">Soixante ans, me dit-il, vous n’en avez pas trente,</hi></l>
                <l><hi rend="i">Et si de mes respects vous paroissiez contente,</hi></l>
                <l><hi rend="i">Je vous prefererois à de jeunes beautez,</hi></l>
                <l><hi rend="i">Qui viennent me chercher dans ces lieux écartez.</hi></l>
                <l> <hi rend="i">Ce Monsieur estoit un vieux Faune,</hi></l>
                <l><hi rend="i">Qui depuis tres-longtemps habite les Forests.</hi></l>
                <l> <hi rend="i">Sa barbe avoit bien prés d’une aune.</hi></l>
                <l><hi rend="i">Il venoit la friser dans les taillis secrets,</hi></l>
                <l> <hi rend="i">Et débarboüiller son teint jaune.</hi></l>
                <l> <hi rend="i">Je crûs qu’aprés ce tendre aveu,</hi></l>
                <l> <hi rend="i">Il m’accorderoit ma demande.</hi></l>
                <l><hi rend="i">Je le tentay disant, vostre barbe est trop grande ;</hi></l>
                <l> <hi rend="i">Vous en pourriez couper un peu,</hi></l>
                <l><hi rend="i">Elle en deviendroit plus fournie,</hi></l>
                <l><hi rend="i">Car estant grande, il faut qu’elle soit bien garnie.</hi></l>
                <l><hi rend="i">Comme un second Bias il portoit un paquet ;</hi></l>
                <l><hi rend="i">Il y prit des ciseaux, &amp; sans ceremonie</hi></l>
                <l><hi rend="i">Il coupa justement dequoy faire un Bouquet.</hi></l>
                <l><hi rend="i">Il n’est pas le premier, qui sans un coup de hache</hi></l>
                <l> <hi rend="i">M’a sacrifié sa moustache,</hi></l>
                <l> <hi rend="i">Croyant me prouver son amour.</hi></l>
                <l> <hi rend="i">Le Faune a pû croire à son tour,</hi></l>
                <l><hi rend="i">Me voyant ramasser ce qu’il venoit de tondre,</hi></l>
                <l> <hi rend="i">Qu’au sien je pourrois bien répondre ;</hi></l>
                <l> <hi rend="i">Mais il se trompe lourdement :</hi></l>
                <l> <hi rend="i">Car à vous parler franchement,</hi></l>
                <l> <hi rend="i">Quoy qu’une femme de mon âge</hi></l>
                <l> <hi rend="i">Eut peine à trouver un Amant,</hi></l>
                <l><hi rend="i">Elle ne voudroit point d’un si laid personnage ;</hi></l>
                <l><hi rend="i">Et je ne comprens pas que de jeunes Beautez,</hi></l>
                <l><hi rend="i">Viennent exprés pour luy dans des lieux écartez,</hi></l>
                <l><hi rend="i">A moins qu’il n’ait aussi la vertu d’un Satyre,</hi></l>
                <l><hi rend="i">Dont je ne fais pas cas, &amp; que je n’ose dire.</hi></l>
                <l><hi rend="i">Enfin le jour baissant il fallut nous quitter ;</hi></l>
                <l><hi rend="i">Ce qui ne se fit point sans luy bien protester,</hi></l>
                <l><hi rend="i">Qu’aussi tost que Phœbus montreroit sa coëffure,</hi></l>
                <l><hi rend="i">Je viendrois profiter de l’heureuse avanture.</hi></l>
                <l><hi rend="i">Heureusement pour moy l’hyver &amp; les frimats</hi></l>
                <l><hi rend="i">Me tirerent bien-tost de tout cet embaras.</hi></l>
                <l><hi rend="i">Le Soleil pour long-temps abandonna la Plaine,</hi></l>
                <l><hi rend="i">Eole y vint souffler jusqu’à perte d’haleine,</hi></l>
                <l><hi rend="i">Neptune y fit couler mille &amp; mille ruisseaux,</hi></l>
                <l><hi rend="i">Qui monterent enfin jusques sur les côteaux.</hi></l>
                <l><hi rend="i">Ainsi chacun resta dans sa triste cabane,</hi></l>
                <l><hi rend="i">A manger son chapon, son canard, ou sa canne ;</hi></l>
                <l><hi rend="i">Mais si-tost que l’Hiver a fait place au Printemps,</hi></l>
                <l><hi rend="i">Je n’ay point hesité d’abandonner nos champs</hi></l>
                <l><hi rend="i">Pour me trouver icy le jour de vostre Feste ;</hi></l>
                <l><hi rend="i">Car à vous honorer je seray toûjours preste.</hi></l>
                <l><hi rend="i">C’est pourquoy je vous offre aujourd’huy ce Bouquet</hi></l>
                <l> <hi rend="i">Qui n’a ny Jasminny Muguet ;</hi></l>
                <l><hi rend="i">Mais la barbe d’un Faune est mille fois plus rare</hi></l>
                <l><hi rend="i">Que les plus belles fleurs dont le Printemps se pare.</hi></l>
              </lg>
            </quote>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-06_136">
          <head>Plainte des Buveurs contre la Gelée</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juin 1708 [tome 6], p. 136-137.</bibl>
          <p/>
          <p>Je vous envoye un Air nouveau, dont les paroles ont esté notées par Mr de Montailly.</p>
          <quote>
            <label>PLAINTE DES BUVEURS CONTRE LA GELÉE.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Qu’on ne m’apporte point pour soulager ma peine,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">La triste boisson du Flamand,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Ny le breuvage du Normand :</hi></l>
              <l><hi rend="i">Puisqu’une Saison inhumaine</hi></l>
              <l><hi rend="i">Fait périr en un jour, Bachus dans son Berceau,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Il ne faut plus songer qu’à descendre au Tombeau.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-06_137">
          <head>[Distribution faite à Toulouse, des Prix des Jeux floraux]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juin 1708 [tome 6], p. 137-150.</bibl>
          <p/>
          <p>On a fait cette année la distribution des Prix de l’Academie des Jeux Floraux à Toulouse, avec le même appareil &amp; les mêmes ceremonies que l’on fait tous les ans, &amp; dont je vous envoyay l’année derniere un détail fort exact.</p>
          <p>Mr le Chevalier d’Aliez, déja connu par plusieurs Pieces d’éloquence, se surpassa dans celle qu’il prononça ce jour-là à la gloire de Clemence Isaure, qui a donné lieu par ses bienfaits à l’établissement des Jeux Floraux. Cet Eloge reçut de grandes loüanges, &amp; l’Auteur fut fort applaudi il y a deux ans lorsqu’on lût dans l’Assemblée publique des Prix, une Analyse de sa composition sur une Epigramme de Martial. Mr le Chevalier d’Aliez est fils d’un Conseiller au Parlement de Toulouse.</p>
          <p>Mr du Laurens, Avocat general de la Table de marbre, &amp; qu’une Tradition domestique dit être de la famille des du Laurens de Provence quia donné un Archevêque à l’Eglise d’Arles, &amp; un à celle d’Embrun, fit ensuite la lecture d’une Analyse de sa composition sur une Epithalame de Barcle. Ce Magistrat se trouvant premier Capitoul ou Chef du Consistoire il y a quelques années, répondit à la <hi rend="i">Semonce</hi> qu’on fait ordinairement le second Dimanche de chaque année, pour les Jeux Floraux dans le grand Consistoire de l’Hostel de Ville, où est la Statuë de Clemence Isaure. Celuy qui fit la <hi rend="i">Semonce</hi> cette année-là estoit Mr d’Asp, President à Mortier au Parlement de Toulouse, &amp; auparavant Maire de la même Ville ; la replique de Mr du Laurent reçut de grands applaudissemens, &amp; il parut dés-lors meriter la place de Mainteneur des Jeux Floraux, qu’on vient de luy donner, &amp; qui vacquoit par la mort de Mr d’Aldeguier, Tresorier de France, &amp; dont le fils est Membre des Jeux Floraux ; la place de Survivancier qu’avoit feu Mr du Laurens a servi à l’Academie pour faire une bonne acquisition, puisque Mr de Granague fils de Mr de Caulet President à Mortier au Parlement de Toulouse, &amp; neveu du fameux Evêque de Pamiers de ce nom, à qui elle a esté donnée, est un de ces hommes d’un goust sûr &amp; delicat qu’on desire dans toutes les Societez, &amp; qui font honneur à toutes les Compagnies dont ils deviennent Membres.</p>
          <p>On fit ensuite la distribution des Prix, &amp; de quatre qu’on doit donner chaque année, on n’en a distribué que deux celle-cy. Le premier à Mr l’Abbé Pellegrin, pour une Ode adressée à Mr le Duc d’Orleans, sur la Prise de Lerida, &amp; le second destiné à l’Elegie, à une Eglogue qui a pour titre l’<hi rend="i">Oiseau</hi>, &amp; dont Mr de la Motte est Auteur. Les Ouvrages de Mr Pellegrin meritent de grands éloges. De celebres Academies ont déja rendu justice à son merite en plus d’une occasion, &amp; son nom fait un préjugé en sa faveur ; on attribuë à Mr de Pellegrin son frere quelques Pieces de Theatre qui ont eu un grand succés ; ce qui fait voir que l’esprit est hereditaire dans cette famille. Mr de la Mothe, déja plusieurs fois couronné dans les Academies de Paris &amp; de Toulouse, a esté exclus du Prix de l’Ode &amp; de celuy du Poëme dans la derniere distribution, par un endroit qui luy est fort glorieux, puisque c’est pour avoir remporté trois Prix dans chacun de ces genres, &amp; il y a apparence qu’il le sera un jour de celuy de l’Eglogue, si pour l’empêcher de composer pour les Prix, on ne luy fait bientost le même honneur qu’on fit à Mrs Baïf &amp; Ronsard, ausquels on envoya un Apollon d’argent pour les prier de ne plus composer pour les Prix, parce que leur plume faisoit tomber des mains celles de tous les autres Auteurs, &amp; que le succés de ces deux grands hommes décourageoit les Poëtes de ce temps-là.</p>
          <p>L’Eglogue de Mr de la Mothe a eu autant d’Admirateurs qu’il y a eu de gens qui l’ont lûë.</p>
          <p>Les Prix destinez au Poëme &amp; à la Prose, ont esté remis, &amp; il semble par là que l’Academie a jugé que les Auteurs qui ont travaillé pour les meriter, ont succombé sous le poids de l’entreprise. Cependant plusieurs de ces Auteurs ont une réputation tres-bien établie, &amp; la severité des Jeux Floraux à leur égard, ne servira qu’à faire beaucoup d’honneur à cette Compagnie.</p>
          <p>Outre les deux Pieces couronnées, on a imprimé dans le Recüeil celles qui auroient merité de l’estre, si d’aussi dangereux concurrens que Mrs Pellegrin &amp; de la Mothe n’avoient pas paru sur les rangs, du nombre desquelles sont une Ode qui a pour titre <hi rend="i">la Musique</hi>, dont Mr le Roy Conseiller au Chastelet, &amp; de l’Academie Royale des Inscriptions, connu par les Opera de sa composition, qui ont eu beaucoup de succés, est l’Auteur. C’est le même qui a fait l’Ode qui a pour titre <hi rend="i">la Lyre d’Horace</hi>, qui est consacrée à la gloire de Mr de la Mothe, &amp; qui fait l’Apologie de ses ouvrages. <hi rend="i">L’Idylle sur la mort de Tyrcis</hi>, de Mr l’Abbé Asselin, qui concourut l’année derniere pour le Prix de Poësie de l’Academie Françoise, dans un âge où l’on sçait à peine distinguer les divers genres de la Poësie ; telle seroit aussi l’Ode qui a pour titre <hi rend="i">La Levée du Siege de Toulon</hi>, à la gloire de Mr le Comte de Grignan, si l’Ode sur la Prise de Lerida n’avoit merité le Prix ; &amp; celle aussi sur la Prise de Lerida de Mr l’Abbé de Maumenet qui auroit, de l’aveu des Connoisseurs, disputé le Prix à celle qui l’a remporté, si elle n’avoit pas esté imprimée dans un nouveau Journal. Les ouvrages suivans peuvent estre aussi de ce nombre, puisqu’ils ont esté imprimez avant la distribution des Prix. Ce sont l’Ode qui a pour titre <hi rend="i">la Beauté</hi>, adressée à Me la Princesse de Guemené ; celle qui est adressée à Madame la Duchesse, &amp; une autre sur la naissance de Monseigneur le Duc de Bretagne, toutes trois composées par Mr Gendron du petit Fourchaud, connu par ses beaux talens pour la Poësie, &amp; sur tout par celuy qu’il a pour les Vers tendres.</p>
          <p>Les petites altercations ausquelles le Prix de l’Ode a donné lieu cette année fournissent depuis quelque temps un agreable jeu aux Partisans de la belle Litterature, &amp; à ceux qui sont dans le goust de la Poësie ; l’Auteur qui a cru avoir merité ce Prix, &amp; celuy à qui il a été adjugé écrivent avec vivacité ; l’un contre l’injustice qu’il croit qu’on luy a faite ; &amp; l’autre pour soûtenir le jugement rendu en sa faveur. Cette guerre Poëtique amuse le Public agreablement.</p>
          <p>On a publié un avertissement nouveau qui renferme tout ce qui regarde les Prix des Jeux Floraux, qui seront distribuez l’année 1709. Je vous l’envoyeray dans ma Lettre du mois prochain.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-06_314">
          <head>[Action de Graces renduës à Beauvais, en consideration d’une grace acordée par le Roy]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juin 1708 [tome 6], p. 314-316.</bibl>
          <p/>
          <p>Quoy que l’Article suivant ne soit pas nouveau, il merite neanmoins, d’avoir place icy, &amp; l’on ne peut trop marquer le zele pour Sa Majesté de ceux qui le font paroistre, sur tout par des Prieres publiques.</p>
          <p>Mrs les Maires, Lieutenant &amp; Pairs de la Ville &amp; Commune de Beauvais, firent chanter un grande Messe en Musique à dix heures du matin, en l’Eglise de Saint Estienne le Mardi premier du mois de May dernier, pour remercier Dieu de la grace qu’il a plû au Roy d’accorder à cette Ville pour <hi rend="i">la Commutation du Taillon en Tarif</hi>. Cette ceremonie fut tres-magnifique ; tous les Corps de la Ville qui y avoient esté invitez, y assisterent ; &amp; la Noblesse du Beauvoisis qui estoit alors à Beauvais s’y trouva aussi, &amp; même les Gentilshommes de la Campagne qui purent y venir, assisterent à cette Messe, à la fin de laquelle on chanta un <hi rend="i">Te Deum</hi> en Musique. On tira ensuite plusieurs boëttes, &amp; la Feste finit par un tres-grand repas que donnérent Mrs les Maires &amp; Officiers, où les santez du Roy &amp; de toute la Maison Royale furent buës au bruit de la Mousqueterie. La grace que Sa Majesté vient d’accorder à cette Ville est tres-considerable, &amp; elle merite bien la reconnoissance de ses Habitans. Ce Prince en l’accordant a dit à Mr le Cardinal de Janson, qu’<hi rend="i">il estoit bien aise d’accorder cette grace à une Ville qui luy avoit toujours esté tres affectionnée</hi>. On y a fait des Prieres pendant plusieurs jours pour Sa Majesté à cause de cette concession.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-06_347">
          <head>[<hi rend="i">Vasconiana</hi>, ou Recueil des bons Mots, des pensées les plus plaisantes, &amp; des rencontres les plus vives des Gascons]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juin 1708 [tome 6], p. 347-351.</bibl>
          <p/>
          <p>Enfin le livre intitulé, <hi rend="i">Vasconiana</hi>, ou <hi rend="i">Recueil des Bons mots, des pensées les plus plaisantes, &amp; des rencontres les plus vives des Gascons</hi>, a été mis en vente au commencement de ce mois, &amp; il a si pleinement satisfait l’attente du public qu’il a témoigné beaucoup d’empressement pour en acheter, de maniere qu’il y a lieu de croire que l’on pourra en faire une seconde édition. Ce prompt debit fait beaucoup d’honneur aux Gascons, puisqu’il n’a pû provenir que de ce que l’on a cru que les saillies de leur esprit ne pouvoient estre que tres-vives, spirituelles, &amp; remplies de sel, &amp; je puis même ajoûter qu’il y en a beaucoup remplies d’érudition &amp; même d’onction, &amp; que ce qui semble n’estre donné au public que comme jeux de mots, &amp; ce que l’on appelle <hi rend="i">Pointes</hi>, renferme souvent beaucoup de morale pour ceux qui les regarderont d’un certain costé, &amp; l’on peut dire que la prudence a beaucoup de part dans plusieurs pensées de ce Livre, &amp; qu’en s’y divertissant on y peut apprendre beaucoup de choses qu’il est necessaire de sçavoir, lorsque l’on est un peu répandu dans le monde, &amp; dont les Lecteurs doivent profiter pour peu qu’ils ayent de penetration. Je ne prétens pas que toutes les reparties, les pensées, &amp; les rencontres qui se trouvent dans ce Livre, soient d’une égale force, ce qui vrai-semblablement ne peut estre, puisqu’il y en a deux à trois mille. Ainsi la lecture de ce Livre, ne peut manquer de bien divertir, puisque dans trois mille articles ou environ, on peut trouver beaucoup de pensées, qui doivent faire plaisir. J’entens dans les moins brillans articles de cet ouvrage, car il y en a qui enlevent, &amp; qui obligent de cesser la lecture, soit pour admirer, soit pour rire, ce qui n’est pas inutile à la santé des Melancholiques.</p>
          <p>Je dois ajoûter à toutes ces choses que tous les articles de ce Livre divertissant, sont écrits d’un stile si serré, que les pensées n’estant point embarassées dans un amas de paroles inutiles qui ne disent rien, &amp; qui ne sont que du verbiage, frappent d’abord l’imagination, &amp; que de cette maniere elle est toûjours remplie de pensées pleines d’esprit ou de vives reparties. C’est pourquoy tout ce que l’on peut dire contre ce Livre est qu’il est trop rempli de choses attachantes, &amp; qu’il occupe trop l’esprit auquel il ne donne point de relâche ; mais si c’est un deffaut, il seroit à souhaiter pour le public que plusieurs Auteurs eussent le même deffaut ; mais par malheur pour ce même public, il s’en trouve beaucoup qui sont bien éloignez de l’avoir.</p>
          <p>Ce Livre se vend 45. sols, chez le sieur Brunet, dans la grande Salle du Palais, à l’Enseigne du Mercure galant.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-06_362">
          <head>Air nouveau</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juin 1708 [tome 6], p. 362-363.</bibl>
          <p/>
          <p>Pendant que ces nouveaux époux vont joüir du Printemps de leurs belles années, je passe à une Chanson, faite à l’occasion du dernier Printemps, &amp; dont les paroles ont esté mises en Air par Mr de Montailly.</p>
          <quote>
            <label>AIR NOUVEAU.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Iris m’avoit promis que la Saison nouvelle</hi></l>
              <l> <hi rend="i">La rameneroit dans nos champs ;</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Cependant voicy le beau temps</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Et l’on ne voit point cette Belle ;</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Ah ! je crains bien que le Printemps</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Ne revienne souvent sans elle.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-06_371">
          <head>[Quatrieme Article des Nouvelles de l’Armée de S.A.R]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juin 1708 [tome 6], p. 371-373.</bibl>
          <p/>
          <p>Lors que je croyois n’avoir plus rien à vous dire de nouveau touchant ce qui regarde la Relation que vous venez de lire, il en est tombé une entre mes mains, qui, quoy que de peu d’étenduë, contient neanmoins plusieurs faits nouveaux. Je vous l’envoye en original.</p>
          <quote>
            <label>Au Camp devant Tortose, le 16. Juin.</label>
            <p><hi rend="i">S.A.R. partit le</hi> 9. <hi rend="i">de Ginestar, &amp; nous en décampâmes le</hi> 10. <hi rend="i">Depuis ce temps-là il ne s’est rien passé. Nous arrivâmes le</hi> 12. <hi rend="i">&amp; le même jour un Lieutenant de Dragons du Regiment de Picalqué, avec quinze Dragons, arresta à l’embouchure de l’Ebre</hi>, 4. <hi rend="i">Barques chargées de viande sallée, &amp; de bled ; &amp; la nuit du</hi> 12. <hi rend="i">au</hi> 13. <hi rend="i">le Regiment d’Auvergne &amp; celuy d’Orleans attaquerent le Poste des Capucins, &amp; s’en rendirent les maistres. Nous y perdîmes trois Soldats, &amp; il y eut un Officier d’Auvergne blesse à la main. Les Capucins ont reçû ordre d’aller à Barcelonne. Hier matin on prit un Espion qui fut pendu hier au soir, &amp; qui fut mis à la porte du haut-Ebre par où il estoit sorti. Avanthier Son Altesse Royale apprit que les Ennemis avoient détaché vingt Escadrons du costé de Caspé, &amp; hier matin on détacha de nôtre Armée les Regimens de Fléche, d’Astourto &amp; de Paneton, pour arrester leur course. La garnison est composée de huit Bataillons, de deux mille Miquelets, &amp; de trois cens chevaux. Les Regimens sont le General Fuisen, Hollandois, Saint-Amant, &amp; Neuvendail, tous deux aussi Hollandois ; General Ephre, Venten, &amp; Barbaut, Allemans, &amp; la Reine Anne, François Religionnaires. La Ville a sur le haut-Ebre, un Chasteau soûtenu par un Ouvrage à corne, où les ennemis commencerent à travailler l’année derniere &amp; qu’ils ont perfectionné depuis un mois, &amp; elle a sur le bas-Ebre, le Convent des Carmes tres-bien fortifié. On assure que le</hi> 19. <hi rend="i">on ouvrira la Tranchée ; que nostre canon pourra tirer à la fin du mois, &amp; que le</hi> 25. <hi rend="i">du mois prochain nous pourrons chanter le</hi> Te Deum.</p>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-06_391">
          <head>[Journal de Fontainebleau]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juin 1708 [tome 6], p. 391-395.</bibl>
          <p/>
          <p>Vous avez paru si contente du Journal que je vous envoye tous les ans du voyage de Fontainebleau, que je crois devoir continuer de vous en envoyer un cette année ; cependant il sera moins remply que ceux des années precedentes, puisque les divertissemens que l’on prend pendant les grandes chaleurs de l’Esté, sont moins considerables que ceux que l’Autonne fournit.</p>
          <p>Le 15 de ce mois Monseigneur le Dauphin, qui estoit alors à Meudon, en partit le matin avec Madame la Princesse de Conty Douairiere, &amp; passa à Petit-Bourg qui appartient à Mr le Marquis d’Antin, pour se rendre à Fontainebleau.</p>
          <p>Ce Prince, depuis le jour de son arrivée jusqu’au 18. alla deux fois à la chasse du cerf &amp; autant à celle du loup.</p>
          <p>Le 18. le Roy partit de Versailles entre 11. heures &amp; midy : il avoit dans son carosse Madame la Duchesse de Bourgogne, Me la Duchesse de Brancas, &amp; Me la Maréchale d’Etrées. Sa Majesté arriva sur les quatre heures à Petit-Bourg ; elle se promena dans les Jardins où elle ne pût demeurer long-temps à cause de la pluye ; les Dames joüerent à differens jeux ; Mr le Marquis d’Antin fit servir plusieurs tables pour tous ceux qui voulurent manger en arrivant, &amp; il fit fournir à toutes les suites toutes les choses dont elles pouvoient avoir besoin ; de maniere qu’il se fit une continuelle distribution de toutes choses, depuis l’arrivée de la Cour jusqu’à l’heure du souper. Les Gardes du Corps, les Cent-Suisses &amp; les Gardes Françoises &amp; Suisses furent traitées comme elles l’avoient esté dans les precedens passages de S.M.</p>
          <p>Le 19. il y eut une excellente Musique à la messe du Roy. S.M. se promena encore le matin, &amp; vit les nouveaux ouvrages qui se font dans les Jardins. Il y avoit une augmentation de Bâtiment pour les Officiers du Gobelet, ainsi que l’on en avoit fait une l’année precedente pour ceux de la bouche. S.M. partit à l’issuë du dîné pour se rendre à Fontainebleau où elle arriva sur les cinq heures. Mr de saint Heran Gouverneur &amp; Capitaine du Chasteau se trouva à l’entrée de la Forest avec tous les Officiers &amp; les Gardes des plaisirs ; les Officiers des Eaux &amp; Forests parurent avec leurs Gardes une demi-lieuë au delà, &amp; à une demi-lieuë de Fontainebleau, on trouva les Officiers de Justice &amp; les principaux habitans qui témoignerent à S.M. la joye qu’ils ressentoient de la voir arriver. Monseigneur le Dauphin reçut le Roy à la descente du carosse, &amp; toutes les Princesses le saluerent dans le grand cabinet. S.M. passa le reste du jour avec ses Ministres.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-06_403">
          <head>[Article des Enigmes]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juin 1708 [tome 6], p. 403-406.</bibl>
          <p/>
          <p>Le mot de l’Enigme du mois dernier estoit <hi rend="i">le Livre</hi>, &amp; il a esté trouvé par Mrs le Comte de Chester ; de Plœlo ; de Laurouë, ci-devant Capitaine au Regiment de Piemont ; le Blondin, de la ruë sainte Catherine ; Antoine du May ; Nicolas Vaudin ; Estienne Lambert ; Pierre &amp; Jacques Vannereau ; Gertrude &amp; son gros du Bois ; le sage Perrin ; le Tabellion, lassé du divorce ; L.I. du Pont Nôtre-Dame ; l’Ami fidelle du charmant Loulou, de la ruë Coquilliere ; le Solitaire des Angloux &amp; son Ami Darius ; le Forcier du Marais ; le Solitaire du Cul-de-sacq de Saint-Landry, &amp; le Mechanicien de Cour-Cheverny, au Diocese de Blois. Mlles le Roy, de la ruë Saint Antoine ; de Forteville, du Marais ; le Roux de la ruë Saint Honoré ; la jeune Muse renaissante G.O ; la gracieuse Me Lobin, de la ruë de Barcy ; l’Ancienne Antagoniste des plaisirs permis, du petit Paris ; les deux blondes Locataires du Praxitelle, du même quartier ; le Déesse hospitaliere, de Poüilly sur Loire ; l’Inconstante de Lor ; la Lune ; la Nymphe, les Dieux &amp; les Déesses de la Fossée, quelques fois habitans de Montreüil ; la plus jeune des belles Dames de la ruë des Bernardins ; la Solitaire de la ruë aux Féves ; la Mere du Cul-de-sac de Saint Landry ; la Solitaire de la Place Maubert ; la Colombe de Merignac ; l’heureux A.C. &amp; Iris, l’ont expliquée en Vers.</p>
          <p>Je vous envoye une Enigme nouvelle. Elle est de Mr l’Abbé D.L.M.*****</p>
          <quote>
            <label>ENIGME.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">J’habite dans des lieux d’un accés difficile,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Et pour m’en faire déloger,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">On fait venir un Etranger,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">En cela plus qu’un autre habile</hi></l>
              <l><hi rend="i">Alors le fer en main, &amp; semblable à l’Amour,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Il me coupe ; il m’abat, &amp; fier de sa victoire,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Si-tost qu’il voit le jour</hi></l>
              <l><hi rend="i">Il chante à haute voix ma deffaite &amp; sa gloire.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-06_436">
          <head>Avis</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juin 1708 [tome 6], p. 436.</bibl>
          <p/>
          <quote>
            <label>AVIS.</label>
            <p>Le Mercure de Juillet se distribuëra sans faute le Vendredy troisiéme d’Aoust. On doit remarquer qu’il se distribuë toûjours le jour marqué dans les Avis que l’on donne chaque mois, &amp; que ceux qui ont des raisons de publier le contraire, abusent le Public, lorsqu’ils disent autrement.</p>
          </quote>
        </div>
      </div>
      <div type="tome" xml:id="MG-1708-07a">
        <head><hi rend="i">Mercure Galant</hi>, juillet 1708 [tome 7]</head>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-07a_70">
          <head>[Mort de Mr Brockvis]*</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juillet 1708 [tome 7], p. 70-73.</bibl>
          <p/>
          <p>Mr Brockvis l’un des plus celebres Poëtes des Païs Bas y est mort, fort regreté de tous ceux qui le connoissoient. Il s’est principalement distingué par la délicatesse de ses Elegies, &amp; il est mort presque dans le même-temps que la nouvelle Edition du Poëte Tibulle a parû. Cet ouvrage a été imprimé in quarto avec beaucoup de soins, &amp; il y a long temps qu’on n’a un en Hollande de plus belle impression. Le Commentaire de Mr Brockvis, est dégagé de toute l’inutilité d’érudition qu’on remarque dans tant d’autres ouvrages de cette nature, &amp; qui ne sert souvent qu’à les défigurer. Mr Brockvis étoit fort lié avec feu Mr Filicaia Senateur de Florence, &amp; un des plus habiles hommes de ce Siecle en tout genre de litterature. Je vous en ay parlé dans une de mes dernieres lettres, en vous apprenant sa mort, &amp; je dois vous dire qu’on a commencé à imprimer à Florence son <hi rend="i">Cansoniero</hi>, ou son Recüeil de chansons, &amp; que cet ouvrage qu’on a fort estimé en détail, est presque achevé. M<hi rend="sup">r</hi> Brockvis étoit aussi lié d’amitié avec M<hi rend="sup">r</hi> Olearius de Leipsic, qui vient de donner les ouvrages de Philostrate en Grec &amp; en Latin. Enfin cet agréable Poëte avoit eu de grandes relations avec le celebre M<hi rend="sup">r</hi> Barnes Anglois, qui est fort connu par les Editions d’Euripide &amp; d’Anacreon, &amp; qui en fait esperer une nouvelle d’Homere, &amp; on croit que c’est à la persuasion du même M<hi rend="sup">r</hi> Brockvis, que M<hi rend="sup">r</hi> Souly de Cambridge, à entrepris une nouvelle Edition de Lucien, &amp; que M<hi rend="sup">r</hi> Needman de la même Ville, en prepare aussi une nouvelle du Commentaire Grec d’Hierocle, sur les Vers dorez de Pithagore où il y a des remarques critiques sur celle qui vient de paroître.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-07a_73">
          <head>A Monseigneur le Mareschal Duc de Berwick. Ode</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juillet 1708 [tome 7], p. 73-80.</bibl>
          <p/>
          <p>L’Ode qui suit, regarde un grand Capitaine, dont les actions éclatantes doivent un jour immortaliser le nom. Elle est sortie de la veine du Pere Leonard Professeur de Rhetorique au College de l’Oratoire à Toulon.</p>
          <quote>
            <label>A MONSEIGNEUR LE MARESCHAL DUC DE BERWICK.<lb/><hi rend="i">ODE.</hi></label>
            <lg>
              <l>Quelle ardeur, quel feu m’anime</l>
              <l>A publier les exploits</l>
              <l>De ce Heros magnanime,</l>
              <l>A qui le plus grand des Rois</l>
              <l>Marque toûjours son estime</l>
              <l>En luy confiant ses droits ?</l>
              <l>Pour ce difficile ouvrage,</l>
              <l>Prêtez-moy vostre langage,</l>
              <l>Muses, sans vos accords, que peut ma foible voix ?</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l>Dés sa plus tendre jeunesse,</l>
              <l>Modelle des vrais Heros,</l>
              <l>A la gloire qui le presse,</l>
              <l>Il immole son repos :</l>
              <l>A son tour cette Déesse</l>
              <l>Couronne tous ses travaux,</l>
              <l>Et l’essay de sa vaillance</l>
              <l>Oblige déja la France</l>
              <l>A le mettre au dessus des plus grands Generaux.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l>Nervvinde fut le theatre</l>
              <l>Ou parut son noble cœur ;</l>
              <l>Là, sans cesser de combattre,</l>
              <l>Oubliant qu’il est vainqueur,</l>
              <l>D’un courage opiniâtre</l>
              <l>Il se livre à sa valeur,</l>
              <l>Et marchant à la poursuite</l>
              <l>De nos ennemis en fuite,</l>
              <l>Il veut perir, ou prendre un fier Usurpateur.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l>Arrestez, Chef indomptable,</l>
              <l>Le Ciel propice à nos vœux,</l>
              <l>D’un trépas inévitable</l>
              <l>Sauve vos jours precieux,</l>
              <l>Et vous rend invulnerable</l>
              <l>Aux traits de ces furieux :</l>
              <l>Une plus digne entreprise</l>
              <l>Vous fera vanger l’Eglise,</l>
              <l>Et reparer l’honneur des Autels &amp; des Dieux.*</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l>A vostre aspect, l’Heresie</l>
              <l>Monstre de sang &amp; d’horreur</l>
              <l>D’un affreux trouble saisie</l>
              <l>Voudroit cacher sa terreur ;</l>
              <l>Mais bientost cette endurcie</l>
              <l>Fuit vostre juste fureur :</l>
              <l>Cette effroyable Mégere,</l>
              <l>Dans une terre étrangere</l>
              <l>Va porter les débris du crime &amp; de l’erreur.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l>Pour dompter un Insensible</l>
              <l>Aux bien faits du grand Loüis</l>
              <l>Rien ne vous semble impossible ;</l>
              <l>Par mille faits inoüis,</l>
              <l>Sur un Roc inaccessible</l>
              <l>On vous voit planter nos Lys ;</l>
              <l>Au bruit que fait Nice en poudre</l>
              <l>Victor craint que vostre foudre</l>
              <l>N’aille d’un même coup perdre tout son pays.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l>Non, la Gloire vous appelle,</l>
              <l>Suivez ses ordres divins ;</l>
              <l>Cette compagne fidelle</l>
              <l>Passe en des climats lointains,</l>
              <l>Pour seconder vostre zéle</l>
              <l>A ramener des mutins ;</l>
              <l>Prince, malgré l’Allemagne</l>
              <l>Allez delivrer l’Espagne</l>
              <l>Et de nos Ennemis rendez les efforts vains.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l>Tels qu’au milieu de l’orage</l>
              <l>On voit les Troupeaux épars,</l>
              <l>Quitter plaine &amp; pâturage</l>
              <l>Et s’enfuir de toutes parts :</l>
              <l>Tels, les liguez pleins de rage</l>
              <l>Abandonnent leurs remparts,</l>
              <l>Rien ne resiste à la France,</l>
              <l>D’abord que Bervvic s’avance,</l>
              <l>Chacun dans ce guerrier reconnoît le Dieu Mars.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l>C’est ainsi qu’en la journée</l>
              <l>De ce combat vigoureux†</l>
              <l>Qui changea la destinée</l>
              <l>D’un peuple trop malheureux</l>
              <l>A la ligue consternée</l>
              <l>Parut ce Chef généreux ;</l>
              <l>L’Aigle succombant honteuse,</l>
              <l>Baissa sa tête orgueilleuse</l>
              <l>Et redoubla son vol vers ses rochers affreux.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l>Magnifique Pyramide‡</l>
              <l>Monument de ses hauts faits</l>
              <l>Dis combien par cet Alcide</l>
              <l>D’Ennemis furent défaits ;</l>
              <l>Jamais Chef plus intrépide,</l>
              <l>Ny triomphes plus par faits</l>
              <l>Dans une seule Campagne,</l>
              <l>Bervvic rassure l’Espagne</l>
              <l>Et procure à <hi rend="sc">Philippe</hi> une éternelle paix.</l>
            </lg>
            <note><p>* En Languedoc, où il détruisit le reste des Camisards.</p></note>
            <note><p>† Journée d’Almanza.</p></note>
            <note><p>‡ Le Roy d’Espagne ordonna qu’on dresseroit une Pyramide dans la Plaine d’Almanza, où seroit gravé le nombre des morts, des prisonniers, &amp;c.</p></note>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-07a_110">
          <head>[Ouvrage présenté au Roy par Mr le Chevalier de Vertron, &amp; discours prononcé par le même en presentant son ouvrage]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juillet 1708 [tome 7], p. 110-117.</bibl>
          <p/>
          <p>Le 18. du mois dernier, Mr le Chevalier de Vertron, qui a l’honneur depuis plusieurs années d’écrire l’Histoire du Roy en Prose Latine, presenta à S.M. une <hi rend="i">Paraphrase en Vers François des Proverbes &amp; des Paraboles de Salomon</hi>. Cet ouvrage est écrit sur du vélin, &amp; accompagné de cartouches en miniature, ce qui le rend aussi brillant qu’il est solide. Sa Majesté luy fit un accueil favorable à son ordinaire, &amp; Mr de Vertron eut l’honneur de luy faire le Compliment qui suit, dont la lecture vous fera connoistre que cet ouvrage est d’un veritable Academicien. Cet Auteur delicat remercia en même temps le Roy de l’Abbaye Royale de Fongaufier Ordre de saint Benoist, que sa Majesté a donnée à Me sa sœur.</p>
          <quote>
            <p><hi rend="i">SIRE,</hi></p>
            <p><hi rend="i">La Paraphrase en Vers François, que j’ay l’honeur de présenter à Vostre Majesté, peut passer pour un Ouvrage nouveau, quoyqu’il soit fait sur un ancien : Le S. Esprit est l’Auteur de ce divin Original ; &amp;</hi> Salomon <hi rend="i">l’Interpréte de ses Oracles sacrez. J’ay tâché, SIRE, pour rendre encore plus intelligible à tout le monde le sens quelque-fois mistérieux des</hi> Paraboles, <hi rend="i">de donner une explication claire aux Enigmes ; d’oster l’obscurité aux Figures, &amp; le voile à la Verité</hi>. Les Proverbes <hi rend="i">de ce Prophete Roy sont autant de Sentences graves, que chacun devroit apprendre, pour les mettre en pratique ; &amp; nous devons regarder ces Proverbes &amp; ces Paraboles, comme des miroirs fidelles, qui representent au naturel les perfections &amp; les défauts des hommes ; &amp; comme des guides assurez pour nous bien conduire dans toutes sortes d’états</hi>. Salomon <hi rend="i">dans ce livre admirable, qui est la parfaite doctrine, que vous suivez, faisant le portrait d’un veritable Sage, fait le vostre, SIRE ; car la Justice &amp; la Clemence sont les fermes Colonnes de vôtre Trône ; en effet, si vostre severité éclate contre les impies &amp; les méchans, vostre douceur mêlée d’autorité paroist favorable aux bons &amp; aux innocens. Tous vos discours sont justes, SIRE, &amp; la Sagesse éternelle, qui vous les dicte dans le temps, vous sert uniquement de regle, comme la vostre en sert aux autres, qui aiment la vertu &amp; la verité. C’est sur cette Sagesse incréée que vous vous appuyez ; c’est d’elle que vous attendez du secours &amp; des recompenses ; enfin c’est à elle seule à qui vous rapportez la gloire &amp; le succés de vos entreprises. Vôtre Majesté, SIRE, qui a la crainte du Seigneur en partage, fait tous ses efforts pour l’inspirer aux Princes de la terre habitable ; &amp; si selon le Texte sacré cette crainte fait le commencement de la sagesse, vostre sagesse consommée, qui vient d’en-haut, vous fait admirer ici bas : heureux ceux qui écoutent vos conseils, conformes à elle ! Plus heureux ceux qui les suivent ! Quel nouveau bonheur ! Quelle nouvelle gloire la France ne doit-elle donc pas esperer, SIRE ! Vous en estes non-seulement le Roy &amp; le Pere, mais vous en êtes aussi le</hi> Salomon : <hi rend="i">Le ciel, qui comme à luy, vous inspire de grands &amp; pieux desseins, vous secondera comme luy dans l’execution. L’Eglise interessée pour vous, SIRE, qui êtes à juste titre son fils aîné, redouble par tout aujourd’huy ses prieres, afin qu’il plaise au Dieu des Armées vous donner la victoire sur vos ennemis jaloux de vostre grandeur, &amp; couronner la Victoire par une Paix glorieuse &amp; durable. Je joins les mienes à ces Prieres publiques avec le même esprit, &amp; avec le même cœur ; &amp; je ne cesseray jamais d’en faire en particulier, pour vous marquer mon zele sincere, ma reconnoissance extrême, &amp; le profond respect, avec lequel je suis, le, &amp;c.</hi></p>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-07a_211">
          <head>Air nouveau</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juillet 1708 [tome 7], p. 211-212.</bibl>
          <p/>
          <p>On pourroit appliquer les paroles suivantes aux nouveaux époux. Elles ont esté mises en Air par M<hi rend="sup">r</hi> de Montailly.</p>
          <quote>
            <label>AIR NOUVEAU.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Vous voyez tous les ans</hi></l>
              <l><hi rend="i">Le retour du Printemps :</hi></l>
              <l><hi rend="i">Profitez-en, jeune Bergere !</hi></l>
              <l><hi rend="i">Le vostre doit passer un jour ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Mais helas ! vous avez beau faire</hi></l>
              <l><hi rend="i">Il n’aura jamais de retour.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-07a_234">
          <head>[Benefices donnez par le Roy]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juillet 1708 [tome 7], p. 234-252.</bibl>
          <p/>
          <p>Le Roy a donné l’Abbaye reguliere du Pin à Dom Darest ; cette Abbaye est de l’Ordre de Citeaux, &amp; une des plus anciennes de cet Ordre ; elle a produit de grands hommes. Guillaume Religieux de cette Abbaye brilla fort dans le Concile de Pise qui fut assemblé pour finir le Schisme qui divisoit l’Eglise, &amp; il contribua beaucoup à l’Election d’Alexandre V. cette Abbaye estoit fort considerable dés le Regne de Philippe le Long ; quoyque ce Prince n’y eut esté qu’une fois, il avoit toûjours conservé beaucoup d’estime pour cette maison. Dom Darest que le Roy vient de nommer à cette Abbaye, est tres-estimé dans son Ordre ; il est fort bon Théologien, &amp; il aime fort les belles Lettres ; il avoit une grande liaison avec Mrs de Santeüil &amp; Duperier deux excellens Poëtes du dernier Siécle, &amp; il eut même la gloire de les reconcilier aprés une longue dispute à laquelle leurs ouvrages avoient donné lieu, ce qui engagea feu Mr Menage de composer le Poëme latin qu’il adressa à Mr Duperier, &amp; qui commence par ce vers,</p>
          <quote>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Pereri Aonidum decus immortale Sororum.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
          <p>Dom Darest estoit aussi fort ami du feu Pere Bourdaloüe, &amp; celuy-cy avoit en luy une confiance tres-particuliere ; il est d’une ancienne Famille originaire de Limosin, &amp; alliée aux meilleures maisons de cette Province ; il y a eu de grands Hommes de son nom dans l’Eglise qu’ils ont enrichie par leurs ouvrages, &amp; édifiée par leurs vertus ; plusieurs Auteurs en parlent avec éloge.</p>
          <p>Dom Quinquet Religieux du même Ordre &amp; Proviseur du College des Bernardins de cette Ville, &amp; qui avoit esté nommé à l’Abbaye du Pin à la Promotion de la Pentecôte ayant remercié le Roy de cette grace, parce que Mr l’Abbé de Citeaux l’a jugé utile aux interests de son Ordre dans la place qu’il occupe au College des Bernardins ; c’est à son refus qu’on a donné cette Abbaye à Dom Darest attaché depuis long-temps à la maison de Noailles. Je dois ajoûter à ce que j’ay déja dit de ce nouvel Abbé, qu’il a le talent de la direction, que personne n’entend mieux que luy les voyes spirituelles, qu’il s’est attaché depuis sa plus grande jeunesse à la conduite des âmes, &amp; qu’il dirige par ses conseils &amp; par ses soins une celebre Communauté de filles.</p>
