livraisons/MG_1695.xml

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      <titleStmt>
        <title>Mercure Galant, 1695</title>
      </titleStmt>
      <editionStmt>
        <edition>OBVIL/IREMUS</edition>
        <respStmt>
          <name>Anne Piéjus</name>
          <resp>Responsable d’édition</resp>
        </respStmt>
        <respStmt>
          <name>Nathalie Berton-Blivet</name>
          <resp>Responsable d’édition</resp>
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      </editionStmt>
      <publicationStmt>
        <publisher>Université Paris-Sorbonne, LABEX OBVIL</publisher>
        <date when="2015"></date>
        <availability status="restricted">
          <licence target="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/3.0/fr/">
            <p>Copyright © 2015 Université Paris-Sorbonne, agissant pour le Laboratoire d’Excellence « Observatoire de la vie littéraire » (ci-après dénommé OBVIL).</p>
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          </licence>
        </availability>
      </publicationStmt>
      <sourceDesc>
        <bibl><title>Le Nouveau Mercure Galant</title>, <publisher>Charles de Sercy</publisher>, <date>1695</date>.</bibl>
      </sourceDesc>
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        <date when="1695"></date>
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        <language ident="fr"></language>
      </langUsage>
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  <text>
    <body>
      <div type="tome" xml:id="MG-1695-01">
        <head><hi rend="i">Mercure Galant</hi>, janvier 1695 [tome 1]</head>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-01_087" resp="wordpro">
          <head>[Idille]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, janvier 1695 [tome 1], p. 87-108.</bibl>
          <p/>
          <p>Quoy que l’ouvrage que je vous envoye, paroisse estre un peu de vieille datte, il n’a point encore paru dans le monde. M<hi rend="sup">r</hi> de la Neuville qui en est auteur, &amp; dont vous en avez déja vû autrefois quelques autres dans mes Lettres, s’étoit engagé à faire un Idille sur les Montagnes, semblable à celuy que vous verrez aujourd’huy sur les Bois, &amp; tous deux à l’imitation de ceux de l’illustre Madame des Houlieres, dont il avoit l’avantage d’estre connu, mais on dit qu’il a tourné ses soins sur une occupation plus serieuse que celle de la Poësie. Je vous en entretiendray quand son ouvrage aura passé de son cabinet dans celuy de ses amis.</p>
          <quote>
            <label>LETTRE<lb />A Mademoiselle D. B.</label>
            <p><hi rend="i">Pourquoy me demander si obligeamment, Mademoiselle, l’Idille des Bois, qui vous appartient mieux qu’à moy, puisque je ne l’ay fait que pour vous, &amp; qu inspiré de vous ; &amp; comme si cet honneur ne suffisoit pas pour remplir toute mon ambition, vous ajoûtez encore que vous voulez l’apprendre, que pour ne l’oublier jamais, &amp; mesme le faire voir à nostre illustre Amie Madame des Houlieres, à qui nous avons l’obligation d’avoir ramené sur le Parnasse François, ce genre de Poësie galante &amp; morale qui n’estoit plus connu que de l’Apollon Italien. Je n’ose vous dire icy, Mademoiselle, tout ce que j’ay senty en lisant vostre charmant billet ; &amp; quoy que vous me flattiez de vouloir apprendre mon Idille, je vous avouë de bonne foy que le plaisir d’occuper un place dans vostre memoire, sembloit ne me plus suffire, &amp; qui poussant plus loin ma bonne fortune, j’ay bien osé desirer passer de vostre souvenir jusques dans vostre cœur. Voila ce que c’est, Mademoiselle, que de m’annoncer un bonheur qui devroit borner mon ambition &amp; mes souhaits ; mais non content de ce qui pourroit satisfaire mes desirs, je cherche encore à l’augmenter par l’honneur de vous plaire aussi bien que par le plaisir de vous obéir.</hi></p>
          </quote>
          <quote>
            <label>LES BOIS.<lb /><hi rend="i">IDILLE.</hi></label>
            <lg>
              <l rend="i">Déja le bel Astre du jour</l>
              <l rend="i">Avoit rendu par son retour,</l>