          <p>Le Roy a donné l’Abbaye de Saint Pierre de Lion, Ordre de Saint Benoît à Me de Cossé Religieuse à Chelles ; elle est sœur d’Artus Timoleon de Cossé grand Pannetier de France, Brigadier des Armées du Roy, &amp; ensuite Duc de Brissac : il a épousé N… de Bechameil fille de Loüis de Bechameil Secretaire du Conseil, Surintendant de la maison de feuë S.A.R. Monsieur, &amp; sœur de Mr de Nointel Conseiller d’Etat &amp; de Me Desmarests. La nouvelle Abbesse, est fille de feu Timoleon Comte de Cossé &amp; de Château-Giron, Chevalier des Ordres du Roy, Lieutenant General de ses Armées, Gouverneur de Mezieres, &amp; grand Pannetier de France ; &amp; de Dame Elisabeth Charon fille de feu Mr Charron Seigneur d’Ormeille, &amp; Gouverneur d’Abbeville. Feu Mr le Comte de Cossé estoit second fils de François de Cossé Duc de Brissac, Pair &amp; grand Pannetier de France, &amp; Lieutenant General au Gouvernement de Bretagne &amp; de Guienne, de Ruelan fille de Gilles, Seigneur de Rocheportail. Loüis Duc de Brissac pere de Mr le Maréchal de Villeroy, &amp; du dernier Duc de Brissac, fut l’aîné. François Duc de Brissac estoit sorti du mariage de Charles second du nom, Duc de Brissac, &amp; de Judith Dame d’Acigné ; ce Charles estoit fils du fameux Maréchal de Brissac (Charles de Cossé) &amp; de Charlote d’Esquetot, fille &amp; heritiere de Jean, Seigneur d’Esquetot ; &amp; de Madelaine le Picart Dame d’Estelan. Le Maréchal de Brissac joignit à cette qualité celle de Chevalier de l’Ordre de saint Michel, qui estoit en ce temps là l’Ordre du Roy ; il avoit esté élevé auprés de François, Dauphin de Viennois &amp; Duc de Valois, dont René de Cossé Seigneur de Brissac en Anjou estoit Gouverneur. Le chagrin qu’il eut de la mort funeste de ce Prince l’obligea de s’attacher uniquement aux Armes ; &amp; c’est par là qu’il s’éleva si glorieusement dans la suite ; il fut Colonel General de la Cavalerie Legere de France, &amp; les premiers Gentilhommes du Royaume se faisoient honneur de venir apprendre sous luy le mêtier des Armes ; lorsqu’en 1543. Charle-quint vint attaquer Landre-cy, il y jetta du secours, &amp; ayant esté trois fois enveloppé, il se tira d’affaires &amp; vint joindre le Roy François I. à Vitry ; il fut aussi grand Maistre de l’Artillerie ; son pere joignit à la qualité de <hi rend="i">premier Pannetier du Roy</hi>, celle de grand Fauconnier de France ; il eut le Maréchal de Brissac de Charlote Gouffier fille de Guillaume, Seigneur de Boissi, grand Maître de France. Le Maréchal de Brissac estoit frere aîné de Philippe Evêque de Coutance, &amp; grand Aumônier de France. Artus de Cossé aussi Maréchal de France, Comte de Segondigny &amp; Seigneur de Gonnor, Chevalier des Ordres du Roy, Gouverneur des Pays d’Anjou, de Touraine &amp; d’Orleans ; il deffendit la Ville de Metz contre Charle-quint en 1552. il fut ensuite grand Pannetier de France &amp; Surintendant des Finances ; il se trouva aux Batailles de saint Denis &amp; de Montcontour ; quelques troubles arrivez dans la Famille Royale, causerent sa disgrace ; il fut mis à la Bastille pour s’estre trop attaché au Duc d’Anjou, qui regna depuis sous le nom de Henry III. Son zele le rendit cher à ce Prince qui l’honora du Collier de ses Ordres peu aprés l’Institution ; il ne laissa que des filles qui porterent sa succession dans les maisons de Goufier Roüannez, Silli-Rochepot &amp; Lhôpital-Choisi ; Brantôme parle avantageusement de ce Maréchal ; la maison de Cossé vient des Cossa de Naples, &amp; paroissoit déja en France sous le regne de Philippe Auguste. Loüis Chevalier de Cossé est le second frere de Me l’Abbesse de S. Pierre de Lyon.</p>
          <p>Le Roy donna en même temps l’Abbaye de Voisins à Me de Villelongue sur la presentation de Mr le Duc d’Orleans. Cette Dame estoit Religieuse dans l’Abbaye d’Ennebon proche le Port Loüis en Bretagne ; elle est d’une tres-ancienne maison de Champagne, &amp; fille de feu M<hi rend="sup">r</hi> de Villelongue Gouverneur de Mezieres dans la même Province. Ce Gentilhomme laissa en mourant une tres grande Famille, &amp; Mr le Duc de Mazarin dont la pieté est connuë, &amp; qui avoit pour luy un attachement tres sincere, prit soin de tous ses enfans. On mit par ses soins Mlle de Ville-longue dans un Convent de Port-Louis, dont il est Gouverneur, &amp; cette Dlle<note resp="editor">Demoiselle</note> ayant marqué de l’inclination pour la vie religieuse, elle prit l’habit dans l’Abbaye d’Ennebon ; &amp; ce Duc à qui la memoire de Mr de Ville-longue son amy estoit chere, fit tous les honneurs de cette Ceremonie ; &amp; enfin cette Dame vient d’estre tirée de cette Abbaye pour estre mise à la teste de celle de Voisins, qui est à quatre lieuës d’Orleans, &amp; par consequent dans l’appanage de S.A.R. Cette Dame a un frere Chanoine de la Sainte Chapelle de Vincennes qui a beaucoup de merite, &amp; qui est fort estimé dans sa Compagnie. Feu Mr le Chevalier de Villelongue son frere mort dans le service, y avoit aussi acquis beaucoup de reputation. Il est mort Colonel d’un Regiment d’Infanterie, &amp; il passoit pour un tres-honneste homme parmi les Troupes. La nouvelle Abbesse a beaucoup de merite ; les emplois qu’elle a eus dans la Communauté d’Ennebon, &amp; le succés avec lequel elle les a remplis, font foy de tout ce que j’en viens de dire. Le Roy accorda son agrément à la presentation de Mr le Duc d’Orleans en des tertres avantageux, lorsqu’il sçut que c’estoit pour une personne d’un nom qui est fort connu dans ses Troupes, &amp; plus recommandable encore par sa vertu &amp; par son merite.</p>
          <p>J’oubliay de vous dire dans ma derniere Lettre, que Mr le Curé de Vassenobre dans le Diocese d’Alais, obtint dans la nomination de la Pentecôte une pension de 500. livres, sur l’Abbaye de Liessis qui vaquoit dans le Hainaut ; ce Curé dont la Famille est considerable, &amp; qui est né dans le Diocese de Montauban, est frere du Procureur du Roy de la même Ville ; il a merité cette grace de S.M. à cause de la persecution qu’il a soufferte des Fanatiques pendant les derniers troubles du Languedoc &amp; des Cevenes. Une troupe de ces malheureux étant venuë autour de la Cure de Vassenobre, fit appeller le Curé, qui ne se doutant de rien descendit &amp; ouvrit sa porte. Ils se jetterent alors sur luy, ils luy donnerent plusieurs coups d’épée, &amp; aprés avoir pillé sa maison, ils s’en retournerent croyant l’avoir tué ; ce Curé qui ne mourut pas de ses blessures en est resté si incommodé, qu’il n’est presque pas sorti de son lit depuis ce temps-là. Mr l’Evêque de Montauban dans le Diocese duquel il est né, compâtissant à son malheur &amp; à ses infirmités, les répresenta au Pere de la Chaise, qui en ayant fait rapport au Roy, ce Prince accorda cette pension, d’autant plus volontiers, que la Cure de Vassenobre est de peu de revenu. Ce Curé meritoit aussi cette grace, à cause des services qu’il a rendus aux Eglises voisines pendant les troubles qui ont agité les Eglises du bas Languedoc, &amp; qu’il s’est souvent exposé à la fureur des Rebelles.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-07a_343">
          <head>[Journal du siège de Tortose]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juillet 1708 [tome 7], p. 343-351.</bibl>
          <p/>
          <p>Je crois vous avoir tenu parole, &amp; qu’il seroit impossible de faire un Journal plus détaillé que celuy que je vous envoye. Aussi est-il tiré de dix ou douze Relations faites par des personnes qui doivent estre bien informées de ce qu’elles ont écrit. Vous aurez pû faire une remarque qui merite de l’attention, puisqu’il s’agit d’une chose dont il ne me paroist pas qu’il y ait encore eu d’exemple. S.A.R. est tellement aimée dans les Troupes, que toutes les personnes les plus distinguées, &amp; qui se trouvoient en estat de servir d’Aides de Camp à ce Prince, tant pour luy marquer leur zele que pour avoir l’honneur d’approcher de sa personne &amp; de l’entretenir souvent, ayant brigué l’honneur de cet employ, &amp; ce Prince estant embarassé du choix qu’il devoit faire, les a nommez les uns aprés les autres ; de maniere que pour peu que l’on y fasse de reflexion, on remarquera qu’il y avoit un Aide Camp nouveau chaque jour de tranchée, ce qui a continué pendant tout le Siege, excepté un seul qui a eu deux fois cet honneur.</p>
          <p>Lorsque Mr le Marquis de Lambert arriva à la Cour, il alla chez Mr de Chamillart, qui dans le moment même le mena chez le Roy. Ce Ministre crut qu’il feroit plaisir à Madame de luy envoyer dire la grande &amp; heureuse nouvelle qu’il venoit de recevoir. C’est pour quoy dans le même temps qu’il sortit pour aller mener Mr le Marquis de Lambert au Roy, il envoya un Ecuyer à Madame pour luy apprendre la nouvelle que Mr de Lambert venoit d’apporter, &amp; cet Ecuyer eut ordre en même temps de dire à cette Princesse que lorsque ce Marquis sortiroit de chez le Roy, il auroit l’honneur de le conduire chez Elle, afin qu’il luy rendist un compte exact de tout ce qui s’estoit passé, &amp; qu’il l’assurast luy-même de la santé du Prince son fils. S.A.R. Madame se sentit si penetrée de joye dans le moment que l’Ecuyer luy annonça la nouvelle dont Mr le Marquis de Lambert rendoit compte au Roy dans le même temps qu’il luy en faisoit part, qu’ayant au doigt une bague de deux cent Louis, Elle luy en fit present, en luy disant que si elle s’estoit trouvée d’un plus grand prix, Elle la luy auroit donnée avec encore plus de plaisir.</p>
          <p>Je ne vous dis rien de la joye que reçut toute la Cour en apprenant cette nouvelle. Il est aisé de se l’imaginer, non-seulement à cause des avantages que peut produire la prise d’une Place aussi importante que celle de Tortose ; mais aussi parce que le Prince qui vient de faire cette conqueste est generalement aimé.</p>
          <p>On ne tarda pas long-temps à rendre graces à Dieu à la Cour d’une Conqueste dont les fuites doivent estre aussi avantageuses que glorieuses, à cause des difficultez qu’il y a de transporter dans des lieux si éloignez &amp; de si difficile accés, toutes les choses necessaires pour de pareilles expeditions, &amp; le <hi rend="i">Te-Deum</hi> fut chanté le 22. de ce mois à la messe de Sa Majesté qui ordonna par la lettre suivante adressée à Mr le Cardinal de Noailles de faire chanter le <hi rend="i">Te Deum</hi> à Paris le Mercredy 25.</p>
          <quote>
            <p><hi rend="i">MON COUSIN,</hi></p>
            <p><hi rend="i">Je viens d’apprendre que mon Neveu le Duc d’Orleans s’est rendu maistre de Tortose, dont la prise est d’autant plus importante, qu’elle oste aux Ennemis toute communication avec le Royaume de Valence, &amp; les resserre dans un Pays fort étroit aux environs de Barcelone. Mon Neveu aprés avoir surmonté plusieurs obstacles qui sembloient devoir empêcher l’execution de cette entreprise, fit investir la Place le 20. du mois dernier, quoyqu’elle fût déffenduë par une nombreuse Garnison. Le Comte d’Effren qui y commandoit a esté obligé de remettre la Ville &amp; les Châteaux, aprés 18. jours de tranchée ouverte. Cet heureux succés qui est dû à la valeur de mes Troupes, &amp; à celles de mon Petit-Fils le Roy d’Espagne, l’est encore plus à la sage conduite, aux soins &amp; à la vigilance du Duc d’Orleans ; &amp; c’est pour en rendre graces à Dieu que je vous écris cette lettre ; mon intention estant que vous fassiez chanter le</hi> Te Deum <hi rend="i">dans l’Eglise Metropolitaine de ma bonne Ville de Paris, au jour &amp; à l’heure que le Grand Maistre, ou le Maistre des Ceremonies vous dira de ma part. Sur ce, je prie Dieu qu’il vous ait, Mon Cousin, en sa sainte &amp; digne garde.</hi></p>
          </quote>
          <p>Le canon de l’Arsenal qui avoit tiré dés le matin, &amp; celuy que l’on avoit placé dans la place de l’Hôtel de Ville, recommença le soir, &amp; servit de prélude au feu de joye que l’on fit devant l’Hôtel de Ville, &amp; à ceux qui furent allumez le même soir dans toutes les ruës de Paris, où les rejoüissances ne furent pas moins grandes à cause de l’importante conqueste qui venoit d’estre faite, qu’à cause de l’amour que tous les Peuples ont pour le Vainqueur.</p>
          <p>Le même jour Mr Gervais Surintendant de la Musique de S.A.R. Monsieur le Duc d’Orleans fit chanter dans la Chapelle du Palais Royal, un <hi rend="i">Te Deum</hi> en Musique, en action de graces de la prise de Tortose. Ce <hi rend="i">Te Deum</hi> qu’il avoit composé, fut chanté par les meilleurs Musiciens de Paris, &amp; fut trouvé fort beau, ayant été accompagné de tout ce qui pouvoit faire plaisir aux oreilles les plus delicates ; l’Assemble estoit composée de plusieurs personnes de distinction qui ne loüerent pas moins le zele du Musicien que son ouvrage.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-07a_351">
          <head>[Article des Enigmes]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juillet 1708 [tome 7], p. 351-356.</bibl>
          <p/>
          <p>Le mot de l’Enigme du mois dernier estoit <hi rend="i">la suye de cheminée</hi> ; il a esté trouvé par Mrs de Vaufourant, l’Abbé Mama ; de la Grolliere ; de Luce de la ruë St. Honoré ; de Beauregard, l’Ange de la ruë Geoffroy l’Anier ; le President &amp; le Conseiller qui dinerent ensemble le Mardy 10. Juillet ; Mr Grégré ; Michel Ange ; Mathieu &amp; sa vieille ; le Mary gracieux &amp; sa femme ; le Solitaire du cul de sacq de saint Landry ; le Partisan de Mr R.… les quatre bons amis de la ruë de la huchette, le grand Devineur de la ruë des Foureurs, l’incomparable Pere du Breüil de la ruë des petits Champs, &amp; sa charmante blonde ; le Mechanicien de Cour Cheverny, le simbole de la Paix en vers, Henri Charles Huguier.</p>
          <p>Mlles des Pontis la cadette de la ruë du Colombier ; de l’Aigle &amp; sa belle sœur ; la jeune Muse renaissante G.O. la Nimphe de la Fossée ; la belle Dondon de la ruë de la Bucherie ; l’aimable brune du bureau des Indes Orientales M.L.N. la Dame solitaire de la ruë de la harpe, &amp; Charlot son parent ; la colombe de Merignac ; la belle fleur ; la Solitaire de la ruë aux féves ; brunette &amp; son R…. Gertrude en gronde ; Nannette en colere ; la solitaire Blandy d’auprés du Pere noir.</p>
          <p>Un Cavalier des plus galants s’étant trouvé dans une maison où l’on se divertissoit à chercher le mot de l’Enigme s’aprocha d’une des plus belles personnes de la Compagnie, &amp; luy dit à l’oreille l’impromptu suivant.</p>
          <quote>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Je sçai quels sont ces lieux d’un accés difficile ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Sans chercher fort long-temps j’en trouveray chez vous.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et Paris est pavé, de l’Etranger habile</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Dont le nom nous occupe tous.</hi></l>
              <l><hi rend="i">S’il ressemble à l’amour, c’est en fort peu de choses.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Son teint n’est pas du moins de la couleur des roses.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Vn art tout different vous occupe tous deux.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Vous embrasez les cœurs, il garentit des feux.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Fort sale de luy même il rend les choses nettes.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Il travaille toûjours dedans l’obscurité.</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Et sitôt qu’il voit la clarté</hi></l>
              <l><hi rend="i">Il finit son travail par quelques chansonettes.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
          <p>Aprés cette explication la Dame dont l’esprit est penetrant, dit d’abord, que le lieu d’un accés difficile étoit la cheminée, que le Savoyar estoit l’Etranger habile, &amp; que le veritable mot de l’énigme étoit la suye.</p>
          <p>Je vous envoye une Enigme nouvelle ; elle est de Mr Daubicourt.</p>
          <quote>
            <label>ENIGME.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Nous sommes nombre impair de gaillardes femelles</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Propres sœurs &amp; jumelles,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Qu’à toute heure on peut voir</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Changer du blanc au noir.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Nostre mere, ou maistresse est docte &amp; sans cervelle,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Elle est sage &amp; folle souvent ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Nous faisant prendre en l’air un vol hardi sans aîle,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Et giroüetter à tout vent.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l> <hi rend="i">Dans une union mutuelle</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Nous nous marions entre nous,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Nos compagnes sont nos épous,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et chacune de nous peut passer pour Pucelle.</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Si depuis quatre ou cinq mille ans,</hi></l>
              <l><hi rend="i">L’on nous entend chanter de ruelle en ruelles</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Le doux martyre des Amans</hi></l>
              <l><hi rend="i">C’est qu’ils n’ont point cessé de nous estre fidelles.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-07a_356">
          <head>Chanson</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juillet 1708 [tome 7], p. 356-358.</bibl>
          <p/>
          <p>Je vous envoye un Air nouveau, dont vous trouverez les paroles assez divertissantes.</p>
          <quote>
            <label>CHANSON.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Au Printemps la Vigne gelée</hi></l>
              <l><hi rend="i">Par une Bise reculée</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ne nous doit faire aucun chagrin</hi></l>
              <l><hi rend="i">Du Pain, de l’Eau, quelque Sylvie :</hi></l>
              <l><hi rend="i">Sont le necessaire à la vie :</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ne peut-on se passer de Vin ?</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Pourveu qu’à Paris comme à Rome</hi></l>
              <l><hi rend="i">Chaque femme ait du moins son homme</hi></l>
              <l><hi rend="i">Pour conserver le genre humain.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Du Pain, de l’Eau, quelque Sylvie</hi></l>
              <l><hi rend="i">Sont le necessaire à la vie</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ne peut-on se passer de Vin ?</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Vive l’Amour, meurent les Vignes,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Disoient les deux Filles insignes</hi></l>
              <l><hi rend="i">De Lot, amateur du Raisin,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Du Pain, de l’Eau, &amp;c.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-07a_386">
          <head>[Avertissement qu’il est necessaire de lire pour sçavoir les Affaires de Flandre]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juillet 1708 [tome 7], p. 386-396.</bibl>
          <p/>
          <quote>
            <label><hi rend="i">AVERTISSEMENT</hi><lb/><hi rend="i">Touchant les Affaires de Flandre dont on n’a point parlé dans ce Volume.</hi></label>
            <p>Le sieur Brunet donne avis que le Mercure s’estant trouvé trop remply, &amp; le Journal du Siége de Tortose fort étendu, parce que l’on n’y a rien obmis de tout ce qui regarde ce Siége, &amp; que l’on y a marqué jour par jour, &amp; nuit par nuit jusqu’aux moindres circonstances de tout ce qui s’y est passé ; ce Volume dis-je, se trouvant si remply qu’il auroit esté impossible d’y bien mettre dans leur jour les Affaires de Flandre qui seules pouvoient remplir un Volume, il a esté resolu d’en donner un au Public qui a pour titre <hi rend="i">Supplément du Mercure du mois de Juillet, contenant tout ce qui s’est passé en Flandre depuis le</hi> 20, <hi rend="i">de Juin, jusqu’au commencement du mois d’Aoust.</hi></p>
            <p>Quoyque toute la matiere qui remplit ce volume soit de suite, on auroit pû neanmoins la diviser en trois parties, puisqu’effectivement elle en contient trois qui sont tres-curieuses &amp; dignes de l’attention de toute l’Europe, tant tout ce qu’il les regarde est remply de circonstances curieuses &amp; de faits nouveaux qui ne sont point encore venus à la connoissance du Public, du moins par l’Impression.</p>
            <p>On voit dans la premiere, un Journal de ce qui s’est passé en Flandre depuis le 20. de Juin jusqu’au jour du combat donné prés d’Oudenarde, &amp; tout ce qui s’y trouve jusqu’à l’entrée des Troupes du Roy dans le Fort de Plassendal, &amp; dans les Villes de Gand &amp; de Bruges y prepare insensiblement cette entrée. On y voit la veritable maniere de faire la guerre, le change donné aux Ennemis en leur donnant souvent lieu de croire qu’on alloit décamper, quoique l’on n’allât qu’à des fourages, ce qui leur donnoit lieu de faire souvent marcher leur Armée, &amp; de fatiguer leurs Troupes. On y voit enfin la belle Manœuvre faite par l’Armée de Monseigneur le Duc de Bourgogne pour marcher vers Gand, en dérobant des marches aux Ennemis, &amp; en leur faisant toûjours croire qu’on avoit dessein d’aller d’un autre côté, ce qui a fait heureusement réüssir l’entreprise concertée depuis long-temps, &amp; que l’on doit en partie aux fatigues que s’est donné Monseigneur le Duc de Bourgogne dans ces marches, dans lesquelles on a remarqué qu’il y en a eu de 22 heures de suitte.</p>
            <p>On voit encore dans ce qu’on peut appeller la premiere partie de ce volume, tout ce qui s’est passé à l’entrée des Troupes du Roy dans les Places que l’on vient de nommer, ce qui est tres-bien circonstancié dans plusieurs Relations tres dignes de la curiosité du Public, &amp; faites par des personnes tres-intelligentes dans le metier de la Guerre, &amp; dont la plûpart ont esté témoins des choses qu’elles avancent. Voila ce qui regarde ce que l’on pourroit appeller la premiere partie du volume intitulé, <hi rend="i">Supplément du Mercure, &amp;c.</hi></p>
            <p>Quant à ce qu’on pourroit nommer <hi rend="i">seconde partie</hi>, on y voit tout ce qui s’est passé dans le combat donné prés d’Oudenarde, &amp; dans les actions qui ont suivi ce combat, &amp; outre ce que l’Auteur en dit, &amp; qu’il a tiré d’un grand nombre de lettres ; on y trouve cinq ou six Relations telles qu’elles ont été envoyées par des personnes qui ont joüé les premiers rôlles dans ce combat, &amp; l’on peut assurer qu’il y en a qui ont esté faites par des Officiers generaux des plus distinguez, &amp; même par de simples Officiers, parce qu’il faut entendre parler tous ceux qui ont part dans une affaire. Ces relations sont separées par beaucoup de choses qui doivent faire plaisir au Lecteur.</p>
            <p>On voit ensuite dans la même seconde Partie que tout ce que les Alliez ont rapporté touchant ce combat, est presqu’entierement faux ; que plusieurs Lettres &amp; Relations qu’ils ont fait imprimer n’ont point esté envoyées aux Etats d’Hollande, ainsi qu’ils l’ont supposé ; que les exagerations qu’ils ont faites de nos pertes ; le nombre des prisonniers qu’ils disent avoir &amp; le grand nombre de Drapeaux &amp; d’Etendars pris, sont autant de Fables inventées pour ébloüir les peuples, &amp; pour faire croire, du moins pendant un temps, en Angleterre, en Italie, en Catalogne, en Allemagne, &amp; en Hongrie même, que les Alliez ont remporté une victoire complette, ce qui fait du bien à leurs affaires dans tous ces lieux là jusqu’à ce que la verité y soit parvenuë. On voit dans la même partie de ce Volume que ces exagerations ont néanmoins nui aux Alliez dans quelques Etats où elles ont produit des effets tout contraires à ce qu’ils en attendoient. Enfin on détruit dans cette seconde Partie toutes les Fables publiées &amp; imprimées chez les Alliez, &amp; l’on ne se sert point de raisonnemens pour cela, quoy qu’ils pussent suffire pour des personnes éclairées ; mais ce que l’on rapporte ne peut estre contredit puisqu’il est tiré de plusieurs Lettres écrites par des Ministres des Alliez mêmes, &amp; par des Officiers de leurs Troupes.</p>
            <p>On voit dans la troisiéme partie du Volume que le Public doit attendre avec impatience tout ce qui s’est passé depuis le combat donné prés d’Oudenarde jusqu’au jour que le Volume finit, &amp; quand on n’auroit pas détruit dans la partie precedente toutes les Fables publiées par les ennemis, ce qui s’est passé depuis le combat feroit voir que tout ce que l’on en a publié chez les Alliez est faux, puisque s’il avoit esté veritable ils auroient bien-tost aprés repris les Places qu’on venoit de leur enlever, au lieu que l’on a fait des Conquestes sur eux. Le reste de cette troisiéme partie est remply d’un grand nombre de faits curieux, &amp; souvent accompagnez de preuves qui font voir la verité de ce que l’on avance.</p>
            <p>Ce Volume aussi gros que le Mercure, &amp; même plus, sera par une espece de liberalité, donné au public pour cette fois, pour 26. sols en veau ; 22. sols en parchemin ; 21. sols en brochure, &amp; 20. sols en blanc, afin qu’il puisse se répandre plus aisément dans toute l’Europe, pour détromper les peuples des fausses impressions qu’on a voulu leur donner, &amp; que les familles de ceux qui ont eu part à tout ce qui s’est passé en Flandre depuis l’ouverture de la Campagne, puissent le montrer un jour à leurs neveux. On doit demeurer d’accord que les recherches qu’il y a à faire pour un pareil ouvrage, sont immenses, &amp; que le public en l’achetant ne payera pas les ports de Lettres qu’il a coûtez. Ainsi l’on peut dire avec verité que c’est une liberalité qu’on luy fait.</p>
            <p>On trouvera à la fin de ce Volume, qui se vendra le 9<hi rend="sup">e</hi>. jour d’Aoust, les noms &amp; les actions éclatantes de ceux qui se sont personnellement distinguez ; j’entens indépendemment de ce que leurs Corps ont fait.</p>
          </quote>
        </div>
      </div>
      <div type="tome" xml:id="MG-1708-08">
        <head><hi rend="i">Le Nouveau Mercure Galant</hi>, août 1708 [tome 9]</head>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-08_5">
          <head>Au Roy. Poeme</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, août 1708 [tome 9], p. 5-15.</bibl>
          <p/>
          <p>Je crois ne pouvoir mieux commencer ma Lettre que par l’ouvrage suivant. Les actions dont il parle doivent vous faire connoistre qu’il y a déja plusieurs mois que cet ouvrage est composé.</p>
          <quote>
            <label>AU ROY.<lb/><hi rend="i">POEME.</hi></label>
            <lg>
              <l>Magnanime Heros, dont la grandeur suprême</l>
              <l>Est le prix éclatant d’une sagesse extrême.</l>
              <l><hi rend="sc">Toy</hi>, qui sçais en tout temps commander &amp; regner,</l>
              <l>Et pour combler nos vœux, te plaist à l’enseigner ;</l>
              <l>Charmé de tes vertus, plein du feu qui m’anime.</l>
              <l><hi rend="sc">Louis</hi>, je viens t’offrir un encens legitime.</l>
              <l>Je celebre ta gloire, heureux si mes accords</l>
              <l>Répondent à mon zele, &amp; suivent mes transports.</l>
              <l>Ma Muse à tes hauts faits mille fois attentive,</l>
              <l>T’a chanté, couronné de lauriers &amp; d’olive,</l>
              <l>Tantost fier, intrepide au milieu des hasards,</l>
              <l>Dont jadis l’aspect seul fit fremir les Cesars,</l>
              <l>Forçant les plus hauts murs, surmontant mille obstacles,</l>
              <l>Dans tes moindres projets enfantant des miracles :</l>
              <l>Eclairant tes Conseils, animant tes Soldats,</l>
              <l>Maîtrisant la Victoire attachée à tes pas :</l>
              <l>Tantôt Heros modeste, &amp; Vainqueur toûjours sage ;</l>
              <l>Du Demon des combats arretant le carnage,</l>
              <l>Et dans l’éclat pompeux des Triomphes guerriers,</l>
              <l>Aux douceurs de la Paix * immolant tes lauriers,</l>
              <l>Unissant dans ton cœur le Heros au Roy juste ;</l>
              <l>La vaillance de Jule &amp; la bonté d’Auguste,</l>
              <l>Suspendant le Tonnerre, &amp; content de tonner,</l>
              <l>Aussi lent à punir que prompt à pardonner ;</l>
              <l>Et par les nobles traits d’une vertu si pure</l>
              <l>Du Monarque des cieux retraçant la peinture.</l>
              <l>Ouy, Grand Roy, ta sagesse &amp; tes exploits divers</l>
              <l>Ont esté mille fois l’objet de mes concerts.</l>
              <l>Que de chants solemnels, quand je vis ta clemence</l>
              <l>Dérober à ton bras les droits de ta vaillance,</l>
              <l>Et ton cœur genereux prévenant nos souhaits</l>
              <l>Moissonner des lauriers dans le champ de la Paix !</l>
              <l>Quand dédaignant l’éclat d’une gloire commune,</l>
              <l>Maistre de tes desirs, plus grand que la Fortune,</l>
              <l>Devenant le salut de cent Peuples vaincus,</l>
              <l>Tu trouvois dequoy vaincre en ne les vainquant plus :</l>
              <l>Quand le Duel détruit, les Erreurs étouffées,</l>
              <l>Tous les jours à ta gloire érigeoient des trophées.</l>
              <l>Et ton pouvoir suprême appelloit à tes pieds</l>
              <l>Des Souverains jaloux, soûmis, humiliez,</l>
              <l>Qui faisant succeder leur amour à leurs haines †</l>
              <l>Venoient baiser la main qui leur donnoit des chaînes ;</l>
              <l>Et frappez de l’éclat qui brilloit à leurs yeux,</l>
              <l>Remplissant l’Univers de ton nom glorieux.</l>
              <l>Quels chants, lorsque forcé de reprendre ta foudre,</l>
              <l>A cent nouveaux Titans tu fis mordre la poudre,</l>
              <l>Et que montrant par tout ta puissance &amp; tes droits,</l>
              <l>On te vit proteger, vaincre, faire des Rois,</l>
              <l>Prevenir, dissiper la tempête &amp; l’orage.</l>
              <l>Effrayer le Danube &amp; rassurer le Tage,</l>
              <l>Le rendre plus celebre, augmenter ses trésors,</l>
              <l>Instruire un jeune Mars a deffendre ses bords ;</l>
              <l>Renouveller du Rhin les allarmes sanglantes ;</l>
              <l>Faire fremir l’Oder sous tes Armes tonnantes ;</l>
              <l>Disposer du destin de cent Combats divers,</l>
              <l>D’une seule Campagne ‡ étonner l’Univers ?</l>
              <l>Mais que vois-je ! tout change, &amp; Mars &amp; la Victoire</l>
              <l>Grand Roy, semblent tourner leurs traits contre ta gloire ;</l>
              <l>Quoi ! ces Dieux aujourd’huy conspirent contre toi</l>
              <l>Qui t’aidoient à ranger l’Univers sous ta Loy ;</l>
              <l>Vains &amp; foibles efforts ! tous sert à ta sagesse</l>
              <l>Tu vainquois sans orgueil, tu cedes sans foiblesse,</l>
              <l>Rien n’abbat ton grand cœur ; la vertu le soutient</l>
              <l>Les Destins sont contens, la Victoire revient ;</l>
              <l>Elle s’offre à tes yeux avec ses premiers charmes,</l>
              <l>Au party qui la perd renvoyant les allarmes</l>
              <l>D’un front qui les ternit arrachant ses Lauriers,</l>
              <l>Au champs Hesperiens elle suit tes Guerriers,</l>
              <l>Et déja sur les pas du fier Duc de ta race,</l>
              <l>De l’Aigle au becs affreux elle confond l’audace,</l>
              <l>Renduë à la valeur, soumise à l’équité,</l>
              <l>Elle enchaîne &amp; punit le Rebelle dompté ;</l>
              <l>Et par tout detestant l’orguëil qui l’a surprise,</l>
              <l>Elle expie à ton gré sa fatale méprise.</l>
              <l>Mars seconde tes vœux sur la terre &amp; les flots,</l>
              <l>Icy l’Anglois s’arreste à l’aspect du Heros, §</l>
              <l>Dont l’Adda sur ses bords vit la fiere vaillance</l>
              <l>D’un superbe Guerrier confondre l’arrogance ;</l>
              <l>Là le feu dans les yeux, &amp; la foudre à la main,</l>
              <l>Le Vainqueur (<hi rend="i">a</hi>) du Danube épouvante le Rhin.</l>
              <l>Plus prés, ces fiers Titans, qui par mer (<hi rend="i">b</hi>) &amp; par terre</l>
              <l>Vont jusques dans tes Ports défier ton tonnerre :</l>
              <l>Prévenus, repoussez, déchûs de tout espoir,</l>
              <l>Eternisent ta gloire, &amp; montrent ton pouvoir ;</l>
              <l>Et ce nuage affreux gros de mille tempestes</l>
              <l>Qui menaçoit tes Lis, va crever sur leurs testes.</l>
            </lg>
            <note><p>* La Paix de Nimegue.</p></note>
            <note><p>* Le Doge de Gennes.</p></note>
            <note><p>* La Campagne de 1703.</p></note>
            <note><p>* Mr le Duc de Vendosme.</p></note>
            <note><p><hi rend="i">a</hi> Mr le Maréchal de Villars.</p></note>
            <note><p><hi rend="i">b</hi> La Levée du Siege de Toulon.</p></note>
          </quote>
          <p>Si je sçavois le nom de l’Auteur de cet ouvrage, je luy rendrois la justice qui luy est dûë.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-08_106">
          <head>[Fête de collège à Narbonne]*</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, août 1708 [tome 9], p. 106-108.</bibl>
          <p/>
          <quote>
            <p><hi rend="i">Quelques jours aprés la Ceremonie qui donne occasion à cette Relation, les Peres de la Doctrine Chrétienne, qui ont le College de cette ville, ne voulant pas garder le silence dans une joye si generale, firent à ce sujet &amp; à la loüange de M. l’Archevêque une action publique, ou rien de tout ce qui peut donner de l’éclat à une fête de College, ne fut oublié. M. l’Evesque d’Alet étoit venu voir M. l’Archevesque, &amp; ces deux grands Prelats voulurent bien honorer cette Feste de leur presence, pour donner de l’émulation aux Ecoliers dans leurs exercices de literature.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Aprés un fort beau compliment Latin, on recita des vers Grecs, qui furent estimez de tous ceux à qui cette langue est aussi familiere qu’au sçavant Prelat à qui ils étoient adressez. On entendit ensuite un Poëme Latin, où la fiction qui fait la beauté des Poëmes épiques, ne fut pas moins admirée que l’élegance &amp; la noblesse des Vers. On declama ensuite toutes sortes d’ouvrages sur le mesme sujet, &amp; en toutes langues, Odes, Sonnets, Rondeaux, Epigrammes, tout fut mis en œuvre, &amp; d’autant plus estimé, qu’on n’avoit eu que huit jours pour se preparer. L’execution répondit parfaitement à la beauté des ouvrages ; &amp; la grace avec laquelle ces jeunes Enfans declamerent leurs Vers, soutint fort bien l’érudition &amp; la reputation de leurs Maîtres.</hi></p>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-08_140">
          <head>[Détail des Ceremonies qui se sont faites à Tortose, lorsque S.A.R. s’est trouvée au <hi rend="i">Te Deum</hi> qu’elle y a fait chanter en actions de graces de la reduction de la même Ville]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, août 1708 [tome 9], p. 140-148.</bibl>
          <p/>
          <p>La Lettre qui suit concernant encore l’Espagne, tiendra parfaitement bien son rang à la suite des Articles que vous venez de lire.</p>
          <quote>
            <label>Au Camp de los Mazos de Mora, le 25. Juillet 1708.</label>
            <p><hi rend="i">Ce n’est pas assez de vous avoir mandé le détail de ce qui a précédé la prise de Tortose, qui fait tant d’honneur à Son Altesse Royale Monsieur le Duc d’Orleans. Je vois bien qu’il faut suivre cette affaire jusqu’au bout, &amp; ne rien oublier de ce qui regarde la gloire de ce Prince pour satisfaire entierement le zele &amp; l’attachement que vous avez pour sa personne.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Son Altesse Royale fit Jeudi dernier</hi> 19. <hi rend="i">de ce mois son entrée dans Tortose ; les Jurats la reçurent à la porte de cette Ville sous un dais sous lequel ce Prince ne marcha qu’un moment, &amp; il se rendit accompagné de ces Jurats &amp; de la Noblesse, des Officiers Generaux &amp; de ceux de sa Maison passant au milieu des Troupes qui étoient en haye au bas d’une ruë qui conduit à la Cathedrale où Messieurs du Chapitre l’attendoient. Ils avoient au bas, de cette rue fait dresser un Autel, sur lequel ils avoient posé une Croix où ils conservent un morceau considerable de la vraye Croix de Nostre Seigneur ; elle étoit entourée de chandeliers remplis de cierges ; le Tresorier en Chape avec deux autres Dignitez de ce Chapitre aprés avoir presenté de l’Eau-benîte à Son Altesse Royale, lui presenterent cette Croix à baiser, &amp; ensuite encenserent son Altesse Royale à laquelle ils firent à peu prés la même Ceremonie que lui avoient fait l’an passé Messieurs de Saragosse, &amp; ils la reçurent au rang des Chanoines en luy faisant tenir une espece de devant d’Autel dont ils portoient chacun un Cordon avec sa houpe, &amp; ils marcherent tous en cet état &amp; se rendirent dans la Cathedrale.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Son Altesse Royale étant arrivée à la porte de l’Eglise, le Tresorier luy présenta encore de l’Eau benîte &amp; l’encensa. Cette marche étoit precedée par les Ecclesiastiques &amp; les Musiciens de cette Eglise, &amp; devant &amp; aprés son Altesse Royale, marchoient ses Officiers selon le rang de leur Charge, &amp; tout ce Cortege au milieu des Troupes les, Musiciens &amp; les Ecclesiastiques chantant des Cantiques &amp; des Motets d’allegresse. On se rendit dans cet ordre devant le Maître Autel au milieu duquel le Tresorier qui est la premiere Dignité de cette Eglise, entonna le</hi> Te Deum, <hi rend="i">à la fin duquel il dit les Oraisons en actions de graces pour le Roy, &amp; pour la Paix qui sont marquées dans le Rituel Romain, avec une Oraison pour la conservation de la Personne de Philippe Duc d’Orleans. Ensuite le Tresorier avec ses deux Dignitez &amp; les Prêtres assistans tirerent du grand Autel un Reliquaire d’or dans lequel est renfermé un morceau considerable d’une Ceinture de la Sainte Vierge, qui paroît presque entiere. Cette Relique est dans tout le pays, &amp; même dans toute l’Espagne dans une singuliere veneration. On dit même que lorsque les Reines d’Espagne sont sur le terme d’accoucher, on leur porte en grande ceremonie cette sacrée Ceinture. Ces Mrs l’avoient envelopée d’une autre ceinture de ruban rouge qu’ils tirerent de ce Reliquaire, &amp; ils en firent present à son Altesse Royale qui la remit à Mr l’Abbé Desrabines, Aumônier de ce Prince qui avoit l’honneur de marcher en Rochet à sa droite. Quand ces Messieurs les Chanoines eurent fait baiser cette Relique à S.A. Royale, &amp; que toute la Ceremonie fut finie, ce Prince sortit de l’Eglise &amp; tout le Chapitre l’accompagna jusques dans la ruë, aprés quoi son Altesse Royale alla dîner chez Mr Dasfeld, dans la Maison duquel elle travailla avec ses Generaux deux heures avant, &amp; deux heures aprés le dîner ; le lendemain Vendredy vingtiéme une partie des Troupes de l’Armée &amp; des Officiers de Son Altesse Royale vint camper à Tibens, le le Samedi à Benisalet, &amp; le Dimanche à Ginestar où ce Prince ne put se rendre que le Lundi, &amp; d’où il vint camper ici le même jour.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Nous sommes vis-à-vis une petite ville nommée</hi> Mora, <hi rend="i">l’Ebre entre cette Ville &amp; nous. Elle illumina tout le clocher de sa principale Eglise le soir du Lundi ; on tira de cette Ville, dont toutes les fenestres étoient illuminées, un grands nombre de coups de fusils.</hi></p>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-08_151">
          <head>Epithalame sur le Mariage de Mr le Marquis de Villequier, avec Mlle de Guiscard</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, août 1708 [tome 9], p. 151-160.</bibl>
          <p/>
          <p>Pendant que les uns exposent leur sang pour le service du Roy &amp; de l’Etat, les autres se marient afin que l’Etat ne manque pas de braves, &amp; qu’ils puissent se succeder les uns aux autres. Il se fait peu de mariages de distinction, sans que quelques beaux Esprits exercent leurs veines en faisant des Epithalames. Celle qui suit est de Mr de la Fosse, dont les Pieces de Theatre ont souvent brillé sur la Scene avec beaucoup d’éclat.</p>
          <quote>
            <label><hi rend="i">EPITHALAME</hi><lb/><hi rend="i">Sur le Mariage de Mr le Marquis de Villequier, avec Mlle de Guiscard.</hi></label>
            <lg>
              <l>Allume tes flambeaux à celuy de l’Amour ;</l>
              <l>Prepare tes doux nœuds, Himen, voici ton jour.</l>
              <l>Et vous, Sœurs d’Apollon, pour celebrer la feste,</l>
              <l>Venez, la lyre en main, les lauriers sur la teste ;</l>
              <l>Venez &amp; si mon choix, dés mes plus jeunes ans,</l>
              <l>Aux biens les plus flatteurs prefera vos presens ;</l>
              <l>Si l’ombre de vos Bois me fut toûjours plus chere,</l>
              <l>Que l’éclat des grandeurs qu’adore le vulgaire,</l>
              <l>De vôtre feu divin soutenez mes efforts,</l>
              <l>Et souffrez que ma voix s’unisse à vos accords.</l>
              <l>Jamais sujet plus beau n’échauffa vostre zele ;</l>
              <l>Jamais de deux Amans une union plus belle</l>
              <l>Ne fit honneur au Dieu qui les mit sous sa loi.</l>
              <l>C’est l’Amour &amp; Psyché qui se donnent la foi.</l>
              <l> L’un au beau sang d’<hi rend="sc">Aumont</hi> doit le jour qu’il respire.</l>
              <l>Pour meriter vos soins, ce Nom seul doit suffire.</l>
              <l>C’est sous ce nom, reçu d’un long ordre d’ayeux,</l>
              <l>Que son Pere aujourd’hui, vôtre appuy glorieux,</l>
              <l>Aux plus hautes vertus d’un Heros magnanime</l>
              <l>Mesle, pour les beaux Arts, son goust &amp; son estime.</l>
              <l>C’est chez luy, que trouvant un sort tranquile &amp; doux,</l>
              <l>J’éprouve en ses bontez sa tendresse pour vous.</l>
              <l> Et n’apprehendez pas qu’à vos chants moins sensible,</l>
              <l>Son Fils montre pour vous un cœur moins accessible.</l>
              <l>Touché de leur douceur, &amp; de la Gloire épris,</l>
              <l>Il écoute sa voix dans vos nobles écrits.</l>
              <l>Plein des Tableaux fameux d’Homere &amp; de Virgile,</l>
              <l>Il s’anime aux Exploits &amp; d’Enée, &amp; d’Achile ;</l>
              <l>Il en aime avec goust tous les traits éclatans,</l>
              <l>Il y nourrit son cœur Bien-tost viendra le temps,</l>
              <l>Ce temps si desiré de son jeune courage,</l>
              <l>Où du mêtier de Mars le noble apprentissage</l>
              <l>Luy fera pratiquer vos sublimes leçons.</l>
              <l>Quelle matiere alors à vos doctes chansons !</l>
              <l>O qu’alors attentif à sa nouvelle gloire,</l>
              <l>J’espere en consacrer l’immortelle memoire</l>
              <l>Par des sons si puissans, aidez de vos secours,</l>
              <l>Que vos eaux, pour m’entendre, arresteront leurs cours !</l>
              <l>Mais où m’emportes-tu, trop flatteuse esperance ?</l>
              <l> L’autre au sang de <hi rend="sc">Guiscard</hi> doit sa haute naissance.</l>
              <l>En elle on voit briller cet éclat respecté</l>
              <l>Que la noble pudeur ajoûte à la beauté.</l>
              <l>Elle y joint l’esprit doux, vif, toujours seur de plaire :</l>
              <l>Digne fruit de l’exemple &amp; des soins d’une mere.</l>
              <l>Du bonheur d’un Epoux quels présages flatteurs !</l>
              <l> Ma voix est écoutée, &amp; je vois les neuf Sœurs.</l>
              <l>Elles viennent à moy, pleines d’impatience.</l>
              <l>Je sens mes doux transports accrus par leur presence.</l>
              <l> Mais quels soudains éclairs viennent fraper mes yeux ?</l>
              <l>Le Ciel s’ouvre, Venus, Venus vient en ces lieux.</l>
              <l>C’est elle, à ses côtez les Graces demi-nuës,</l>
              <l>Son char pompeux roulant sur de brillantes nuës,</l>
              <l>Poussé par les Zephirs, par des Cygnes tiré,</l>
              <l>Cette foule d’Amours dont il est entouré,</l>
              <l>L’air plus doux, plus serein, dés qu’on l’a vû paroître,</l>
              <l>Ou plutost ses attraits la font trop reconnoître.</l>
              <l>Ce fut dans cet estat qu’elle vint autrefois</l>
              <l>Se montrer à Paris, &amp; demander sa voix.</l>
              <l> Mais ne va pas plus loin belle Déesse arreste ;</l>
              <l>A quels perils tu cours ! Il est dans cette Feste,</l>
              <l>Il est, pour t’exposer à de nouveaux débats,</l>
              <l>Et plus d’une Junon, &amp; plus d’une Pallas.</l>
              <l>Par l’éclat tout puissant de tes beautez fatales,</l>
              <l>Tu vainquis, il est vrai, ces deux fieres Rivales :</l>
              <l>Mais enfin leurs attraits differens, divisez,</l>
              <l>En devoient estre aux tiens à vaincre plus aisez.</l>
              <l>Quel succés aura lieu de flatter ton attente,</l>
              <l>Lorsque du jeune Epoux la Mere ébloüissante,</l>
              <l>A tes veux montrera ses charmes infinis,</l>
              <l>Où l’on voit tous les leurs, tous les tiens réünis ?</l>
              <l>Je ne t’en dis point trop : A toutes trois semblable,</l>
              <l>Elle a l’air de Junon, noble, grand, respectable ;</l>
              <l>Les vertus de Pallas, &amp; son port gracieux ;</l>
              <l>La douceur de tes traits, ton soûrire, &amp; tes yeux.</l>
              <l>Crois moi, Déesse, évite un affront manifeste,</l>
              <l>Et remonte au plutost à la voûte celeste :</l>
              <l>Fui les cruels chagrins que tu peux prévenir.</l>
              <l> Mais pourquoy de ces lieux te voudrois je bannir ?</l>
              <l>Soit par tes propres yeux, ou par la Renommée,</l>
              <l>De toute sa beauté tu dois estre informée ;</l>
              <l>Et puisque tu poursuis ton dessein &amp; tes pas,</l>
              <l>Tu viens preste à ceder le prix à ses appas.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-08_160">
          <head>Air nouveau</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, août 1708 [tome 9], p. 160-161.</bibl>
          <p/>
          <p>Les Epithalames estant des chants de joye, la Chanson qui suit tiendra bien sa place aprés l’Epithalame que vous venez de lire.</p>
          <quote>
            <label>AIR NOUVEAU.</label>
            <lg>
              <l> <hi rend="i">Que je vous plaints, brillantes fleurs,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">De n’avoir pas plus de merite,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Quand vous serez auprés du sein de Marguerite</hi></l>
              <l><hi rend="i">Son éclat va ternir vos plus vives couleurs.</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Tout en cette belle est aimable,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Son teint vif, sa bouche admirable,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Une douce langueur, l’air tendre, un œil charmant,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Pour un heureux Amant</hi></l>
              <l><hi rend="i">Rendroient Gogo toute adorable.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-08_161">
          <head>[Mort de l’Abbé Miloni]*</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, août 1708 [tome 9], p. 161-191.</bibl>
          <p/>
          <p>On a beau chanter &amp; danser, il faut souvent quitter tous les divertissemens pour penser à la mort ; &amp; comme il n’y point d’articles si frequens dans mes Lettres que ceux qui en parlent, je suis obligé de les recommencer souvent dans la mesme Lettre.</p>
          <p>Mre N… de Gruel, Marquis de la Frette, est mort depuis peu. Il estoit fils de feu Mre Pierre de Gruel, Seigneur de la Frette, Mestre de Camp, Capitaine des Gardes de feu Monsieur Gaston de France, &amp; de Dame Barbe Servien, qui avoit épousé en premieres nôces Mr le Feron, Conseiller au Parlement, dont elle avoit eu une fille unique ; sçavoir, Elizabeth le Feron, mariée en 1651. à Jacques Estuart, Marquis de Saint Maigrin, Capitaine Lieutenant des Chevaux Legers de la Garde, &amp; Lieutenant General des Armées du Roy, tué le 2. Juillet de l’an 1652. au combat de la Porte saint Antoine, &amp; en 1655. avec Charles d’Albert d’Ailly, Duc de Chaunes, Pair de France, Gouverneur de Bretagne, &amp; ensuite de Guienne, deux fois Ambassadeur à Rome, &amp; mort en 1698. Madame la Duchesse de Chaunes mourut le 6. Mars de l’année suivante ; ainsi elle estoit sœur uterine de Mr le Marquis de la Frette, qui vient de mourir. La Maison de Gruel est une des plus anciennes de Poitou &amp; de la Marche ; elle y est alliée aux plus considerables de ces Provinces, elle y a soûtenu la grandeur de son origine par de grands biens, de grandes dignitez, &amp; par de hautes alliances. Feu Mr le Marquis de la Frette, pere de celuy qui vient de mourir, avoit passé une partie de sa vie dans le service, où il s’estoit distingué par un grand nombre d’actions de valeur. Ses enfans ont suivy de si glorieux exemples, &amp; ils n’ont pas moins marqué de fermeté dans toutes les actions où ils se sont trouvez. Celuy dont je vous apprens la mort herita en 1699. de Madame la Duchesse de Chaunes sa sœur, morte sans enfans. La Maison de Gruel a formé diverses branches, qui sont presque toutes éteintes. Elles ont produit en differens temps de grands hommes dans l’Eglise &amp; dans l’épée. Barthelemy de Gruel fut tres-celebre par ses faits d’armes sous Henry II. &amp; il se distingua beaucoup au Siege de Mets.</p>
          <p>Messire Jean de Tirmois, Chevalier Seigneur d’Herqueville, Soûdoyen des Conseillers du Parlement de Rouen, est mort âgé de 88. ans, aprés avoir raporté deux Procez le jour precedent : il avoit beaucoup de capacité &amp; de probité : il estoit d’une ancienne noblesse, &amp; le chef de sa famille vint de Bretagne s’établir en Normandie en 1370.</p>
          <p>Me Gargam Veuve de Mre Pierre de Larche, President aux Enquêtes du Parlement, est morte âgée de plus de 90. ans, ayant conservé le parfait usage de sa raison jusqu’à son dernier soupir. Elle avoit passé sa vie dans l’exercice des vertus Chrétiennes ; elle étoit tres-officieuse amie. Sa famille qui est originaire de Champagne, a produit beaucoup de gens de lettres.</p>
          <p>Mrs de Gargam sont alliez à Mrs de Couion originaires de la même Province de Champagne, &amp; à Mrs Jubert de Bouville. Feu Mr le President de Larche étoit un des plus habiles Magistrats du Parlement de Paris. Il s’étoit acquis une estime universelle par sa probité par son desinteressement &amp; par l’étenduë de ses lumieres.</p>
          <p>Le Pere Charles le Gobien de la Compagnie de Jesus est mort dans la Maison professe des Jesuites de cette ville âgé de 57. ans ou environ ; il étoit de Saint Malo, &amp; d’une Maison assez considerable. Il entra jeune dans la Compagnie de Jesus, &amp; il s’y distingua bien-tôt par sa vertu &amp; son zele, pour la sanctification du prochain encore plus que par son esprit. Il travailloit particulierement à la Propagation de la Foy Catholique ; il a travaillé sans relâche pendant tout le cours de sa vie à un aussi saint ouvrage. Il a fait un Recueil de huit volumes de Lettres pieuses &amp; édifiantes, écrites par les Missionaires de sa Compagnie dans l’Orient. Dans le huitiéme Recueil publié dans le temps que le Pere le Gobien est mort ce zelé Religieux a donné de pieuses &amp; judicieuses reflexions sur la conduite des Missionnaires dans l’Empire de la Chine &amp; des Remarques sur la maniere dont les étrangers y sont reçus &amp; doivent s’y conduire ; on ne peut rien voir de plus édifiant ny qui réponde mieux au titre de ce Recueil. La Preface du 1. Volume, qui est tres-belle &amp; tres-curieuse, renferme la vie du Pere Verjus qui a passé la plus grande partie de sa vie à travailler au progrés ou à l’entretien des Missions de l’Orient. On y trouve des choses tres-interessantes qui regardent ce Pere, qui étoit frere de Mr de Crecy Plenipotentiaire à Nimegue &amp; à Riswik. Le le P. Gobien n’étoit pas le seul sçavant de sa famille, N… le Gobien qui vivoit dans le dernier siecle, &amp; dont divers Auteurs ont parlé avec éloge, luy a fait beaucoup d’honneur.</p>
          <p>Je dois ajouter que dans les Lettres recueillies par le Pere le Gobien dont je viens de vous parler ; on trouve l’Histoire de l’établissement de deux nouvelles Missions dans l’Amerique Meridionale, &amp; l’Histoire de la découverte des Isles Marianes qu’on ne connoissoit presque point il y a quelques années, &amp; il y rapporte avec une grande exactitude, tout ce qui s’y est passé depuis que les Missionnaires y ont penetré.</p>
          <p>Mr de la Ruë Capitaine de vaisseau, qui fut emporté d’un boulet de canon dans une des dernieres actions qui se sont passées sur mer, avoit épousé Mlle Gobien, niece du Jesuite dont je vous apprens la mort, &amp; fille de son frere aîné, qui étoit chef d’une Maison qualifiée de S. Malo.</p>
          <p>Le Pere Dom Sanlecque, Prieur de la Chartreuse de Luny, est mort dans de vifs sentimens de pieté. Il avoit esté Procureur de celle de Paris pendant prés de 35. ans, &amp; il en a gouverné le temporel avec beaucoup de succés. Ce Religieux estoit recommandable par sa vertu &amp; par ses talens. Il sçavoit les belles Lettres, &amp; il excelloit dans la partie de la Physique qui regarde les Mechaniques. Il fut tiré il y a 4. ou 5. ans de la Chartreuse de Paris pour gouverner celle de Luny en Champagne, proche la ville de Langres. C’est dans cette mesme Chartreuse qui subsistoit déja dans le 13<hi rend="sup">e</hi> siecle, que le fameux Imposteur Tilon Colup, qui se faisoit passer dans ce siecle-là pour l’Empereur Frederic II. excommunié au premier Concile general de Lyon, &amp; mort en 1270. supposoit s’estre sauvé en 1268. aprés que Charles d’Anjou Roy de Naples, y eut fait trancher la teste à Conradin son pretendu petit fils. Il disoit pour colorer son imposture que s’appercevant qu’on vouloit attenter à sa vie, il resolut de s’enfermer dans un Monastere, &amp; que par le secours d’un Serviteur fidele, il estoit entré dans la Chartreuse de Squillace en Calabre, sous un nom supposé, en qualité de Frere Oblat, &amp; de-là qu’il estoit passé en celle de Luny en Champagne. L’Empereur Rodolphe I. chef de la Maison d’Autriche l’ayant enfin en des Habitans de Nuys, chez lesquels il s’estoit refugié, le fit brûler. Le Pere Dom Sanlecque estoit cousin germain du fameux Pere Sanlecque, Chanoine Regulier de saint Augustin, de la Congregation de sainte Geneviéve, connu par ses talens, sur tout par celuy qu’il a pour la Poësie, &amp; qui avoit esté nommé à l’Evêché de Bethléem par feu Mr le Duc de Nevers son amy ; mais qui ne jugea pas à propos de profiter de cette grace.</p>
          <p>Mr le Comte Leopold de Lobcowitz, Chambellan de l’Empereur, est mort à Vienne dans de grands sentimens de pieté. Il a esté fort regreté de cette Cour ; ses manieres polies, sa generosité &amp; la vertu dont il avoit fait toute sa vie une exacte profession, l’y avoient fait generalement estimer. Il estoit d’une tres grande Maison, originaire de Silesie, &amp; qui avoit produit en divers temps de grands Hommes dans le Ministere &amp; dans l’Epée. Ce Comte avoit porté les armes une partie de sa vie, &amp; il avoit donné des preuves de sa valeur dans les guerres de Hongrie, où il s’estoit signalé pour le service de l’Empereur son Maistre. Il estoit fort amy de feu Mr Brockuys, tres-celebre Poëte Latin, &amp; dont on vend à present en Hollande la nombreuse Bibliotheque. Il estoit aussi amy de Mr Hofman, fameux Medecin, &amp; un des ornemens de la Cour de Berlin, qui vient de publier depuis peu des Dissertations choisies sur la Physique &amp; sur la Medecine. Il y avoit peu de Sçavans en Allemagne qui n’eussent des liaisons particulieres avec ce Seigneur, qui s’appliquoit à faire connoître leur merite, &amp; à leur procurer les graces qui pouvoient dépendre de son ministere. Il avoit esté un peu mêlé dans la querelle de Mr le Marquis Orsi, qui a fait depuis peu des Remarques sur <hi rend="i">la maniere de bien penser, sur les Ouvrages d’esprit du Pere Bouhours.</hi></p>
          <p>Mre Loüis Dessalles, Seigneur des Vouthons, est mort âgé de prés de quatre-vingts ans dans son Château de Condé en Lorraine. Il étoit Bailli d’Epinal, &amp; Conseiller d’Etat de S.A.R. Monsieur le Duc de Lorraine. Ce Comte avoit porté les armes avec beaucoup de distinction. Il avoit esté Lieutenant Colonel du Regiment de Marsin, &amp; il avoit exercé pendant 2. Campagnes la Charge de Maréchal des logis de la Cavalerie de France en Catalogne, sçavoir en 1673. &amp; en 1674.</p>
          <p>La Maison Dessales est une des plus anciennes du Royaume ; elle est originaire du Bearn. Antoine Dessalles vivoit sous les regnes de Charles VII. &amp; de Loüis XI. Pierre Dessales son fils fut nommé Page de la Chambre de Loüis XI. &amp; il se trouva en l’année 1467. à la Bataille de Montlhery ; en 1477. il se trouva à celle de Nancy où il vit perir le Duc de Bourgogne Charles le Guerrier. Il épousa en l’année 1490. en premieres nôces Dame Nicole de Vernancourt de Gombervaux. Philippe Dessales l’un des plus vaillans hommes du seiziéme siecle fut marié aussi 2. fois ; Renée d’Haussonville-Vaubecourt grande tante de feu Mr le Comte de Vaubecourt, &amp; de Mr l’Evêque de Montauban fut sa seconde femme ; il l’épousa en 1755. il en eut 6. enfans, dont Jean Dessalles fut l’aîné. Ce dernier fut dans une grande consideration à la Cour de Lorraine ; Charles III. Duc de Lorraine le fit Conseiller d’Etat, &amp; luy donna la qualité de Chambellan. Christophle Dessalles luy succeda, &amp; fut de plus Gouverneur de Vitri. Claude Dessales Maréchal de Camp sous le Regne d’Henri IV. en descendoit ; il suivit ce Monarque dans toutes ses Campagnes, &amp; le servit avec une fidelité inviolable. Henri Dessales son fils fut Guidon des Gendarmes de Mr le Duc de Boüillon grandpere de celuy qui porte aujourd’huy ce nom, &amp; il épousa Dame Elizabeth de Meraude, niece &amp; heritiere de feu Mr l’Electeur de Treves &amp; de la même Maison que Mlle de Meraude qui a épousé depuis environ un an Mr le Marquis de Plancy-Guenegaud. Henry Dessalles eut de cette Dame neuf enfans, du nombre desquels étoit Henry Dessales, Seigneur des Vouthons qui de Marie-Magdelaine d’Aubry eut Mr le Comte Dessales qui vient de mourir, &amp; qui étoit allié aux meilleures Maisons de Lorraine &amp; de France. Mr Dessales est mort dans grands sentimens de Religion ; il s’est preparé à la mort pendant plus d’une année, &amp; durant tout ce temps-là il n’a voulu entendre parler que des choses qui avoient rapport à son salut. De si saintes dispositions ont esté suivies d’une mort bien Chrétienne &amp; bien édifiante. Ses dernieres paroles ont esté remplies d’expressions du plus vif amour de Dieu, &amp; quoi qu’il n’eût aucun goût pour la spiritualité pendant sa vie, on peut dire qu’il en a pris tout d’un coup dans ses derniers jours l’esprit &amp; les maximes. Mr le Duc de Lorraine &amp; Mr l’Evêque d’Osnabrug son frere ont parlé à l’occasion de cette mort d’une maniere qui fait beaucoup d’honneur à cette Maison.</p>
          <p>M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé Miloni est mort depuis quelque temps en Italie. Il estoit celebre par sa sagesse &amp; par l’égalité de ses mœurs. On le consultoit de toutes parts sur la conduite de la vie, &amp; personne ne pensoit plus juste que luy sur la morale. On a publié depuis sa mort à Rome, un Livre Italien de sa composition, qui a pour titre : <hi rend="i">Les Consolations de la Vieillesse</hi>, dediées à M<hi rend="sup">r</hi> le Cardinal Colloredo, ami particulier de cet Abbé. Ce judicieux Auteur fait voir dans les deux parties de cet ouvrage tout ce que Dieu, comme Auteur de la nature, fournit d’avantageux à la Vieillesse, &amp; tout ce qu’il y répand de benedictions, comme Auteur de la grace. On voit par là selon le Plan de cet Abbé, que la foiblesse de ceux qui, parvenus au periode de leur vie, en trouvent le fardeau, pesant, &amp; l’on y prépare les autres, qui jeunes encore ne l’envisagent qu’avec crainte, quoy qu’ils souhaitent d’y arriver.</p>
          <p>Ciceron n’a l’avantage sur Mr l’Abbé Miloni dans l’ouvrage excellent qu’il a fait sur la Vieillesse, que l’ancienneté ; car cet Abbé pousse aussi loin ses raisonnemens &amp; ses reflexions sur les avantages &amp; les douceurs de la Vieillesse, que l’Orateur Romain.</p>
          <p>Mr l’Abbé Miloni estoit fort lié avec Mr Berenga de Boulogne, &amp; il engagea autrefois cet illustre Italien à travailler à son <hi rend="i">Proseo Secretario</hi>. Mr Miloni travailloit lorsqu’il est mort, a accommoder Mr Dini, Podestat de Boulogne, &amp; Mr Tedeschi, qui estoient aux prises il y a long-temps sur les bornes de la Jurisdiction de cette Ville. Mr l’Abbé Miloni engagea aussi, il y à quelques années, Mr Fabricius d’Hambourg à faire imprimer les Prefaces &amp; les Epitres de Grœvius, qu’il avoit entre les mains depuis la mort de ce dernier. Il engagea aussi Mr Valdschmidt premier Medecin du Landgrave de Hesse, connu par son attachement pour la Philosophie Cartesienne, à donner une édition plus ample &amp; plus correcte de ses ouvrages, &amp; qui a esté depuis publiée à Francfort, aux dépens de Frederic Knochius, celebre Libraire de cette Ville. Il n’y avoit pas long-temps que Mr Miloni, lorsqu’il est mort, avoit envoyé des Memoires à M<hi rend="sup">r</hi> Ouerbeck en Hollande pour les inserer dans sa description des Monumens antiques de Rome, gravez sur les Desseins levez à Rome même, par son cousin feu Mr Ouerbeck en Hollande, Peintre distingué. On n’a rien vû encore de plus exact sur cette matiere. Mr de Barbeyrac qui a donné une Traduction Françoise des Sermons de feu Mr Tillolson Archevêque de Cantorbery, estoit un des meilleurs amis de Mr Miloni ; ils s’étoient souvent visitez, &amp; s’estoient mutuellement fait part de leurs lumieres ; &amp; c’est à la priere de ces deux illustres amis que Mr Leydeker avoit enfin pris la résolution de rendre public son second tome de la Republique les Hebreux, où il traite de l’état des Juifs depuis le Schisme de Jeroboam jusqu’à la ruine de Jerusalem par Titus, frere de Domitien &amp; fils de Vespasien. Mr Masson, qui a donné depuis peu la vie d’Ovide tirée de ses ouvrages, &amp; distribuée par années sur le même Plan qu’il avoit fait celle d’Horace, avoit voulu la dedier à Mr l’Abbé Miloni, qui ne voulut point consentir à recevoir cet honneur, quelques instances que ses amis &amp; ceux de Mr Masson luy pussent faire sur ce sujet : &amp; il donne en cette occasion une preuve de l’humilité qui a toûjours esté sa vertu dominante. Jamais homme, en effet, n’a plus cherché à se cacher que Mr Miloni, il estoit tellement ennemi des loüanges, qu’il suffisoit de luy en donner par écrit, ou de vive voix, pour n’estre plus de ses amis ; &amp; tous ceux qui faisoient profession d’en estre, avoient sur cela une circonspection singuliere. Il a fait usage de cette vertu jusqu’au dernier moment de sa vie : ses dispositions testamentaires en font voir des preuves qui luy font beaucoup d’honneur, &amp; qui sont tres-propres à édifier ceux qui les verront.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-08_202">
          <head>[Avertissement donné par Mrs de l’Academie des Jeux Floraux]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, août 1708 [tome 9], p. 202-213.</bibl>
          <p/>
          <p>Je vous ay promis de vous envoyer l’Avertissement touchant les Prix que l’Academie des Jeux Floraux doit distribuer l’année prochaine. Voicy ce qu’elle a fait imprimer sur ce sujet.</p>
          <quote>
            <label>L’ACADEMIE DES JEUX FLORAUX.</label>
            <p><hi rend="i">L’Academie des Jeux Floraux fait sçavoir au Public que le troisiéme jour du mois de May de l’année</hi> 1709. <hi rend="i">Elle distribuera les quatre Prix ou Fleurs qu’elle doit donner chaque année.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le premier est une Amaranthe d’or de la valeur de quatre cens livres, qui sera adjugé à une Ode.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le second est une Violette d’argent de la valeur de deux cens cinquante livres, qui sera adjugé à un Poëme de soixantes Vers au moins, &amp; de cent Vers au plus, tous Alexandrins &amp; suivis, ou à Rimes plates, dont le sujet doit être heroïque.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le troisiéme est une Eglantine d’argent du prix de</hi> 250. <hi rend="i">livres, qui sera adjugé à une Piece de Prose d’un quart d’heure, ou d’une petite demie heure de lecture, dont l’Academie des Jeux Floraux publiera toutes les années le sujet, qui sera pour l’année prochaine</hi> 1709.</p>
            <quote>
              <p><hi rend="sc">l’Incertitude de l’avenir est un bien qui n’est pas assez connu.</hi></p>
            </quote>
            <p><hi rend="i">Le quatriéme Prix est un Souci d’argent de la valeur de deux cent livres : on le donnera à une Elegie, à une Eglogue, ou à une Idylle.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Avec ces quatres Prix, on distribuera encore en même temps les deux Prix qui avoient esté destinez l’année presente pour le Poëme &amp; pour la Prose, &amp; qui n’ont pas été adjugez.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le sujet de toutes les sortes de Poësie qui peuvent prétendre à ces Prix, sera au choix des Auteurs.</hi></p>
            <p><hi rend="i">A l’égard des Vers, ils doivent être reguliers, &amp; n’avoir rien de burlesque, de satirique, ni d’indecent.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Toutes personnes de quelque qualité &amp; pays qu’elles soient, de l’un &amp; l’autre sexe, pourront aspirer aux Prix.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Les Auteurs qui y prétendront, feront remettre leurs Ouvrages dans tout le mois de Janvier de de l’année</hi> 1709. <hi rend="i">lequel étant expiré, on n’en recevra plus.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Il faudra qu’on s’adresse à Mr de Lafaille, Secretaire perpetuel des Jeux Floraux, qui loge à la Place saint George.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Les Auteurs ne mettront point leur nom à leurs Ouvrages, mais seulement une sentence, &amp; ils prendront les précautions necessaires pour n’en être pas reconnus &amp; nommez dans le Public comme Auteurs, avant que les Ouvrages n’ayent été examinez &amp; jugez.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le Secretaire des Jeux en écrira la reception sur un Registre, où il mettra le nom, la qualité &amp; la demeure des Personnes qui luy auront délivré les Ouvrages ; lesquels signeront le Registre, &amp; en même temps en recevront un recepissé. Les Auteurs seront obligez de luy fournir trois copies pareilles &amp; bien lisibles de chacun de leurs Ouvrages.</hi></p>
            <p><hi rend="i">On avertit de nouveau les Auteurs de ne se point faire connoître avant la distribution des Prix, &amp; de s’abstenir de toute sollicitation ; le Statut de l’Academie exclut du Prix tout Ouvrage pour lequel on aura sollicité. Il a été executé cette année, le cas s’étant presenté, afin d’empêcher les Auteurs de contrevenir à cette loi : c’est au sujet d’une Ode, qui par son merite devoit être examinée dans le Bureau general, &amp; qui ne l’a pas été par cette seule raison, que l’Auteur s’étoit fait connoître à des Juges, &amp; les avoit sollicitez.</hi></p>
            <p><hi rend="i">On avertit encore que c’est une loi de l’Academie de n’adjuger les Prix qu’à des Ouvrages nouveaux, &amp; d’exclure ceux qu’on reconnoîtra avoir déja paru : que les Auteurs qui font courir leurs Ouvrages avant qu’ils soient examinez &amp; jugez, contreviennent à cette loi : qu’à l’avenir un Ouvrage dont il aura couru des copies dans le Public, ne sera pas regardé comme nouveau, &amp; qu’il sera exclus du Prix.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Les Ouvrages qu’on découvrira n’avoir pas été faits par celuy qui s’en dira l’Auteur, seront aussi exclus du Prix. C’est un des Statuts de l’Academie. On avertit donc les Auteurs de qui les Ouvrages auront remporté de Prix, qu’ils seront obligez pour les recevoir de se presenter eux-mêmes l’aprés-midy du troisiéme jour du mois de Mai, s’ils sont dans la Ville de Toulouse ; &amp; en ce cas on leur délivrera les Prix dés qu’ils se presenteront ; que s’ils sont étrangers &amp; hors de portée de venir les recevoir eux-mêmes, ils seront obligez d’envoyer à une personne domiciliée à Toulouse une Procuration en bonne forme pour la remettre à Mr de Lafaille, avec le recepissé qu’il aura fait de l’Ouvrage.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Aprés que les Auteurs se seront fait connoître on leur donnera des attestations, portant qu’un tel, une telle année, pour un tel Ouvrage par luy composé, a remporté un tel Prix ; &amp; l’Ouvrage en Original y sera attaché sous le contrescel de Jeux. Vn même Auteur ne pourra neanmoins avoir le même Prix que trois fois en sa vie ; mais il poura les avoir tous, ou plusieurs en une même année.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Celuy qui aura remporté trois Prix, l’un desquels sera l’Amarante, pourra obtenir des Lettres de Maître ; &amp; il sera toute sa vie du Corps des Jeux Floraux, avec droit d’assister &amp; d’opiner comme Juge, avec le Chancelier, les Mainteneurs, &amp; les autres Maistres, aux Assemblées publiques &amp; particulieres qui regarderont le jugement des Ouvrages, &amp; l’adjudication des Prix.</hi></p>
            <p><hi rend="i">On avertit aussi que ceux qui remettront au Bureau de la Poste des Paquets adressez à Monsieur le Secretaire des Jeux, les doivent affranchir, s’ils veulent qu’on les retire : sans cette précaution ils doivent être assurez qu’on laissera leurs Paquets au Bureau. D’ailleurs pour ce qui regarde les Ouvrages qu’on envoyera pour les Prix, il est necessaire de se servir de la voye de quelque habitant de Toulouse, qui remette les Ouvrages, &amp; en retire le recepissé de Monsieur le Secretaire, pour éviter l’embarras qui surviendroit, si une Piece ainsi remise par le Courrier à droiture à Monsieur le Secretaire, venoit à être jugée digne du Prix ; parce qu’on ne sçauroit à qui le délivrer.</hi></p>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-08_213">
          <head>[Querelle terminée entre deux beaux Esprits]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, août 1708 [tome 9], p. 213-217.</bibl>
          <p/>
          <p>En finissant il y a deux mois, l’article dans lequel je vous entretins de ce qui s’estoit passé cette année à l’Academie des Jeux Floraux, à l’occasion de la distribution des Prix ; je vous parlay d’une querelle qui regardoit deux hommes d’esprit connus &amp; estimez par leurs ouvrages. Cette querelle a esté terminée au gré des Parties interessées. Le prix de l’Ode n’avoit aucune part au demêlé, &amp; quelque belle que fût celle de Mr l’Abbé de Maumenet, il ne pouvoit y prétendre à cause du tort qu’on luy avoit fait en imprimant son Ode dans le temps qu’il l’envoyoit à Toulouse. On sçait que l’Academie des Jeux Floraux rejette tous les Ouvrages imprimez ; cependant il y a lieu de croire que cette Ode qui est à la gloire de Son Altesse Royale le M<hi rend="sup">r</hi> Duc d’Orleans, étoit fort du goût des Juges, puisqu’ils firent examiner avec attention s’il étoit vrai qu’elle eût été imprimée, ce qui ne se trouva que trop veritable pour cet Abbé, qui est en possession de faire de tres-beaux Ouvrages, &amp; de remporter des Prix. Cet examen luy donne lieu de se consoler de n’avoir pas remporté le Prix qui auroit pû être dû à son Ode, ainsi que l’approbation que l’on donne à tous ses Ouvrages. Il vient de faire une Ode nouvelle sur la prise de Tortose qui ne doit pas être trouvée moins belle que celle que l’on a fait imprimer à son insçû, puisque tout ce que fait cet Abbé part d’un genie élevé. L’Ode qui a remporté cette année le Prix à Toulouse pouvoit certainement le meriter ; mais celle de Mr l’Abbé de Maumenet seroit assurement entrée en concurrence. On verra l’année prochaine lequel l’emportera de ces deux illustres concurrens.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-08_222">
          <head>[Dictionnaire Historique &amp; Geographique]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, août 1708 [tome 9], p. 222-229.</bibl>
          <p/>
          <p>Enfin vous allez estre contente ; le Dictionaire Historique &amp; Geographique dont vous m’avez demandé des nouvelles tant de fois, est sur le point de paroistre, &amp; vous pourez juger par vous-même dans le mois d’Octobre prochain, s’il répond à l’attente que vos amis vous en font avoir depuis plus de deux ans que le sieur Coignard Imprimeur &amp; Libraire ordinaire du Roy, en a commencé l’impression ; il sera bien difficile que cela n’arrive pas, puisqu’outre une ample &amp; forte exacte description de ce qu’il y a de lieux remarquables dans toute la terre ; vous y trouverez ce qui a toûjours fait un de vos plus grands divertissemens, pendant les heures que vous avez bien voulu donner à la lecture, je veux dire, les mœurs &amp; les coûtumes des Peuples, que de vastes mers separent de nous ; leur Religion ; leur maniere de s’habiller ; les ceremonies qu’ils observent quand ils se marient, ou quand ils enterrent leurs morts, &amp; quantité d’autres choses extraordinaires, qui frappent &amp; amusent d’autant plus l’esprit, qu’elles sont tout-à-fait hors de nos usages. Ce Dictionnaire est divisé en trois gros Volumes in folio. Quand vous l’aurez, vous pourrez dire que vous vous serez fait une petite Biblioteque des livres des plus fameux Voyageurs, tels que Thevenot, Tavernier, Olearius, Mandeslo, Bernier, Chardin, Doubdan, Jean Scruys, Coppin, Thomas Gage, Dampier &amp; plusieurs autres, qui nous ont donné des Relations particulieres de ce qu’ils ont vû en certains Pays, où la curiosité les a fait aller. Ce que les Ambassades des Hollandois à la Chine &amp; au Japon contiennent de singulier, n’est pas oublié dans ce grand Ouvrage.</p>
          <p>Quant à l’historique, il y est mêlé abondamment, par rapport à ce qui s’est passé de plus digne d’estre sçeu dans tous les lieux dont il est fait mention ; &amp; ce qui vous fera sans doute plaisir, est qu’il n’y a aucun Royaume en Europe, dont l’article ne soit accompagné d’un Extrait de la vie de tous les Rois qui l’ont gouverné. Vous trouverez ce même Extrait de la vie de quantité de grands Hommes dans les articles des Villes &amp; Bourgs qui ont esté leur Patrie. Il n’y a personne qui ne soit bien aise de sçavoir en quel temps ils ont vécu, &amp; par quel heureux talent ils ont merité la gloire de ne pas mourir entierement. Mr de Corneille ne pouvoit marquer mieux son zele pour le Public, qu’en finissant sa carriere par un Ouvrage, qui doit faciliter à ceux qui le liront, la connoissance de mille choses qu’il est bon de sçavoir, au moins superficiellement, &amp; qu’ils ne pourroient trouver dans les Auteurs qui en ont traité, qu’avec de longues &amp; penibles recherches. Il a employé à les faire, plus de quinze années d’un travail presque sans relâche, &amp; vous jugez bien qu’il n’a pû en venir à bout, ni mettre tant de diverses matieres en ordre alphabetique, comme il s’est attaché à les ranger, qu’en lisant avec une extrême application une infinité de Volumes de toutes sortes, où elles sont répanduës confusément, &amp; presqu’inutilement pour la plûpart de ceux que le soin de leur fortune &amp; l’embarras de leurs affaires ne laissent pas en pouvoir de s’adonner à une étude un peu serieuse. Ainsi je puis asseurer, sans craindre de dire trop sur l’utilité de son Dictionnaire Universel, en ce qui regarde la Geographie ; qu’il surpasse de beaucoup ceux qui ont esté faits jusques-à-present, non seulement pour la quantité d’articles qui ne sont dans aucun autre ; mais encore pour les circonstances qui en rendent le détail plus étendu, &amp; par consequent plus curieux &amp; plus agreable.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-08_236">
          <head>[Fête de la Couronne d’épines de Nôtre Seigneur, celebrée à la Sainte Chapelle]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, août 1708 [tome 9], p. 236-241.</bibl>
          <p/>
          <p>Le Samedy 11. d’Aoust on celebra dans la Chapelle du Palais la Fête de la Couronne d’Epines de Nôtre-Seigneur, qu’on y a exposée ce jour-là à la veneration des Fidéles ; les Peres Jacobins du Grand Convent de la ruë S. Jacques s’y rendirent en Procession, &amp; ils y officierent avec beaucoup de pompe. Peu de personnes sçachant l’origine de ce Droit attaché à l’Ordre de Saint Dominique ; j’ay cru qu’on seroit bien aise d’en trouver icy un détail. Lorsque Saint Loüis eût fondé la Sainte Chapelle du Palais, il resolut de l’orner des plus belles Reliques qu’il pourroit trouver. Il sçavoit que la Couronne d’Epines étoit entre les mains des Empereurs Grecs de Constantinople ; il leur en fit demander une portion, qu’il obtint par la negotiation de deux Religieux de l’Ordre de Saint Dominique, qui se rendirent exprés à Constantinople pour obtenir ce précieux Vestige de la Redemption des hommes. Ces deux Religieux, chargez de ce sacré Dépôt, vinrent eux-même l’apporter au saint Roy de France, qui leur sçût tant de gré du succez de leur negotiation, &amp; de la peine qu’ils avoient prise d’avoir apporté cette Relique en France, qu’à leur consideration, &amp; pour conserver à la posterité la memoire d’un Don si considerable, fait par l’entreprise de deux Religieux de saint Dominique, il accorda à leur Ordre le droit d’officier à la Sainte Chapelle le jour de la Fête de cette Relique, qui fut fixée au 11<hi rend="sup">e</hi>. d’Aoust. Les Religieux du Convent de la ruë saint Jacques, qui est le plus ancien des trois qui sont en cette Ville, se rendirent à l’ordinaire à la Sainte Chapelle, &amp; ils y chanterent une grande Messe, pendant que le Chapitre qui leur avoit quitté la place, en chantoit une dans la Sainte Chapelle basse ; &amp; dans la Procession qui se fit autour de ces deux Eglises, les Religieux y assisterent, suivis des Chanoines, &amp; on y porta la Sainte Epine avec beaucoup de pompe. Le Pere Bonnefoy Jacobin prescha : (c’est toûjours un Religieux de cet Ordre qui presche le jour de cette Ceremonie) son Discours fut fort applaudi. Aprés avoir fait l’Histoire de la Relique, &amp; un détail circonstancié de tous les hazards qu’elle avoit couru avant que de tomber entre les mains du Roy Saint Loüis ; il s’étendit sur les merites de la Passion, dont elle avoit esté un des plus terribles instrumens ; tout ce qu’il dit sur ce sujet fut tres touchant &amp; tres recherché, &amp; la morale qu’il en tira ne le fut pas moins ; il déplora d’une maniere fort vive, les excés &amp; les desordres qui rendent tous les jours les merites de cette Passion inutiles.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-08_248">
          <head>[Détail aussi exact que curieux de tout ce qui s’est passé à Gand, lorsque Monseigneur le Duc de Bourgogne y a fait chanter le <hi rend="i">Te Deum</hi> pour remercier Dieu de la prise de Tortose]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, août 1708 [tome 9], p. 248-262.</bibl>
          <p/>
          <p>Je passe au Camp de Monseigneur le Duc de Bourgogne. Je vous ay fait voir dans le Supplément de ma derniere Lettre, tout ce que ce Prince a fait depuis le jour du Combat d’Oudenarde, jusqu’au commencement de ce mois. Il s’est donné jusqu’au 10<hi rend="sup">e</hi>. tous les soins que les plus grands Generaux ont accoûtumé de se donner ; &amp; quoique son Armée n’ait fait aucun mouvement, ce Prince n’a pas laissé d’estre dans une agitation perpetuelle, allant sans cesse visiter tous les Quartiers de l’Armée, s’informant de toutes choses, donnant des ordres fort à propos, envoyant des partis, tenant des Conseils, écrivant fort souvent, &amp; au milieu de tous ces soins, faisant souvent ses devotions pour obtenir du Dieu des Armées qu’il répande ses benedictions sur celle que le Roy a commise à sa prudence &amp; à sa valeur.</p>
          <p>Ce Prince alla le 10. à Gand pour y faire chanter le <hi rend="i">Te Deum</hi> en action de graces de la prise de Tortose. Ce qui se passa à cette occasion est digne d’estre sçu ; mais cependant vous n’en auriez pas un détail parfait si je n’avois pris soin d’en faire une Relation complette, tirée de quatre Lettres differentes, dont chacune rapporte des circonstances qui ne se trouvent point dans les autres, &amp; cependant je ne vous répons pas qu’aprés avoir pris de si grands soins, il ne manque encore quelque chose à cette Relation dont la lecture doit neanmoins vous faire beaucoup de plaisir.</p>
          <p>Le 10. Monseigneur le Duc de Bourgogne, Monseigneur le Duc de Berry, &amp; Monsieur le Chevalier de saint Georges monterent à cheval à neuf heures du matin pour se rendre à Gand où ils arriverent environ sur les 11. heures.</p>
          <p>Tous les Bourguemestres &amp; les autres Magistrats, accompagnez de cent des plus notables Bourgeois qui tenoient chacun un flambeau de cire blanche allumé, s’estoient rendus en deçà du Glacis pour y recevoir Monseigneur le Duc de Bourgogne, &amp; pour presenter le Dais à ce Prince ; il estoit de velours cramoisi, orné de crépines &amp; de galons d’or, &amp; soûtenu par dix des principaux Magistrats qui le devoient porter ; Mais Monseigneur le Duc de Bourgogne les remercia en refusant l’honneur qu’on vouloit luy faire.</p>
          <p>Il entra ensuite dans la Ville au son d’un grand nombre d’instruments ; le canon dont on avoit resolu de faire plusieurs salves, ne se fit point entendre, ce Prince l’ayant ainsi souhaité, parce que les blessez qui estoient dans la place auroient pû en estre incommodez.</p>
          <p>La marche qui commença par deux Escadrons des Gardes du Corps, fut fermée par deux autres Escadrons du même Corps.</p>
          <p>Les ruës estoient tenduës des plus belles étoffes de Perse &amp; des Indes, &amp; garnies de feüillages avec un rang de Caisses garnies d’orangers de chaque costé ; toutes les fenestres estoient remplies de Dames dont les parures donnoient un nouvel éclat à la feste.</p>
          <p>Les Bourgeois qui avoient pris les armes, &amp; dont on fait monter le nombre à 12. ou 1 5000. hommes, bordoient toutes les ruës.</p>
          <p>Il y avoit un homme au haut d’un des principaux clochers de la ville, assis sur un Dragon ; il tenoit un Drapeau avec lequel il joüa avec beaucoup d’adresse dans le temps que Monseigneur le Duc de Bourgogne commença à paroistre dans la Ville, en criant <hi rend="i">Vive le Roy</hi>, &amp; tout le peuple dont l’affluence estoit fort grande, luy répondit avec des acclamations de <hi rend="i">Vive le Roy</hi> si souvent reïterées, que ce concert d’allegresse dura pendant toute la marche, qui finit à 11. heures &amp; demie que l’on arriva à l’Eglise de Saint Baüon, Cathedrale de la Ville.</p>
          <p>Mr l’Evêque de Gand qui n’est pas moins venerable par son âge que par sa dignité d’Evêque, attendoit Monseigneur le Duc de Bourgogne à la porte de cette Eglise, accompagné de tout son Clergé ; il fit un compliment à ce Prince, &amp; luy presenta le Livre des Evangiles à baiser.</p>
          <p>Monseigneur le Duc de Bourgogne, les Tambours des Cens-Suisses battant de la même maniere qu’ils font lorsque le Roy va à la Messe, ayant ensuite traversé l’Eglise au milieu d’un grand nombre de personnes de distinction &amp; d’une grande foule de peuple, entra dans le chœur &amp; se plaça sur le Prie-Dieu qui luy avoit esté preparé au haut du même chœur.</p>
          <p>Mr l’Evêque de Gand commença ensuite une grande messe de la Trinité qui fut chantée en musique ; les voix furent trouvées tres-agreables, &amp; la musique plut beaucoup.</p>
          <p>La messe estant finie, le Chantre de cette Cathedrale estant au bout de l’Autel, annonça en latin &amp; à haute voix, un mandement du Pape qui ordonnoit des prieres pour la prosperité de ses Armées.</p>
          <p>Le <hi rend="i">Te Deum</hi> ayant aprés cette lecture esté entonné par Mr l’Evêque, fut continué par la Musique.</p>