              <l rend="i">A nos Prez leur émail, à nos Bois leur verdure,</l>
              <l rend="i">Et déja les Bergers, dans cet heureux sejour,</l>
              <l rend="i"> De concert avec la Nature,</l>
              <l rend="i">Sembloient ne respirer que la joye &amp; l’amour,</l>
              <l rend="i">Quand Iris &amp; Daphné, Nimphes jeunes &amp; belles,</l>
              <l rend="i">Que le tendre Damon conduisit en ces lieux,</l>
              <l rend="i"> Se déroberent à ses yeux,</l>
              <l rend="i">Pour s’aller perdre ensemble en des routes nouvelles.</l>
              <l rend="i">Damon qui les suivoit dans les Bois de * Balsy,</l>
              <l rend="i">Sous un feüillage obscur s’alla cacher prés d’elles,</l>
              <l rend="i"> Et là ces deux Nimphes fidelles,</l>
              <l rend="i">Se croyant sans témoins discoururent ainsi.</l>
              <l rend="i">Daphné fut la premiere à rompre le silence,</l>
              <l rend="i"> Et dit, en embrassant Iris,</l>
              <l rend="i"> Puis que dés nostre tendre enfance,</l>
              <l rend="i">L’amitié joint nos cœurs ainsi que nos esprits,</l>
              <l rend="i"> Reçois la tendre confidence</l>
              <l rend="i">De tout ce que je sens, de tout ce que je pense.</l>
              <l rend="i">Et vous, tranquilles Bois, dont nous troublons la paix,</l>
              <l rend="i">Ecoutez nos soupirs, &amp; n’en parlez jamais.</l>
              <l rend="i">Nous fuyons toutes deux &amp; la Ville &amp; les hommes,</l>
              <l rend="i"> Aimables Bois, consolez-nous ;</l>
              <l rend="i"> Iadis vous n’aviez que des Loups,</l>
              <l rend="i"> Mais helas ! au temps où nous sommes,</l>
              <l rend="i"> Paris en a bien plus que vous.</l>
              <l rend="i">Vostre profond repos a pour vous tant de charmes,</l>
              <l rend="i"> Qu’il calme ce juste couroux,</l>
              <l rend="i">Que causent les Amans, les Maris, les jaloux ;</l>
              <l rend="i">Mais pour mieux revenir de nos tristes alarmes,</l>
              <l rend="i">Le cœur gros de soupirs, les yeux baignez de larmes,</l>
              <l rend="i"> Nous vous le dirons mille fois,</l>
              <l rend="i"> Consolez-nous, aimables Bois.</l>
              <l rend="i"> Ce secret nous est d’importance,</l>
              <l rend="i">Quoy qu’il n’égale pas la grande confidence,</l>
              <l rend="i"> Que tant de Bergers tous les jours,</l>
              <l rend="i"> Vous font de leurs tendres amours,</l>
              <l rend="i"> Dont vous sçavez la violence.</l>
              <l rend="i"> Souvent les oiseaux, plus heureux</l>
              <l rend="i"> Que les Bergers &amp; les Bergeres,</l>
              <l rend="i">N’eprouvant point d’amour les tourmens rigoureux,</l>
              <l rend="i">Vous font, aimables Bois, les seuls dépositaires</l>
              <l rend="i"> De leurs petits soins amoureux.</l>
              <l rend="i">Tout demeure chez vous dans la pure nature :</l>
              <l rend="i"> Rien ne s’y fait à l’avanture,</l>
              <l><hi rend="i">Vous avez comme nous, &amp; vos jours, &amp; vos nuits,</hi></l>
              <l rend="i">Mais, helas, comme nous, vous n’avez pas d’ennuis ;</l>
              <l rend="i"> C’est ce qui fait nostre murmure.</l>
              <l rend="i"> L’unique destin des humains</l>
              <l rend="i"> Nous paroist &amp; cruel &amp; rude.</l>
              <l rend="i">Si nous cherchons, au fort de nostre inquietude,</l>
              <l rend="i">Vn discret confident, tous nos efforts sont vains,</l>
              <l rend="i">Bois, on n’en trouve plus qu’en vostre solitude.</l>
              <l rend="i"> On ne voit plus par tout ailleurs,</l>
              <l rend="i"> Que perfidie &amp; qu’inconstance.</l>
              <l rend="i"> Les hommes, pour avoir des cœurs,</l>
              <l rend="i"> N’ont pas plus de reconnoissance.</l>
              <l rend="i">Le plus foible dépit, la plus legere absence</l>