          <p>Toute la Ceremonie estant finie, Monseigneur le Duc de Bourgogne sortit dans le même ordre qu’il y estoit entré, &amp; alla à l’Hostel de Ville où ses Officiers luy avoient preparé à dîné aux dépens de Mrs de Gand.</p>
          <p>Le devant &amp; les costez de l’Hostel de Ville estoient ornez de rameaux verds entre-mêlez de grands flambeaux de cire blanche allumez.</p>
          <p>La Tapisserie du lieu où l’on devoit manger estoit de velours cramoisy, sur laquelle on avoit placé plusieurs Tableaux de distance en distance, entre lesquels estoient plusieurs bras garnis de bougies allumées ; mais si grandes qu’on auroit pû les prendre pour des cierges.</p>
          <p>La Table estoit ovale, &amp; le couvert qui faisoit beaucoup de plaisir à voir, se faisoit remarquer avec attention ; toutes les serviettes formoient differens animaux, dont les uns estoient aériens, &amp; les autres aquatiques, &amp; chaque espece d’animal étoit placé alternativement.</p>
          <p>Le repas fut tres-magnifique ; on y servit de tres-beaux poissons, &amp; le fruit fut trouvé admirable. La Symphonie se fit entendre pendant tout le repas, &amp; fut trouvée fort bonne. Il seroit impossible de bien depeindre l’empressement que chacun marqua en cette occasion pour voir dîner Messeigneurs les Princes : toute la Salle se trouva remplie de tout ce qu’il y a de personnes considerables dans la ville de Gand. Monsieur le Chevalier de Saint George dîna avec Messeigneurs les Princes, avec lesquels plusieurs Officiers du premier rang Espagnols &amp; François eurent l’honneur de manger.</p>
          <p>Le repas fini, Monseigneur le Duc de Bourgogne monta à cheval pour aller au Château. Avant que ce Prince sortît de l’Hostel de ville, on renouvella les flambeaux des cent Notables Bourgeois, qui devoient encore accompagner ce Prince ; mais les ayant remerciez, ils le virent partir en le comblant de benedictions, &amp; ce Prince se rendit au Château avec Monseigneur le Duc de Berry, &amp; Monsieur le Chevalier de Saint George au milieu des acclamations publiques &amp; des cris de joye de tout le peuple, qui ne pouvoit se lasser de les admirer.</p>
          <p>Aprés qu’ils eurent visité tout le Château, ils remonterent à cheval aux cris redoublez de <hi rend="i">vive le Roy</hi>, &amp; ils retournerent dans leur Camp, aussi satisfaits de leur voyage, que tout le grand peuple de Gand l’avoit esté de leur presence, &amp; de leurs manieres honnêtes &amp; engageantes.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-08_274">
          <head>[Mort de Mre Michel Gobert]*</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, août 1708 [tome 9], p. 274-277.</bibl>
          <p/>
          <p>Mre Michel Gobert, Prestre, Chantre &amp; Chanoine de la Sainte Chapelle de Paris, est mort âgé d’environ cinquante-cinq ans, aprés avoir mené une vie tout-à-fait édifiante. Il estoit d’une fort bonne famille de Paris &amp; neveu de feu Mr Gobert, Maistre de la Musique du Roy, &amp; aussi Chantre de la Sainte Chapelle. Sa Majesté pourvut à sa consideration son neveu, de ces deux Dignitez ; il faisoit dés lors de grands progrés dans les vertus qui conviennent le plus à un Ecclesiastique.</p>
          <p>Mrs Gobert de Paris sont parens du celebre Gobert, riche Banquier de la Rochelle, qui obtint du Roy en 1655. des Lettres de Noblesse, &amp; le Collier de l’Ordre de Saint Michel, à cause des services qu’il avoit rendus à Sa Majesté &amp; à l’Etat.</p>
          <p>La Dignité de Chantre de la Sainte Chapelle est élective par des Concessions particulieres des Rois predecesseurs de Sa Majesté, &amp; particulierement de Philippes le Bel. Le Roy, qui regle toutes ses actions sur la plus exacte justice, croyant avoir droit de nommer à cette dignité comme aux autres, &amp; aux Prebendes de cette Eglise, en consequence de la contestation que feu l’ancien Evêque de Coustances, Tresorier de la Sainte Chapelle, eut avec son Chapitre, s’en desista aprés la mort de ce Prelat, dés qu’on luy eut fait connoistre que sa prétention ne pouvoit avoir lieu, &amp; depuis ce temps-là Mrs de la Sainte Chapelle ont nommé à cette Dignité, ainsi qu’ils le faisoient dans les siecles qui approchoient le plus de la fondation de leur Eglise. Ils ont élû, aprés la mort de Mr Gobert, Mr l’Abbé de Vauroüis, l’un des derniers Chanoines nommez par le Roy. Il est Docteur de Sorbonne, &amp; joint à une naissance considerable un merite tres-distingué &amp; une pieté singuliere. Sa Majesté luy avoit donné une Abbaye depuis quelques années.</p>
          <p>Le Canonicat, vacant par la mort de Mr Gobert, a esté donné à Mr l’Abbé Vassal, Prestre du Diocese de Chartres, &amp; Licentié de Sorbonne. Il est fils de Mr Vassal, Huissier du Cabinet du Roy. Il estoit de la derniere Licence dans laquelle il a paru avec distinction.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-08_293">
          <head>[Suite des marches de Son Altesse Royale depuis le Siege de Tortose, &amp; ce qui s’est passé dans ces Marches]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, août 1708 [tome 9], p. 293-294.</bibl>
          <p/>
          <p>Comme j’ay toûjours suivi pas à pas S.A.R. Monsieur le Duc d’Orleans, dans toutes les Relations qui se trouvent dans mes Lettres depuis que ce Prince est parti pour se rendre en Espagne, je tâcheray autant qu’il me sera possible de ne le pas perdre de vûë un seul jour dans toutes mes Lettres qui suivront celles dans lesquelles je vous ay parlé de luy. Je l’ay laissé au <hi rend="i">Te Deum</hi> que l’on chanta à Tortose le 19. du mois passé, pour rendre graces à Dieu de la prise de cette importante Place. Voyons tous les mouvemens de ce Prince depuis ce temps-là, &amp; ceux de toute son armée.</p>
          <p>Le 20. S.A.R. aprés avoit mis six Bataillons en garnison dans Tortose, fit partir une partie de l’Armée qui occupoit le Camp qu’il avoit formé prés de cette Place pour aller camper à Tibens, &amp; l’Artillerie fut embarquée sur l’Ebre pour estre conduite à Miravet, &amp; de là à Caspé. Mr le Chevalier d’Asfeld retourna dans le Royaume de Valence, avec les Troupes qu’il en avoit amenées, &amp; que l’on renforça de quelques Regimens.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-08_369">
          <head>[Article des Enigmes]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, août 1708 [tome 9], p. 369-372.</bibl>
          <p/>
          <p>Les <hi rend="i">Notes de la Musique</hi> faisoient le sujet de l’Enigme du mois dernier, &amp; cette Enigme s’estant trouvée fort difficile, elle n’a esté devinée que par tres-peu de personnes. Ce sont M<hi rend="sup">rs</hi> de la Fleutrerie ; B… Notaire ; Philippe Paradis, D.V. de Tours ; le Berger par excellence ; Castor &amp; Pollux ; l’Enfant gasté, de la ruë saint Martin ; l’Amant rebuté, de la mesme ruë ; l’Amadis Moderne ; le Mechanicien, de Cour Cheverny en Sologne. Mlles l’Ami, &amp; de Mareüil, du Fauxbourg S. Antoine ; la Jeune Muse renaissante, G.O. l’Amante d’Alexandre ; la plus jeune des belles Dames de la rue des Bernardins ; la Femme pucelle, du Quartier du Palais ; &amp; la belle Gantoise.</p>
          <p>Je vous envoye une Enigme nouvelle.</p>
          <quote>
            <label>ENIGME.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Nous sommes quatre enfans aussi vieux que le monde,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Qui dans un vaste lieu d’une figure ronde,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Bâti sans aucuns fondemens,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Occupons quatre appartemens,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">A quatre differentes estages,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Où le Pere commun en faisant nos partages</hi></l>
              <l><hi rend="i">Nous mit aprés qu’il nous eut faits,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Pour suspendre l’effet d’une immortelle guerre</hi></l>
              <l><hi rend="i">Capable de confondre &amp; le Ciel &amp; la terre,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et nous faire joüir d’une durable paix.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Quoyque souvent prests à nous battre,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Mille &amp; mille sujets nous renferment tous quatre,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Ce n’est que par nos bons accords</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Que subsistent les plus beaux corps,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Ils sont tous composez du nôtre,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et si que qu’un de nous devient plus fort que l’autre</hi></l>
              <l><hi rend="i">Dans la haute, moyenne, ou basse Region,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Par de funestes coups que l’on ne peut comprendre,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Nos ouvrages détruits &amp; retournez en cendre,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Nous reprochent bien-tôt nôtre désunion.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-08_372">
          <head>Air nouveau</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, août 1708 [tome 9], p. 372.</bibl>
          <p/>
          <p>Je vous envoye une Chanson nouvelle, dont l’air &amp; les paroles sont de Mr Thibaut.</p>
          <quote>
            <label>AIR NOUVEAU.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">De vos rigueurs, ma Bergere,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Je me plaignois aux Echos.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Je soulageois ma misere</hi></l>
              <l><hi rend="i">En leur apprenant mes maux ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Mais, belle Iris, de nos plaisirs secrets</hi></l>
              <l><hi rend="i">Je n’ay garde de les instruire ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Les Echos sont des indiscrets,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ames rivaux ils pourroient le redire.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
      </div>
      <div type="tome" xml:id="MG-1708-09">
        <head><hi rend="i">Mercure Galant</hi>, septembre 1708 [tome 10]</head>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-09_5">
          <head>[Panegyriques de Saint Loüis, prononcez dans la Chapelle du Louvre, &amp; dans l’Eglise des Prestres de l’Oratoire]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, septembre 1708 [tome 10], p. 5-14.</bibl>
          <p/>
          <p>Le jour de la Feste de S. Louis, le Panegyrique de ce Saint fut prononcé dans la Chapelle du Louvre, devant Mrs de l’Academie Françoise, &amp; dans l’Eglise des Prestres de l’Oratoire devant Mrs de l’Academie Royale des Medailles &amp; Inscriptions, &amp; devant Mrs de l’Academie Royale des Sciences. Mr Huet, ancien Evêque d’Avranches, de l’Academie Françoise, &amp; le Pere Sebastien, Carme, de l’Academie des Sciences, celebrerent la Messe, l’un dans la Chapelle du Louvre, &amp; l’autre dans l’Eglise de l’Oratoire. Pendant qu’on celebra ces Messes à basse voix, Mr du Bousset, fit chanter des Motets accompagnez d’une tres-belle Symphonie, &amp; d’un <hi rend="i">Domine salvum fac Regem</hi>. La premiere de ces Messes commença à huit heures, &amp; la seconde à onze. Les Panegyriques de Saint Louis furent prononcez par Mr l’Abbé de la Fare, âgé d’environ vingt-quatre ans, &amp; par le sçavant Pere Turquois, Feüillant. Voicy à peu prés sur quoy roulerent les deux Panegyriques qu’ils firent de ce saint Roy, dans lesquels ils firent entrer fort naturellement, &amp; avec beaucoup d’esprit, des Eloges de Sa Majesté, que vous trouverez dans ce que je vous envoye.</p>
          <p>Le Texte du Sermon de Mr l’Abbé de la Fare, tiré de l’Apocalypse, luy donna lieu de faire une belle description de la Royauté. Il en fit voir les peines &amp; les écueils ; &amp; en leur opposant les plaisirs enchanteurs attachez à la condition des Grands, il conduisit l’Auditeur à conclurre naturellement que <hi rend="i">tout est precipice</hi>, &amp; que <hi rend="i">tout est illusion dans cet estat pour ceux qui n’y sont pas soûtenus par la main toute-puissante de Dieu</hi>. Aprés cette peinture, il entra dans le partage de son discours ; il fit voir Saint Louis humble &amp; modeste dans les plus éclatantes prosperitez ; ferme &amp; inébranlable dans les plus grands revers &amp; dans les plus surprenantes revolutions. Il fit voir en commençant son premier Point, que <hi rend="i">l’humilité est une vertu qui a esté inconnuë aux Sages du Paganisme, &amp; dont on n’a connu la necessité que depuis la venuë du Redempteur des hommes</hi>. Il dit ensuite pour prouver l’usage que le saint Roy a fait de cette divine vertu qu’<hi rend="i">il ne s’étoit point glorifié de la conqueste qu’il avoit faite à l’âge de quatorze ans d’une Ville qui jusques-là avoit paru imprenable, &amp; cela dans un âge où les passions sont dans leur plus grande force, &amp; où l’orguëil sur tout, empoisonne les actions faites selon la plus exacte justice</hi>. Aprés un succés qui pouvoit réveiller, non seulement l’amour propre, mais même toute la vanité des hommes les plus moderez ; <hi rend="i">le saint Roy</hi>, dit-il, <hi rend="i">se prosterna devant Dieu, se confondit aux pieds de son Trône, &amp; luy abandonna la gloire de l’avantage qu’il venoit de remporter</hi>. Son humilité &amp; sa modestie ne se firent pas moins remarquer, ajoûta-t-il, <hi rend="i">dans les succés qu’il eut contre les Comtes de Champagne &amp; de la Marche</hi> ; aprés avoir soûmis ces Princes remuans qui vouloient secoüer le joug de l’autorité du Prince dont ils relevoient, ses peuples ne le trouverent pas moins accessible, moins disposé à écouter leurs plaintes, moins prompt à les satisfaire, &amp; moins patient &amp; indulgent à leur égard, soit en descendant dans le languissant détail de divers interest qui les animoit, soit en leur pardonnant leurs égaremens lorsqu’ils recouroient sincerement à sa clemence. Cet Abbé, aprés avoir rassemblé &amp; fait voir en même temps toutes les actions memorables qui avoient donné occasion à Saint Louis d’exercer cette vertu, qui est avec la charité, le fondement de toutes les autres ; qui en est la racine, &amp; sans laquelle enfin pour suivre la pensée de l’Orateur, elles ne peuvent porter aucun fruit ; il demanda par une espece de figure qui servit d’un grand ornement à son discours, <hi rend="i">si les mêmes qualitez qu’on admire aujourd’huy dans un de ses plus dignes Successeurs, pouvoient estre une raison legitime de refuser un tribut d’admiration au Saint Roy, si parce que Louis le Grand a esté aussi humble, aussi modeste dans les plus surprenans succés, dans les conquestes les plus rapides, que l’a esté son saint Ayeul, c’est une raison de refuser à celuy-cy ou de diminuer l’admiration que les derniers siecles ont euë pour ses vertus ; au contraire</hi>, dit-il, <hi rend="i">le vraisemblable &amp; l’exacte verité qui marchent si rarement du même pas, pourront à l’aide de la conformité qu’il y a entre ces deux regnes, le raprocher ; on pourra par les merveilles qu’on admire dans le cours du regne du Petit-fils, croire toutes celles qu’on raconte de celuy de l’Ayeul</hi>. Cet endroit fut touché tres-delicatement &amp; parut à toute l’Assemblée puisé du fonds même du sujet. Ce qu’il dit en cette occasion à l’Academie qu’il avoit déja apostrophée à la fin de son Exorde par des traits aussi neufs que brillans, plut beaucoup ; il s’adressa à cette Compagnie comme à celle qui sçait parler dignement des grands Rois, &amp; à qui seule il est reservé d’en parler avec dignité.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-09_49">
          <head>[Premier Article des Morts]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, septembre 1708 [tome 10], p. 49-87.</bibl>
          <p/>
          <p>Mre Henry Joseph de Peyre, Comte de Tréville, ou pour parler plus juste, de Trois-Villes, est mort âgé de soixante-six ans, &amp; regretté de tous ceux qui le connoissoient. Son esprit &amp; son érudition le faisoient estimer. Il avoit fait une étude presque continuelle des Peres de l’Eglise, &amp; particulierement des Peres Grecs, &amp; qu’il avoit lûs plusieurs fois dans la source. Cette longue &amp; continuelle application a augmenté ses infirmitez naturelles &amp; a sans doute abregé le nombre de ses jours. Il avoit esté Colonel d’Infanterie dans sa jeunesse, &amp; il avoit servi en cette qualité quelques Campagnes en Candie, sous Mr le Comte de Coligny General des Troupes que le Roy y envoya. Il y reçut deux coups de mousquet au travers du corps dont il a esté incommodé toute sa vie. Sa pieté a édifié tous ceux qui l’ont connu ; elle s’est soûtenuë jusqu’à son dernier moment, &amp; il a voulu estre enterré sans ceremonie &amp; avec deux simples cierges à Saint Nicolas du Chardonnet sa Paroisse. Il a donné sa Bibliotheque qui estoit tres-belle &amp; tres-nombreuse, aux Carmes Déchaussez du Fauxbourg Saint Germain, &amp; il a institué son heritier universel, le jeune Marquis de Monnins, son cousin, qui est à l’Academie, fils de Mr le Comte de Monnins, Gentilhomme de Bearn, qui a épousé N… de Trois-Ville, cousine germaine du Comte dont je vous apprens la mort. Il estoit second fils de feu Mr le Comte de Tréville Capitaine-Lieutenant des Mousquetaires sous Louis le Juste, &amp; dont la conduite &amp; la fermeté luy attirerent de grandes considerations sous le regne de ce Monarque. Il fut toûjours attaché aux interests de son Maître ; il ne sçut ce que c’estoit que de mollir sous l’autorité de ceux qui estoient à la teste des affaires. Il s’estoit élevé par son merite, &amp; il estoit sorti de Bearn sa Province, avec la simple &amp; sterile qualité de Gentilhomme Gascon ; sa valeur &amp; sa bonne conduite l’éleverent par degrez. Il donna sur la fin de ses jours la démission de sa Charge de Capitaine des Mousquetaires, sous le Ministere de Mr le Cardinal Mazarin. Il en eut pour dédommagement le Gouvernement de Foix, avec la survivance pour son cadet qui vient de mourir, &amp; qui le vendit ensuite à Mr de Mirepoix, d’où il a passé à Mr le Comte de Tallard aujourd’huy Maréchal de France, &amp; de ce dernier à Mr de Segur. Mr de Treville eut aussi la Cornette de la Compagnie qu’il quittoit pour son fils, &amp; l’Abbaye de Montirandé pour son fils aîné, qui n’estant pas propre pour la profession des armes, à cause des incommoditez qu’il avoit, &amp; qui l’obligerent même à souffrir l’operation de la taille, ceda son droit d’aînesse à celuy qui vient de mourir &amp; qui estoit son cadet. L’Abbaye de Montirandé avoit esté possedée par le free de feu Mr le Comte de Treville, Capitaine-Lieutenant des Mousquetaires, &amp; ce Comte aprés l’avoir procurée à son frere, la demanda pour son fils aîné, qui est mort depuis quelques années.</p>
          <p>M<hi rend="sup">re</hi> Louis-Hugues de Lionne Marquis de Berni &amp; de Claveson, Maistre de la Garderobe du Roy, est mort âgé de soixante ans. De Dame Renée de Lionne sa cousine, heritiere du Marquisat de Claveson, &amp; de la branche aînée de la Maison de Lionne, il laisse M<hi rend="sup">r</hi> le Marquis de Lionne, Colonel d’Infanterie, déja connu par plusieurs actions de valeur. Mr le Marquis de Berny estoit frere de Mr l’Abbé de Lionne, Abbé de Marmoutier, &amp;c. &amp; Prieur de Saint Martin des Champs ; de M<hi rend="sup">re</hi> Artus de Lionne Evêque de Rosalie dans la Chine, &amp; celebre par ses Missions dans l’Orient ; de Luc de Lionne, Chevalier de Malthe ; &amp; de feuë Dame Madeleine de Lionne, mariée à François-Hannibal d’Estrées, Marquis de Cœuvres, depuis Duc &amp; Pair de France, morte en 1684. Elle estoit mere de M<hi rend="sup">r</hi> le Duc d’Estrées d’aujourd’huy. Mr le Marquis de Berny estoit fils aîné d’Hugues de Lionne, Ministre &amp; Secretaire d’Etat, &amp; de Dame Paule Payen, morte en 1704. aprés avoir donné de frequentes marques de sa pieté &amp; du zele qu’elle avoit pour la Propagation de la Foy Catholique, à laquelle elle a contribué par ses aumônes &amp; par ses bonnes œuvres. Feu Mr de Lionne Ministre d’Etat fut premier Commis de Mr de Servien son oncle, à l’âge de dix-huit ans, &amp; l’estime que Mr le Cardinal de Richelieu avoit pour luy, fut cause qu’il se maintint dans les affaires malgré la disgrace de son oncle ; il prit ce temps pour aller faire un voyage à Rome, où ayant connu Mr le Cardinal Mazarin, il eut le bonheur de gagner son estime &amp; sa confiance, ce qui le fit élever au Poste où on l’a vû depuis. Il étoit fils d’Artus de Lionne &amp; d’Isabelle Servien, sœur du Surintendant des Finances, dont je viens de parler. Mr de Lionne ayant perdu son épouse âgée seulement de vingt-un an, tourna toutes ses pensées vers Dieu &amp; s’engagea dans les Ordres sacrez. Il fut nommé Evêque de Gap en 1638. &amp; ne voulut point quitter cette dignité pour l’Archevêché d’Embrun qu’on luy offrit. Il estoit fils cadet de Sebastien de Lionne &amp; de Bonne de Portes. Ce Sebastien se distingua par sa fidelité sous le Roy Henry IV. il se jetta dans Pont de Royans, Place alors considerable en Dauphiné, &amp; il contribua beaucoup par ses soins à faire revenir les Places &amp; les Forteresses du Royanez sous l’obéïssance du Roy. La Maison de Lionne est originaire de Dauphiné, où elle estoit déja connuë du temps des anciens Dauphins. Humbert de Lionne estoit <hi rend="i">Gardien de la Chambre</hi> du Dauphin Humbert en 1339. Mr le Marquis de Berny a esté inhumé à Saint Eustache sa Paroisse. Mr l’Evêque de Rosalie son frere, &amp; Mr Maigrot Evêque de Conon dans la Chine, ont assisté à ses obseques.</p>
          <p>Mre N… de Chomart Doyen de l’Eglise de Saint Mederic, est mort dans un âge tres-avancé, &amp; dans de grands sentimens de pieté. Il a donné dans le cours de sa vie de frequentes preuves de son zele pour le service de Dieu &amp; de l’Eglise, &amp; il a travaillé à la conversion des Heretiques avec beaucoup de succés. Il estoit d’une famille ancienne de Paris, &amp; qui y estoit connuë dés le Regne de François II. il descendoit du côté maternel des maisons de la Roche-Breüillet &amp; de la Baroüaire, &amp; de celle du Terrail si connuë en Dauphiné. Mr Gabriel Vignar, un des plus sçavans hommes du dernier Siecle, étoit son proche parent, de même que François Salindre de la Salle, &amp; Guillaume la Combe de la Salle. Un Guillaume Chomart se signala sous le Regne de Charles IX. pour la deffense de la Religion Catholique. Il se déclara ennemi de tous ceux qui favorisoient les nouvelles opinions, &amp; il entroit en dispute avec eux par tout où il les trouvoit, ou pour les convaincre, ou pour les ramener au sein de l’Eglise. André Chomart son neveu, &amp; élevé sous ses yeux, fut aussi zelé que luy pour la Religion dans laquelle il avoit eu le bonheur de naistre. Le zele de l’oncle &amp; du neveu fut fort loüé à la Cour, &amp; donna lieu à Charles IX. &amp; à Henry III. de répandre leurs biensfaits sur cette famille. Le petit fils de Guillaume Chomart ne donna pas de moindres marques de sa fidelité au Roy Henry IV. en 1589. lorsque ce Prince par le droit de sa Naissance fut monté sur le Trône de ses Ancêtres. Il resista avec force aux offres séduisantes qui luy furent faites plusieurs fois de la part des Princes de la maison de Guise, &amp; rien ne put affoiblir les sentimens de fidelité que la justice avoit gravez dans le fond de son cœur pour les Princes de la maison de Bourbon. Mr Chomart qui vient de mourir, avoit une grande étenduë de lumieres ; il est peu de sciences dont il n’eut quelque teinture ; il sçavoit parfaitement les Belles-Lettres, &amp; il avoit sur tout un talent marqué pour la Poësie latine. Le Pere Robert Rault Jesuite, qui a traduit en latin avec tant de delicatesse deux Odes de Mr de la Mothe, ne faisoit rien sans le consulter, estant assuré de trouver dans les conseils de Mr Chomart le vray goust de la belle Latinité, &amp; la finesse de la Poësie latine. Le Deffunt sçavoit parfaitement les Langues Orientales, &amp; il s’estoit sur tout fort exercé dans la Langue Hebraïque.</p>
          <p>Mre N… de Courcelles Religieux non Profés de l’Abbaye de Baume en Franche-Comté, est mort en cette Ville où il estoit depuis plusieurs années, âgé d’environ 40. ans. Il estoit aimé &amp; estimé de tous ceux qui le connoissoient. Il avoit prêché avec succés en Province, &amp; pendant le sejour qu’il a fait dans le Seminaire des Bons Enfans. Il avoit un grand fond de lecture, &amp; il estoit dans le dessein, lorsque la mort l’a enlevé, de donner un abregé de tous les Ouvrages de feu Mr Maimbourg, &amp; de revoir une Traduction françoise qu’un Etranger a faite de l’Histoire d’Espagne de Mariana, pour luy donner le tour de nostre langue, &amp; y répandre la delicatesse des expressions qu’un Etranger ne trouve pas aisément. Mr l’Abbé de Courcelles estoit Docteur en Theologie dans l’Université de Besançon ; il n’a point voulu prendre les Ordres sacrez parce qu’il estoit persuadé de la difficulté qu’il y avoit de bien répondre à la sainteté de ce Ministere. Il estoit d’une des meilleures maisons du Comté de Bourgogne. Elle a donné des Connêtables à cette Province dans le temps des premiers Ducs de Bourgogne. L’Abbaye de Baume dont Mr l’Evêque de Senlis est Abbé, est une de celles ou l’on fait les plus rigoureuses preuves. Mr l’Abbé de Courcelles laisse plusieurs freres ; l’aîné aprés avoir servi long temps s’est retiré dans ses terres ; Mr le Chevalier de Courcelles est premier Capitaine du Regiment d’Infanterie de Medavi ; il y en a trois Religieux Augustins, &amp; un Jesuite, tous distinguez par leur merite &amp; par leur sagesse ; ils sont parens de Mr l’Evêque de Meaux &amp; de la maison de Thyard-Bissi.</p>
          <p>Mre N… le Bigot, Seigneur de Gatines, Intendant de la Marine, &amp; Directeur du Commerce des Echelles du Levant, est aussi mort en cette Ville ; il estoit d’une ancienne famille de la Robe qui s’est toûjours distinguée par une exacte probité, &amp; un attachement au service de leurs Souverains. Mr de Gatines aujourd’huy Conseiller au Parlement, &amp; neveu de celuy dont je vous apprens la mort, est un Juge tres estimé dans son Corps. Le deffunt avoit long-temps voyagé, &amp; c’est par l’experience que ses longs voyages luy avoient donnée de tout ce qui regarde le commerce du Levant, qu’on luy en avoit donné la direction, qui est d’un détail &amp; d’une étenduë tres-considerable ; il connoissoit parfaitement le genie des Orientaux ; le sejour qu’il avoit fait parmi eux luy ayant rendu leurs Coûtumes &amp; leurs usages tres familiers ; il avoit demeuré long-temps en Perse &amp; dans le Royaume d’Astracan qui appartient au grand Duc de Moscovie. Les memoires qu’il avoit dressez sur les lieux de tout ce qui regarde le commerce de ces Peuples, peuvent servir d’instructions pour tous ceux qui voudront y entrer. Ses voyages n’avoient servi qu’à le dégoûter du monde, &amp; persuadé de son inconstance, &amp; du peu de fonds qu’il y a à faire sur tout ce qui en dépend, il avoit choisi une solitude prés de Saint Victor, où il a passé les dernieres années de sa vie, &amp; où il est mort dans de grands sentimens de pieté.</p>
          <p>Mr Obrecht qui passoit pour l’un des plus sçavans hommes de l’Europe, &amp; d’une des plus anciennes familles de Strasbourg, est mort depuis peu. On luy doit la version latine de la vie de Pythagore écrite en grec par Jamblique, &amp; il l’avoit fait imprimer sous le grec avec un tres-grand soin. Mr Kuster Auteur de la belle édition de Suidas, publiée depuis quelque temps à Cambridge, a fait imprimer à Amsterdam cette même vie de Pythagore en deux colonnes, grecque &amp; latine, persuadé que rien ne pouvoit tant faire d’honneur au grec de Jamblique que le latin de Mr Obrecht. Mr Kuster à revû le texte sur un manuscrit de la Bibliotheque du Roy qui luy a esté communiqué par Mr Clement Sous-Bibliotecaire de S.M. &amp; qui se fait un plaisir de communiquer les trésors dont il est dépositaire, à tous les Sçavans de l’Europe. Par le moyen de ce manuscrit Mr Obrecht a corrigé un grand nombre de fautes qui avoient passé dans les autres éditions, &amp; il a remply beaucoup de lacunes, &amp; mis quantité de notes au bas des pages. Mrs d’Obrecht ont esté long temps Preteurs de Strasbourg, qui est la premiere Charge de cette Ville.</p>
          <p>Mre Jacques de Boisadam, Curé d’Acheres prés S. Germain en Laye, mourut le mois passé, âgé de plus de quatre-vingt ans, puisqu’il a desservi cette Cure prés de soixante années. Il estoit le Doyen des Curez de France. Il n’a pas cessé de faire paroître son zele pour le service de l’Eglise dans toutes les fonctions Curiales, ayant même administré les Sacremens jusqu’à la veille de sa mort, nonobstant la resignation qu’il avoit faite de son Benefice à Mr l’Abbé Vieillard son parent, que son merite avoit fait choisir par Monsieur l’Evêque de Chartres, pour luy succeder. Il estoit fort connu des plus grands Seigneurs de la Cour, &amp; même de Sa Majesté, qui luy avoit donné plusieurs fois des marques de sa bonté pendant les Camps &amp; les Revuës de la Plaine d’Acheres, &amp; il estoit regardé non-seulement comme un bon Ecclesiastique, mais aussi comme un bon Gentil-homme, estant de la famille de Boisadam, qui est des meilleures &amp; des plus anciennes de Bretagne, comme il se voit par la nouvelle Histoire de ce Pays, qui paroist depuis peu : &amp; du costé de sa mere Elisabeth du Pont de-Compiegne, il estoit ainsi que M<hi rend="sup">es</hi> de Crecy, de Compiegne, de Vieillard, de Chezelle, &amp; de Bourqueville, proche parent de Mr de Compiegne, à qui le Roy vient d’accorder la survivance pour son fils de la Charge de Capitaine &amp; Chef du Vol pour les Champs de la Chambre de Sa Majesté qui honore de sa bienveillance cette famille originaire de Beran, que le Roy Henry IV. consideroit fort, &amp; qu’il fit venir en France avec luy pour l’attacher à son service.</p>
          <p>Mr du Revest de Vachieres, Chevalier de l’Ordre Militaire de Saint Louis, Exempt des Gardes du Corps de la Compagnie de Noailles, qui avoit reçu un coup de Mousquet dans la cuisse au Combat d’Oudenarde, mourut à Gand le 16. du mois passé de la blessure qu’il avoit reçûë dans ce Combat. Il servoit depuis trente-cinq ans, &amp; il avoit eu l’honneur d’estre choisi par Sa Majesté pour suivre en cette qualité Messeigneurs les Princes au voyage d’Espagne, &amp; l’année derniere à celuy que Messeigneurs les Ducs de Bourgogne &amp; de Berry devoient faire en Provence. Ce Gentilhomme estoit d’une des meilleures Maisons de Provence, &amp; la maniere dont il a vécu, &amp; celle dont il a servi, le font regretter de tous ceux qui le connoissoient.</p>
          <p>Dame N…. Begon épouse de Mr le Marquis de la Galissoniere, est morte à l’âge de 37. ans. Elle estoit fille de Mr Begon Intendant de Rochefort, &amp; Pays d’Aulnis, &amp; de la Rochelle, &amp; sœur de Mr l’Abbé Begon Docteur de Sorbonne. Cette Dame a esté universellement regrettée. Les qualitez de son cœur ainsi que celles de son esprit, luy avoient acquis l’estime de tous ceux qui la connoissoient. Mr Begon son pere a toûjours aimé les Sciences &amp; les beaux Arts, &amp; protegé ceux qui s’y attachoient ; ainsi on ne doit pas s’étonner s’il avoit pris tant de soin à cultiver l’esprit de la Dame dont je vous apprens la mort. Elle sçavoit des belles Lettres &amp; des Sciences tout ce qu’il est permis aux personnes de son sexe d’en sçavoir, &amp; elle accompagnoit toutes ses lumieres d’une grande modestie. La famille de Mr Begon est originaire de Blois, &amp; alliée à la maison de Colbert dont estoit la mere de Mr l’Intendant de Rochefort ; il a acquis dans l’administration des affaires dont il a esté chargé, une grande reputation ; sa douceur &amp; son équité naturelle l’ont rendu cher aux Peuples de sa Generalité. Nous luy devons l’édition des éloges des Hommes Illustres de feu Mr Perrault ; il a fait la dépense de tous les Portraits gravez par les plus habiles Maistres, &amp; il engagea Mr Perrault de travailler à leur histoire sous la forme &amp; la methode qu’il luy prescrivit. Mr de Muyn pere de Mr de Muyn Conseiller au Parlement, &amp; de Mr l’Abbé de Premontré, a esté Intendant de cette Generalité avant luy, &amp; ils se sont trouvez tous deux en fonction dans des temps assez difficiles, puisque ce fut dans le temps de la revocation de l’Edit de Nantes, &amp; aprés cette revocation. La maniere dont les Protestans parlent de Mr Begon, peut faire seule son éloge ; ils sont naturellement si portez à s’élever contre les Intendans qu’ils regardent comme les auteurs de leur destruction, que lorsqu’il leur arrive d’en dire du bien, on doit croire qu’il y en a beaucoup à dire. La maison de la Galissoniere est des plus qualifiées de Poitou, &amp; qui s’est soûtenuë depuis plus de deux Siecles par les dignitez qu’elle a remplies, &amp; par les alliances qu’elle a faites. Elle a produit des personnes distinguées dans la profession des Armes par leur valeur, &amp; par des actions d’éclat ; elle est originaire de Poitou, ou elle subsiste depuis prés de quatre Siecles.</p>
          <p>Mre Henry Emanuel Hurault Chevalier Marquis de Vibray &amp; autres lieux, qui est mort dans un âge fort avancé, avoit porté les Armes pendant plusieurs années, &amp; il avoit long-temps commandé un Regiment d’Infanterie. De Me la Marquise de Vibray son épouse, &amp; Dame d’honneur de feuë Me la Duchesse de Guise, dont je vous appris la mort il y a environ deux ans ; il a laissé Mr le Marquis de Vibray Lieutenant general des Armées du Roy, qui a des enfans de Dame Françoise-Julie de Grignan, fille de François Adhemar de Monteil Comte de Grignan, Chevalier des Ordres du Roy, &amp; Lieutenant general en Provence ; &amp; de Dame Angelique-Claire d’Angennes Ramboüillet sœur de feuë Me la Duchesse de Montausier. Mr le Marquis de Vibray descendoit de Philippe Hurault Comte de Cheverni, Chancellier de France. Les Memoires du Chancelier de Cheverni sont tres-curieux ; d’Anne de Thou fille du premier President de ce nom, il laissa Philippes Evêque de Chartres, &amp; Henry Comte de Cheverni, &amp; Gouverneur du Pays Chartrain. Elisabeth Hurault sa fille femme de François de Paule de Clermont, Marquis de Montglat, Chevalier des Ordres du Roy, fut son heritiere. Le Chancelier de Lhôpital n’eut qu’une fille qui épousa Robert Hurault Seigneur de Belesbat. Chancelier de Marguerite Duchesse de Savoye. Cette branche de la maison d’Hurault a produit deux Archevêques d’Aix. Guy Hurault qui fut le second mourut en 1625. estimé par sa grande vertu Le celebre Mr de Thou fait une mention tres-honorable de la maison d’Hurault au quatre &amp; cinquiéme livre de son histoire, de même que l’Abbé de Brantôme dans l’éloge du Chancelier de Lhôpital.</p>
          <p>Mr le Marquis de Vibray, fils du deffunt, fut nommé il y a quelques mois, Commandant de Saint Malo, à la place de feu Mr le Marquis de Thianges. Ce Commandement est important, &amp; demande un homme intelligent, prudent &amp; brave.</p>
          <p>Il est à souhaiter que ceux dont vous trouverez les mariages dans les articles suivans, reparent la perte de ceux dont vous venez d’apprendre la mort.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-09_91">
          <head>[Mariages]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, septembre 1708 [tome 10], p. 91-96.</bibl>
          <p/>
          <p>Messire Nicolas Petit de Ville-neuve, President de la Cour des Aides de Paris, fils feu Mr Petit de Ville-neuve, Conseiller en la même Cour, &amp; de Marie-Anne Foucault, fille de Mr Faucault, Secretaire du Conseil, &amp; sœur de Mr Foucault, Marquis de Magny, aujourd’huy Conseiller d’Etat, &amp; de Me la Marquise d’Avaray, épouse de Mr le Marquis d’Avaray, Lieutenant general des Armées du Roy en Espagne, épousa le 8. de ce mois dans l’Eglise de S. Eustache, Marianne Neyret, fille de Mr Neyret, dont le pere &amp; le grand-pere ont esté Echevins de la Ville de Lyon ; le soupé de la nôce se fit à Charonne dans la maison de feuë Madame de Nemours, où deux tables de vingt couverts chacune furent magnifiquement servies ; le fameux Mr du Bousset avoit fait en faveur des nouveaux Mariez l’Air dont voicy les paroles, qu’il chanta tres-agreablement.</p>
          <quote>
            <label>AIR NOUVEAU.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Pour former de si beaux nœuds,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Amour, dans cette journée,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Viens joindre tes plus doux feux</hi></l>
              <l><hi rend="i">Au flambeau de l’Himenée.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Ce Dieu triomphe aujourd’huy</hi></l>
              <l><hi rend="i">Satisfait de sa Conqueste ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Viens partager avec luy</hi></l>
              <l><hi rend="i">Les honneurs de cette Feste.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">En faveur de ces Epoux</hi></l>
              <l><hi rend="i">Unissez-vous, Dieux aimables ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Leur bonheur dépend de vous,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Rendez leurs plaisirs durables.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
          <p>Mais l’Assemblée fut encore plus surprise d’entendre les Trompettes, Timballes &amp; toute la Symphonie de l’Opera, qui estoit cachée dans un endroit du Bois, que Mr le President de Ville neuve avoit fait illuminer ; tous les Conviez furent charmez de cette Feste, qui parut d’autant plus belle qu’elle n’estoit pas attenduë.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-09_122">
          <head>Epithalame</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, septembre 1708 [tome 10], p. 122-127.</bibl>
          <p/>
          <p>Je vous ay parlé du Mariage de Mr le Prince Leon, dans le temps qu’il a esté arresté ; mais je ne vous en ay rien dit dans le temps qu’il a esté consommé, ce qui s’est fait au grand contentement des époux qui ont marqué toute la déférence imaginable au pouvoir de l’amour, n’ayant écouté que ses loix sans avoir eû d’attention qu’à obeïr à ce Maître des Dieux. Mr de la Motte, aussi connu qu’estimé dans l’Empire des Vers, ayant fait une Epithalame sur ce Mariage &amp; la lecture de tout ce qui part de sa veine faisant beaucoup de plaisir ; j’ay crû vous la devoir envoyer.</p>
          <quote>
            <label>EPITHALAME.</label>
            <lg>
              <l> <hi rend="i">Viens unir deux Amans d’une chaîne éternelle,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Viens, favorable Himen, c’est l’Amour qui t’appelle.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Si ce Dieu sur tes pas ne fait marcher les Ris,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ton regne n’est souvent qu’une longue querelle,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Mais qu’avec luy la Feste devient belle,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et que ton regne est doux quand vous estes unis.</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Viens unir, &amp;c.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l> <hi rend="i">Ne separons jamais ces Dieux,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">L’un est trop fol, l’autre est trop sage</hi></l>
              <l> <hi rend="i">L’Himen seul est trop ennuyeux ;</hi></l>
              <l> <hi rend="i">L’Amour seul seroit trop volage</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Il faut qu’un heureux assemblage</hi></l>
              <l><hi rend="i">Rende l’Himen riant &amp; l’Amour serieux.</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Viens unir, &amp;c.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Vole, c’est trop tenir leur bonheur suspendu,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Aux vœux les plus ardens haste-toy de te rendre,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Quoy que le nœud charmant que in leur fais attendre</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Merite bien d’estre attendu</hi></l>
              <l><hi rend="i">C’est toûjours pour l’Amour autant de temps perdu.</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Viens unir, &amp;c.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l> <hi rend="i">Descends du celeste sejour :</hi></l>
              <l><hi rend="i">Que voy-je ! on te retient, on te fait violence,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Quels Dieux en t’arrestant veulent tirer vengeance</hi></l>
              <l> <hi rend="i">De n’avoir pû commander à l’Amour ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Par un peu de fierté s’il osa leur déplaire,</hi></l>
              <l><hi rend="i">C’est assez de ses vœux interrompre l’effet.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Peut-on contre l’Amour garder quelque colere ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ce qu’il est, doit servir d’excuse à ce qu’il fait.</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Viens unir, &amp;c.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Mais c’en est fait, tes pas ne sont plus arrestez,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Au devant de toy l’Amour vole,</hi></l>
              <l>  <hi rend="i">Et Jupiter d’une parole</hi></l>
              <l><hi rend="i">Vient de rendre le calme à ces Dieux irritez :</hi></l>
              <l><hi rend="i">Viens donc de nos Amans couronner la constance,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Par les nœuds que l’Amour t’a longtemps demandez ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et que ces Dieux charmez de vostre intelligence</hi></l>
              <l><hi rend="i">Prennent part aux plaisirs qu’ils avoient retardez,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Viens unir deux Amans d’une chaisne éternelle,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Viens, favorable Himen, c’est l’Amour qui t’appelle.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-09_127">
          <head>[Clef de Mital]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, septembre 1708 [tome 10], p. 127-129.</bibl>
          <p/>
          <p>Je vous ay parlé dans ma Lettre du mois de Juin d’un nouveau Livre intitulé : <hi rend="i">Mital, ou Aventures incroïables, &amp; toute-fois &amp;c.</hi> Comme ce Livre est non-seulement tres-amusant, mais qu’il est aussi des plus extraordinaires qui ayent jamais paru, il a donné beaucoup d’exercice à ceux qui ont crû qu’il renfermoit de grands mysteres, jusques-là même qu’il s’est trouvé de beaux esprits qui se sont extrêmement égarez dans la recherche de ces prétendus mysteres. Enfin, pour faire cesser ces interpretations, on vient de donner la Clef qui explique le dessein qu’on a eu dans le recit des prodigieuses Aventures que cet Ouvrage contient, avec quelques Scenes qui doivent faire plaisir. Vous serez bien étonnée lors que vous trouverez dans cette Clef prés de trois mille citations de plus de cent quatre-vingt Auteurs, qui autorisent ce qui y paroist incroyable, si l’on est d’humeur à le croire. Il est enfin constant qu’il y a dans <hi rend="i">Mital</hi> un précis de tout ce qui a été écrit de plus surprenant ; de plus bizarre par rapport aux choses naturelles, aux Coûtumes, aux opinions, &amp;c. La Clef &amp; le Livre se vendent chez Charles le Clerc, Quay des Augustins, du côté du Pont Saint Michel, la Toison d’or.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-09_129">
          <head>[Premiere Pierre du College des Barnabites de Montargis, posée par S.A.R. Madame]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, septembre 1708 [tome 10], p. 129-131.</bibl>
          <p/>
          <p>Les Peres Barnabites de Montargis aprés avoir fait bâtir leur Eglise, qui est une des plus belles de la Province, font aussi bâtir leur College, où ils sont établis depuis 1620. feuë Son A.R. Monsieur ayant mis la premiere pierre de l’Eglise en 1679. S.A.R. Madame a bien voulu que celle du College fust mise en son nom. Cette Ceremonie se fit le 30. du mois passé. Le Clergé de la Ville, le Maire &amp; les Echevins precedez des Compagnies de toute la Bourgeoisie sous les armes, les Officiers du Presidial, de l’Election, de la Prevosté, de la Maréchaussée, &amp; des Eaux &amp; Forests, y ont assisté par ordre de Son Altesse Royale. Mr de la Motte, Lieutenant general de Police &amp; Procureur du Roy &amp; de Son Altesse Royale, a mis la premiere pierre au nom de Madame. Les Ecoliers du College reciterent avant la Ceremonie plusieurs Pieces de Vers à la loüange de cette Princesse &amp; de S.A.R. Monsieur le Duc d’Orleans.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-09_131">
          <head>[Article concernant tout ce qui s’est passé à l’occasion de l’élection d’un nouveau Prevost des Marchands ; le Scrutin presenté au Roy, &amp; les ceremonies observées par la Ville en Corps, le jour de la Feste de Saint Louis, avec les harangues prononcées à cette occasion]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, septembre 1708 [tome 10], p. 131-159.</bibl>
          <p/>
          <p>La place de Prevost des Marchands de la Ville de Paris, qui a toûjours esté tres-considerable, est encore devenuë plus importante à cause de la nouvelle étenduë que l’on a donnée au pouvoir de ceux qui en sont pourvûs, Mr Boucher d’Orsay ayant esté Prevost des Marchands pendant neuf ans, durant lesquels il a fait voir la sagesse &amp; la probité qui sont hereditaires dans son illustre famille, vient d’avoir pour successeur, Mr Bignon l’aîné, Conseiller d’Etat. Cette place devoit estre remplie par un homme d’un aussi grand nom &amp; d’une aussi grand distinction pour consoler le Peuple de Paris de la perte qu’il venoit de faire. Mais il trouve heureusement dans la personne de Mr Bignon un Magistrat distingué par son rang ; doux, affable, populaire, équitable, éclairé, capable de gouverner les affaires publiques, &amp; qui a toûjours trouvé moyen de concilier les interests du Roy avec ceux du Public, d’une maniere qui luy a toûjours attiré beaucoup de loüanges. Il estoit encore fort jeune lorsque son esprit commença à briller dans la Charge d’Avocat du Roy au Chastelet. Il ne s’est pas moins distingué ensuite dans l’exercice de la Charge de Conseiller au Parlement, ainsi que dans l’Intendance de Normandie, &amp; dans celle de Picardie &amp; d’Artois, où il a esté extrêmement regretté. Il a fait voir que les temps les plus difficiles ne l’estoient pas pour luy, &amp; qu’il sçavoit en tout temps contenter le Roy &amp; les Peuples ; ce qui engagea Sa Majesté il y a quelques années à le nommer Conseiller d’Etat, pour recompenser son merite &amp; ses services. C’est un avantage qui luy est commun avec ses illustres parens, tant du costé paternel que maternel. Il suffit de nommer les Bignons, &amp; les Phelypeaux pour faire en peu de mots connoître au Public les honneurs &amp; les prerogatives qui sont attachées à ces illustres noms, soit dans la Robbe, soit dans le Ministere &amp; dans la Republique des Lettres.</p>
          <p>Quelques jours aprés la nomination du nouveau Prevost des Marchands, ce grand Magistrat alla à Fontainebleau, accompagné du Corps de Ville, pour prester serment entre les mains du Roy, &amp; le Scrutin fut presenté à Sa Majesté selon l’usage ordinaire, par Mr de Grise Noire, Conseiller au grand-Conseil, &amp; grand Rapporteur au Sceau, second fils de Mr Chauvelin Conseiller d’Etat. Il fit un Discours qui ne parut pas moins éloquent que judicieux, &amp; qui fit connoistre qu’il est tres-digne du sang d’un pere qui s’est distingué dans tous ses emplois, &amp; sur tout dans celuy de l’Intendance, &amp; d’un frere aîné qui s’estoit aussi attiré de grands applaudissemens en presentant le Scrutin à S.M. dans une pareille occasion, &amp; qui a esté mis, quoy que fort jeune, en qualité de Maistre des Requestes, dans le premier Tribunal du Royaume. La maniere &amp; le succés avec lesquels il exerce cette grande Charge, joints aux grandes qualitez qui le font estimer, donnent lieu d’en concevoir les plus hautes esperances.</p>
          <p>Vous sçavez qu’il y a toûjours quatre Echevins en fonction ; que les deux plus anciens sortent tous les ans de l’Echevinage, &amp; que l’on en choisit deux nouveaux pour remplir leur place. Ceux qui viennent de quitter cet employ, sont : Mr Scoujon, &amp; Mr Denis. Ils en ont rempli toutes les fonctions avec un applaudissement general. On peut dire que tous ceux qui sortent de l’Echevinage, &amp; que tous ceux qui y entrent, sont d’une probité reconnuë. Les Statuts sont tres-rigoureux là-dessus, &amp; un homme qui auroit été arrêté prisonnier quoi qu’injustement, ne peut estre élû Echevin, &amp; l’on doit avant d’y parvenir avoir passe par beaucoup d’emplois qui font connoistre le merite, &amp; l’exacte probité de ceux qui les ont remplis.</p>
          <p>Les nouveaux Echevins qui ont esté nommez, sont : Mr Bloüin, Quartinier, &amp; Commis aux Greffe du Conseil du Roy ; &amp; Mr Regnault, Marchand, qui s’est acquis une grande réputation dans le negoce. Ces nouveaux Echevins presterent serment aprés Mr le Prevost des Marchands, &amp; S.M. leur fit à tous un accüeil tres-favorable, &amp; leur parla avec la maniere obligeante qui est si naturelle à ce Monarque.</p>
          <p>Le Roy estant encore dans un âge peu avancé, &amp; qui ne luy permettoit pas de se mettre à la teste de ses Armées, ne laissoit pas avant la Paix des Pyrenées de quitter Paris à l’ouverture de toutes les Campagnes, pour aller tenir sa Cour dans une des Villes les plus frontieres du lieu où l’on devoit faire quelque Siege, afin que l’on y pût recevoir plus promptement ses ordres, &amp; que sa presence donnast plus de chaleur aux Troupes qu’il visitoit quelquefois selon qu’on le jugeoit à propos pour le bien de ses affaires. Les mouvemens continuels que ce Prince se donnoit, furent cause qu’il tomba malade à Calais, où il auroit perdu la vie si le Vin-Emethique, ne l’eut tiré de l’extremité où il se trouva réduit. La Ville de Paris sçachant l’estat où estoit ce Monarque, fit vœu pour le recouvrement de sa santé, &amp; pour la conservation de ce Prince, de faire chanter tous les ans le jour de la Feste de Saint Louis, une Messe solemnelle de Saint Roch, dans la Chapelle du Louvre, &amp; les Carmes du grand Convent furent choisis pour cet effet. C’est pourquoy on les voit tous les ans le jour de Saint Louis, traverser la Ville en Procession en Chappes, faisant porter beaucoup de Reliques, au son de plusieurs Instrumens &amp; particulierement des Trompettes. Cette Procession est toûjours suivie du Corps de Ville, qui a l’avantage de voir marcher à sa teste, Mr le Gouverneur de Paris, &amp; Mr le Prevost des Marchands accompagnez de la plus grande partie des trois cens Archers de Ville, &amp; de leurs Officiers. Les Carmes ont soin tous les ans d’inviter par un Compliment Mr le Gouverneur de Paris ; Mr le Prevost des Marchands, &amp; le Corps de Ville, de se trouver à cette Procession. Le Pere de Pigray, est celuy qui a esté chargé cette année du Compliment d’invitation, &amp; ce Pere n’ayant point trouvé Mr le Duc de Tresmes, Gouverneur de Paris, parce qu’il estoit à Fontainebleau avec Sa Majesté, fit le Compliment suivant à Mr le Marquis de Tresmes son fils.</p>
          <quote>
            <p><hi rend="i">MONSIEUR,</hi></p>
            <p><hi rend="i">Si la grandeur du Roy pour la conservation duquel nous venons interesser la pieté de vostre illustre pere, luy estoit moins connuë, nous en ferions une éloge, &amp; cet éloge quoyque toûjours inferieur à son auguste caractere, ne laisseroit pas d’animer ce zele qu’il fait paroistre dans toutes les occasions où il s’agit de la gloire de S.M. mais ce dessein tout glorieux qu’il est, ne seroit-il pas temeraire ?</hi></p>
            <p><hi rend="i">C’est de luy, Monsieur, que nous devons apprendre à offrir des vœux pour un Souverain, dont il approche le Trône de si prés, dont il interprette si souvent les volontez, &amp; duquel les grandes vertus luy sont bien mieux connuës qu’à nous ; c’est la parfaite intelligence qu’il a des excellentes qualitez qui sont singulieres au plus grand Roy du monde, qui l’a placé au dessus des peuples pour leur inspirer les mêmes sentimens de zele &amp; d’attachement qu’il a pour le service de Sa Majesté.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Nous venons le supplier, Monsieur, de paroistre dans un jour de solemnité à la teste de ce peuple qui a esté commis à son sage gouvernement, pour luy estre un modele de la pieté la plus sincere &amp; la plus édifiante ; elle a esté exemplaire, elle a esté magnifique, cette pieté, dans la personne de vostre ayeul, vostre illustre Maison l’a reçûë de luy comme une succession qu’elle prefere à l’éclat des Emplois &amp; à la pompe des Dignitez ; une sagesse prematurée l’a fait briller en vous dés les premieres lueurs de la raison ; nous devons en recevoir des témoignages publics. Que ces témoignages seront avantageux ? de si dignes offrandes presentées pour la conservation du Roy, seront reçûës en odeur de suavité sur les autels du Tout-Puissant ; ces vœux seront du caractere de ceux qui ont le pouvoir de toucher le cœur de Dieu ; ils donneront une nouvelle force à nos prieres, &amp; ils feront naistre une tendre devotion dans les cœurs des citoyens.</hi></p>
          </quote>
          <p>Le même Pere s’estant ensuite rendu à l’Hôtel de Ville ; fit le compliment suivant à Mr le Prevost des Marchands &amp; à Mrs de Ville.</p>
          <quote>
            <p><hi rend="i">MESSIEURS.</hi></p>
            <p><hi rend="i">S’il s’agissoit icy de vous proposer quelqu’une de ces festes publiques que vostre zele a si souvent décernées aux Triomphes de Loüis le Grand, je laisserois à de celebres Orateurs les soins glorieux de vous peindre par de vives expressions, &amp; la grandeur de ce heros, &amp; l’ardeur de ce zele qui vous a toûjours animé à publier sa gloire.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Mon discours doit renfermer quelque chose de plus vif, de plus pressant ; Je viens en Orateur chrêtien vous demander les offices d’une pieté qui vous est ordinaire ; pour l’animer cette sincere pieté, n’est-ce pas assez de vous dire que je veux l’interesser à la conservation du plus religieux, du plus grand de tous les Souverains, je viens, dis-je, vous rappeller les tristes idées de ces jours de deüil, où vos peres dans l’amertume de leurs cœurs, épancherent leurs âmes devant Dieu, pour détourner la violence du mal qui menaçoit la vie du plus grand de nos Roys, c’est vous exposer d’un seul trait ces jours d’allegresse publique, ausquels des vœux ardents ayant obtenu l’entiere guerison de ce Prince admirable, vos illustres predecesseurs reprirent les premiers ornemens de leur joye.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Ce n’est donc pas, Messieurs, dans un jour de larmes que je demande la continuation de ces vœux que la religion de vos peres a consacrez, &amp; qu’elle a voulu transmettre jusqu’à vous ; c’est dans un jour de prieres que vostre pieté a prescrit, pour demander à ce divin Seigneur qui tient en ses mains la durée de nos jours, la conservation d’un Roy qui devroit toûjours vivre, s’il estoit possible, pour nous rendre toûjours heureux : jour d’actions de graces ! jour de supplications auquel vous implorez la protection d’un Saint dont l’intercession est fameuse dans tout le monde chrêtien, auquel vous honorez la Confrerie érigée en son nom ; vous la soûtenez de vos biensfaits, vous satisfaites aux tendres sentimens de vostre devotion, vous entrez dans les pieux desseins d’un Roy tres-chrêtien, vous representez la religion des peuples dont vous estes établis les peres.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Quoy de plus solide, Mrs, quoy de plus touchant que le motif qui doit animer icy vostre pieté ? Elle a en vuë la conservation du plus Religieux, du plus grand de tous les Rois ; qu’il ait regné, qu’il regne encore tout couvert de lauriers, que ce Roy glorieux surpasse tous les heros, sa pieté n’a-t’elle pas toûjours égalé sa gloire ? ne l’a-t’elle point emporté sur sa valeur, n’en a-t’elle pas esté la source ? Que son Regne, comme celuy de Salomon, ait fait fleurir la justice dans cet auguste Royaume ? C’est par les conseils éclairez d’une sagesse qu’il a reçuë de Dieu, qu’environné de toute la gloire des Conquerans, il ait plusieurs fois preferé le repos du monde à l’interest d’agrandir ses Etats ; c’est par une clemence qui est le propre de la Divinité dont il est l’image sur la terre : le zele de la maison de Dieu a toûjours esté l’âme de ses actions : comme David il paroist le premier devant l’Arche eà la tête de tout Israël : comme Ezchias il n’a pû voir les Chapelles de division que l’heresie avoit élevées sur les hauteurs de Garizim, sans les détruire ; il a reüni les cœurs par les liens d’une même religion, ramené les esprits à l’unité d’une même foy : si les pechez du peuple l’ont fait cesser quelques momens d’estre victorieux, il n’a pas cessé d’estre vainqueur : cette constance si digne du heros chrêtien ne l’a pas abandonné ; l’esprit de force qu’il a conservé dans des évenemens contraires n’est-il point superieur à l’éclat des plus fameuses victoires ?</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le Motif de vostre devotion n’eut donc, Mrs, jamais rien de plus juste, jamais rien de plus saint : aussi qu’elle pieté fut jamais plus sincere, plus veritable que la vôtre ? vous estes ces hommes de misericorde selon le cœur de Dieu ; une distinction qui vous estoit dûë vous a mis à la tête des Citoyens pour les soûtenir, les deffendre, les proteger ; vous estes les delices, l’ornement, la gloire de la Patrie, vous veillez à sa seureté ; vous en asseurez le repos : Le Monarque parle-t-il à ses sujets, il s’explique par vos bouches : les peuples s’assemblent-ils pour offrir des vœux au Ciel, vous estes les Interpretes des sentimens publics.</hi></p>
            <p><hi rend="i">N’est-ce pas Messieurs dans la connoissance des hautes vertus qui vous distinguent, que le Roy dont la penetration est toûjours vive, dont les choix sont toûjours les choix de Dieu, vous a donné pour chef un Magistrat d’une integrité reconnuë, d’une intelligence superieure, issu de cette illustre maison où l’amour de la justice est hereditaire ; ce zele de justice qui regle tout avec prudence, qui ne peut estre surpris ni par la prevention, ni par la faveur, n’a-t-il pas brillé dans ses actions, dans ses jugemens avec un éclat qui égale celuy de ses Ancêtres dans l’importante administration de la Picardie &amp; du Pays d’Artois ? une sage conduite qui veille pour les interests de son Souverain ? n’a-t-elle pas esté en luy de concert avec une tendre misericorde qui soûlage les peuples ?</hi></p>
            <p><hi rend="i">C’est de ses mains, c’est des vôtres, Messieurs, que la pieté publique exige des encens ; ce suprême Seigneur pourroit-il en recevoir de plus saints, de plus agreables ? puisqu’ils seront offerts par des mains pures, innocentes, tout occupées à la distribution de la justice, au soûlagement des peuples ; ils seront reçûs en odeur de suavité, puisqu’ils fumeront sur nos Autels pour obtenir au plus religieux de tous les Roys, la conservation de ses jours si precieux à l’honneur du Sanctuaire à, la gloire de la Monarchie ; à la felicité des peuples.</hi></p>
          </quote>
          <p>On doit remarquer que l’on rend tous les ans le Pain benit à la Messe solemnelle dont je viens de vous parler, &amp; que ce Pain benit est rendu tous les ans par une personne differente ; mais de la plus haute distinction, invitée pour cet effet. Mr le Duc de Gesvres l’avoit rendu il y a 21. an, &amp; Mr le Duc de Trêmes son fils, Gouverneur de Paris, l’a rendu cette année avec toute la pompe &amp; tout l’éclat convenable à un homme de son rang &amp; de sa naissance. Les Trompettes &amp; les Hauts-bois de Sa Majesté accompagnerent six Pains benits, ainsi que la Compagnie des Gardes, &amp; la maison de ce Gouverneur tres-lestement vêtuë. Les Pains benits estoient portez par douze Suisses qui avoient la livrée de la maison de Trêmes. Ces Pains benits estoient garnis de Cierges &amp; de Banderoles aux Armes de la même maison, &amp; le Cierge qui fut presenté à l’Offrande, étoit garni de plusieurs pieces d’or.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-09_210">
          <head>[Mort de Mre Jean Luillier, Seigneur de Labbeville]*</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, septembre 1708 [tome 10], p. 210-216.</bibl>
          <p/>
          <p>Mre Jean Luillier, Chevalier, Seigneur de Labbeville, Fontaine &amp; Morenville, âgé de soixante-sept ans, mourut à Paris la nuit du 9. au 10. du mois dernier, pleuré d’un grand nombre d’Amis, estimé de ceux qui ne le connoissoient qu’à peine, ainsi que de ceux qui se faisoient honneur d’estre connus de luy, &amp; regretté de tous. Jamais homme n’a joint plus de qualitez aimables a plus de vertus solides. Il aimoit la magnificence ; il estoit liberal jusqu’à la profusion, genereux jusqu’au dernier desinteressement, &amp; charitable jusqu’à preferer les besoins des pauvres aux dépenses qu’il faisoit avec le plus de plaisir. Jamais pauvre n’a esté renvoyé à sa porte, &amp; jamais indigent n’a eu recours à luy sans effet. Il se faisoit un plaisir particulier de soulager de pauvres vieillards que leur âge ou leurs infirmitez retenoient dans leur lit &amp; dans leur maison, &amp; de faire élever de jeunes gens qui paroissoient disposez au bien, d’une maniere qui pouvoit leur donner lieu de se distinguer &amp; de s’établir. Cette charité luy a souvent réüssi, &amp; Paris est rempli de gens estimez &amp; souhaitez par tout, qui luy doivent leur reputation &amp; leur fortune. Il cherchoit avec autant de soin les occasions de donner, que d’autres les évitent. Il communiquoit facilement ses grands biens ; mais toûjours avec proportion &amp; avec choix. Il avoit plus de facilité à les répandre qu’il n’avoit d’attention à les recüeillir. Il se plaisoit sur tout à se cacher lorsqu’il répandoit ses graces &amp; ses liberalitez. Il avoit toûjours des témoins de la maniere noble dont il vivoit, mais il prenoit soin de n’en avoir pas, des bonnes œuvres qu’il se plaisoit à faire. Ses propres domestiques les ignoroient, ses meilleurs Amis n’en sçavoient rien, &amp; dés qu’il s’en estoit acquitté à son gré, ceux à qui il avoit fait du bien auroient dit qu’il l’ignoroit tant il prenoit de soin de l’oublier. Jamais pauvre honteux ne s’est autant caché pour luy demander, qu’il s’est caché luy même pour luy ouvrir sa bourse ; &amp; il ne sentoit jamais si bien le plaisir d’estre riche que lorsqu’il joüissoit à son gré du plaisir de donner. Il avoit de l’esprit &amp; du sçavoir, &amp; il ne s’en servoit jamais plus heureusement avec autant d’attention que lorsqu’il les employoit à loüer ceux en qui il en trouvoit. Tout genre de merite luy estoit bon. Tout beau talent luy estoit cher, &amp; toute bonne qualité luy estoit agreable. Il aimoit les ouvrages d’esprit, il les critiquoit avec peine, il les approuvoit avec plaisir, &amp; il attiroit chez lui ceux qui en faisoient, ou qui estoient capables d’en faire, &amp; toûjours dans l’idée d’ajoûter quelque récompense à son approbation. Il avoit un grand goust pour toutes choses ; mais sur tout pour les Bâtimens &amp; pour la Musique, &amp; il employoit utilement les Architectes &amp; les Musiciens. C’étoit un titre pour eux lorsqu’il les employoit. Ses pensées estoient vives, ses idées justes ses lumieres pures, son choix toûjours sûr &amp; son goust toûjours approuvé. Il avoit fait de toutes ses maisons tant à Paris qu’à la Campagne, autant de reduits charmans inaccessibles à l’ennuy, &amp; d’où sa seule presence estoit en possession de bannir le chagrin &amp; la tristesse. Enfin aprés avoir vécu en Philosophe, il est mort en Chrestien.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-09_252">
          <head>Madrigal</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, septembre 1708 [tome 10], p. 252-254.</bibl>
          <p/>
          <p>Les Vers qui suivent n’exciteront point de dispute comme ceux dont il est parlé dans l’Article que vous venez de lire. Ils ont été faits sur un ouvrage qui doit autant durer que le monde, par Mr Moreau de Mautour, qui travaille à immortaliser son nom. L’ouvrage est le Dictionnaire Geographique &amp; Historique de Mr de Corneille, qui doit estre rendu public dans le temps que vous recevrez ma Lettre. Je ne vous dis rien de cet ouvrage dont je vous ay amplement parlé le mois passé, &amp; qui est attendu avec impatience, non-seulement de toute l’Europe ; mais même de toute la terre, s’il m’est permis de parler ainsi.</p>
          <quote>
            <label>MADRIGAL.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">L’esprit fait ses Heros, ainsi que la valeur.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Cet ouvrage immortel que nous voyons paroistre,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Acheve d’assurer la gloire à son Auteur :</hi></l>
              <l><hi rend="i">Les Muses &amp; les Arts l’ont déja fait connoistre,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Frere du grand Corneille il marche sur ses pas.</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Mais lorsque sa plume feconde</hi></l>
              <l><hi rend="i">Décrit ce que le Ciel sous ses vastes climats,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Comprend sur la terre &amp; sur l’on de ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Il conserve son nom au-delà du trépas,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et confond sa durée avec celle du monde.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-09_273">
          <head>[Réjoüissances publiques faites à Madrid la veille &amp; le jour de la Feste de S. Louis]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, septembre 1708 [tome 10], p. 273-283.</bibl>
          <p/>
          <p>L’Article que vous venez de lire doit donner autant de chagrin aux Alliez, que celui qui suit a donné de plaisir à la Cour d’Espagne &amp; au Peuple de Madrid.</p>
          <p>La Cour &amp; le peuple de cette Ville ont celebré la feste de Saint Loüis d’une maniere qui fait voir que leur zele &amp; leur affection pour le Roy d’Espagne &amp; pour la Maison Royale ont toûjours la même vivacité. On tira le soir de la veille de cette Feste des feux d’artifice en plusieurs endroits de la Ville ; on en avoit preparé un vers la Place de la <hi rend="i">Cevade</hi> prés la Porte de Tolede par les soins des Bourgeois de ce Quartier ; il fut trouvé des plus beaux ; mais celuy que Mr le Comte de las Torres avoit fait dresser au milieu de la plus spacieuse des Cours du <hi rend="i">Buen-Retiro</hi>, qui est celle par où l’on entre au Collisée, fut encore plus admiré. On avoit élevé deux manieres de Baldachins semblables à deux Pavillons qui partageoient cette Cour ; l’un estoit orné de Festons de verdure au milieu desquels paroissoit une grande Coquille d’où une fontaine de vin coula toute l’aprés-dînée &amp; pendant une partie de la nuit, &amp; l’autre representoit le Palais du Soleil ; la Statuë de ce Dieu estoit en pied au milieu ; elle estoit dorée en plein ; il y avoit des Inscriptions sur toutes les Façades, &amp; cette demeure du plus brillant des Dieux parut toute de lumiere lorsqu’on mit le feu à l’artifice qui avoit esté disposé pour cet effet. Cette Cour estoit entourée de Fanaux placez en symetrie &amp; élevez de dix pieds de haut qu’on appelle à Madrid <hi rend="i">Luminarias</hi>, &amp; generalement toutes les fenestres qui ont vûë sur cette grande Place estoient garnies de flambeaux. Pendant tout le temps que la varieté de ces feux divertissoit tres-agreablement la vûë, on eut le plaisir d’entendre un million de <hi rend="i">vivat</hi> meslez au bruit des Timballes &amp; des Trompettes qui de differens endroits se répondoient par échos. Ces preludes annoncerent pour le jour suivant des Spectacles d’une beaucoup plus grande magnificence.</p>
          <p>La Place la plus frequentée de Madrid est celle qu’on nomme la Porte du Sol ; sept des plus grandes ruës de la Ville y aboutissent ; toute l’Architecture d’une belle fontaine qui est au milieu, estoit ornée de fleurs &amp; de verdure ; un peu plus bas du côté de la <hi rend="i">Calle-Major</hi>, ou grande ruë, on avoit dressé un Château de feu à trois étages &amp; fort élevé ; on y voyoit des Inscriptions de tous côtez à la loüange de leurs Majestez Catholiques, qui estoient remplies d’Augures heureux qui regardoient le Prince des Asturies. A la Façade des maisons de cette Place opposée à celle de l’Eglise nommée du <hi rend="i">Bon-Succés</hi>, on avoit placé un Dais magnifique, au haut duquel on avoit mis le Portrait de Saint Loüis en pied ; celuy du Roy estoit au dessous ; celuy de S.M.C. à sa droite ; celuy de la Reine à sa gauche, &amp; au dessous celuy du jeune Prince des Asturies : des tapisseries d’une grande beauté, les Tableaux d’autres Princes de la Maison Royale, &amp; de riches ornemens qu’on nomme <hi rend="i">Colgaduras</hi> accompagnoient le Dais, &amp; paroient tous les balcons de la Place d’une maniere aussi galante que bien entenduë, &amp; l’on doit avoüer que les Espagnols sçavent parfaitement arranger tout ce qui peut entrer dans la disposition de ces sortes de Fêtes. Dés que la nuit fut fermée tous ces balcons furent illuminez de grands flambeaux de cire blanche de cinq livres chacun, toutes les ruës bordées des <hi rend="i">Luminarias</hi> dont j’ay déja parlé, &amp; enfin sur les neuf heures on tira le feu qui fut executé de la maniere du monde la plus vive &amp; la plus agreable.</p>
          <p>Pendant que la Ville estoit occupée de ces plaisirs, la Cour joüissoit au Buen-Retiro d’un spectacle digne de la Majesté des personnes qui l’honoroient de leurs presences. Mr le Comte de Las-Torres avoit demandé au Roy d’Espagne depuis plus de quatre mois la permission de luy donner une Feste. S.M.C. luy marqua le jour de Saint Loüis ; ce Comte qui est riche, dont la valeur est connuë, &amp; qui est attaché à son maître par le zele le plus ardent &amp; l’affection la plus sincere, si representer sur le Theatre du Colisée, un Opera des plus magnifiques qui ayent esté vûs en Espagne ; les Décorations étoient des plus brillantes, &amp; les habits de plus de cent Acteurs estoient des plus superbes ; l’Orquestre charma tout le monde par la varieté de la simphonie qui fut trouvée admirable, &amp; qui fut tres-bien executée, &amp; les Etrangers qui ont du goust &amp; du discernement, convinrent tous que si la Musique Espagnole estoit desormais traitée par des personnes aussi sçavantes, il ne luy manqueroit que les voix qui executent les grands chœurs, pour égaler la Musique Italienne. Cet Opera a esté imprimé, &amp; il est dedié à Madame la Princesse des Ursins.</p>
          <p>Enfin on ne parle à Madrid que de ce grand Spectacle pour lequel Mr le Comte de Las-Torres a dépensé de l’aveu de tout le monde plus de 30000. écus ; il y a des habits d’Actrices qui ont coûté plus de 100. pistolles. Il est aisé de croire que Leurs Majestez Catholiques qui ont fait connoistre combien Elles ont esté satisfaites de cette Feste, sont aussi sensibles qu’Elles le doivent au témoignage signalé que Mr de Las-Torres leur a donné de son dévoüement à leur service.</p>
          <p>Si les Imprimez qui regardent cette Feste tombent entre mes mains, je vous envoyeray une traduction de tout ce qui manque à cette Relation, &amp; particulierement des Inscriptions qui regardent la gloire de Leurs Majestez Catholiques.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-09_329">
          <head>[Journal du Siege de Lille]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, septembre 1708 [tome 10], p. 329-332.</bibl>
          <p/>
          <p>Milord Marlborough sçachant la situation où estoit l’Armée de Monseigneur le Duc de Bourgogne, &amp; aprehendant toûjours quelque surprise de la part de ce Prince, vint camper le 18. vis-à-vis de l’Abbaye du Saulsoy-l’Escault entre les deux Armées. Il y eut plusieurs conversations par dessus cette Riviere entre les Officiers des deux Partis, &amp; même entre les soldats. Les premiers demanderent du vin de Champagne à ceux de nostre Armée qui leur en envoyerent ; nos soldats jetterent du pain aux autres qui en échange leur jetterent du tabac, ce qui fut deffendu, &amp; l’on mit même des sentinelles pour l’empêcher. Mylord Marlborough fit demander qu’il fust permis que l’on fit boire de part &amp; d’autre les chevaux à l’Escaut, ce qu’il ne put obtenir, &amp; ce qui fut sans doute cause qu’il délogea peu de temps aprés sans Tambour &amp; sans Trompettes, pour se raprocher de Lille où Mr de Bouflers a sçû trouver le moyen de s’engager les cœurs de tous les Habitans qui s’exposent de la meilleure foy du monde, &amp; avec tout le zele imaginable, aux perils les plus évidens, &amp; qui vont au devant de tout ce qui peut estre utile au service du Roy, &amp; dont plusieurs ont vû abattre leurs maisons avec joye, parce qu’elles pouvoient servir aux retranchemens ordonnez par ce Maréchal. Il ne s’est point fait de sorties de la Ville, soit pour la deffense des dehors, ou pour aller chasser les Ennemis des posstes qu’ils avoient occupez, sans qu’il y ait eu au moins 400. Bourgeois parmi les Troupes qui sont sorties, &amp; on assure qu’outre cela il se trouve beaucoup de gens de metier qui remplissent les places de ceux qui sont tuez dans chaque Compagnie, &amp; qui même consentent a s’enroller ; mais seulement pour le temps que durera le Siege.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-09_381">
          <head>[Article des Enigmes]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, septembre 1708 [tome 10], p. 381-383.</bibl>
          <p/>
          <p>Le mot de l’Enigme du mois dernier estoit les <hi rend="i">Quatre Elemens</hi>. Ceux qui l’ont trouvé sont Mrs de Montignac, du Portail-Imbert, de Limoges ; de Clerfeüille ; de Fontaine ; d’Arbriselle ; de Claireau ; de Launois ; le jeune Abbé de la ruë Saint Antoine ; la Ferriere ; Tamyriste ; le Voisin du cerceau de la ruë Bertin-Poiré ; l’Amant en idée ; le Protecteur des Romans ; le Mechanicien de Cour-Cheverny, en Sologne ; l’Anti-Diable boiteux, Mlles de la Coste ; de Clamaret ; de Panneval ; d’Orbustieres ; Madelon Robinet de la ruë Saint Martin ; la jeune Muse renaissante G.O. la plus jeune des belles Dames de la ruë des Bernardins ; la Solitaire de la ruë aux Feves ; Cato du Bourgkachar ; la Pouponne de la ruë Saint Honoré ; l’Amante triste &amp; dolente de la ruë Saint Denis, &amp; Janneton la nouveliste.</p>
          <p>Je vous envoye une Enigme nouvelle ; elle est de Mr Du… d’Har… de Bezançon.</p>
          <quote>
            <label>ENIGME.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Celuy qui créa tout ne me fit pourtant point,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et l’homme, cet ouvrage acomply de tout point,</hi></l>
              <l><hi rend="i">N’égale pas encore mon ancienne naissance.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Je suis avec le pauvre ainsi qu’avec le Roy ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Aveugle, je les suis avec grande asseurance</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Sans qu’ils s’embarassent de moy.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Quoyque je sois sans yeux, je donne des lumieres</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ausquelles les Sçavans ont tres-souvent recours,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Leur estant necessaires</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Pour bien regler leurs jours.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-09_384">
          <head>Air nouveau</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, septembre 1708 [tome 10], p. 384.</bibl>
          <p/>
          <p>Je crois que la Chanson qui suit vous fera plaisir.</p>
          <quote>
            <label>AIR NOUVEAU.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Quand on est loin de ce qu’on aime,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">On n’a ni repos ni plaisirs ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et quand la tendresse est extrême,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">L’absence augmente les desirs.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-09_400">
          <head>[Suite du Journal du Siege de Lille]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, septembre 1708 [tome 10], p. 400-403.</bibl>
          <p/>
          <p>Le même jour 29. Mr le Comte de la Motte sçachant que les Charettes qui avoient chargé à Ostende une partie des choses que la Flotte Angloise avoit débarquées pour être transportées au Camp du Prince Eugene, étoient en marche pour s’y rendre, &amp; qu’elles estoient déja proche de Koquelar, &amp; craignant que tout le Convoy ne passast s’il differoit d’avancer pour en arrêter la marche, crut devoir attaquer les Ennemis, ce qu’il fit en effet sans attendre qu’il eut esté joint par les Troupes qui avoient ordre de le joindre. Ainsi il engagea le combat quoy qu’il fut plus foible qu’eux ; mais il ne les put enfoncer. Cependant il continua le Combat, afin de laisser avancer les Troupes qu’il attendoit &amp; qui le joignirent deux heures aprés l’action. Mais les Ennemis s’estoient retirez, tant parce que la nuit survint, que parce que sçachant qu’il venoit un renfort à Mr de la Motte ils apprenhendoient d’être coupez. Les Troupes Espagnoles ont fait merveille en cette occasion, où Mr de la Motte n’a perdu qu’environ cinq cens hommes, &amp; les Ennemis beaucoup davantage, selon le raport de plusieurs Lettres. Ce Comte a mandé, qu’ayant reçu son renfort, il alloit de nouveau attaquer les Ennemis qui estoient à Odembourg. Il n’a passé tres-certainement que deux cens charettes chargées de Sel, d’Eau-de-vie &amp; de Vinaigre, dont les Ennemis avoient grand besoin pour rafraîchir leurs canons. Il y avoit aussi sur ces charettes plusieurs Officiers &amp; Soldats qui avoient esté blessez dans le Combat qui venoit de se donner. Un Tambour dit avoir compté les deux cens charettes qui sont arrivées à Menin, &amp; qu’il n’y en est pas entré une davantage.</p>
          <p>Mr le Maréchal de Bouflers a écrit qu’il tiendroit dans la Ville seule jusqu’à la fin du mois d’Octobre, &amp; toutes les breches sont herissées de pointes de fer qui ne laissent aucune prise. Je crois que vous vous appercevez bien que les nouvelles de Guerre qui se trouvent sur la fin de ma Lettre, occupant la place de plusieurs autres Articles, je me trouve obligé de les reserver pour le mois prochain. Je suis Madame, vostre. &amp;c.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-09_403">
          <head>Avis</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, septembre 1708 [tome 10], p. 403.</bibl>
          <p/>
          <quote>
            <label>AVIS.</label>
            <p>Le mois prochain commençant par quatre Fêtes de suite qui empêcheront de relier le Mercure, on ne vendra celuy d’Octobre que le septiéme de Novembre.</p>
          </quote>
        </div>
      </div>
      <div type="tome" xml:id="MG-1708-10">
        <head><hi rend="i">Mercure Galant</hi>, octobre 1708 [tome 11]</head>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-10_5">
          <head>Stances à Saint Loüis</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, octobre 1708 [tome 11], p. 5-7.</bibl>
          <p/>
          <p>Les Vers qui suivent sont adressez à Saint Louis, &amp; ont esté presentez au Roy le jour de la Feste de ce Saint, Sa Majesté estant à Fontainebleau.</p>
          <quote>
            <label>STANCES<lb/>à Saint Loüis.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Grand Roy, grand Guerrier &amp; grand Saint,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Qui de ces paisibles retraittes,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Le cœur d’un pur amour atteint,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Fîtes vos delices secrettes ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Voyez-y vostre auguste sang,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Sous vostre nom, dans vostre rang,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Pour même usage les élire,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Jettez vos regards les plus doux</hi></l>
              <l><hi rend="i">Sur l’heritier de vostre Empire,</hi></l>
              <l><hi rend="i">De vos vertus &amp; de vos goûts.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Brûlé du même amour que vous</hi></l>
              <l><hi rend="i">Il a fait voir le même zéle ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Vous combatîtes l’infidele,</hi></l>
              <l><hi rend="i">L’Héretique a senti ses coups.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Favorisez ses justes armes ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Troublez de mortelles alarmes,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Quiconque attaque son repos ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et pour rendre la terre heureuse,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Comblez d’une paix glorieuse</hi></l>
              <l><hi rend="i">Les jours de ce parfait Heros.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
          <p>Ces Vers sont de Mr de Messange, qui reüssit parfaitement en toute sorte de genre d’écrire, &amp; dont l’érudition est connuë.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-10_53">
          <head>[Ouvrages de Mr de la Fevrerie, touchant une nouvelle Acadeemiæ de beaux esprits]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, octobre 1708 [tome 11], p. 53-73.</bibl>
          <p/>
          <p>Je crois devoir faire succeder à la lecture d’un ouvrage qui a dû attirer toute vostre attention, des ouvrages qui doivent vous divertir puis qu’ils sont de M<hi rend="sup">r</hi> de la Fevrerie qui donne un tour aisé &amp; galant à tout ce qui part de sa plume, &amp; qui badine en Prose &amp; en Vers plus agreablement qu’homme du monde, ce qui n’est pas aisé sans tomber dans la bassesse. Je commence par une lettre dont il n’est pas necessaire de vous expliquer le sujet, cet Auteur faisant parfaitement bien entendre ses pensées, &amp; donnant de l’esprit aux moindres bagatelles.</p>
          <quote>
            <label>EPITRE.<lb/>A L’AUTEUR DU MERCURE GALANT.</label>
            <lg>
              <l>Vous m’oubliez Seigneur Mercure,</l>
              <l>Le tems est passé je le vois,</l>
              <l>En vain je compte par mes doigts</l>
              <l>Et fais une exacte lecture</l>
              <l>De vostre Livre tous les mois,</l>
              <l>Je n’y suis point triste avanture.</l>
              <l>Ce sera pour une autre fois,</l>
              <l>Me dis-je un peu de patience ;</l>
              <l>De mes Vers il va faire choix,</l>
              <l>Et les mettra sans que j’y pense,</l>
              <l>Joignons-y les autres emplois</l>
              <l>Que les affaires de la guerre,</l>
              <l>Luy donnent sur mer &amp; sur terre,</l>
              <l>Et qui l’accablent de leur poids,</l>
              <l>Malgré la bonté de ses aîles :</l>
              <l>A cette excuse je me rens,</l>
              <l>Non sans doute il n’a pas le tems</l>
              <l>De songer à nos bagatelles ;</l>
              <l>Elles viendront plus à propos,</l>
              <l>Quand la paix à nos vœux renduë</l>
              <l>Icy-bas sera descenduë,</l>
              <l>Et qu’elle aura mis nos Heros</l>
              <l>Dans le calme &amp; dans le repos,</l>
              <l>Fait cesser tambours &amp; trompetes.</l>
              <l>Il poura dans ce doux loisir,</l>
              <l>Entendre avec plus de plaisir,</l>
              <l>Nos chalumeaux, &amp; nos musetes,</l>
              <l>Nos tendres vers, nos chansonnettes.</l>
              <l>Ja dis je raisonnois ainsi,</l>
              <l>Quand je regardois sans soucy,</l>
              <l>Devant moy vingt ou trente années,</l>
              <l>Qui maintenant sont écoulées,</l>
              <l>Ausquelles sans trop me flater,</l>
              <l>Je n’oserois en ajouter</l>
              <l>Que tres peu de mal fortunées.</l>
              <l>Aujourd’huy donc qu’à tout moment,</l>