              <l rend="i"> Borne dans un jour leurs douleurs,</l>
              <l rend="i">Ils sont ingenieux à craindre des rigueurs,</l>
              <l rend="i"> Qu’ils ne craignent qu’en apparence,</l>
              <l rend="i"> Et sans faire la difference</l>
              <l rend="i">Des doux empressemens &amp; des sombres froideurs</l>
              <l rend="i"> Ils tombent dans l’indifference,</l>
              <l rend="i"> Qui les nourrit dans leurs erreurs ;</l>
              <l rend="i"> Ainsi finit leur esperance.</l>
              <l rend="i">Quand le Lierre une fois se joint à quelque Ormeau,</l>
              <l rend="i"> Il s’y joint pour toute sa vie ;</l>
              <l rend="i">Et les charmes naissans d’un nouvel Arbrisseau,</l>
              <l rend="i">Ne font pas naistre en luy la plus legere envie</l>
              <l rend="i"> De quelque engagement nouveau.</l>
              <l rend="i">Il suit les mouvemens de la seule nature.</l>
              <l rend="i"> Lors que l’Arbre seche sur pié,</l>
              <l rend="i"> Le Lierre comme par pitié,</l>
              <l rend="i"> Le veut couvrir de sa verdure.</l>
              <l rend="i">Et si par sa vieillesse il tombe en pourriture,</l>
              <l rend="i"> Le Lierre, quand il est lié,</l>
              <l rend="i">En tombant avec luy prend la mesme posture.</l>
              <l rend="i">Le Palmier n’a-t-il pas de pareils mouvemens ?</l>
              <l rend="i">Quand d’un autre Palmier il veut joindre les Palmes.</l>
              <l rend="i"> Alors ces deux Palmiers amans,</l>
              <l rend="i">Etroitement unis paroissent bien plus calmes,</l>
              <l rend="i">Qu’ils ne l’estoient tous deux dans leurs éloignemens.</l>
              <l rend="i">Peut-on trouver quelqu’un dans le siecle où nous sommes,</l>
              <l rend="i"> Qui s’attache pour plus d’un jour ?</l>
              <l rend="i"> Non, les hommes sont toujours hommes,</l>
              <l rend="i"> Vn moment produit leur amour,</l>
              <l rend="i"> Et l’instant qui le suit, le détruit à son tour.</l>
              <l rend="i">L’objet le plus aimé, l’objet le plus aimable,</l>
              <l rend="i"> Ne devient-il pas haïssable,</l>
              <l rend="i"> Lors qu’il ne leur paroist plus beau ?</l>
              <l rend="i">La rencontre souvent de quelque objet nouveau,</l>
              <l rend="i"> Peut-estre un peu plus agreable,</l>
              <l rend="i"> Met leur amour dans le tombeau ;</l>
              <l rend="i"> Ou s’ils sont encore fidelles,</l>
              <l rend="i"> Malgré ces changemens divers,</l>
              <l rend="i">Envoit-on un dans l’Vnivers,</l>
              <l rend="i">Quand la Parque a rompu tant de chaisnes si belles,</l>
              <l rend="i">Qui ne cherche aussi-tost à porter d’autres fers ?</l>
              <l rend="i"> On voit tout changer sur la terre,</l>
              <l rend="i">Les Oiseaux, de bocage, &amp; les Ruisseaux, de lit,</l>
              <l rend="i">Les Prez changent de fleurs, &amp; les fleurs de parterre,</l>
              <l rend="i"> Tout tombe, tout s’ensevelit.</l>
              <l rend="i"> Vne loy fatale &amp; severe,</l>
              <l rend="i"> Contraint chaque chose à changer ;</l>
              <l rend="i"> Les moutons changent de Bergere,</l>
              <l rend="i"> Et la Bergere de Berger.</l>
              <l rend="i"> Iris, qu’un mesme esprit anime,</l>
              <l rend="i"> Dit à son tour à sa Daphné,</l>
              <l rend="i">Les hommes, comme à toy, m’ont à la fin donné</l>
              <l rend="i"> Tant de mépris pour leur estime,</l>
              <l rend="i">Que je croirois commettre un crime</l>
              <l rend="i">De ne pas applaudir à ce jour fortuné,</l>
              <l rend="i">Où mon cœur a connu qu’il estoit suborné.</l>
              <l rend="i">L’erreur qui me flatoit est enfin dissipée,</l>
              <l rend="i">Je renonce aux douceurs de leur perfide amour,</l>
              <l rend="i"> Ie ne veux plus estre occupée</l>