              <l>Je m’aproche du monument,</l>
              <l>Et qu’à grand pas la mort s’avance</l>
              <l>Je raisonne tout autrement.</l>
              <l> Mercure faite diligence,</l>
              <l>Je vous en suplie humblement,</l>
              <l>Vous en voyez la consequence,</l>
              <l>Que me servira-t-il alors,</l>
              <l>Que je seray parmy les morts,</l>
              <l>Qu’on lise mes petits ouvrages</l>
              <l>Dans quelques-unes de vos pages ?</l>
              <l>Rien du tout, aprés le trepas,</l>
              <l>Ces choses là ne touchent pas,</l>
              <l>Et mesme en mourant par avance,</l>
              <l>On n’a plus pour tous leurs apas</l>
              <l>Qu’une fort grande indifference.</l>
              <l>A vous dire la verité,</l>
              <l>Je borne au present mon envie,</l>
              <l>Et ne me suis jamais flatté</l>
              <l>De la vaine immortalité</l>
              <l>Dont nostre memoire est suivie ;</l>
              <l>Car j’aime mieux plein de santé,</l>
              <l>Un grain d’encens bien apresté,</l>
              <l>Que tout celuy de l’Arabie,</l>
              <l>Quand je ne seray plus en vie.</l>
              <l>Voila quel est mon sentiment</l>
              <l>Que je vous dis naïvement,</l>
              <l>Pour éviter sur toute chose</l>
              <l>Le compliment qui nous expose</l>
              <l>A de ridicules travers ;</l>
              <l>Et j’ay cru qu’une Lettre en Vers,</l>
              <l>Valoit mieux qu’une Lettre en Prose</l>
              <l>Ecrit bien avant dans la nuit,</l>
              <l>Le trente Aoust mil sept cent huit.</l>
            </lg>
          </quote>
          <p>La Lettre qui suit m’est encore adressée, &amp; elle peut servir de Prelude aux Maximes qui la suivent, faites par le même M<hi rend="sup">r</hi> de la Fevrerie, pour établir une Academie de beaux Esprits.</p>
          <quote>
            <label>A L’AUTEUR DU MERCURE GALANT.</label>
            <p><hi rend="i">Vous sçavez, Monsieur, que je suis Academicien par inclination, si je ne le suis pas par merite, &amp; sans estre d’aucune Societé, je pourrois vous dire que je suis Academicien né dans tous les lieux où je trouve des gens qui aiment les belles Lettres, &amp; les gens d’esprit. Je vous ay déja parlé de quelques-unes de ces Assemblées où j’ay l’honneur d’être appellé, &amp; ce que je vous en ay dit vous a paru digne d’être sçû du public. La Compagnie dont j’ay à vous parler maintenant est composée de personnes sçavantes &amp; choisies, &amp; qui pouvoient prétendre d’avoir place à l’Academie de Caën, si son Protecteur luy avoit donné du moins l’étenduë de la Generalité dont cette Ville est la Capitale. Vous jugez bien, Monsieur, que cette Compagnie est dans le voisinage de Caën ; je vous en diray davantage lorsqu’elle sera formée, &amp; qu’elle aura mis en pratique les Maximes que je vous envoye. Quoi que ces Reglemens soient en Vers, ils n’en sont pas moins solides, &amp; peuvent estre de quelque utilité aux Societez Provinciales qui s’attachent à cultiver les Sciences &amp; les belles Lettres.</hi></p>
          </quote>
          <p>Voicy ces Maximes, dont on peut dire que si les Rimes n’y sont pas riches en quelques endroits, la raison s’y trouve par tout.</p>
          <quote>
            <label><hi rend="i">MAXIMES</hi><lb/><hi rend="i">Pour établir une Academie de Beaux Esprits.</hi></label>
            <lg>
              <label>I.</label>
              <l> Pour trouver dans la Conference,</l>
              <l> Le plaisir &amp; l’utilité ;</l>
              <l> Il faut beaucoup de complaisance,</l>
              <l> De douceur, &amp; d’honnesteté.</l>
              <l> Autrement toute la science,</l>
              <l> L’esprit, &amp; la vivacité,</l>
              <l> Ne sont qu’orguëil, que suffisance,</l>
              <l>Que contestations, qu’opiniâtreté.</l>
            </lg>
            <lg>
              <label>II.</label>
              <l> C’est le défaut qui se rencontre</l>
              <l> Entre la pluspart des Sçavans.</l>
              <l> Ils cessent d’estre honnestes gens,</l>
              <l> Dés que l’occasion se montre</l>
              <l> De pousser leurs raisonnemens ;</l>
              <l>Ils ne comptent pour rien toutes les bien-séances,</l>
              <l>Vaincre dans la dispute est leur unique but ;</l>
              <l> Que Dieu garde vos Conferences</l>
              <l>De ces Docteurs fâcheux si jamais il en fut.</l>
            </lg>
            <lg>
              <label>III.</label>
              <l>Mais lorsque l’amitié forme une Academie,</l>
              <l>Dont elle unit les cœurs avecque les esprits,</l>
              <l>On voit une maniere agreable &amp; polie,</l>
              <l> Dans les mœurs, &amp; dans les écrits.</l>
            </lg>
            <lg>
              <label>IV.</label>
              <l>Pleins d’égars les uns pour les autres,</l>
              <l> Joignez l’estime à l’amitié ;</l>
              <l>Les talens d’autruy sont les vôtres,</l>
              <l> Icy chacun est de moitié.</l>
              <l> Vous avez connu le merite</l>
              <l>De ceux dont vous avez fait choix,</l>
              <l>Pourquoy mépriser dans la suite</l>
              <l>Et leurs suffrages &amp; leurs voix ?</l>
            </lg>
            <lg>
              <label>V.</label>
              <l>Mais vos sçavantes Assemblées</l>
              <l>Ne seront jamais bien reglées,</l>
              <l>A moins qu’un sage Directeur</l>
              <l>Sous les ordres d’un Protecteur,</l>
              <l>Ne donne à cette Academie,</l>
              <l>La forme, l’esprit, &amp; la vie.</l>
            </lg>
            <lg>
              <label>VI.</label>
              <l>En attendant d’autres lumieres,</l>
              <l>Voicy, si j’ose m’expliquer,</l>
              <l>Les choses les plus necessaires</l>
              <l>Que vous devez tous pratiquer.</l>
            </lg>
            <lg>
              <label>VII.</label>
              <l> Ecoutez ce qu’on dit avec attention,</l>
              <l>N’interrompez jamais par indiscretion,</l>
              <l> Par mépris, par prévention ;</l>
              <l> Que sçavez-vous ce qu’on veut dire ?</l>
              <l> Quelquefois une question</l>
              <l> Qui semble estre faite pour rire,</l>
              <l>Est pleine de bon sens, &amp; d’érudition.</l>
            </lg>
            <lg>
              <label>VIII.</label>
              <l> Mais vous estes d’avis contraire,</l>
              <l> Vous parlerez à vostre tour,</l>
              <l> Sans estre trop long, ny trop court,</l>
              <l>D’un air modeste &amp; doux, sans fierté, sans colere.</l>
              <l>Quand on traite les gens avec tant de hauteur,</l>
              <l>On rebute l’esprit, on revolte le cœur.</l>
            </lg>
            <lg>
              <label>IX.</label>
              <l> Examinez la question,</l>
              <l>Non pour la consulter, mais plutost pour la suivre ;</l>
              <l> Un honneste homme qui sçait vivre,</l>
              <l>N’est jamais entesté de son opinion.</l>
            </lg>
            <lg>
              <label>X.</label>
              <l>Mais sans prendre trop de licence,</l>
              <l>Sans aigreur, sans emportement,</l>
              <l>Il établit son sentiment,</l>
              <l>Et prouve tout ce qu’il avance.</l>
              <l>Car il sçait d’un autre costé,</l>
              <l>Que c’est foiblesse &amp; lâcheté,</l>
              <l>D’abandonner par complaisance</l>
              <l>Le bon sens &amp; la verité.</l>
            </lg>
            <lg>
              <label>XI.</label>
              <l>Celuy qui cede tout, celuy qui veut combatre,</l>
              <l> Le complaisant, l’opiniâtre,</l>
              <l> Ont également leur defaut,</l>
              <l> Au Cercle, &amp; dans l’Academie ;</l>
              <l> Pour tenir le milieu qu’il faut,</l>
              <l> Ne suivez pas vostre genie,</l>
              <l>S’il est trop vif, vous serez turbulent,</l>
              <l>S’il est trop mou, vous serez indolent.</l>
            </lg>
            <lg>
              <label>XII.</label>
              <l>Des ouvrages d’autruy judicieux Critique</l>
              <l> Vous en jugerez sainement ;</l>
              <l> Et joindrez dans le jugement</l>
              <l> La theorie &amp; la pratique.</l>
              <l>Car ce n’est pas assez pour estre bon Censeur,</l>
              <l>D’avoir l’esprit subtil, delicat, satirique,</l>
              <l> Il faut estre bon Connoisseur.</l>
            </lg>
            <lg>
              <label>XIII.</label>
              <l> Sur nos ouvrages plus severe,</l>
              <l> Ne vous laissez rien échaper</l>
              <l>Dans les regles de l’Art traitez vostre matiere,</l>
              <l>Et sur le choix des mots gardez de vous tromper,</l>
              <l> Mais selon vostre caractere,</l>
              <l>Il ne faut pas toûjours corriger, effacer,</l>
              <l>Il est un certain point qu’on ne sçauroit passer.</l>
            </lg>
            <lg>
              <label>XIV.</label>
              <l> Pour soûtenir vos Conferences,</l>
              <l>Avec plus de profit &amp; de solidité,</l>
              <l>Mêlez-y quelquefois les beaux Arts, les Sciences,</l>
              <l> Selon vostre capacité,</l>
              <l>Car le langage seul au fond d’une Province,</l>
              <l>Est, ce me semble une étude bien mince</l>
              <l> Pour arriver à l’immortalité.</l>
            </lg>
            <lg>
              <label>XV.</label>
              <l> Exact, scrupuleux sur les mots,</l>
              <l>Parlez toûjours correct, dans vostre Academie,</l>
              <l> Mais n’allez pas à tout propos,</l>
              <l> Quand vous serez en compagnie,</l>
              <l>Chicanner tout le monde, &amp; troubler l’entretien,</l>
              <l> Pour faire le puriste Academicien.</l>
            </lg>
            <lg>
              <label>XVI.</label>
              <l> Si quelquefois on vous propose</l>
              <l>Des doutes sur la langue, ou d’autres questions ;</l>
              <l>Avant que de répondre examinez la chose,</l>
              <l> Et prenez vos précautions.</l>
              <l> Car à la risée on s’expose,</l>
              <l>En se précipitant dans ses decisions.</l>
            </lg>
            <lg>
              <label>XVII.</label>
              <l> Pesez tout, ne rejettez rien,</l>
              <l> D’une Societé nouvelle</l>
              <l> Souvent la moindre bagatelle</l>
              <l>Peut estre relevée &amp; servir d’entretien.</l>
            </lg>
            <lg>
              <label>XVIII.</label>
              <l>Des faux plaisans on doit attendre</l>
              <l>Quelque trait piquant &amp; malin,</l>
              <l>Ne songez pas à vous deffendre,</l>
              <l>Et d’en marquer vostre chagrin.</l>
              <l>Laissez tomber la raillerie,</l>
              <l>C’est le parti le plus certain</l>
              <l>Pour vous &amp; pour l’Academie.</l>
            </lg>
            <lg>
              <label>XIX.</label>
              <l> C’est encore une autre imprudence</l>
              <l>De conter ce qu’on dit à chaque Conference ;</l>
              <l> Gardez pour tous les curieux</l>
              <l> Et le secret &amp; le silence.</l>
              <l>Il vaut mieux en ce cas estre misterieux</l>
              <l> Que de sçavoir ce qu’on en pense.</l>
            </lg>
            <lg>
              <label>XX.</label>
              <l> Enfin aimez vos exercices,</l>
              <l> L’étude qui fait vos delices,</l>
              <l> Vous donnera d’heureux momens ;</l>
              <l>Ne vous rebutez point de ces commencemens</l>
              <l> Qui paroissent peu favorables ;</l>
              <l> Il faut creuser, approfondir,</l>
              <l>Vos ouvrages par là seront recommandables</l>
              <l> Et vous les verrez applaudir.</l>
            </lg>
          </quote>
          <p>Je crois que vous jugerez favorablement de cette nouvelle Academie, si tous les Academiciens ressemblent à M<hi rend="sup">r</hi> de la Fevrerie.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-10_82">
          <head>[Premier Article des Morts]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, octobre 1708 [tome 11], p. 82-94.</bibl>
          <p/>
          <p>Il n’est pas extraordinaire de parler de Morts aprés avoir parlé de Mariages, &amp; ce sont deux choses qui se suivent assez ordinairement.</p>
          <p>Mr Jean Ernest Gerhard, Docteur &amp; Professeur en Theologie dans l’Université de Giessen dans la haute Hesse, mourut il y a déja quelques mois. Il avoit esté Recteur de cette Université, &amp; il se démit de cette dignité dans les premiers mois de l’année 1706. Il est mort dans le temps qu’on se preparoit dans cette Université à celebrer avec solemnité l’année seculaire de sa fondation, par des Jeux &amp; par d’autres marques de réjoüissance. Il avoit esté associé à l’Academie des Sçavans de Jene sa patrie, &amp; il estoit lorsqu’il est mort de celle des Journalistes de Leipsick, à qui l’on doit les beaux Journaux Latins qu’elle donne depuis l’an 1682. Enfin il estoit devenu un des plus sçavans hommes d’Allemagne, dont il avoit voulu voir toutes les Academies, ayant esté à celles des Villes de Saxe ; de la Marck ; du Cercle de Westphalie ; de Pomeranie ; de Meckelbourg ; d’Holsace ; de Lunebourg, &amp; du Duché de Brunswick. Il estoit aimé de tous les Princes d’Allemagne, &amp; il a esté regretté de tous les Sçavans. Il estoit solide &amp; profond Theologien, grand Philosophe, exact Historien, &amp; judicieux Critique. Il ne luy manquoit rien que d’estre né dans la vraye Religion. Il a laissé quantité d’ouvrages que ses heritiers donneront sans doute au public. Il estoit bon &amp; fidelle ami, &amp; il en a donné des preuves à plusieurs sçavans Compatriotes. Il estoit en relation avec feu Mr l’Evêque de Meaux, &amp; il n’a pas tenu à ce Prelat qu’il ne l’ait tiré de l’erreur &amp; des préjugez de l’éducation.</p>
          <p>Mr Jean-George Grævius, est mort depuis peu en Hollande, avec la réputation d’un des plus sçavans hommes du dernier siecle. Il estoit né à Naumbourg sur l’Issel le 29. du mois de Janvier de l’an 1632. Il fut Professeur en 1656. à Duisbourg, &amp; ce fut dans cette Ville où il épousa Jeanne-Adelie de Camp, dont il a laissé quatre filles. Il succeda à Mr Gronovius, dans la Chaire de Professeur en Histoire à Deventer, &amp; trois ans aprés, il fut choisi pour exercer à Utrecht la même profession, &amp; il s’en est acquitté pendant plus de quarante ans avec une grande reputation. Les occupations dont il a esté chargé ne l’ont pas empêché de donner au public un grand nombre de Commentaires sur les Auteurs anciens &amp; modernes, &amp; des seules Prefaces de ces ouvrages Mr Albert Fabricius a formé un excellent Recüeil qui vient d’estre publié. Mr Pierre Burman Membre du College d’Utrecht, prononça aprés la mort de Mr Grævius une Oraison funebre qui receut de tres-grands applaudissemens. On y trouve un détail fort curieux des ouvrages de Mr Grævius. Ce sont les œuvres d’Hesiode, publiées à Amsterdam, en 1667. des Notes sur Lucien ; les Epitres d’Isaac Casaubon ; les Epitres familieres de Ciceron ; celles du même Auteur à Atticus ; son Traité des Offices, &amp; ses Oraisons ; Florus qui a conduit son Histoire jusqu’au commencement du regne d’Auguste ; les œuvres de Justin, qui donne une idée fort précise de l’Histoire universelle, avec des Notes ; les œuvres posthumes de Meursius de l’Isle de Chypre, &amp; de celles de Rhodes &amp; de Crete ; la Themis attique du même Auteur, de même que son Thesée &amp; ses Champs attiques ; Albert Ruben de la maniere de s’habiller des Anciens, &amp; une Dissertation du même sur la vie de Mallius Theodore ; le Traité de la Peinture des Anciens de Junius ; les Hymnes de Callimachus ; les œuvres de Lucien ; celles de Suetone ; les Commentaires de Jules Cesar ; le Glossaire d’Isidore, Catulle, Tibulle &amp; Properce ; un Recüeil de diverses Dissertations tres-rares ; un Traité des Rites des Sermons des Anciens de Bernardin Ferrarius Milanois ; les quatre Livres de la Vie de Cour de l’Hermite Daniel ; les Poëmes Grecs &amp; Latins de Pierre-Daniel Huet ; le Tresor des Antiquitez Romaines ; les Epitres adressées à Gudius, &amp; un Discours sur l’Academie de Hall &amp; sur sa formation.</p>
          <p>Mr Wolfang Adam Lauterbach, President en la Chambre qu’on nomme <hi rend="i">Ecclesiastique du Duché de Wirtemberg</hi>, &amp; Conseiller au Conseil Secret du Prince, est mort depuis quelque temps. Il estoit né dans le territoire de Plawe. Dés l’année 1649. il eut une Chaire de Professeur en Droit à Tubinge. Son merite luy attira les bonnes graces du Prince Evrard 3. Duc de Wirtemberg, qui luy accorda la Charge de Conseiller qu’avoit Thomas Langius, dont ce Professeur avoit épousé la fille. Le Prince Guillaume-Louis à qui le feu Empereur avoit donné l’administration du Duché de Wirtemberg aprés la mort d’Evrard 3. le voulut avoir auprés de luy &amp; pour l’y attacher il luy donna une place dans son Conseil Secret, &amp; la Charge de President de <hi rend="i">la Chambre Ecclesiastique</hi>. Il a fait plusieurs Traitez sur le droit des Contrats en general ; <hi rend="i">de fide jussore indemnitatis, de arra, de nuntio, de epistola, de honor. societ. conjugal. disputationes juridicæ : de jure antiereseos : de voluntate</hi>, in 4°. on attendoit impatiemment ses Commentaires sur le Digeste ; ceux qui avoient pris ses cahiers dans l’Ecole de Droit avoient fait connoître que cet ouvrage seroit fort utile, &amp; qu’on y trouveroit ce qui manque dans Wesembec, Struve, &amp; autres Jurisconsultes qui ont écrit sur le Droit Saxon. Mais ses grandes occupations l’empêchant d’y mettre la derniere main, Jean-Jacques Schuz fut chargé d’y travailler &amp; de donner son Droit Civil, ce qui fut executé. Il esperoit de revoir luy-même ses Commentaires sur le Digeste, mais ce soin estoit reservé à Mr Lauterbach son fils Conseiller-Assesseur de la Chambre Imperiale ; il a eu ce digne fils de N.… Langius son épouse dont j’ay déja parlé. Les deux tomes des Commentaires sur les Pandectes n’en contiennent que les trente-huit premiers chapitres. La perte de Mr de Lauterbach a esté tres-sensible à Mr le Duc de Wirtemberg ; mais sur tout à tous les gens de Lettres d’Allemagne qui le regardoient comme un des premiers Jurisconsultes de l’Empire, &amp; un de ceux qui entendoient le mieux la Jurisprudence Germanique.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-10_136">
          <head>[Mort de Jean-Louis Mario, Comte de Fiesque]*</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, octobre 1708 [tome 11], p. 136-137.</bibl>
          <p/>
          <p>Jean Louis Mario Comte de Fiesque, Prince &amp; Vicaire du saint Empire, Souverain de Lavagne, Prince du Val de Tarre, de Masseran &amp; de Pontremoly, est mort sans Alliance âgé de 61. ans. Je ne vous dis rien de la Maison de Fiesqui dont je vous ay parlé à fond il y a quelques mois, à l’occasion d’un Nonce de ce nom. La Mere du Comte qui vient de mourir étoit de la Maison d’Harcourt Beuveron qui tire son origine d’un puisné des anciens Comtes d’Harcourt ; c’étoit une Dame d’un grand merite &amp; de beaucoup d’esprit. Le Comte son fils dont je vous apprens la mort étoit fort répandu parmy le beau monde, &amp; fort estimé des personnes du premier rang, avec qui il étoit souvent. Il aimoit les beaux Arts, &amp; particulierement, la Musique, dont il avoit une parfaite connoissance.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-10_195">
          <head>[Article touchant le nom de la Fare donné à l’Abbé qui a preché cette année le Panegyrique de Saint Louis, devant Messieurs de l’Academie Françoise]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, octobre 1708 [tome 11], p. 195-199.</bibl>
          <p/>
          <p>J’estois persuadé que vous seriez aussi satisfaite que vous l’avez esté de ce que vous avez vû dans ma derniere Lettre, du Panegyrique de S. Louis, prononcé le jour de la Feste de ce Saint dans la Chapelle du Louvre en presence de Mrs de l’Academie Françoise ; mais je dois vous dire que l’Abbé qui s’est acquis tant de gloire par ce Panegyrique, est vulgairement appellé <hi rend="i">Lopés</hi> ou <hi rend="i">Lopis</hi>, la Fare n’estant que le nom d’une Terre qui même n’est actuellement que dans la branche cadette de celle dont est issu cet Abbé. Les Lopés sont originaires d’Espagne ; ils ont possedé la Souveraineté de Biscaye depuis l’an 800. jusques à l’an 1000. &amp; c’est pourquoy ils portent encore les anciennes armes de Biscaye ; ils furent longtemps aprés Connestables de Castille. Le dernier Connestable de ce nom fut disgracié environ l’an 1424. sous le regne de Jean II. qui luy fit succeder Dom Alvaro de Luna son Favori, quelques années aprés cette disgrace, Dom Garcias Lopés de Villanova quitta la Castille &amp; alla s’établir à Avignon, avec Eleonor de Perez sa femme ; ce fut vers l’an 1445. Voila en general ce qu’on trouve de plus remarquable dans l’Histoire d’Espagne, concernant la famille dont descend Mr l’Abbé de la Fare, ou plutost Mr l’Abbé de Lopis. On sçait que cette famille s’est soûtenuë avec honneur &amp; distinction tant dans les Emplois qu’elle a eus dans les Armées, que dans ses alliances, depuis qu’elle s’est transplantée dans le Comtat d’Avignon. Quelques gens ont crû que Mr l’Abbé de Lopis, appellé par plusieurs <hi rend="i">Abbé de la Fare</hi>, qui a fait le beau Panegyrique de S. Louis, dont je vous ay déja parlé, estoit de la même maison que Mr le Marquis de la Fare, Capitaine des Gardes de Son Altesse Royale Monsieur le Duc d’Orleans, &amp; il y avoit en effet lieu de le croire en n’en jugeant que par la joye &amp; par la vivacité avec laquelle ce Marquis fit les honneurs du Sermon de S. Louis, &amp; en reçut les felicitations. L’Abbé qui le prêcha avec tant de succés, est à la verité son proche parent ; mais ce n’est que par Me sa mere.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-10_287">
          <head>Air nouveau</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, octobre 1708 [tome 11], p. 287-288.</bibl>
          <p/>
          <p>De même que les couleurs opposées font un merveilleux effet dans un Tableau, &amp; que les clairs &amp; les bruns frapent agreablement la vûë, je crois que dans un recüeil de matieres differentes, l’opposition de ces matieres réveille l’attention du Lecteur ; &amp; c’est pourquoy je crois pouvoir placer une Chanson aprés des Articles de morts.</p>
          <quote>
            <label>AIR NOUVEAU.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Gardez-vous d’estre Inhumaines,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Usez mieux de vos beaux ans.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Si vos Amans dans leurs chaînes</hi></l>
              <l><hi rend="i">Trouvent leurs maux trop cuisans,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Pour leur faire aimer leurs peines,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Rendez leurs fers moins pesans :</hi></l>
              <l><hi rend="i">Gardez-vous d’estre Inhumaines,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Usez mieux de vos beaux ans.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-10_305">
          <head>[Article concernant la prise de Lille, rempli d’un grand nombre de faits curieux]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, octobre 1708 [tome 11], p. 305-317.</bibl>
          <p/>
          <p>Il est temps de vous parler de la prise de la Ville de Lille, &amp; cet article doit estre remply de tant de circonstances &amp; de faits qui meritent attention, que j’ay crû que vous en jugeriez mieux si je vous rafraîchissois la memoire de ce qui s’est passé en Flandre depuis l’ouverture de la Campagne, ce que je vais faire en peu de paroles.</p>
          <p>On peut dire que depuis la mi May, jusqu’au 4. Juillet, l’Armée de France &amp; celle des Alliez ont esté fort peu éloignées l’une de l’autre ; mais que pendant tout ce temps la superiorité de l’Armée de France a paru en toutes choses. Elle n’a fait aucun mouvement qui n’ait inquieté celle des Ennemis, qui n’a eu d’attention qu’à se garentir de surprise, &amp; qu’à couvrir quelques-unes des Places que l’on croyoit pouvoir estre attaquées, &amp; qu’enfin pendant tout ce temps l’Armée de France a toûjours reglé tous les mouvemens de celle des Alliez qui a souvent pris le change, dés que Monseigneur le Duc de Bourgogne a fait quelques marches, ou quelques mouvemens comme pour marcher, ce qui a fait faire des marches aux Alliez dans lesquelles ils ont perdu quantité de monde, ayant beaucoup souffert. On doit aussi remarquer que pendant tout le temps dont je viens de parler, les Partis François ont remporté de continuels avantages sur ceux des Alliez qui ont si souvent manqué de courage, que l’on peut dire que presque toute leur Cavalerie avoit péri avant que la Campagne fust avancée, au lieu que l’Armée de France fourageoit par tout où il luy plaisoit en Armée triomphante, ayant autant de liberté d’agir que si elle n’avoit esté observée par aucune Armée Ennemie. Je sçay que je ne devrois pas estre crû sur ma parole, si je ne vous avois chaque mois envoyé un Journal de ce que je viens de vous marquer, &amp; si je ne vous avois donné des preuves de tout ce que j’ay avancé, qui d’ailleurs estoit si public &amp; si veritable, qu’il n’estoit pas même contesté des Ennemis.</p>
          <p>Cette manœuvre ayant duré pendant prés de deux mois, &amp; ayant fort fatigué &amp; affoibly l’Armée Ennemie, elle apprit que Monseigneur le Duc de Bourgogne avoit fait entrer des Troupes dans Gand &amp; dans Bruges, ce qui peut donner lieu de dire qu’elle avoit esté prise pour dupe, s’il m’est permis de parler ainsi. Les Alliez aprehendant alors pour toutes leurs Places, plus qu’ils n’avoient encore fait, redoublerent tous leurs soins &amp; toute leur attention pour empêcher que l’on en surprit d’autres. Ils sçavoient jusqu’à quel point ils étoient hays de tous les peuples de Flandre, de quoy ils ne pouvoient s’empêcher de convenir eux-mêmes : en voicy les raisons.</p>
          <p>Les Irreverences des Anglois &amp; des Allemans Protestans &amp; Lutheriens ont toujours esté jusqu’à l’excés contre les Mysteres de la Religion dans toutes les Villes Catholiques où ils ont esté. Les Imperiaux n’ont songé qu’à piller &amp; à exiger des sommes exorbitantes, l’Empereur ayant toujours esté fort peu en état de payer ses propres Troupes, &amp; les revenus de ses Pays hereditaires estant si modiques que beaucoup de petits Souverains de l’Europe ont d’aussi gros revenus. Quant aux Hollandois, ils ont toujours paru agir avec plus d’honnesteté &amp; plus de retenuë ; mais ils n’en ont pas moins fait souffrir les Villes où ils ont eu quelque pouvoir, &amp; l’on peut dire même qu’ils les ruinoient entierement, puisqu’ils en transportoient tout le commerce dans leurs Provinces, &amp; que la Banque ne s’y faisoit que par des gens de leur Nation. Voila l’état où ont esté les Villes conquises par les Alliez, &amp; où sont aujourd’huy celles qui sont encore sous leur domination. On ne doit pas s’étonner aprés cela si les Alliez avoient lieu de croire que toutes les Villes dont les Armées de France pourroient aprocher, leur ouvriroient leurs Portes, si elles se trouvoient en état de le faire. C’est pourquoy aprés avoir perdu Gand &amp; Bruges, ils mirent toute leur attention à empêcher que les Troupes de France ne continuassent leurs progrés, &amp; jugeant que leur dessein pouvoit estre sur Oudenarde, ils les devancerent de quelques heures, ce qui fut cause que le combat fut engagé dans un Poste qui leur étoit fort avantageux. Je ne vous repeteray point icy ce que je vous ay déja dit de ce combat, vous en ayant envoyé un volume entier, non seulement remply des Relations des Commandans François qui avoient eu part à cette action, mais aussi de Relations des Ennemis mêmes, &amp; de Lettres de Bruxelles &amp; de la Haye qui doivent vous avoir fait déveloper la verité. Il est à remarquer que dés qu’il se passe une action heureuse ou malheureuse parmy les Troupes des Alliez, la Politique veut qu’ils envoyent des Couriers par toute l’Europe, avec de fausses Relations des grands avantages qu’ils ont remportez, sans quoy ils ne pourroient engager leurs sujets à continuer la guerre, &amp; à contribuer aux frais necessaires pour la soûtenir. Leurs Relations imprimées avoient marqué que l’on avoit envoyé en Angleterre plusieurs Etendards &amp; plusieurs Drapeaux ; cependant l’on y a chanté le <hi rend="i">Te Deum</hi> sans avoir fait voir au peuple ces Etendards &amp; ces Drapeaux, comme l’on a fait aprés d’autres actions dans lesquelles on en avoit veritablement remporté ; &amp; comme il n’en a paru ni à la Haye, ni à Bruxelles, &amp; qu’on ne sçait ce qu’est devenu le grand nombre des prisonniers que les Alliez se vantoient d’avoir faits, il n’y a pas lieu de douter que ce qu’ils ont raporté de ce combat doit estre regardé comme autant de fables, je finis ce qui regarde ce combat par un fait qui doit décider de tout, &amp; faire connoistre la verité. On a imprimé qu’on avoit fait prisonniers 9000. hommes dans une seule Aile de nostre Armée, &amp; il a esté averé depuis que l’Aile dont il estoit question, n’avoit point combattu. Cet article seul suffit pour faire connoistre le caractere des Alliez, &amp; que leurs Peuples sont bien dupes s’ils ajoûtent foy à tout ce qu’on veut leur faire croire.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-10_360">
          <head>[Article des Enigmes]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, octobre 1708 [tome 11], p. 360-362.</bibl>
          <p/>
          <p>Le mot de l’Enigme du mois passé estoit <hi rend="i">l’Ombre</hi>. Ceux qui l’ont trouvé sont Mrs du Breüil ; Gallois ; Ferrandin ; Lordelon ; de la Picardiere ; le nouveau Docteur ; l’Abbé Macarie ; Paumier, Avocat de Maubuisson, &amp; son Beau-Pere ; Thomas Maistre de Pension ; le Procureur du Roy de Gueret ; Tamiriste ; les quatre bons amis ; &amp; le Mechanicien de Cour Cheverny en Sologne ; Mlles Thomassin &amp; de la Brianville de la ruë Saint Antoine ; le Févre ; la Guillotiere ; de la Saussaye, du quartier du Marais ; la jeune Muse renaissante G.O. la Solitaire de la ruë aux Féves ; la belle Joüeuse de clavecin, de la ruë Saint Denis ; la Muse guerriere, &amp; la fille nouveliste, du Quartier Saint Honoré.</p>
          <p>Je vous envoye une Enigme nouvelle. Elle est de la composition de Mr de Souvenel, de Rennes eu Bretagne.</p>
          <quote>
            <label>ENIGME.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Je sçay faire sans mains, sans couleurs, sans pinceau,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Des portraits d’aprés, la Nature</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et ce qui doit en moy paroître encore plus beau,</hi></l>
              <l><hi rend="i">D’un seul trait je commence &amp; finis ma peinture.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Je fais un chat un chat, un vieillard un vieillard ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Aux gens de belle humeur je donne un air gaillard ;</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Je donne des apas aux belles :</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Enfin sans peur de m’estre trop vanté,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Je me puis bien nommer, avec les plus fidelles,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">L’image de la verité.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-10_362">
          <head>Air nouveau</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, octobre 1708 [tome 11], p. 362.</bibl>
          <p/>
          <quote>
            <label>AIR NOUVEAU,</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Les Vignes ont manqué, chacun s’en inquiette ;</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Mais je compte pour rien,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et consens de bon cœur que Bachus me maltraite</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Pourvû qu’Amour me traite bien.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
      </div>
      <div type="tome" xml:id="MG-1708-11">
        <head><hi rend="i">Mercure Galant</hi>, novembre 1708 [tome 12]</head>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-11_56">
          <head>[Premier Article des Morts]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, novembre 1708 [tome 12], p. 56-94.</bibl>
          <p/>
          <p>Quoy qu’il ne s’agisse que d’une mort dans l’Article suivant, il doit paroître tres curieux, &amp; particulierement aux Personnes sçavantes, à cause du grand nombre d’Ouvrages d’érudition dont il y est parlé, &amp; je crois qu’il se trouve peu d’Auteurs qui ayent autant écrit que le Pere qui fait le sujet de cet Article.</p>
          <p>L’Italie vient de perdre un de ses plus grands ornemens par la mort du Pere Paul Casati, Jesuite, arrivée à Parme depuis quelques mois. Il avoit prés de 92. ans, étant né à Plaisance en 1617. Il entra, étant encore fort jeune, dans la Compagnie de Jesus. Il enseigna les Mathematiques à Rome avec beaucoup de succés, dans un âge où les hommes ordinaires ont à peine l’esprit assez formé pour en commencer l’étude. Quelque tems aprés il y eut une Chaire de Theologie, &amp; il la remplissoit avec reputation lorsque le Pere Gosvin Niket, son General le nomma avec un autre Pere de sa Compagnie, pour aller en Suéde deguisé, conferer avec la Reine Christine que la grace commençoit à toucher, &amp; que les instructions du Pere Casati déterminerent enfin, même au prix de sa Couronne, à quiter les erreurs où sa Naissance l’avoit engagée. Ce pieux Jesuite aprés un succés si considerable, revint en Italie en 1652. où malgré l’atachement qu’il avoit pour les Sciences, &amp; le progrés qu’y faisoient ceux qui les cultivoient sous luy, ses Superieurs l’employerent dans le Gouvernement de la Compagnie, persuadez qu’elle tireroit de grands avantages de son administration. Il a esté pendant plusieurs années Recteur du College de Parme, de la Maison Professe, &amp; de plusieurs Colleges de la Province de Venise, &amp; dans toutes les Maisons qu’il a gouvernées, le temps de son administration a toujours paru trop court à ceux qui avoient le bonheur d’estre sous sa conduite, &amp; on peut dire de luy que si son exemple inspiroit la vertu, ses manieres le faisoient aimer. Le Pere Casati malgré les embaras du gouvernement, trouva toujours assez de temps pour cultiver le goust qu’il avoit pour les Sciences, &amp; comme l’on en trouve assez pour ce que l’on aime, ce Pere aprés avoir donné aux emplois qui luy estoient confiez, le temps necessaire pour y réüssir, s’en menagea assez pour composer un grand nombre d’ouvrages qui l’ont fait connoistre à toute l’Europe pour un grand Philosophe, un Mathematicien, un Theologien, &amp; un Auteur du premier ordre. A l’âge de 88. ans, &amp; ayant perdu la veuë, il s’attacha à l’étude de l’Optique, &amp; il composa un Ouvrage sur cette science, dont le succés a esté grand. Il a publié plusieurs Ouvrages Latins &amp; Italiens. Il fit imprimer à Genes dans la premiere de ces Langues en 1649. un Traité qui avoit pour titre, <hi rend="i">le Vuide proscrit</hi> ; à Rome en 1655. un autre Traité intitulé, <hi rend="i">la Terre soulevée avec des machines</hi>. Ce sçavant Phisicien y fixe la mesure &amp; la pesanteur de la Terre. En 1684. il fit imprimer à Lyon chez Mr Anisson un Traité divisé en huit Livres sur la Mechanique, &amp; il le dédia au Roy, qui en accepta la dédicace avec des termes pleins d’estime pour l’Auteur. Neuf ans auparavant il avoit publié à Parme des Problêmes de Geometrie qui luy firent beaucoup d’honneur ; &amp; 12. ans aprés il fit imprimer à Venise des Dissertations Phisiques sur le feu, &amp; il en publia la derniere en 1695. Ses Dissertations Hydrostatiques parurent la même année. En 1703. il publia à Plaisance ses disputes Theologiques sur les Anges, &amp; en 1705. à Parme ses Dissertations sur l’Optique. Voila les titres des Ouvrages qu’il a donnez en Langue Latine. Ceux qu’il a mis au jour en Langue Italienne, sont la construction &amp; l’usage du Compas de Proportion, imprimé à Bologne en 1664. la Trompette parlante à Parme en 1673. &amp; dans le même livre, <hi rend="i">les cendres de l’Olimpe jettées au vent</hi> en 1667. il y combat l’opinion vulgaire de ceux qui croyent qu’il y a une si grande tranquilité sur le sommet de l’Olimpe que le moindre souffle de vent ne s’y fait point sentir ; il y détruit aussi la fable qui porte que les cendres du Sacrifice annuel y demeuroient l’année entiere sur l’Autel, exposées à l’air sans estre dissipées. Le Pere Casati estoit un grand Orateur ; il en donna des preuves dans l’Oraison Funebre de Dom Paul Conti, Duc de Pauli qu’il prononça à la mort de ce Prince, &amp; qui fut imprimée en Italien à Parme en 1666. Ce Pere estoit d’une des plus illustres Maisons de Plaisance, &amp; quoyque sa naissance fust tres-distinguée, on peut dire que c’est le moindre avantage dont la nature l’avoit favorisé. Il avoit une si grande devotion pour Jesus-Christ, que toutes les fois qu’on parloit de sa Passion, ou qu’il l’entendoit lire, il répandoit des larmes. Il dirigeoit grand nombre de consciences, &amp; le Duc de Parme le consideroit beaucoup.</p>
          <p>Mr de Bourzeis qui promettoit beaucoup quoyque dans un âge peu avancé, &amp; d’une des meilleures familles de Riom en Auvergne, est mort à Paris universellement regretté de tous ceux qui le connoissoient, à cause du progrés qu’il faisoit dans les Sciences. Le chagrin qu’on a eu de sa mort a esté d’autant plus sensible à ceux qui se souviennent encore du celebre Abbé de Bourzeis de l’Academie Françoise, son grand oncle, si connû sous le Ministere du Cardinal de Richelieu, qu’il estoit le seul qui restoit de cette famille, &amp; que par sa mort elle se trouve entierement éteinte. Il estoit neveu à la mode de Bretagne de Mr de Bessat Maistre des Comptes, aussi neveu de Mr l’Abbé de Bourzeis &amp; l’heritier de ses vertus ainsi que de son amour pour les belles-Lettres. C’est de feu Mr l’Abbé de Bourzeis que Mr de Bessat a aujourd’huy un excellent Manuscrit que les Sçavans souhaitent fort qu’il donne au Public : ce sont les Notes Grecques que feu Mr Nicole a écrites de sa main sur le Texte Grec de la Cassandre de Lycophron, le plus tenebreux &amp; le plus sçavant Poëte de l’Antiquité. Ces Notes sont accompagnées d’une glose interlinaire, &amp; du Commentaire d’Isaac Tzetzés. Si la Cassandre de Lycophron estoit un peu plus intelligible, elle pourroit passer pour un des plus beaux Ouvrages de l’Antiquité.</p>
          <p>Mr l’Abbé de Bourzeis Oncle de celui dont je vous aprens la mort, fut un des plus beaux esprits de son temps. Il a donné au Public un Discours adressé à feu Mr le Prince Edoüard, Electeur Palatin, pour l’exhorter à entrer dans la Communion de l’Eglise Catholique. Cette piece est une des plus solides qui ayent esté faites en ce genre. L’éloquence &amp; la doctrine y regnent par tout. Ce Discours est un Traité de Religion des plus solides. Il a aussi donné au Public un volume de Sermons prêchez dans plusieurs Chaires de Paris, ainsi qu’un autre Ouvrage dans lequel il donne l’avantage à la Langue Latine sur la Langue Françoise en matiere d’Inscriptions. Feu Mr Charpentier aussi de l’Academie Françoise, &amp; zelé Partisan de sa Langue, luy répondit dans son Ouvrage de l’Excellence de la Langue Françoise. Mre Amable de Bourzeis estoit Abbé de Saint Martin de Cores, Abbaye que feu Mr l’Abbé Gallois a possedée long-temps. Cet Abbé fut mêlé dans les affaires qui partagerent les Theologiens sur les matieres de la Grace, vers le milieu du dernier Siecle ; il fit même un voyage à Rome sur ce sujet. Le deffunt qui donne lieu à cet article, estoit destiné à des emplois de Magistrature, &amp; le progrés surprenant qu’il avoit fait dans les études ausquelles il s’estoit déja appliqué, donnoit de grandes esperances qu’il soûtiendroit la reputation du nom de Bourzeis si celebre parmi les gens de Lettres.</p>
          <p>Quoyque le siecle où nous vivons &amp; quelques-uns de ceux qui l’ont precedé, ne soient plus si fertiles en Saints que l’estoient ceux de l’Eglise naissante ; cependant on en voit de temps en temps, &amp; Dieu se plaist à montrer au monde en la personne de quelques particuliers, des hommes d’une vertu éminente &amp; d’une vie plus angelique qu’humaine, sois pour réveiller la pieté des autres hommes, soit pour leur faire connoistre que le bras de sa misericorde n’est pas raccourci. Mre Joseph de Sainte-Colombe, Prestre, d’une des plus anciennes Maisons de Dauphiné, estoit de ce nombre. Il est mort depuis quelque temps en odeur de sainteté dans l’Hospital de Bourg en Bresse, dont, par un excés d’humilité rare parmi les gens de sa naissance, il s’estoit bien voulu faire Aumônier. Il estoit fils d’un pere &amp; d’une mere tous deux morts en odeur de sainteté, &amp; qui s’estoient plus à élever leur fils dans la pratique la plus rigoureuse des vertus chrestiennes. Feu Mr de Sainte Colombe son pere, dont la famille est à present établie en Lorraine, aprés avoir eu le caractere d’Envoyé de Mr le Duc de Lorraine à la Cour de Vienne, &amp; mort Gouverneur de Chastel en Lorraine, Gouvernement que le Roy, qui connoissoit son merite, luy avoit donné. Feu Mr de Sainte-Colombe, oncle de celuy dont je vous apprens la mort, fut honoré de la qualité de Ministre d’Etat de feu Mr le Duc de Lorraine, &amp; une de ses tantes avoit épousé un Ministre d’Etat de Mr le Duc de Savoye. Cette famille a donné aux Armées de France &amp; aux Troupes de Lorraine des Generaux d’une grande reputation, &amp; à l’Eglise des Prelats d’une vertu éminente. Le pieux Ecclesiastique qui vient de payer le tribut qu’il devoit à la nature, né dans une famille si illustre, ne s’enorgüeillit pas des avantages de sa naissance ; il donna au contraire par tout où il se trouva des marques d’une humilité fort édifiante ; le bruit de ses vertus &amp; de sa pieté l’ayant fait connoistre à Paris, plus qu’il n’eut souhaité, &amp; sa réputation y croissant tous les jours, chacun le vouloit consulter pour profiter des leçons de pieté qu’il donnoit à ceux qui estoient admis dans sa familiarité. Ce serviteur de Dieu prévoyant que le concours de monde qui venoit à lui de toutes parts, troubleroit le recüeillement &amp; la solitude où il vouloit vivre, pensa à quitter cette grande Ville, où il avoit refusé des établissemens considerables, &amp; des dignitez dans l’Eglise, convenables à sa naissance ; aprés avoir donc distribué aux pauvres tout ce qu’il possedoit à Paris, il se retira en Provence, où il ne demeura pas long-temps sans que l’éclat de ses vertus l’y fissent reverer comme un homme extraordinaire &amp; un saint favorisé des dons les plus marquez de la grace : il se retira encore d’un lieu où il trouvoit qu’il estoit trop consideré, &amp; il prit la route de Lyon dans le dessein de s’aller confiner dans quelque retraite, où il ne pust estre découvert de personne ; &amp; où il pust se cacher à tout le monde. Il passa quelques jours dans cette derniere Ville, dans la pratique des plus grandes mortifications &amp; de la priere la plus ardente pour découvrir s’il pouvoit ce que Dieu vouloit faire de luy ; enfin éclairé d’une lumiere surnaturelle &amp; poussé par une secrette impulsion de l’esprit de Dieu, il prit le chemin de Bourg, où il arriva au mois d’Octobre de l’an 1700. Il logea d’abord dans la maison d’un Boulanger, &amp; le jour suivant il alla dire la Messe dans la Chapelle de l’Hospital, durant laquelle (ainsi qu’il l’a plusieurs fois avoüé) il sentit de grandes douceurs &amp; de vives consolations. Ce fut pendant cette Messe qu’il demanda ardemment à Dieu de luy faire connoistre sa volonté dans quelques jours, &amp; il crut la découvrir ensuite dans la priere que Mrs les Recteurs luy firent de vouloir bien accepter l’employ d’Aumônier de cet Hôpital, où il n’y en avoit point eu depuis trois siecles. Ces Mrs furent déterminez à luy faire cette demande aprés avoir ouï une de ses Messes, où ils furent frappez à la vûë d’un homme qui paroissoit un ange dans un corps mortel. Mr de Sainte-Colombe entra donc dans l’exercice de cet employ sous la condition qu’il exigea qu’on ne luy donneroit qu’un petit reduit pour estre à couvert des injures du temps, &amp; c’est où il a santifié les sept ou huit dernieres années de sa vie dans l’exercice de la charité la plus vive &amp; la plus ardente. Mr l’Evêque de Poitiers qui estoit alors grand Vicaire de Lyon &amp; Mr de Marillac Doyen de Lyon, &amp; qui avoit le même employ, ont souvent dit que c’estoit un tresor que tout le monde voudroit posseder. Il estoit entré dans la carriere des Sciences par la belle Philosophie &amp; la plus profonde Theologie. Il estoit excellent Physicien, &amp; il estoit tres-versé dans la Morale. Il sçavoit parfaitement l’Histoire Ecclesiastique &amp; la Profane, ainsi que le Droit Civil &amp; Canonique. Il avoit particulierement étudié Saint Augustin, &amp; il en sçavoit les principaux passages dont il s’estoit souvent servi avec succés contre les Novateurs. Mais il sçavoit encore mieux l’Ecriture ; il avoit étudié toute sa vie ce divin Livre ; il en sçavoit tous les termes &amp; il en penetroit tous les sens ; il avoit pris par humilité &amp; pour se cacher, le nom de <hi rend="i">Jourdan</hi>, &amp; c’est sous ce nom qu’il a esté connu pendant les dernieres années de sa vie. Lorsqu’il sentit les approches de la mort il demanda avec instance d’estre enterré comme un pauvre &amp; sans aucune ceremonie, dans la Chapelle de l’Hospital ; mais on ne pût refuser au peuple de Bourg de le porter à l’Eglise Collegiale de Nôtre-Dame, où il fut inhumé avec beaucoup de pompe, &amp; quinze jours aprés le P. Poisson Cordelier de la Reguliere Observance du Convent de Bayeux, &amp; qui est à present dans le Convent de Meaux en Brie, prononça l’Oraison funebre, qui a esté ensuite imprimée à Bourg en Bresse.</p>
          <p>Mr du Rochet qui commandoit ci-devant le second Bataillon du Regiment de Dauphiné est mort à Auxerre où il tomba malade en allant à la Cour, dans le dessein de rentrer dans le service, que ses incommoditez l’avoient obligé de quitter. Il estoit de Bouleine dans le Comtat Venaissin, &amp; d’une ancienne famille du pays. Il avoit donné en plusieurs occasions des marques de sa valeur &amp; de sa conduite, &amp; il s’étoit attiré l’estime de tous les Generaux sous lesquels il avoit servi. Il laisse des freres &amp; des sœurs. Son frere aîné a long-temps porté les armes, &amp; Mr le Prieur du Rochet son frere, se fait estimer dans l’estat ecclesiastique par la pureté de ses mœurs &amp; par la regularité de sa conduite. Il avoit une sœur mariée à Mr Valerien, Gentilhomme du Languedoc, &amp; établi au Pont Saint-Esprit, dont elle a eu plusieurs enfans, entr’autres Mr Valerien Capitaine dans le Regiment de Dauphiné, &amp; Mr le Chevalier Valerien. Feu Mr du Rochet estoit fort ami de Mr de Julien Lieutenant general des Armées du Roy ; ils estoient compatriotes &amp; alliez, &amp; Mr de Julien luy avoit ménagé de l’employ lorsqu’il avoit voulu rentrer dans le service. Il estoit aussi fort lié avec Mr l’Archevêque de Barcelonne, qui fait son sejour à Avignon depuis la guerre de Catalogne. Son érudition &amp; le goust qu’il avoit pour les belles Lettres l’avoient rendu cher au Prelat dont je viens de parler, &amp; qui cultive le sien pour les plus hautes sciences, pendant le loisir que son sejour à Avignon luy donne, par le commerce de tous les gens d’esprit répandus dans le Comtat. Sa maison leur est ouverte en tout temps, &amp; l’amour des belles Lettres les y fait recevoir favorablement.</p>
          <p>Mre N… de Guyon Auditeur de Rotte à Avignon y est mort dans un âge assez avancé, &amp; dans la reputation d’un des plus sçavans hommes dans les matieres Ecclesiastiques. Il étoit d’une des meilleures &amp; des plus anciennes Familles du Comtat Venaissin. Il laisse plusieurs Enfans de Dame N… de Crochant son épouse qui est aussi d’une des plus considerables Familles de cette Province. Elle est sœur de Mr l’Abbé de Crochant Prevost de l’Eglise d’Orange &amp; de Mr le Chevalier de Crochant, distingué par sa valeur. Mr de Guyon a eu la consolation de voir établir toute sa Famille avant de mourir. Son fils aîné est un Gentilhomme tres-estimé à Avignon, &amp; qui s’y est allié à une Famille trés considerable. Il en a un autre à Rome qui s’y est attaché à la Jurisprudence Canonique avec un si grand succés qu’il y est consulté de toutes parts, sur ce qu’il y à de plus épineux sur le droit Canon.</p>
          <p>Mr l’Abbé de Guyon Coadjuteur de Mr le Prevost d’Orange son Oncle, est aussi fils de feu Mr Guyon : il a esté élevé dans le Seminaire de Saint Sulpice de cette Ville, &amp; il a fait une partie de ses Exercices dans le College de Navarre. Mr de Guyon laisse encore plusieurs autres Enfans, dont l’un est Pere de la Doctrine Chrétienne, &amp; un autre Capucin, tous deux trés-estimez par leur pieté &amp; par leur doctrine. Il laisse aussi plusieurs filles, dont quelques-unes sont Religieuses, &amp; une autre mariée à Mr de Manti d’une Maison trés-qualifiée du Comtat, &amp; établie à Avignon La Maison de Guyon de même que celle de Crochant ont donné il y a long-temps des Chevaliers à l’Ordre de Malte ; celle de Guyon estoit déja connuë à Avignon dans le temps que les Papes y transfererent le Saint Siege. Les Auditeurs de la Rotte sont les premiers Magistrats de la Cour Ecclesiastique de cette Ville, &amp; ils y sont, ce que sont les Conseillers dans les autres Parlemens du Royaume. Mr de Guyon s’y estoit fait une grande reputation par l’étenduë de ses lumieres &amp; par son exacte probité.</p>
          <p>Dame N.… de Mignot, veuve en premieres nôces de Mre N… de Moyria, Comte de Marilla ; &amp; en seconde des Mre N… Bouvard de Roussillon, Seigneur de Beauretour, est morte à Belley où elle demeuroit depuis quelques années. Elle estoit âgée de prés de 70. ans, &amp; elle avoit passé le temps de son veuvage dans l’exercice des vertus chrétiennes. Elle estoit sœur de feu Mr Mignot, Lieutenant General de Ville-Franche en Beaujolois, &amp; tante de Mr Mignot qui exerce aujourd’huy la même Charge avec beaucoup de reputation. Mr le Comte de Mailla, Chef d’une des plus grandes maisons de Bugey, l’avoit épousée en secondes nôces ; il en eut trois fils &amp; une fille. L’aîné des fils aprés avoir esté long-temps Capitaine dans le Regiment de Champagne, &amp; dans le Bataillon que Mr le Chevalier de Moyria son oncle commandoit, a épousé à Bezieres une Demoiselle d’une maison tres considerable de la même Ville ; ses deux autres fils sont Religieux, l’un Jesuite &amp; l’autre Chartreux. Le premier est dans les Missions des Indes depuis quelques années, &amp; l’on aprend qu’il y fait de tres grands progrés. Il y alla aprés avoir enseigné les Humanitez en divers Colleges de sa Compagnie avec beaucoup d’aplaudissement ; l’autre est Procureur de la grande Chartreuse, &amp; chargé de la plus grande partie des affaires de cette maison. Le feu Pere General des Chartreux, &amp; celuy qui l’est aujourd’huy l’ont toujours honoré d’une confiance tres-particuliere, &amp; il est un des Religieux les plus estimez de cet Ordre. La fille est morte depuis quelques années Religieuse dans l’Abbaye Royale de Nostre Dame de Bons à Belley. Elle a fait du bruit autrefois par sa beauté. Feu Mr le Comte de Mailla avoit épousé en premieres nôces une Demoiselle de la maison du Faur, en Dauphiné, dont il a eu Mr le Comte de Mailla d’aujourd’huy. La Dame qui donne lieu à cet article, n’a point eu d’enfans de feu Mr de Beauretour, son second mary, qui estoit aussi d’une tres-ancienne famille du Bugey. La famille de Mr Mignot dans le Beaujolois est tres-ancienne, &amp; elle a produit plusieurs personnes celebres par leur merite, &amp; par le progrés qu’elles ont fait dans la Jurisprudence.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-11_169">
          <head>[Bouts-rimez, sur le mot de <hi rend="i">Vendôme</hi>]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, novembre 1708 [tome 12], p. 169-173.</bibl>
          <p/>
          <p>Les Bouts-rimez sont si difficiles à remplir, qu’on voit peu d’ouvrages de ce genre, où le naturel se rencontre. Si un Sonnet, qui est l’ouvrage dont on se sert ordinairement pour cette sorte de Poësie, est si difficile, lorsque l’on veut éviter que les rimes paroissent forcées, un ouvrage presque une fois plus long qu’un Sonnet ; &amp; tout sur une même rime, doit paroistre infiniment plus difficile, les Sonnets ayant plusieurs rimes differentes. Cependant Mr l’Abbé de Poissy vient de remplir vingt-&amp;-un Vers sur la même rime, au lieu qu’il n’en auroit eu que quatre à remplir sur une même rime, s’il n’avoit esté question que d’un Sonnet, &amp; ce qu’il y a de surprenant, est qu’il a remply ces rimes sur la champ en presence d’une illustre Assemblée, qui luy en fit la proposition. Il semble que le nom de Mr de Vendôme qui se trouve dans le premier Vers de cet ouvrage ait échauffé son génie, &amp; luy ait donné lieu de se tirer d’affaires, si bien, &amp; si promptement ; Voicy ces bouts rimez.</p>
          <quote>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Je pretens pour le grand</hi>… Vendôme</l>
              <l><hi rend="i">Epuiser les rimes en</hi> … ôme</l>
              <l><hi rend="i">En Grec que ne suis-je un</hi> … Jerôme</l>
              <l><hi rend="i">En éloquence un</hi> … Chrysostôme</l>
              <l><hi rend="i">Que n’ay-je l’esprit de</hi> … Brantôme</l>
              <l><hi rend="i">Ce Prince auroit un ample</hi> … Tôme</l>
              <l><hi rend="i">Mais je suis prés d’eux un</hi> … Atôme</l>
              <l><hi rend="i">Qui sçait peu le sens d’un</hi> … Idiôme</l>
              <l><hi rend="i">Je ne connois point un</hi> … Amôme</l>
              <l><hi rend="i">Je connois bien mieux un</hi> … Symptôme</l>
              <l><hi rend="i">Que ceux que l’on voit à S</hi>… Côme</l>
              <l><hi rend="i">Si je vivois comme un</hi> … Pacôme</l>
              <l><hi rend="i">Du Pape j’aurois un</hi> … Diplôme</l>
              <l><hi rend="i">J’explique tres-bien un</hi> … Axiôme</l>
              <l><hi rend="i">Sans estre fort bon</hi> … Astronôme</l>
              <l><hi rend="i">Que n’ay-je le pouvoir d’un</hi> … Gnôme</l>
              <l><hi rend="i">Vendôme auroit un brillant</hi> … Dôme</l>
              <l><hi rend="i">Plus celebre que l’</hi> … Hypodrôme</l>
              <l><hi rend="i">Des Soldats il est</hi> … Oeconôme</l>
              <l><hi rend="i">Sa valeur n’est point un</hi> … Phantôme</l>
              <l><hi rend="i">Icy finit son</hi> .… Epitôme.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-11_173">
          <head>Madrigal</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, novembre 1708 [tome 12], p. 173-175.</bibl>
          <p/>
          <p>Voicy un autre Impromptu. Il est de Mr Moreau de Mautour ; c’est un Madrigal sur le mot de <hi rend="i">favoriser</hi> qu’une Dame reprit à un Cavalier qui l’avoit priée de le favoriser d’une prise de tabac.</p>
          <quote>
            <label>MADRIGAL.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">L’Amour ainsi que la fortune</hi></l>
              <l><hi rend="i">A toûjours eu ses favoris,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et la maxime en est commune ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Mais pourquoy s’étonner, si pour l’aimable Iris,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Qui de ses faveurs est avare,</hi></l>
              <l>Favoriser <hi rend="i">paroist un terme un peu barbare</hi></l>
              <l><hi rend="i">Elle en ignore tout le prix.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Il faudroit pour le bien comprendre</hi></l>
              <l><hi rend="i">Qu’elle eust un cœur sensible &amp; tendre,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Que par malheur elle n’a pas.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ses yeux, sa main, sa bouche &amp; mille autres apas,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Que la Nature en elle a pris soin de répandre,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Pourroient bien-tost luy faire entendre,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Si son cœur de l’amour suivoit les douces loix,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ce que</hi> favoriser, <hi rend="i">veut dire en bon françois.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-11_175">
          <head>Air nouveau</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, novembre 1708 [tome 12], p. 175-176.</bibl>
          <p/>
          <p>Je crois ne pouvoir mieux placer qu’icy la Chanson suivante, dont l’air &amp; les paroles sont de Mr Thibault.</p>
          <quote>
            <label>AIR NOUVEAU.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Malgré tous mes sermens mon cœur enfin soupire ;</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Mais on se rit de mon martyre :</hi></l>
              <l><hi rend="i">On méprise mes feux, &amp; je soupire en vain.</hi></l>
              <l><hi rend="i">Helas, charmans ruisseaux, que vostre doux murmure</hi></l>
              <l><hi rend="i">Seroit propre à charmer les peines que j’endure,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Si vous rouliez des flots de vin.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-11_176">
          <head>[Second Article des Morts]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, novembre 1708 [tome 12], p. 176-177; 188-193.</bibl>
          <p/>
          <p>On a beau lire &amp; chanter, rien n’empesche les aproches de la mort. Elle va toûjours son chemin, &amp; ses triomphes sont si frequens &amp; en si grand nombre, qu’à peine ay-je placé cinq ou six articles dans les Lettres que je vous envoye, que je dois recommencer à vous parler des personnes decedées depuis ma Lettre precedente.</p>
          <p>Dame N.… Doremieulx Abbesse de Neufchastel est morte dans de grands sentimens de pieté ; elle estoit issuë d’une ancienne Maison originaire de Dauphiné, &amp; alliée aux plus anciennes de la Province. Cette Abbesse est morte dans son Abbaïe, &amp; au milieu de ses Filles dont elle a esté fort regrettée, n’ayant esté à leur teste que tres-peu de temps ; mais on peut dire, que ses jours ont esté bien remplis, puisque pendant une fort courte administration, elle a fait beaucoup de bien à sa Maison dont elle a achevé la plus grande partie des Bâtimens qu’elle avoit trouvez à son arrivée dans un fort mauvais état. Elle avoit fait des progrés étonnans dans les Sciences humaines ; outre la connoissance exacte qu’elle avoit de la Langue Latine, elle sçavoit assez les Langues Orientales pour pouvoir lire dans sa source la Sainte Ecriture ; elle avoit lû ce divin Livre avec une attention extraordinaire ; &amp; elle s’en estoit fait un usage si familier que personne n’en penetroit mieux le sens : elle a même laissé des Remarques sur les parties les plus difficiles de ce Livre ; sçavoir, sur les Pseaumes &amp; sur l’Apocalypse, &amp; ceux qui les ont lûës y trouvent beaucoup de justesse, &amp; une grande étenduë de lumieres. Cette Dame estoit en Relation avec les personnes les plus sçavantes de ce temps, &amp; même sa réputation estoit connuë dans les Païs Etrangers, le Sçavant Mr Vitringa luy a souvent donné dans ses Lettres des marques de l’estime qu’il avoit pour elle.</p>
          <p>M<hi rend="sup">e</hi> la Comtesse de Serillac de la Maison du Prat, mourut d’une fausse couche au commencement du mois dernier au Chasteau de Courteille dans le Païs du Maine âgée seulement de dix-huit à dix-neuf ans. Elle estoit aussi parfaite que sa beauté estoit accomplie, puis qu’outre la régularité de ses traits, la délicatesse &amp; la vivacité de son teint, elle avoit une taille aisée &amp; majestueuse, &amp; un esprit sublime &amp; infiniment au-dessus de son âge, qu’elle perfectionnoit tous les jours par la lecture des bons livres : elle avoit une voix charmante, une adresse &amp; une application merveilleuse pour toutes sortes d’ouvrages : il y avoit à peine deux ans qu’elle avoit épousé Mr le Comte de Serillac, chef de l’illustre &amp; ancienne Maison de Faudoas Barbazan, dont elle n’a laissé qu’une fille. Elle étoit connuë d’un grand nombre de personnes de distinction, qui l’ont extrêmement regrettée. Un fameux Poëte a commencé un ouvrage à la gloire de cette illustre Défunte, intitulé. <hi rend="i">Dispute des Dieux, entre Mercure, Apollon, Minerve, Venus, &amp; autres Divinitez, pour sçavoir qui a le plus de part à ce Chef-d’œuvre de la Nature.</hi></p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-11_288">
          <head>[Cantade, à la gloire de Me l’Abbesse de Chelles, &amp; de Mr le Maréchal de Villars]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, novembre 1708 [tome 12], p. 288-292.</bibl>
          <p/>
          <p>Vous me demandez une Cantade, dont les Vers sont de Mr Danchet, &amp; la Musique de Mr de Lalloüette. Je me suis informé à quelle occasion cette Cantade avoit esté faite, &amp; j’ay sçu que la Tragedie de Polieucte ayant esté representée par les Pensionnaires de l’Abbaye de Chelles, suivant un usage établi en plusieurs Convents de representer des Pieces Saintes, parce que cet amusement aide beaucoup à former les jeunes Demoiselles. Ce fut à la fin de cette Tragedie que cette Cantade fut chantée par d’excellentes voix. Comme elle est à la gloire de M<hi rend="sup">e</hi> l’Abbesse de Chelles, &amp; de Mr le Maréchal de Villars son frere, on ne l’avoit point avertie que cette Cantade devoit estre chantée, ce qui surprit agreablement toute l’Assemblée, &amp; luy fit beaucoup de plaisir. Cette galanterie avoit esté imaginée par le frere d’une des Actrices. Voici la Cantade que vous souhaitez.</p>
          <quote>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Fuyez, coupables Jeux, enfans de la molesse,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Vains Spectacles, qui dans les cœurs</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Nourrissez de folles ardeurs,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Tout inspire icy la sagesse.</hi></l>
              <l>  <hi rend="i">Celle qui dans ces lieux</hi></l>
              <l> <hi rend="i">S’occupe à former pour les Cieux</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Une Troupe jeune &amp; timide</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Par d’utiles amusemens</hi></l>
              <l><hi rend="i">Luy trace les leçons d’une vertu solide</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Et des plus nobles sentimens,</hi></l>
              <l>  <hi rend="i">Quel bonheur de vivre</hi></l>
              <l>  <hi rend="i">Sous ces sages loix !</hi></l>
              <l>  <hi rend="i">Quel bonheur de suivre</hi></l>
              <l>  <hi rend="i">Son aimable voix.</hi></l>
              <l>  <hi rend="i">L’amour qu’elle inspire</hi></l>
              <l>  <hi rend="i">Fait que son empire</hi></l>
              <l>  <hi rend="i">Plaist à tous les cœurs ;</hi></l>
              <l>  <hi rend="i">Le devoir austere</hi></l>
              <l>  <hi rend="i">N’a que des douceurs,</hi></l>
              <l>  <hi rend="i">La vertu pour plaire</hi></l>
              <l>  <hi rend="i">Se pare de fleurs.</hi></l>
              <l>  <hi rend="i">Quel bonheur de vivre, &amp;c.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">C’est le destin du sang dont elle a pris naissance,</hi></l>
              <l><hi rend="i">En faisant obéïr de pouvoir être aimé ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Tel est ce guerrier renommé</hi></l>
              <l><hi rend="i">Dont le bras triomphant soûtien nôtre puissance.</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Eclatante Trompette</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Répondez à nos voix</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Qu’ici tout repete</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Ses brillants exploits</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Sa valeur étonne</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Les plus fiers Guerriers,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Toûjours il moissonne</hi></l>
              <l> <hi rend="i">De nouveaux lauriers.</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Eclatante Trompette, &amp;c.</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Le Dieu de la Thrace</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Témoin de ses coups</hi></l>
              <l> <hi rend="i">De sa noble audace</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Peut estre jaloux.</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Eclatante Trompette, &amp;c.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-11_308">
          <head>[Suite des affaires de Lille, &amp; de la Citadelle]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, novembre 1708 [tome 12], p. 308-314.</bibl>
          <p/>
          <p>Dans les Journaux que je vous ay envoyez dans deux de mes Lettres, de ce qui s’est passé pendant le Siege de Lille, &amp; particulierement des actions des braves qui s’y sont distinguez, je ne vous ay point parlé de Mr le Chevalier du Dognon, Capitaine dans le Regiment de Touraine. Ce Chevalier qui commandoit au Tenaillon de la droite, l’a deffendu pendant trente-sept jours, &amp; il y a soûtenu quatre assauts, avec toute la valeur &amp; toute la fermeté possible. Mr le Maréchal de Boufflers ne pouvant trop admirer son zéle pour le Service, &amp; son intrepidité, il luy envoya aprés le deuxiéme assaut, un Brevet de Lieutenant Colonel, avec les plus beaux éloges que l’on puisse donner à un Officier qui s’est extrêmement distingué. Les Ennemis, aprés le quatriéme assaut soûtenu par ce Chevalier, se logerent sur la breche de ce Tenaillon, tant de fois deffendu si vigoureusement ; mais ce Chevalier y fit faire aussitôt des coupures, pour les empêcher de s’étendre ; &amp; il y auroit fait une plus longue résistance, si Mr le Maréchal de Bouflers, content de ses services, ne l’eût fait venir auprés de luy, où il ne fut pas moins exposé, puisque ce Maréchal n’avoit point d’autre apartement que les remparts &amp; les breches, où on luy servoit souvent à dîner. Mr du Dognon s’étant attiré l’admiration des Bourgeois &amp; des Ennemis même, pendant tout le temps qu’il a servi, tant dans le Tenaillon, qu’auprés de la personne de Mr le Maréchal de Bouflers, les Alliez, dans le temps de la Capitulation, demanderent ce qu’étoit devenu l’Officier qui commandoit dans le Tenaillon de la droite, &amp; ils furent surpris d’apprendre qu’il se portoit bien, aprés avoir essuyé autant de feu &amp; de périls qu’il avoit fait ; &amp; ils dirent hautement, qu’ils n’avoient jamais vû d’Officier plus brave, &amp; qui eût fait voir plus d’experience dans le métier de la guerre.</p>
          <p>L’Article de Lille de ma derniere Lettre, finit par la prise de cette Place ; &amp; je dois ajoûter à cet Article, qu’il y avoit trois bréches, derriere l’une desquelles on n’avoit pû faire aucun retranchement, parce que la Riviere bat au dedans de la Ville, au pied du rempart ; de maniere que Mr le Maréchal de Bouflers ayant beaucoup à craindre de ce côté-là, &amp; les Ennemis ayant resolu de donner trois assauts en même temps aux trois bréches, il avoit crû devoir capituler, tant par cette raison, que parce qu’il en avoit beaucoup d’autres, dont je vous ay fait un détail le mois passé.</p>
          <p>Ce Maréchal s’étoit tellement fait aimer des Bourgeois, que dans le temps qu’il faisoit voiturer dans la Citadelle toutes les choses necessaires pour sa deffense, plusieurs Particuliers luy offrirent tout ce qui étoit en leur pouvoir, &amp; même leur bourse ; mais il ne prit que peu d’argent. Quant au reste, il fit entrer dans la Citadelle, avec abondance, toutes les choses dont il pouvoit avoir besoin pendant un long Siége ; &amp; il est aisé de croire que rien ne luy manque, &amp; que rien ne luy manquera, puisqu’aprés son entré dans la Citadelle, les vivres ont encore esté pendant quelque temps à un prix raisonnable dans la Ville ; ce qui fait voir que ce Maréchal en auroit pû encore tirer davantage de la Ville, s’il en avoit eu besoin.</p>
          <p>La consternation a esté au delà de tout ce que l’on peut s’imaginer parmi les Habitans, aprés la prise de la Ville, &amp; les Troupes alliées ayant commis d’abord toutes sortes d’excés, ces Habitans n’ont pû se contraindre, &amp; il n’est pas vray que les Magistrats ayent assisté en Robes de ceremonie, au <hi rend="i">Te Deum</hi> que les Alliez firent chanter aprés la réduction de la Place, ainsi que tous leurs imprimez publics ont publié : au contraire, ils refuserent de s’y trouver ; de sorte qu’on fut obligé de le faire chanter par l’Aumônier du Prince Eugene, assisté de quelques autres Aumôniers de l’Armée.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-11_349">
          <head>[Article des Enigmes]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, novembre 1708 [tome 12], p. 349-353.</bibl>
          <p/>
          <p>Pendant qu’on cherchera à developer les desseins de Mr le Maréchal de Barvick, vous pourrez lire les noms de ceux qui ont developé le veritable mot de la derniere Enigme, qui étoit, <hi rend="i">le Miroir</hi>. Ce sont, Mrs le Chevalier Drony, de la ruë de Bourtibourg ; Clerfeüille, de la Truaudiere ; de Clairon ; de Haute-Maison ; Mouset ; le Pedagogue Chrétien, de la ruë Bourtibourg ; la Communauté des Precepteurs du College des Quatre Nations ; l’Ami fidele du charmant Loulou de la ruë Coquilliere ; M.L.B.D.M.B. les bons Amis du Village de Clamare, prés de Meudon ; le Mechanicien de Cour-Cheverny, en Sologne ; les Nouvellistes associez, &amp; le Sage malgré luy. Mlles, de Bus ; Passerau ; de la Ferriere ; Coquelin ; de la Lanne ; de Belle-val, de la ruë Saint Antoine ; la jeune Muse renaissante G.O ; la Solitaire de la ruë aux Feves ; la plus jeune des belles Dames de la ruë des Bernardins ; l’Amante d’Alexandre ; les belles Vandangeuses ; la tendre Hospitaliere ; la plus Belle du Quartier du Palais ; &amp; la nouvelle Sapho.</p>
          <p>Je vous envoye une Enigme nouvelle.</p>
          <quote>
            <label>ENIGME.</label>
            <lg>
              <l> <hi rend="i">Je suis d’une haute naissance ;</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Mais petit, d’un tein bazané,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Tirant beaucoup sur le tanné ;</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Sans pareil, &amp; sans ressemblance,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Si ce n’est qu’on me prît pour un vray herisson,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">De tres petite &amp; basse mine,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Ou bien pour un fagot d’épine,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Piquant, &amp; froid comme un glaçon.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l> <hi rend="i">Quand j’étois encore en ma place,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Personne n’osoit m’aprocher,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Ni m’offenser, ni me toucher,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Tant je faisois laide grimace :</hi></l>
              <l><hi rend="i">Mais quand de mon Palais chassé par les destins,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Je tombe sans robe par terre,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Tout le monde me fait la guerre,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Et m’écrase dans les festins.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l> <hi rend="i">Je represente ainsi l’image</hi></l>
              <l> <hi rend="i">De ces esprits rudes &amp; fiers,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Qui n’écoutent pas volontiers</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Ceux qui sont d’un plus bas étage,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et qui n’ont jamais sçû ce que c’est d’estre humains,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Que quand la Fortune trop lasse,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Par une subite disgrace</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Vient à s’échaper de leurs mains.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l> <hi rend="i">De même, étant sur le pinacle,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Bien enfermé dans mon donjon,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Pour me faire devenir bon ;</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Il te faudroit faire un miracle</hi></l>
              <l><hi rend="i">Mais si ma chûte, helas ! tu peux attendre un peu ;</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Tu feras de moy ton delice,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Quand j’auray souffert le suplice</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Du glaive tranchant &amp; du feu.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-11_353">
          <head>Air nouveau</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, novembre 1708 [tome 12], p. 353-354.</bibl>
          <p/>
          <p>Je vous envoye un Air nouveau, dont les paroles ont esté mises en chant par Mr le Camus.</p>
          <quote>
            <label>AIR NOUVEAU.</label>
            <lg>
              <l> <hi rend="i">Que je suis miserable,</hi></l>
              <l><hi rend="i">De n’avoir à donner qu’un cœur à vos apas !</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Mille cœurs ne suffiroient pas,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Pour vous aimer autant que vous êtes aimable.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-11_354">
          <head>[Justice renduë à Mr Baratet, Maire perpetuel de Villeneuve d’Agenois]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, novembre 1708 [tome 12], p. 354.</bibl>
          <p/>
          <p>Vous me demandez le nom de l’Auteur du Poëme qui est au commencement de ma Lettre du mois d’Aoust, &amp; vous avez raison de dire que je devois rendre justice à l’Auteur d’un si bel Ouvrage, mais son nom ne m’étoit pas encore connu lors que je vous l’ay envoyé, &amp; je ne viens que d’apprendre qu’il est de Mr Baratet, Maire perpetuel de Villeneuve d’Agenois.</p>
        </div>
      </div>
      <div type="tome" xml:id="MG-1708-12">
        <head><hi rend="i">Mercure Galant</hi>, décembre 1708 [tome 13]</head>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-12_5">
          <head>[Prelude où il est parlé des Academies établies par le Roy]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, décembre 1708 [tome 13], p. 5-11.</bibl>
          <p/>
          <p>On ne peut trop admirer l’attention que le Roy a euë presque dés le commencement de son Regne à faire fleurir l’Esprit, les Sciences, &amp; les Arts dans son Royaume, &amp; sept grands établissemens en font foy ; sçavoir, ceux de l’Academie Françoise, des Manufactures des Gobelins, dont un gros Volume ne pourroit contenir le détail, &amp; qui se trouve neanmoins dans plusieurs des Lettres que je vous ay adressées depuis 32 ans, en sorte que si tous les Articles en étoient réünis en un Corps, il rempliroit plus d’un volume ; l’établissement de l’Observatoire, dont mes Lettres vous ont parlé aussi souvent, ainsi que de tout ce qui s’y voit &amp; de tout ce qui s’y fait ; celuy de l’Academie des Medailles &amp; Inscriptions, dont le titre fait connoître l’occupation ; celuy de l’Academie des Sciences dont les Academiciens s’attachent à cultiver tout ce qui peut être renfermé sous le nom de Sciences. L’Academie Françoise, vulgairement nommée <hi rend="i">l’Academie des Beaux Esprits</hi>, &amp; dont l’employ se peut connoistre par le beau Dictionnaire qu’Elle a fait imprimer, &amp; par la Grammaire qu’Elle acheve, tient, comme vous le sçavez, ses Assemblées dans le Louvre aussi bien que celle des Medailles &amp; Inscriptions ; celle des Sciences, celle de Peinture &amp; de Sculpture, &amp; celle d’Architecture. On doit remarquer qu’on distribuë dans trois de ces Academies ; sçavoir dans l’Academie Françoise ; dans celle des Medailles &amp; Inscriptions, &amp; dans celle des Sciences, des Jettons d’argent aux Academiciens qui se trouvent aux Assemblées ; qu’on en distribuë chaque jour un nombre égal à celuy des Academiciens, &amp; que les Jettons destinez aux Academiciens qui ne s’y trouvent pas quelquefois, sont distribuez à ceux qui s’y trouvent, en sorte qu’étant presque impossible qu’ils s’y trouvent tous chaque jour d’Assemblée, les presens, partagent les Jettons des absens. A l’égard de l’Academie d’Architecture, dans laquelle il n’y a que des Architectes dont le nombre est moins grand que celuy des Academiciens des autres Academies, on donne un Louis d’or chaque jour d’Assemblée, à chacun de ceux qui s’y trouvent. J’aurois beaucoup de choses à vous dire de l’Academie de Peinture &amp; de Sculpture, qui est la plus étenduë par le nombre, &amp; dans laquelle on donne souvent pour prix aux jeunes Etudians, des Medailles du Roy d’or &amp; d’argent ; mais outre que ce n’est pas icy le lieu d’en parler, on a imprimé un Volume qui contient les Privileges &amp; les Statuts de cette Academie, ainsi que plusieurs autres choses qui la regardent. De ces sept Academies, il n’y en a que deux qui ont des especes de vacances deux fois l’année ; sçavoir au mois de Septembre jusqu’aprés la saint Martin, &amp; pendant la quinzaine de Pasques, &amp; ces Vacances donnant lieu deux fois l’année à ces Academies de faire des ouvertures publiques, trois ou quatre des Academiciens y prononcent ces jours là des Discours sur les Matieres qui regardent ces Academies ; &amp; depuis plusieurs années vous avez trouvé dans mes Lettres, des Extraits de ces Discours.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-12_11">
          <head>[Discours prononcé par Mr Roy dans l’Academie Royale des Medailles &amp; Inscriptions sur les Jeux de la Grece, en general, &amp; sur les Jeux Olympiques en particulier]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, décembre 1708 [tome 13], p. 11-29.</bibl>
          <p>Vous ne trouverez dans celle-cy que l’Extrait d’un des Discours prononcez dans chacune de ces deux Academies, mais vous pourrez trouver les autres dans ma Lettre du mois prochain. Je commence par l’Extrait du Discours prononcé par Mr Roy, Conseiller au Chastelet, &amp; l’un des Academiciens de l’Academie Royale des Medailles &amp; Inscriptions, qui paya ce jour là le tribut spirituel que tous les Academiciens doivent chacun à leur tour, pour justifier au Public, le choix que l’on a fait d’eux pour ocuper les Places de cette Academie. Mr Roy lut une Dissertation sur les Jeux de la Grece en general, &amp; sur les Jeux Olympiques en particulier.</p>
          <p><hi rend="i">L’Art des divertissemens, est</hi>, dit-il, <hi rend="i">né dans le même lieu que les Arts les plus serieux. La Grece si ingenieuse à instruire les hommes par les Sciences, n’a pas dédaigné de les réjoüir par des Spectacles. Ceux du Theatre doivent leur origine à la Grece, comme tout le monde sçait. Il y en avoit d’autres encore plus pompeux, qui se donnoient dans un plus grand espace, qui duroient plusieurs jours, qui attiroient des Villes &amp; des Provinces entieres, &amp; qui par des exercices de corps &amp; des combats simulez, representoient tous les travaux de la Guerre.</hi> C’est cette noble espece de Spectacles que Mr Roy remit sous les yeux de l’Assemblée. Les Peuples les plus polis de l’Europe qui inventerent les Jouxtes, les Tournois, les Carrousels, en ont apparemment tiré l’idée d’aprés ces sortes de Jeux.</p>
          <p>Cette partie de l’Antiquité contient des recherches tres importantes &amp; tres curieuses. <hi rend="i">Ces Jeux solennels</hi>, ajoûta Mr Roy, <hi rend="i">ornoient les Fêtes, &amp; relevoient le culte des Dieux ; les Jeux Olympiques estoient dédiez à Jupiter, les Jeux Pythiens à Apollon ; les Neméens, à Archemore, &amp; les Istmiens à Palemon</hi>. Mr Roy ne traita que des premiers ; &amp; il annonça seulement les autres, aprés avoir donné de tous ensemble, une idée generale ; il fit connoître qu’il y trouvoit abondamment dequoy faire honneur aux Anciens ; il expliqua la varieté des plaisirs qui composoient ces sortes de Spectacles. <hi rend="i">C’étoient</hi>, ajoûta-t-il, <hi rend="i">les rendez-vous des Muses : Les Poëtes, les Orateurs, les Philosophes &amp; les Peintres y venoient chercher les suffrages de la Grece ; &amp; les Rois mêmes descendoient du Thrône, &amp; quittoient le Sceptre, pour y disputer une Palme</hi>. Mr Roy en rapporta des exemples agreables, tirez des meilleurs Auteurs. Il releva l’éclat des Prix &amp; des Couronnes destinées aux Vainqueurs, &amp; il n’oublia pas à leur gloire, qu’ils avoient eu Pindare pour leur Panegyriste. Il compara les Jeux de la Grece à ceux du Cirque de Rome. <hi rend="i">Les Romains</hi>, pour suivit-il, <hi rend="i">n’ajoûterent guere d’agrémens à ce qu’ils imiterent des Grecs, n’y ayant ajoûté que la mollesse des danses, qui ont tant irrité les Peres de l’Eglise, &amp; la cruauté des combats de Gladiateurs, qui revoltent l’humanité.</hi></p>
          <p>Mr Roy entra ensuite dans le détail des Jeux Olympiques, en indiquant les sources d’où il a puisé les autoritez &amp; les connoissances dont il a eu besoin : Il laissa voir, que personne n’avoit encore traité son sujet ; &amp; que les plus grands Compilateurs n’ont laissé que des Memoires pour l’Histoire qu’il entreprend. Onuphre avoit fait l’Histoire des Jeux du Cirque, &amp; des Spectacles de Rome ; &amp; l’ouvrage de Mr Roy, paroît n’estre fait que pour simetriser avec cet ouvrage.</p>
          <p>L’ordre est difficile à pratiquer dans les recherches de l’Antiquité, &amp; l’on ne réüssit pas toûjours à les ramasser en un corps. Voicy le plan que suivit Mr Roy. Il découvrit d’abord l’origine des Jeux Olympiques, qu’il avoit trouvée envelopée de fables, qu’il rapporta, sans prétendre les accorder. Une exposition succinte des differentes fictions sur l’institution des Jeux Olympiques, l’acquitta envers tous les Poëtes Grecs &amp; Latins. Il passa ensuite au renouvellement des Jeux sous Iphitus ; &amp; comme cette Epoque est la premiere de l’Histoire, &amp; que jusques-là il n’y a rien de certain, Mr Roy fit sur cette Epoque une remarque Chronologique, &amp; découvrit une erreur, où un mécompte de cent huit ans, qu’ont faite ceux qui l’ont placée à la victoire de Corecus Eléen. Il donna ensuite l’intelligence du calcul des Olympiades.</p>
          <p>Il fit aprés une peinture du lieu du Spectacle. <hi rend="i">C’estoit</hi>, dit-il, <hi rend="i">dans la Ville d’Olympie, sur les bords de l’Alphée, ce fleuve, dont le cours si singulier a exercé les Philosophes pour l’examiner, &amp; les Poëtes pour imaginer agreablement.</hi> Il parla du Temple, &amp; de la fameuse Statuë de Jupiter Olympien.</p>
          <p>Il donna aprés cela la Topographie exacte du champ où se faisoient les exercices Olympiques, qu’on appeloit, <hi rend="i">Stade</hi>. Mr Roy le partagea en trois parties principales ; la Barriere d’où partoient les Coureurs à pied, à cheval, ou sur les Chars ; les Bornes, ou le terme de leur course ; &amp; le milieu, ou la Carriere, qui servoient de scene aux Lutteurs, aux Sauteurs, &amp; aux Discoboles.</p>