              <l rend="i">Que des charmes naissans de ce charmant sejour ;</l>
              <l rend="i"> Et puis que les sombres bocages</l>
              <l rend="i">Font à present, Daphné, l’objet de tes desirs,</l>
              <l rend="i">Joüissons toutes deux des mesmes avantages,</l>
              <l rend="i"> Et goûtons les mesmes plaisirs.</l>
              <l rend="i"> Bois, forests ; de qui la verdure</l>
              <l rend="i">Semble, quand elle naist, réjoüir la nature,</l>
              <l rend="i"> C’est à vous seuls à qui j’en veux,</l>
              <l rend="i">Recevez, leur dit elle, aujourd’huy tous mes vœux.</l>
              <l rend="i"> Arbres, c’est en vain qu’on le cache,</l>
              <l rend="i"> On ne voit que vous de constans ;</l>
              <l rend="i">Loin de changer jamais l’arbre qui vous attache,</l>
              <l rend="i">Il faut pour le quitter que l’on vous en arrache,</l>
              <l rend="i">Et que l’on rompe ainsi de tels engagemens.</l>
              <l rend="i"> Si vous avez quelque inconstance,</l>
              <l rend="i"> C’est pour obéir aux saisons.</l>
              <l rend="i"> L’hiver seul avec ses glaçons,</l>
              <l rend="i"> Vous fait changer en apparence,</l>
              <l rend="i">Mais le Printemps qui suit, vous rend dès sa naissance</l>
              <l rend="i"> Vostre verdure &amp; vos boutons,</l>
              <l rend="i">Et fait connoistre alors quelle est vostre innocence.</l>
              <l rend="i">On ne vous voit jamais, Bois charmans, heureux Bois,</l>
              <l rend="i"> Quitter les lieux qui vous font naistre ;</l>
              <l rend="i"> Et si par de funestes loix,</l>
              <l rend="i">Vous estes obligez d’en sortir une fois,</l>
              <l rend="i"> Le Rossignol a beau paroistre,</l>
              <l rend="i">Vous n’y retournez plus ouïr sa douce voix.</l>
              <l rend="i"> Vos dépouilles nous sont utiles</l>
              <l> <hi rend="i">Dans nos maisons, sur nos Autels,</hi></l>
              <l rend="i">Vous servez à parer les Palais de nos Villes,</l>
              <l rend="i">On offre vos odeurs aux Cieux, aux Immortels.</l>
              <l rend="i"> Ny vos Nimphes, ny vos Dryades,</l>
              <l rend="i">N’ambitionnent pas le destin des Nayades :</l>
              <l rend="i">On ne les entend point sur d’infidelles tons,</l>
              <l rend="i">Chanter pour d’autres Dieux, que pour leurs Dieux champestres,</l>
              <l rend="i"> Ny s’entestant pour des Tritons,</l>
              <l rend="i"> Ioindre leurs chiffres à leurs noms,</l>
              <l rend="i"> Et les graver aux troncs des hestres.</l>
              <l rend="i"> Si vos Faunes &amp; vos Sylvain,</l>
              <l rend="i">Plus heureux dans leurs fers que ne sont les Humains,</l>
              <l rend="i"> Ne soupirent plus que pour elles,</l>
              <l rend="i">S’ils sont aussi constans qu’elles leur sont fidelles,</l>
              <l rend="i">Ils n’apprehendent plus leurs rigueurs, leurs dédains,</l>
              <l rend="i">Elles ne craignent plus de voir leurs feux éteints,</l>
              <l rend="i"> Et dans leurs flâmes mutuelles,</l>
              <l rend="i">S’ils ont quelques rivaux, ce sont les seuls Zephirs,</l>
              <l rend="i"> Qui sont témoins de leurs plaisirs.</l>
              <l rend="i"> Si vos Nimphes toujours sinceres,</l>
              <l rend="i"> Partagent vostre fermeté,</l>
              <l rend="i"> Les Dieux nous sont bien plus severes,</l>
              <l rend="i">Et traitent bien plus mal la foible humanité.</l>
              <l rend="i"> Les hommes rebelles, perfides,</l>
              <l rend="i"> Font gloire de leur trahison,</l>
              <l rend="i">Et par un mouvement autant hors de saison,</l>
              <l rend="i"> Qu’ils sont &amp; foibles, &amp; timides :</l>
              <l rend="i"> Les sens qui deviennent leurs guides,</l>
              <l rend="i"> Leur font oublier la raison.</l>
              <l rend="i"> L’homme qui n’est point né parjure,</l>