          <p><hi rend="i">Tout le Stade</hi>, ajoûta-t-il, <hi rend="i">estoit une espece de terrasse ou de chaussée, longue de</hi> 625 <hi rend="i">pieds, fort large, &amp; arrondie par les deux extremitez. La Barriere estoit embellie de Portiques, au devant desquels on tendoit une corde, qu’on abaissoit, pour faire partir en même temps les Combattans. Les Bornes estoient trois Pyramides isolées, entre lesquelles il falloit passer. Le passage n’estoit pas facile, &amp; il falloit beaucoup d’adresse au conducteur d’un Char, pour n’y pas échoüer. Ces secondes parties du Stade estoient parées d’Autels, &amp; de Statuës de Divinitez favorables &amp; malfaisantes, à qui tous les concurrents sacrifioient par des motifs differens.</hi> Mr Roy égaya cette matiere par des reflexions sur la superstition des Grecs. <hi rend="i">Elle alloit</hi>, poursuivit-il, <hi rend="i">jusqu’à l’extravagance, dans les vœux qu’ils faisoient pour remporter une Couronne aux Jeux.</hi> Et il dit un mot en passant, de la plaisante fondation que fit dans le Temple de Venus, Xenophon le Corinthien. Il expliqua tous les autres preparatifs des Jeux Olympiques, le serment des Juges &amp; des Combattans ; la datte qu’on estoit obligé de prendre sur le registre des Hellanodiques ; la Harangue des Juges aux Prétendans, pour les encourager ; la sortition des rangs ausquels chacun devoit combattre, &amp; des adversaires contre qui on avoit affaire. Enfin ; la Lotterie composée de bons &amp; de méchans billets, pour décider entre tous les aspirans à la course des Chars ; le nombre des Chars qui devoient courir, estant fixé à dix.</p>
          <p>Mr Roy mit ensuite en mouvement tous les divers Combattans. Il regla l’ordre des Exercices qui composoient les Jeux Olympiques, &amp; il les décrivit tous d’aprés Homere, Virgile, Stace, &amp; Valerius-Flaccus. La course des Chars est le premier exercice. Mr Roy expliqua la forme &amp; la construction des Chars, le nombre des chevaux qu’on y atteloit, la difficulté de la course, &amp; les conditions de la victoire. Il fit connoître de même, ce que c’étoit que le Pugilat, la Lutte ; il rapporta en peu de paroles, ou indiqua seulement les traits de la Fable ou de l’Histoire, qui ont rapport à ces sortes de Combats. La Lutte de Pollux contre Breticus, celle d’Hercules contre Antée &amp; contre Acheloüs, y furent citées : Mr Roy peignit aussi sensiblement, le <hi rend="i">Disque</hi>, ou exercice de jetter le <hi rend="i">Palay</hi>, si fameux par le malheur d’Hyacinte. Il finit par les courses à pied &amp; à cheval, qui estoient des épreuves admirables de l’agilité du corps. Il décrivit les Combats Olympiques, où les Combattans estoient nuds, &amp; il parla de la severité des Grecs à ne point admettre les Dames au nombre des spectateurs. Mr Roy fit connoître la dignité &amp; le pouvoir des <hi rend="i">Hellanodiques</hi>, ou Juges des Combats, &amp; la maniere dont ils donnoient leurs suffrages. Il descendit aux effets de ces suffrages, c’est-à-dire, aux récompenses dont les Vainqueurs estoient honorez. Il fit voir à quel prix la gloire s’achettoit chez les Grecs, &amp; que le Vainqueur estoit proclamé par le Heraut ; qu’il entendoit les applaudissemens de tous les assistans, &amp; des vers à sa loüange, en même temps qu’on chantoit l’Hymne de Jupiter ; il estoit couronné d’olivier sauvage, reconduit en triomphe chez luy, où il estoit honoré le reste de ses jours, &amp; que c’estoit souvent parmi les Vainqueurs Olympiques, que l’on choisissoit des Generaux d’Armée ; qu’on leur élevoit des Statuës avec des inscriptions flatteuses, &amp; que l’on frappoit des médailles, pour faire passer à la Posterité le souvenir de leur Nom &amp; de leur Victoire. Mr Roy traita ces deux derniers Articles, avec une prédilection convenable à la place qu’il tenoit, &amp; à l’Academie où il parloit.</p>
          <p>Les aplaudissemens de l’Assemblée que reçut Mr Roy, furent couronnez par ceux de Mr l’Abbé Bignon, qui loüa ce Discours avec la maniere gracieuse qui luy est ordinaire. Il dit à Mr Roy, que s’étant d’abord proposé de parler des Jeux Olympiques des Pythiens, des Neméens, &amp; des Istmiens ; &amp; que n’ayant parlé que de ces deux premieres sortes de jeux, il étoit persuadé qu’il parleroit des deux autres dans la premiere Assemblée publique.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-12_29">
          <head>[Ode de Mr l’Abbé Boutard, lûë dans la méme Academie]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, décembre 1708 [tome 13], p. 29-32.</bibl>
          <p/>
          <p>Mr l’Abbé Bignon ayant cessé de parler. Mr l’Abbé Boutard, Pensionnaire de l’Academie, lut une Ode Latine qui fut écoutée avec l’aplaudissement que tous ses Ouvrages reçoivent ordinairement. Cette Ode est adressée à Mr Bignon Prevost des Marchands que la Seine felicite sur les heureux commencemens de sa Prevosté. Le Dieu de ce fleuve qui par le dans cette Ode, &amp; témoigne sa joye du choix que le Roy a fait de ce digne Magistrat, prend de là occasion de loüer la Famille du nouveau Prevost des Marchands qui est originaire d’Anjou, &amp; qui est venuë s’établir à Paris sur les bords de la Seine, &amp; comme ses eaux forment l’Isle du Palais, &amp; qu’elles coulent prés les murs du Louvre, il marque avec quelle admiration il écoutoit autrefois l’illustre Jerôme Bignon &amp; son fils, Avocats Generaux, &amp; combien il est encore attentif aux Discours de Mr l’Abbé Bignon, soit qu’il explique les secrets de la nature dans l’Academie des Sciences où les monumens de l’Antiquité dans celle des Inscriptions. La Seine descend naturellement à l’éloge de Mr le le Prevost des Marchands, dont elle loüe la vigilance, &amp; le soin qu’il prend d’embelir la Ville de Paris par de nouveaux Quays. Le reste de cette Ode est rempli de vives Peintures qui feront beaucoup de plaisir à ceux qui les liront, tant à cause de leur beauté, que de ce qui en fait le sujet.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-12_112">
          <head>[Dissertation sur l’Eglogue luë dans l’Academie Royale des Medailles &amp; Inscriptions, par Mr l’Abbé Fraguier]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, décembre 1708 [tome 13], p. 112-117.</bibl>
          <p/>
          <p>Quoy que je vous aye marqué que je remettois au mois prochain à vous parler des Discours dont je ne vous ay encore rien dit, &amp; qui ont esté prononcez dans les Academies dont je viens de vous entretenir, je crois neanmoins devoir ajouter à ceux dont je vous ay déja parlé, qu’aprés la lecture de l’Ode de Mr l’Abbé Boutard, Mr l’Abbé Fraguier, de l’Academie Françoise, &amp; qui est aussi Membre de celle des Inscriptions, lut une Dissertation sur l’Eclogue. Il la regarda comme un Poëme Dramatique ; &amp; suivant cette idée il traita de quatre choses qui ont raport au Drame, &amp; il examina 1°. le lieu de la Scene, 2°. les Acteurs. 3°. ce qui se passe &amp; ce qui se dit sur la Scene 4°. le stile &amp; les expressions de l’Eglogue. Le but de tout l’Ouvrage est d’établir ce que c’est precisement qu’<hi rend="i">Eclogue</hi> conformement à l’acception Françoise de ce mot, &amp; d’en donner une idée juste, precise, &amp; incommunicable, qui la distingue de tout autre genre de Poësie.</p>
          <p>Il trouve que <hi rend="i">l’Eclogue</hi> est en Poësie ce que le paysage rustique est en Peinture. Cette notion lui fit établir des principes, selon lesquels il est aisé de conclure qu’il y a en effet fort peu d’Eclogues, quoi qu’il y ait beaucoup de pieces qui en ayent le Titre. Il établit avec soin la difference de l’Eclogue &amp; de l’Idylle ; il marqua d’où ces deux mots ont tiré leur origine, aussi bien que la dénomination de Poësie Bucolique. Toutes ces choses furent traitées avec beaucoup d’ordre, d’élegance &amp; de netteté &amp; avec un heureux choix de differens endroits de Theocrite &amp; de Virgile, qui sont les deux seuls Auteurs dont il a tiré ses exemples, parce que ce sont les originaux. Dans toute sa Dissertation qui fut assez longue, il ne se servit que de ses seules pensées ; mais ce fut avec une justesse de critique &amp; avec un stile poli qu’on ne trouve pas toujours dans les ouvrages des Sçavans. Il ne s’attacha à suivre ny à refuter aucun de ceux qui ont traité cette matiere avant luy ; parmi lesquels il y à des personnes pour qui il ne pouvoit, ajouta-t-il, marquer trop d’estime &amp; de consideration.</p>
          <p>M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé Fraguier ayant cessé de parler, Mr l’Abbé Bignon donna de grandes loüanges à sa Dissertation, &amp; comme il y avoit plus de demie heure que le temps de la Séance estoit passé il marqua qu’il estoit fâché qu’il ne luy restast pas assez de temps pour entrer dans le détail des differentes parties dont elle estoit composée, &amp; d’en approfondir tous les principes.</p>
          <p>J’ay écrit <hi rend="i">eclogue</hi>, comme l’écrit l’Auteur.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-12_117">
          <head>[Article très curieux contenant tout ce qui a esté fait à Perpignan pour honorer la Memoire de feu Mr le Maréchal Duc de Noailles]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, décembre 1708 [tome 13], p. 117-124; 132-137; 141-143; 171-174.</bibl>
          <p/>
          <p>Je passe à un Article de même nature, que vous trouverez tres-curieux, &amp; tres-digne de vostre attention, par la varieté des choses qui s’y trouvent. Ce que vous allez lire m’avoit esté promis par un homme dont les Relations ont toûjours fait beaucoup de plaisir à ceux qui les ont luës, ainsi j’avois lieu d’en attendre une aussi belle que celle que je viens de recevoir.</p>
          <quote>
            <label>A Perpignan le 30. Novembre 1708.</label>
            <p><hi rend="i">Vous ayant promis de vous envoyer tout ce qui a esté fait en ces quartiers pour honorer la memoire de Mr le Maréchal de Noailles, il est juste de vous satisfaire. Je m’en acquitte un peu tard, parce que ces honneurs funebres commencez il y a plus de sept semaines, ne sont finis que d’hier. On a fait tant de choses pour marquer la veneration que l’on avoit pour ce cher Gouverneur, &amp; pour exprimer la reconnoissance dont on y est veritablement penetré, que j’apprehende d’estre long dans mon recit.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Je commence par Mr le Duc de Noailles son fils. Je ne vous diray pourtant rien de sa vive douleur, lorsqu’il apprit une mort à laquelle il ne s’attendoit nullement : vous vous la figurerez par ses belles qualitez qui l’élevent si fort au dessus de la pluspart des hommes. Vn Courrier extraordinaire luy apporta cette triste nouvelle, le</hi> 8. <hi rend="i">d’Octobre, &amp; aprés avoir donné amplement à la nature ce qui luy estoit dû, la Religion vint à son secours, &amp; luy fit voir qu’il estoit temps de songer au soulagement de l’ame d’un Pere qui luy estoit si cher. Il pria donc Mr nostre Evesque qui estoit venu chez luy pour le consoler, d’envoyer dans toutes les Eglises de la Ville, qui sont en grand nombre, retenir pour le lendemain toutes les Messes que l’on y pourroit celebrer.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Ce jour-là la douleur de Mr le Duc de Noailles fut bien augmentée, lorsqu’il reçut par le Courrier ordinaire des lettres de Mr le Maréchal son pere. Elles estoient accompagnées de Provisions signées de luy, en faveur d’un Officier du Conseil Souverain, qu’il avoit nommé Juge de la Capitainerie de cette Province. Ainsi on peut dire que Mr le Maréchal de Noailles est mort comme il avoit vécu, les bien-faits à la main, puisqu’une de ses dernieres signatures a esté une grace accordée à un des hommes du Roussillon, qui, durant qu’il a vécu ont eus un dévouëment entier pour ses volontez : mais Mr Collarés, penetré de la mort de son bien-faicteur, ne luy a survêcu que cinq semaines.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le</hi> 13. <hi rend="i">d’Octobre, Mr le Duc fit faire un Service solemnel dans la Cathedrale. On y éleva par ses ordres un magnifique Mausolée, dont les quatre degrez furent chargez d’un nombre considerable de lumieres. Mrs du Conseil Souverain y assisterent en robes noires, aussi bien que Mrs les Consuls, accompagnez de ceux de leurs Predecesseurs en Charge qui se trouverent dans la Ville. La Noblesse du Pays n’y manqua pas, non plus que les Officiers qui estoient alors icy en nombre considerable. Ils parurent à cette triste Ceremonie,</hi> (<hi rend="i">de même qu’ils ont fait aux autres qui l’ont suivie</hi>) <hi rend="i">les Principaux en grand deüil, les autres avec de grandes écharpes de crespe &amp; autres ornemens lugubres convenables à leur état. Mr l’Evêque officia. La Messe fut chantée en Musique. L’Offrande se fit en ceremonie, &amp; aprés que les huit Bourdonniers eurent passé</hi> (<hi rend="i">ce sont huit Chappiers qui tiennent le Chœur, &amp; qui, suivant le Ceremonial Romain ont en main de grands Bourdons d’argent.</hi>) <hi rend="i">Mr le Duc marcha en manteau long &amp; offrit un cierge tres-garni de pieces d’or. Mrs les Chanoines suivirent avec tout leur Clergé, faisant en tout</hi> 120. <hi rend="i">Prestres. On doit remarquer que nul ne peut porter le Surplis dans le Chœur, qu’il ne soit Prêtre. Puis Mrs du Conseil ayant à leur teste Mr le Premier President ; Mrs les Consuls &amp; leur suite ; &amp; les principales Dames de la Ville en grand deüil. A la fin de la Messe quatre des principaux Chanoines ou Dignitez de l’Eglise, firent les Absoutes avec Mr l’Evêque.</hi></p>
          </quote>
          <quote>
            <p><hi rend="i">Vous voyez par toutes ces choses qu’elle est la sensibilité de tous les Corps de cette Province, pour tous les biens qu’elle a reçûs des Seigneurs de Noailles, &amp; combien cette illustre maison est honorée &amp; aimée dans ce pays. Je ne dois pas finir cet article sans vous faire remarquer que cette Fondation faite par Mr le Duc de Noailles, n’est pas la premiere preuve qu’il a donnée de sa confiance aux suffrages de l’Eglise, puisqu’en</hi> 1702. <hi rend="i">aprés que son jeune frere le Marquis de Noailles fut mort à Strasbourg d’une blessure qu’il avoit reçûë sur le Rhin, il y fonda une messe qui devoit estre celebrée tous les jours pour le repos de son ame, &amp; que tous les ans en quelque endroit qu’il se trouve, il y fait chanter un service solemnel pour le deffunt, le jour de son decés.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Je reviens aux prieres faite pour Mr le Maréchal : on chanta dans toutes les Paroisses de la Ville, &amp; dans toutes les Maisons Religieuses de l’un &amp; de l’autre sexe, un service avec le plus de solemnité qu’il fut possible ; mais le Prieur de l’Eglise du Temple de l’Ordre de Malthe, Frere Joseph Canta, se distingua dans ces honneurs funebres. Son Eglise toute tenduë de noir &amp; tres-éclairée, presentoit une lugubre décoration des plus singulieres, &amp; qui ne laissa pas de contenter fort les yeux. Tous les Chevaliers de Malthe qui se trouverent alors dans Perpignan, y assisterent en habit de deüil. Mr de Montmejan, Officier d’un merite distingué, d’une ancienne famille de son nom, prés de Milhau, en Roüergue, Major &amp; Commandant de nostre Citadelle, fit aussi chanter avec beaucoup d’éclat, &amp; en Musique, un Service dans la Chapelle de la Citadelle qui fut toute tenduë de noir, &amp; au milieu de laquelle on vit une representation élevée de plusieurs gradins, chargez de nombre considerable de flambeaux &amp; de cierges.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Toutes les Villes du Diocése &amp; tous les lieux de la Campagne où il y a Communauté de Prêtres en ont aussi chanté par ordre de Mr nostre Evêque avec le plus de pompe qui leur a esté possible Mr l’Abbé Gaillard, non moins devoué à la maison de Noailles que son frere, le R.P. Gaillard Jesuite, premier Conseiller d’honneur du Conseil Souverain de Roussillon, &amp; Abbé regulier de Nostre-Dame d’Arles, qui est une Abbaye considerable, située à sept lieuës d’icy, &amp; dépendante immediatement du S. Siege, donna ses ordres pour faire des services &amp; des prieres particuliers dans toutes les Paroisses de sa Jurisdiction. Celuy qui fut chanté dans son Eglise fut tres-solemnel, &amp; l’Etat Major du Fort de Bains qu’il y avoit fait inviter, s’y trouva, ayant à sa tête Mr de Courtade qui en est Gouverneur.</hi></p>
          </quote>
          <quote>
            <p><hi rend="i">Le</hi> 29. <hi rend="i">au soir toutes les Eglises de la Ville sonnerent leurs Clobes ; dans la matinée du lendemain toutes les Paroisses &amp; toutes les Communautez de Religieux se rendirent, chacune en particulier, &amp; processionellement, à l’Eglise de Saint Jean pour y chanter un</hi> Libera, <hi rend="i">&amp; pour y faire une Absoute ; ensuite on celebra la messe chantée par la Musique : Mrs du Conseil qui y avoient esté invitez par Mrs les Consuls, s’y rendirent en Corps, ayant à leur tête Mr de Quinson, Lieutenant General des Armées du Roy, &amp; Commandant dans la Province. L’Oraison Funebre fut prononcée par le R.P. de Macés Jesuite, qui n’avoit pas eu beaucoup de temps pour s’y preparer : son texte fut</hi> Deum timete, Regem honorificate, <hi rend="i">&amp; il fit voir que Mr le Maréchal de Noailles, en craignant le Seigneur, &amp; honorant le Souverain sous lequel il estoit né, s’estoit montré un homme selon le cœur de Dieu &amp; selon le cœur du Roy ; mais qu’il n’avoit esté selon le cœur du Roy, que parce qu’il estoit selon le cœur de Dieu.</hi></p>
          </quote>
          <quote>
            <p><hi rend="i">Le lendemain tous ces honneurs funebres se terminerent par un Service que fit chanter dans la même Eglise Mr de Villedomar, Capitaine des Gardes de Mr le Duc de Noailles, &amp; qui estoit le premier Consul de Perpignan l’année derniere. Ils eussent sans doute esté poussez plus loin, si les facultez des particuliers eussent répondu aux sentimens de leur cœur, accoûtumez que sont ces peuples aux Ducs de Noailles : familiarisez, pour ainsi dire, avec cette Maison depuis qu’ils respirent l’air François ; c’est-à-dire, depuis plus de soixante-cinq ans, &amp; penetrez de la bonté &amp; de la douceur de ces sages &amp; prudens Seigneurs qui durant un si longtemps les ont gouvernez sans hauteur &amp; sans violence ; ce qu’ils auroient le plus apprehendé, &amp; qui leur seroit le moins convenu ; ils ne parlent du Pere qu’avec veneration, ils pleurent le fils amerement, &amp; il n’y a que la sagesse, la prudence &amp; la valeur du petit-fils, qui puissent les consoler. Comme ce Seigneur a des vûës extrêmement étenduës, qu’il n’ignore rien, &amp; qu’en particulier il connoist cette Province mieux qu’un autre qui y auroit fait trente années de sejour, il en prévient tous les besoins, il entre dans tout, il va au devant de tout : &amp; cette sage conduite charme si fort les grands &amp; les petits, que tous luy donnent leurs cœurs, comme ils les avoient donnez au Maréchal son pere : ils le regardent avec respect, &amp; toutes ses aimables qualitez leur donnent de brillantes esperances, capables de les consoler, s’il est possible, de la grande perte qu’ils viennent de faire.</hi></p>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-12_209">
          <head>[Second Article des Morts]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, décembre 1708 [tome 13], p. 209-215.</bibl>
          <p/>
          <p>Comme on se distingue par le merite dans toutes sortes d’états, je dois vous dire que la mort vient d’enlever deux hommes dont les Ouvrages de Theatre ont esté reçûs du public avec de grands applaudissemens, &amp; qui cependant avoient cessé depuis plusieurs années de travailler à des ouvrages qui leur avoient acquis beaucoup de reputation. Le premier est Mr de la Fosse originaire de Paris ; il avoit composé quatre Tragedies ; sçavoir <hi rend="i">Polixene, Manlius, Thesée &amp; Coresus</hi>. La Tragedie de Polixene eut un si grand succés, que Monseigneur le Dauphin ayant resolu de venir voir le nouveau Theatre des Comediens, qui est celuy où ils joüent presentement, &amp; qu’ils avoient fait bâtir, demanda que le jour qu’il viendroit voir ce Theatre, on representât la Tragedie de Polixene, &amp; cette piece reçût de ce Prince &amp; de la nombreuse Cour qui l’accompagnoit, d’aussi grands applaudissemens que ceux que le public luy avoit déja donnez. Ces quatre Tragedies, &amp; quelques Pieces comiques de la composition du même Auteur, forment un Volume qui se vend sous le nom d’<hi rend="i">Oeuvres de Mr de la Fosse.</hi></p>
          <p>Le même a aussi fait une Traduction d’Anacreon en vers, qui est fort estimée, avec des remarques, ce qui avec quelques autres Ouvrages en vers, contient un autre volume des Ouvrages du même Autheur. Il s’estoit acquis l’estime de plusieurs personnes de la premiere qualité, &amp; il estoit fort consideré de feu Mr le Marquis de Crequi ; il ne l’estoit pas moins de Mr le Duc d’Aumont, dans l’Hostel duquel il est mort.</p>
          <p>Le second est Mr de Pechantré né à Toulouse, où il avoit remporté les trois Prix ou fleurs, avant que la Compagnie des Jeux Floraux eût esté érigée en Academie sous la protection des Chanceliers de France. Les applaudissemens que l’on donna aux Chants Royaux &amp; aux Sonnets qui luy firent remporter les Prix dont je viens de parler, furent cause qu’il prit la resolution de travailler pour le Theatre : il vint à Paris dans ce dessein, &amp; le premier Ouvrage qu’il mit au jour, fut la Tragedie de <hi rend="i">Getha</hi> ; cet Ouvrage qui paroist encore de temps en temps sur la Scene, reçût de si grands applaudissemens, qu’ils luy donnerent lieu de le dedier à Monseigneur, &amp; ce Prince pour luy marquer l’estime qu’il en faisoit, &amp; qu’il en approuvoit la dédicace, luy donna des marques de sa liberalité. Cet heureux succés l’engagea à continuer de travailler pour le Theatre, &amp; il fit deux autres Tragedies, qui sont <hi rend="i">Jugurta</hi> &amp; <hi rend="i">la mort de Neron</hi> : il fit aussi pour le College d’Harcourt, deux autres Tragedies ; sçavoir <hi rend="i">Joseph vendu par ses freres</hi>, &amp; <hi rend="i">le Sacrifice d’Abraham</hi>. Il venoit d’achever l’Opera d’<hi rend="i">Amphion</hi> &amp; <hi rend="i">Parthenopé</hi> lorsqu’il est mort, à la reserve du Prologue. On fait esperer que l’on donnera ses Oeuvres Posthumes au public.</p>
          <p>L’Article qui suit vous paroistra bien different quoy, qu’il s’agisse aussi d’une mort ; mais pourvû que chacun vive moralement bien dans l’état qu’il a embrassé, on ne peut rien demander davantage. Le Monde compose un Tableau où chacun paroist differemment, selon le personnage qu’il represente ; &amp; comme il faut du Clair &amp; du Brun dans un Tableau, pour le rendre parfait ; il est aisé d’en trouver dans les differens états de la vie des hommes.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-12_261">
          <head>[Sacre de Mr l’Evéque d’Agathopolis]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, décembre 1708 [tome 13], p. 261-264.</bibl>
          <p/>
          <p>Mr l’Abbé de Galiczon, Grand Chantre de l’Eglise de saint Martin de Tours, &amp; Docteur de la Maison &amp; Societé de Sorbonne, a esté sacré Evêque d’Agathopolis, &amp; Coadjuteur de Babylone, dans la Chapelle de l’Archevêché, par Mr le Cardinal de Noailles, assisté de Mr Maigrot aussi Docteur de la Maison &amp; Societé de Sorbonne, Evêque de Conon en la Chine, &amp; Vicaire Apostolique de la Province de Fokien dans le même Royaume, &amp; de Mr de Lyonne Evêque de Rosalie aussi dans le même Royaume. Le grand âge de Mr l’Evêque de Babylone, frere de Mr de saint Olon, Gentilhomme ordinaire de la Maison du Roy, l’a obligé de demander un Coadjuteur à S.S. qui a nommé Mr l’Abbé de Galiczon avec l’agrément du Roy. Je vous parlay du merite de ce nouveau Prelat lors de la nomination par le Pape &amp; par S.M. Je dois remarquer à present, c’est une grande question entre les Geographes, de sçavoir si la Ville qu’on nomme aujourd’huy <hi rend="i">Bagdat</hi>, est au même lieu qu’estoit l’ancienne Babylone dont quelques-uns luy font encore porter le nom. Le Docte Mr Bochart, à l’authorité duquel on doit souscrire, pretend que Bagdat est à l’endroit où étoit l’ancienne Seleucie, puis que les deux Villes sont sur le bord du Tigre, &amp; que Seleucie fut bastie autrefois des ruines de Babylone par Nicanor à 300 stades de cette Ville qu’on nommoit Babylone.</p>
          <p>La Compagnie qui assista au Sacre fut tres-nombreuse, &amp; la curiosité de voir trois Evêques des Missions d’Orient, dont deux consacroient le troisiéme, y attira beaucoup de monde. Mr le Cardinal de Noailles donna un magnifique dîner à ces Prelats, où se trouva Mr le Cardinal d’Estrées qui avoit assisté au Sacre, &amp; dont la Niece, feuë Me la Duchesse d’Estrées étoit sœur de Mr l’Evêque de Rozalie. Une partie de la conversation roula pendant &amp; aprés le disner sur l’état des Missions d’Orient. Mr l’Evêque de Conon qui en est revenu depuis peu en fit une Description touchante, &amp; qui fit plaisir à toute l’Assemblée, &amp; ce Prelat ajousta qu’il partiroit bien-tost pour Rome afin d’en aller rendre compte à S.S. qui le souhaitoit ainsi.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-12_267">
          <head>Air nouveau</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, décembre 1708 [tome 13], p. 267-268.</bibl>
          <p/>
          <p>Les paroles de l’air que je vous envoye sont traduites d’une Chanson Espagnole, inserée dans le Livre intitulé, <hi rend="i">le Diable boiteux</hi>, par Mr de la Fevrerie.</p>
          <quote>
            <label>AIR NOUVEAU.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Que l’Amour cause de foiblesse,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Je brusle &amp; je pleure sans cesse,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Depuis que je suis amoureux ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Mais étrange effet de ses charmes !</hi></l>
              <l><hi rend="i">Mes larmes pour me rendre encore plus malheureux,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ne sçauroient éteindre mes feux,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Nimes feux consumer mes larmes.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-12_292">
          <head>[Transport du corps de Mr le Maréchal de Noailles à Nostre-Dame avec un détail de ce qui s’est passé à ce sujet]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, décembre 1708 [tome 13], p. 292-298.</bibl>
          <p/>
          <p>Quoy que personne n’ait droit de sepulture dans l’Eglise de Paris que Me la Duchesse de Lesdiguieres de la maison de Gondy, dont il y a eu quatre Evêques ou Archevêques de suite ; néanmoins le Chapitre de cette Eglise ayant par une distinction particuliere, offert à Mr le Cardinal une Chapelle pour la sepulture de Mr le Maréchal Duc de Noailles son frere. Son corps qui estoit en depost en l’Eglise des Capucines, depuis le 5. Octobre dernier, y fut transporté la nuit du 2. au 3. Decembre, &amp; en même temps huit enfans de ce Maréchal, morts jeunes, qui estoient inhumez aux Capucines. Sur la minuit quatre Beneficiers de l’Eglise de Paris, nommez par le Chapitre se transporterent en l’Eglise des Capucines où aprés les Prieres accoûtumées, les corps furent mis dans des Carosses, &amp; transportez à Nostre-Dame, suivis de tous ceux de la famille éclairez d’un grand nombre de flambeaux. Quoyque cette ceremonie se fit <hi rend="i">incognito</hi>. Mr le Duc de Noailles voulut s’y trouver &amp; assista à toute la ceremonie. Les Corps estant arrivez à Nostre-Dame à la fin de Matines, Mr le Doyen vint à la teste du Chapitre le recevoir à la porte de l’Eglise, &amp; il les conduisit à la Chapelle qui estoit preparée, où ils furent in humez aprés les Prieres ordinaires.</p>
          <p>Le même jour 3. Decembre, l’on celebra dans la même Eglise un Service solemnel par ordre de M. le Cardinal de Noailles, où ce Prelat officia. Toute l’Eglise estoit tenduë jusqu’à la voûte, avec deux lez de velours, &amp; un rang de grandes armes hautes de deux aulnes tout autour du Chœur. La Representation estoit sur une estrade à quatre degrez au milieu du Chœur, couverte d’un poësle de velours bordé d’hermines, avec la Couronne Ducale, les Bastons de Maréchal de France &amp; le Collier des Ordres sur des carreaux de velours couverts de crespes, le tout sous un grand Dais de velours à crespines d’argent, suspendu du haut de la voûte. Il y avoit un nombre considerable de chandeliers d’argent avec des cierges garnis d’armoiries sur les degrez de l’estrade, ainsi qu’au pour tour du Chœur ; de sorte qu’à dix heures du matin l’Eglise n’étoit éclairée que par la lumiere des cierges.</p>
          <p>A l’heure marquée tous les Prelats s’étant assemblez à l’Archevêché vinrent en corps à l’Eglise, où ils furent placez dans des fauteüils sur une grande estrade qui avoit esté dressée exprés à costé de l’Autel du costé de l’Evangile. Toute la famille qui est nombreuse, ainsi que tout ce qu’il y a de plus considerable à la Cour &amp; à Paris s’y trouverent en tres-grand nombre ; de sorte que l’on n’y voyoit que Prelats, Ducs, Chevaliers des Ordres du Roy, &amp; de plusieurs autres Souverains, Presidens à Mortier, Conseillers d’Etat, Generaux d’Ordre, &amp; autres personnes du premier rang. Quatre Archers de la Connestablie estoient aux coins de la Representation, leurs armes basses, ayant deux Officiers à leur teste assis. Le nombre des Dames qui assisterent à ce Service, ne fut pas moins grand, &amp; quoy qu’elles fussent aussi placées dans le Chœur, il n’y eut aucune confusion, à cause des précautions que l’on avoit prises de faire garder les portes &amp; les avenuës. La Messe fut chantée par la Musique, qui fut placée sur un Jubé fait exprés à la porte du Chœur. L’Offrande fut portée par trois Gentilshommes de Mr le Maréchal, &amp; à la fin de la Messe, Mr le Cardinal vint à la Representation, où il fit les Absolutions, aspersions &amp; encensemens ordinairemens.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-12_304">
          <head>[Addition à l’Article des Ceremonies observées à l’occasion du transport du Coprs de Mr le Maréchal de Noailles à Nostre-Dame]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, décembre 1708 [tome 13], p. 304-309.</bibl>
          <p/>
          <p>Quoy que je vous aye déja parlé du transport du Corps de feu Mr le Maréchal de Noailles à Nostre Dame, pour y estre inhumé avec plusieurs de ses Enfans decedez, &amp; de tout ce qui s’est passé à cette occasion dans cette Eglise Metropolitaine, de nouveaux Memoires qui viennent de tomber entre mes mains, m’obligent de vous parler de nouveau de et Article, à cause de quelques circonstances qui ne se trouvent pas dans l’Article que vous en venez de lire. Je seray obligé pour mettre ces circonstances dans leur jour, de repeter quelque chose de ce que j’ay déja dit dans le premier Article ; mais le cas est si nouveau, &amp; l’on enterre si peu de Laïques à Nostre-Dame, que je ne dois rien oublier de ce qui le regarde.</p>
          <p>Le transport du Corps se fit à peu prés de la maniere dont je vous ay déja parlé. Le Corps de ce Maréchal estoit seul dans un Carosse, Ces deux Carosses étoient suivis de huit autres en Deüil, dans lesquels étoient Mrs le Duc &amp; Marquis de Noailles, accompagnez de plusieurs Gentilshommes de leur maison. Cette marche fut éclairée par un grand nombre de Flambeaux, dont il y en avoit douze aux costez des deux Carosses où estoient les Corps. Ce Convoy arriva à Nostre-Dame environ à minuit, où le Chapitre avoit commencé Matines. Lorsqu’elles furent finies, Mr le Doyen &amp; tout le Chapitre vinrent recevoir les Corps à la porte du costé du Cloistre, pour les porter dans la Cave qui est dans l’une des Chapelles de ce même costé. On chanta les prieres accoûtumées par où finit la Ceremonie de ce jour-là.</p>
          <p>Le Service se fit le lendemain sur les onze heures dans le nouveau Chœur de cette Eglise, qui estoit tenduë de noir jusqu’à la voute.</p>
          <p>Je vous ay déja parlé des ornemens lugubres qui estoient sur cette Tenture.</p>
          <p>Il y avoit un si grand nombre de cierges dans des chandelliers d’argent, qu’ils paroissoient se toucher les uns les autres ; aussi assure-t on qu’il y en avoit cinq cent, sans compter six douzaines qui estoient autour de la Representation qui estoit au milieu du Chœur, sous un Dais suspendu en l’air, &amp; par consequent sans colonnes. La Representation estoit élevée d’environ trois pieds, couverte d’un Poil de velours noir, croisé de toile d’argent, &amp; dont la bordure d’hermine avoit plus d’un pied de haut. Mr le Cardinal de Noailles officia, &amp; S.E. avoit pour Assistans, quatre Chanoines, dont Mr le Doyen estoit du nombre. La plus-part des Chanoines avoient quitté leurs Chaises, qui furent occupées par les plus grands Seigneurs de la Cour, &amp; par quantité de personnes de la Ville, de la plus haute distinction. Les Dames les plus qualifiées furent placées au bout de ces mêmes Chaises, dans l’espace qui est entre ces Chaises &amp; le grand Autel, du costé de l’Evangile. Le Clergé, composé d’un grand nombre d’Evêques, estoit de l’autre costé. Trois Gentilhommes du deffunt allerent seuls à l’offrande ; le premier portoit un cierge chargé de Loüis d’or depuis le haut jusqu’au bas ; le second portoit un pain, &amp; le troisiéme du vin dans un tres-beau vase. La Musique de Nôtre-Dame se fit entendre pendant la plus grande partie du Service, &amp; elle fut trouvée tres-belle, ainsi que le <hi rend="i">De profundis</hi> qui fut aussi chanté en Musique.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-12_372">
          <head>[Détail du Voyage de S.A.R. Monsieur le Duc d’Orleans à Madrid]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, décembre 1708 [tome 13], p. 372-380.</bibl>
          <p/>
          <p>Je passe de ce Monarque au grand Prince à qui l’Espagne est si redevable. Vous devinez bien que je veux parler de Mr le Duc d’Orleans. S.A.R. jugeant que la saison ne permettoit plus de faire des Expeditions considerables, resolut de retourner en France pour être de retour dés que le Printemps commenceroit à paroistre ; mais ne voulant pas que l’Espagne cessast de faire des conquestes, même pendant l’hiver, Elle prit de si justes mesures, &amp; donna de si bons ordres à Mr le Chevalier d’Asfeld, pour l’attaque de quelques Places, &amp; que ce Chevalier qui est capable des plus grandes entreprises, a si bien executées, que l’on peut dire que S.A.R. n’a pas cessé de triompher, même pendant l’hiver &amp; l’Espagne de faire des conquestes. Aprés des ordres si bien donnez ce Prince envoya Mr le Comte de Bezons à Madrid pour y concerter avec les Ministres, les moyens de faire une glorieuse Campagne, &amp; de l’ouvrir de bonne heure, &amp; il partit ensuite pour Saragosse où il reçût des Lettres consecutives du Roy &amp; de la Reine d’Espagne, par lesquelles ils le pressoient avec les plus fortes instances de faire un tour à Madrid. Il eut un peu de peine à se déterminer, parce que suivant le projet qu’il avoit formé, il ne devoit pas demeurer long-temps en France, ayant resolu d’en partir dés le mois de Février.</p>
          <p>Ce Prince fut reçû à Saragosse avec toutes les demonstrations de joye imaginables Les rejoüissances y furent grandes ; il y eut un tres beau Feu d’Artifice, &amp; une Course de Taureaux aux flambeaux, ce qui rendit ce spectacle des plus brillans. Cependant il fit sçavoir au Roy d’Espagne qu’il partiroit incessamment pour Madrid, ce que S.M.C. ayant sçû Elle envoya ses Carosses jusqu’à Torremolché, avec des Ecuyers &amp; des Pages ; c’estoit le lieu où ce Prince devoit arriver le second jour aprés son départ de Saragosse, d’où il devoit aller coucher à Calatajud. Depuis Torremolché jusqu’à Madrid, on avoit disposé des Relais de mules de 4. lieuës en 4. lieuës, &amp; d’Alcala à Madrid des Relais de Gardes de 2. lieuës en 2. lieuës, où ce Prince, arriva le 15. Novembre au soir. Il alla en arrivant saluer Leurs Majestez. Il seroit difficile de bien dépeindre l’accüeil qu’elles luy firent, &amp; les marques de tendresse qu’Elles luy donnerent ; il soupa ensuite au Palais qui luy avoit esté preparé, où il fut servi par les Officiers de S.M.C. &amp; de la même maniere qu’ils servent ce Monarque. Il a esté gardé pendant tout son sejour par les Gardes du Corps, &amp; par les Gardes Espagnoles &amp; Walonnes.</p>
          <p>Je crois devoir ajoûter icy l’extrait d’une Lettre de Madrid qui dit beaucoup en peu de paroles.</p>
          <quote>
            <label>A Madrid le 26. Decembre.</label>
            <p><hi rend="i">Il s’est tenu icy plusieurs Conseils pendant le se jour que Mr le Duc d’Orleans a fait en cette Cour, où ce Prince &amp; Mr de Bezons ont toujours assisté, &amp; l’on y a deliberé sur les operations de la Campagne prochaine, pour laquelle on va commencer les preparatifs. On distribue déja l’argent pour les recruës des Troupes, &amp; pour la remonte de la Cavalerie. Les Officiers ont ordre de tenir leurs Corps complets dans le</hi> 20. <hi rend="i">du mois de Janvier prochain, à peine d’estre cassez. On va aussi distribuer des Commissions pour la levée de six Regimens d’Infanterie, quatre de Cavalerie &amp; deux de Dragons.</hi></p>
          </quote>
          <p>Je serois obligé d’entrer dans de trop grands détails, si j’entreprenois de vous faire une peinture de toutes les marques de joye &amp; de reconnoissance que les peuples ont données à ce Prince pendant le sejour qu’il a fait à Madrid, d’où il partit le 26.</p>
          <p>Il alla coucher ce jour-là à Quadraké. Le Roy luy avoit fait preparer des Relais de 4. lieuës en 4. lieuës avec lesquels il arriva en trois jours à Zintruenigue, d’où il alla à Pampelune où Mr le Prince de Tserclas luy fit une reception magnifique.</p>
          <p>Ce Prince alla le lendemain coucher à Agnoa dans une maison que Mrs Hariague luy avoient fait preparer, &amp; où il trouva un grand soupé &amp; digne du zele de ces Messieurs qui eurent l’honneur de luy donner aussi le lendemain à disner à Bayonne.</p>
          <p>S.A.R. alla de Bayonne à la Bouhaine où Mr le Maréchal de Montrevel l’avoit envoyé recevoir. Ce Maréchal la regala le lendemain à Bordeaux. Il y eut Opera ; un souper magnifique, une tres-belle Symphonie, &amp; un Feu d’Artifice accompagné d’une grande Illumination.</p>
          <p>Ce Prince coucha le lendemain à Chasteauneuf, où il fut traitté par les Officiers de Mr Begon, Intendant de Rochefort qui l’y attendoient ; il coucha le lendemain à Poitiers, &amp; le jour suivant il soupa à Amboise, où il étoit attendu par Mr l’Intendant de Tours qui le regala magnifiquement. Si A.R. en partit à onze heures du soir pour se rendre à Versailles, où elle arriva le lendemain à 5. heures &amp; demie du soir, étant venuë en 35. heures de Poitiers à Versailles. Je ne vous dis rien de l’accüeil qui luy fut fait par le Roy, par toute la Maison Royale, &amp; par toute la Cour, qui s’empressa de luy donner des marques de la joye qu’elle avoit de le revoir.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-12_380">
          <head>[Articles des Enigmes]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, décembre 1708 [tome 13], p. 380-383.</bibl>
          <p/>
          <p>Le mot de l’Enigme du mois passé étoit <hi rend="i">le Maron</hi>. Ceux qui l’ont trouvé sont Mrs de l’Archat ; Hut, Contrôlleur des Rentes de l’Hôtel de Ville ; de la Gueriniere ; de Motte-ville ; du Buisson ; Camuset ; de Lagnac, &amp; Mrs Mongin, Altier &amp; Mazorier, Confreres ; le petit Amy du Pont de la Tournelle ; le Mechanicien de Cour-Cheverny en Sologne ; l’agreable Societé du Village de Clamare prés de Meudon ; les Indiferens de la ruë S. Martin ; le Medecin qui prefere le Jeu d’Hombre à ses Malades ; le Misantrope de la Place Royale ; le Heros des Caffez ; le trop Credule Nouvelliste ; le Chercheur de Tresors du Marais, &amp; le Fidelle Adonis de la ruë S. Denis. Me la Presidente de l’Election de Chaumont &amp; Magny ; Mlles de Clignacour ; de Beaulieu, du Quartier S. Denis ; de la Valterie, du Marais ; de Pylo, &amp; de Belleville, de la ruë S. Antoine ; la Belle Marguerite Brillant ; l’Aimable Benigne, de Valence en Dauphiné ; la Gracieuse de Font Lauzier ; la Nymphe aux deux Trumeaux, de la même ville ; &amp; leur Charmante Cousine.</p>
          <p>Je vous envoye une Enigme nouvelle ; elle est de Mr Galimard.</p>
          <quote>
            <label>ENIGME.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">On me connoist aux Champs comme à la Ville :</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Je suis rare en tres-peu d’endroits :</hi></l>
              <l><hi rend="i">Aux petits comme aux grands, aux Peuples comme aux Rois</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Je suis également utile.</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Tout mon merite vient du jour ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Et la nuit qui le suit, tout mon éclat s’efface :</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Ainsi dans l’un &amp; l’autre espace</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Je meurs &amp; je vis tour à tour.</hi></l>
              <l><hi rend="i">On fait grand cas de mes franchises ;</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Les plus superbes ornemens,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Tant des Palais que des Eglises,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Sont par moy garantis de l’injure des temps,</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1708-12_383">
          <head>Air nouveau</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, décembre 1708 [tome 13], p. 383-384.</bibl>
          <p/>
          <p>Les paroles que je vous envoye ont esté mises en chant par Mr le Camus.</p>
          <quote>
            <label>AIR NOUVEAU.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Perfide Amour, je renonce à tes charmes,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Mon Amant m’a manqué de foy :</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Que tes plaisirs coûtent de larmes :</hi></l>
              <l><hi rend="i">Malheureux sont les cœurs qui vivent sous ta loy ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Mais si l’ingrat revenoit dans ses chaisnes. ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Si touché de regret, il me rendoit son cœur ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">J’éprouverois encor tes plaisirs &amp; tes peines :</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Je te demande Amour cette faveur.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
      </div>
    </body>
  </text>
</TEI>