              <l rend="i">Pour suivre sa foiblesse &amp; son temperament,</l>
              <l> <hi rend="i">Par son panchant au changement,</hi></l>
              <l rend="i"> Fait violence à la nature.</l>
              <l rend="i"> Ce qu’il veut aimer aujourd’huy,</l>
              <l rend="i"> Il l’aime sans nulle mesure,</l>
              <l rend="i"> Demain ce ne sera plus luy,</l>
              <l rend="i"> Et son cœur changeant de figures</l>
              <l rend="i">Sçait faire à ses plaisirs succéder son ennuy.</l>
              <l rend="i"> Aprés un grand nombre d’années,</l>
              <l rend="i"> La mort qui vient, &amp; le surprend,</l>
              <l rend="i"> Paroist à luy comme un torrent,</l>
              <l rend="i">Qui l’entraisne bien tost à d’autres destinées.</l>
              <l rend="i"> Ce coup plus craint dans l’Vnivers</l>
              <l rend="i"> Qu’on ne craint celuy du Tonnerre,</l>
              <l rend="i"> Par un sinistre &amp; prompt revers ;</l>
              <l rend="i"> Le précipite sous la terre.</l>
              <l rend="i"> Rarement la posterité,</l>
              <l rend="i">Vante-t-elle longtemps son nom, ny sa memoire.</l>
              <l rend="i">Lors que l’homme est vivant, il est couvert de gloire,</l>
              <l rend="i">Mais l’homme aprés sa mort est dans l’obscurité.</l>
              <l rend="i">Bois, vous estes heureux, malgré vostre vieillesse,</l>
              <l rend="i">Vous causez une sainte &amp; venerable horreur ;</l>
              <l rend="i">Mais l’homme en son declin n’a que de la tristesse ;</l>
              <l rend="i"> Chacun le fuit, chacun le laisse,</l>
              <l rend="i"> Sa prudence se change en peur,</l>
              <l rend="i"> Et son esprit tombe eu foiblesse.</l>
              <l rend="i">Voila de tant de soins, helas ! le triste sort,</l>
              <l rend="i">Qui font aimer la vie, &amp; redouter la mort.</l>
              <l rend="i">Arbres, vostre destin est plus digne d’envie,</l>
              <l rend="i"> Vous poussez pendant vostre vie,</l>
              <l rend="i"> Des feüilles, des fleurs, &amp; des fruits,</l>
              <l rend="i"> Et quand sous le faix des années</l>
              <l rend="i"> Vous finissez vos destinées,</l>
              <l rend="i">Vous mourez sans regret, sans remors, sans ennuis,</l>
              <l rend="i">Vostre encens sur l’autel, pendant nos sacrifices,</l>
              <l rend="i">Rend flexibles les Dieux à nos humbles souhaits,</l>
              <l rend="i"> Et vous parfumez nos Palais,</l>
              <l rend="i">Mais du seul homme, helas ! que reste-t-il ? les vices,</l>
              <l rend="i">De qui le souvenir ne peut perir jamais.</l>
              <l rend="i"> Ces deux Nymphes inconsolables,</l>
              <l rend="i"> Sur tant de differens malheurs,</l>
              <l rend="i"> Qui rendent les hommes coupables,</l>
              <l rend="i">Sortirent de ce Bois les yeux baignez de pleurs.</l>
              <l rend="i">L’une &amp; l’autre fidelle, &amp; toutes deux aimables,</l>
              <l rend="i">Par un serment nouveau, jurérent que leurs cœurs,</l>
              <l rend="i"> Seroient toûjours inseparables.</l>
            </lg>
            <note><p>* C’est le nom de leur Terre.</p></note>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-01_125" resp="wordpro">
          <head>[Lettre touchant le Dictionnaire de l’Académie Françoise]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, janvier 1695 [tome 1], p. 125-143.</bibl>
          <p/>
          <p>Cet article de l’Academie Françoise me fait souvenir de vous dire que rien ne vous doit empescher de faire acheter son fameux Dictionnaire, si vous n’avez point d’autre raison de differer à l’avoir, que l’avis qu’on a donné dans les Nouvelles publiques, qu’il s’imprimoit en Hollande avec beaucoup d’augmentations. Il est aisé de juger que cette nouvelle est faite à plaisir. Le Dictionnaire de l’Academie Françoise est un Ouvrage qui doit faire autorité, parce qu’il est composé par un tres-grand nombre de personnes entierement consommées dans la connoissance de la Langue, &amp; si jamais nous le voyons augmenté, il le sera par la mesme Compagnie qui l’a donné au Public. S’il l’estoit par d’autres, que serviroit d’y trouver de nouveaux termes &amp; de nouvelles façons de parler, puisque ces additions ne seroient point décisives, &amp; qu’on ne pourroit, estre autorisé à s’en servir, par le peu de poids qu’autoient les Auteurs qui les auroient inserées. Il faut regarder ce Dictionnaire, tel que le debite le S<hi rend="sup">r</hi> Coignard, comme un Livre consacré, auquel il ne peut estre permis de toucher. La Lettre suivante vous fera connoistre le sentiment qu’on en doit avoir.</p>
          <quote>
            <label>A MONSIEUR…</label>
            <p><hi rend="i">Vous me demandez si j’ay vû le Dictionnaire de l’Academie Françoise ? Oüy, Monsieur, je l’ay vû, &amp; je vais vous rendre compte de l’attention avec laquelle je l’ay consideré.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Il y a des livres à qui l’on doit de l’honneur &amp; de la soûmission comme aux Puissances. Ils ont un caractere d’autorité, qui leur vient du grand nom de leurs Auteurs. Le Dictionnaire que l’Academie Françoise vient de donner au Public, est de ce rang là ; &amp; de plus, il merite de luy-mesme &amp; de son propre fonds d’estre beaucoup estimé. Dans quelque jour &amp; sous quelque idée qu’on le regarde, tout y paroist tres beau &amp; tres bon.</hi></p>
            <p><hi rend="i">C’est un édifice, ou pour ainsi dire, le Cardinal de Richelieu, ce Genie si sublime, a mis la premiere pierre. Les fondemens en ont esté posez par des Academiciens illustres, Messieurs, Chapelain, Balsac, Corneille, Patru, Ablancourt, Vaugelas, Meseray, Conrart, Pelisson</hi>, &amp;c. <hi rend="i">tous, des étoiles de la premiere grandeur. On a tenu beaucoup de seances, &amp; on s’est donné diverses occupations pour faire le recueil des termes de la Langue Françoise, &amp; le choix de ses phrases ; &amp; pour y inserer les remarques qui y conviennent. Enfin, aprés avoir taillé toutes les pierres &amp; poly les marbres, il s’en est formé un Corps auguste de la Langue Françoise, qui fait voir sa beauté, son élegance, sa pureté &amp; sa maniere noble &amp; correcte de s’exprimer. Tout y est dans une telle perfection, qu’on diroit que les Academiciens qui ont finy ce grand Ouvrage dans le Louvre, superbe Maison Royale, ont copié leur modele, &amp; ont construit un Palais à nostre Langue.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le frontispice en est auguste, dans l’Epistre au Roy, &amp; dans la Préface, deux pieces achevées, dignes des meilleurs Maistres de l’antiquité. La Langue Françoise y est mise en œuvre avec tant de dignité, de force &amp; de politesse, qu’il paroist bien, qu’on a voulu y donner un vray exemple de la Langue selon l’usage du Dictionnaire.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Ce Dictionnaire a retenu le mesme ordre que gardent ceux des disciplines &amp; des sciences. Comme les Dictionnaires Grecs &amp; Latins, il commence par les Racines des mots, il s’avance au tronc de l’arbre, &amp; il en estend ensuite toutes les branches, chargées de quantité de termes qui en naissent. Ainsi la Langue Françoise y paroist dans une espece de Genealogie.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le Dictionnaire de l’Academie surpasse mesme les Grecs &amp; les Latins, en ce que les Auteurs qui ont composé ces derniers, n’estoient ni Demetrius de Phalere, ni le docte Harron. Ça esté Robert &amp; Henry Estienne, à qui ces deux Langues estoient étrangeres, &amp; qui ne les possedoient qu’imparfaitement. De plus, c’est que le travail estoit trop fort pour un homme seul, &amp; que mesme on n’a pas entierement penetré les Langues Grecque &amp; Latine. Le sçavant Traducteur des Epistres de Ciceron à Atticus, dit dans sa Préface avec preuve d’exemples, qu’il y a des termes dans ces Epistres, qui ont un sens different de celuy qu’on leur donne ordinairement : &amp; ce sens ne se trouve point dans les Dictionnaires Latins. Il n’en est pas de mesme du Dictionnaire de l’Academie Françoise. Les personnes habiles qui l’ont composé, sçavoient à fond toute l’étenduë de cette Langue, &amp; ils ont exprimé tous les sens des termes. Aussi ont-ils eu l’avantage de se trouver dans les beaux jours de la Langue Françoise, qui est dans le periode de sa splendeur. Il y a aussi dans les Dictionnaires Latins des termes &amp; des manieres de parler de la basse latinité, ce qui est de mauvais exemple. Il n’y a dans le Dictionnaire de l’Academie Françoise, que des termes &amp; des manieres de parler, selon la pureté &amp; l’élegance de la Langue Françoise, ce qui est tres bon à imiter. Elle y a ses magasins &amp; ses tresors, &amp; tout ce qu’on en tire, est bien conditionné &amp; d’usage.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le Dictionnaire de l’Academie est une belle Anatomie du Corps de la Langue Françoise ; toutes les parties en sont separées avec beaucoup de simplicité &amp; de justesse, &amp; au lieu que l’Anatomie du corps humain augmente sa destruction, celle du Corps de la Langue Françoise, en faisant mieux connoistre ses termes détachez, est propre &amp; utile à les faire rentrer dans un Discours d’Histoires, de Morale ou d’Eloquence.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le nombre est grand de ceux qui ont travaillé à ce Dictionnaire. Ce sont les Quarante de l’Academie Françoise, sans compter un plus grand nombre de leurs Predecesseurs, qui y ont tous contribué de leur application &amp; de leurs soins, pour le mettre dans l’estat &amp; la forme où il est. Le nombre luy acquiert une grande distinction, &amp; le titre glorieux du</hi> Dictionnaire des Quarante, <hi rend="i">comme on dit, la Version des Septante.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Il faut encore considerer dans ces Quarante, &amp; dans tous les autres qui les ont précedez, les differens caracteres de leurs personnes. Il y en a eu, pour ainsi dire, des trois Ordres, du Clergé, de la Noblesse, &amp; du Tiers-Estat. Ainsi le Dictionnaire de l’Academie est comme un Ouvrage des Estats assemblez de la Republique des Lettres.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Un demy Siecle a esté necessaire pour l’ébauche, la continuation, &amp; la perfection du Dictionnaire, qui doit durer autant que la Monarchie Françoise. Ce qui coute beaucoup de temps en est plus solide, &amp; d’une plus longue durée. Les fruits ausquels la nature met le plus de temps à les produire &amp; à les meurir, ont une meilleure &amp; plus forte consistance que les autres. Ils ne sont pas sujets à se gâter dans leur saison, &amp; mesme ils se conservent jusques au delà de l’hiver. Il y a eu encore de la sagesse &amp; de la prudence à retarder la fin &amp; la publication du Dictionnaire de l’Academie. Depuis cinquante ans qu’on a commencé à travailler, il y a eu une grande variation dans la Langue Françoise. Le grand nombre de gens habiles &amp; polis qui ont regné dans le monde durant tout ce temps là, &amp; qui avoient un bon goust &amp; l’oreille fine &amp; délicate, balançoit plusieurs termes &amp; plusieurs expressions ; en quoy la Langue estoit semblable à une aiguille aimantée qui a de l’agitation, &amp; comme l’agitation dure quelque temps, il a fallu attendre que le mouvement auquel estoit la Langue Françoise, fust fixe, avant que d’en déclarer le bel usage, l’usage public, autorisé, &amp; scellé par l’Academie.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Enfin, le Dictionnaire de l’Academie Françoise a eu sa naissance sous une grande &amp; heureuse constellation, lors que le Soleil de la France est dans son apogée. Autrefois Virgile, pour donner un air de grandeur à ses Georgiques, ouvrage merveilleux, qu’il a finy y ayant mis la derniere main, en marque le temps par les Victoires d’Auguste.</hi></p>
            <quote>
              <lg>
                <l>Hæc super arvorum cultu, pecorumque canebam,</l>
                <l>Et super arboribus, Cæsar dum magnus ad altum</l>
                <l>Fulminat Euphratem.</l>
              </lg>
              <p>Je travaillois, <hi rend="i">dit il</hi>, à mes Georgiques sur la culture des champs &amp; des arbres, &amp; sur le soin qu’on doit avoir du bestail, lors que le Grand Cesar faisoit retentir du bruit de ses armes les rives de l’Euphrate.</p>
            </quote>
            <p><hi rend="i">L’Academie Françoise peut se donner la gloire d’avoir composé &amp; achevé son Dictionnaire, dans le temps que Louis le Grand rend son nom redoutable sur les bords de la Sambre, de la Meuse, &amp; du Rhin, sur l’Ocean, &amp; sur la Mediterranée, lors qu’il prend de grandes Villes avec leurs Forteresses, &amp; qu’il gagne de fameuses Batailles en Flandre, en Italie &amp; en Espagne ; lors que toute l’Europe retentit du bruit éclatant de ses Conquestes &amp; de ses victoires.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Tout ce que je viens, Monsieur, de remarquer sur le Dictionnaire de l’Academie Françoise, se fait voir dans une grande élevation. Il sera desormais le Tribunal où les doutes &amp; les differens de la Langue Françoise doivent estre portez, pour y estre jugez souverainement. Il ne faut plus consulter autre part, ny chercher ailleurs la regle, l’usage, &amp; l’autorité des Poëtes &amp; des Orateurs. Les Historiens &amp; les Philosophes, &amp; tous ceux qui veulent bien parler &amp; bien écrire, doivent se soumettre absolument au Dictionnaire de l’Academie Françoise, &amp; reconnoistre ses Décisions sur les termes &amp; sur les expressions, comme sur une loy universelle &amp; inviolable. Je suis, &amp;c.</hi></p>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-01_143" resp="wordpro">
          <head>[L’Amant raisonnable]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, janvier 1695 [tome 1], p. 143-166.</bibl>
          <p/>
          <p>Il a paru depuis quelque temps tant de differens Ouvrages pour &amp; contre ceux qui ont la tentation de se marier, que ce sujet est devenu la matiere de l’amusement public. C’est ce qui a engagé M<hi rend="sup">r</hi> de Vin à faire l’Epistre en Vers que je vous envoye.</p>
          <quote>
            <label>L’AMANT<lb />RAISONNABLE.</label>
            <lg>
              <l rend="i">Je vous aime, Philis, &amp; vous m’aimez aussi.</l>
              <l rend="i"> Que demandez-vous davantage ?</l>
              <l rend="i"> Et pourquoy me presser ainsi,</l>
              <l rend="i">De sceller nostre foy du seau de mariage ?</l>
              <l rend="i">Vous lasseriez-vous d’elle, &amp; d’un si lourd fardeau,</l>
              <l rend="i">Qui peut vous avoir dit qu’elle n’a rien à craindre ?</l>
              <l rend="i">Quoy, sous luy voulez-vous l’estouffer &amp; l’esteindre,</l>
              <l><hi rend="i">Et du lict nuptial en faire le tombeau ?</hi></l>
              <l rend="i"> Ah ! je vous croyois plus fidelle,</l>
              <l rend="i"> Et j’aurois autrefois juré</l>
              <l rend="i">Qu’une flamme qui fut &amp; si tendre &amp; si belle,</l>
              <l rend="i">Contente d’elle-mesme, auroit toûjours duré.</l>
              <l rend="i"> Helas ! si vous m’aimiez encore,</l>
              <l rend="i"> Vous n’exigeriez rien de plus,</l>
              <l rend="i"> Et de mon cœur qui vous adore</l>
              <l rend="i"> Vous loüeriez les sages refus ;</l>
              <l rend="i"> Car enfin ma main dans la vôtre</l>
              <l rend="i">Est de tous les moyens le plus pernicieux</l>
              <l> <hi rend="i">Pour nous asseurer l’un de l’autre,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Et loin de nous en trouver mieux,</hi></l>
              <l rend="i">Bien-tost à la tiedeur nos feux cedent la place</l>
              <l rend="i"> Nous verrions l’hymen odieux</l>
              <l rend="i">Dans nos cœurs engourdis verser toute sa glace.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Iusqu’aux sacrez Autels quand l’amour a conduit</l>
              <l rend="i"> Et le Galant &amp; la Maistresse,</l>
              <l rend="i">Il reste au milieu d’eux pendant toute la nuit</l>
              <l rend="i"> Et leur fait goûter le doux fruit</l>
              <l rend="i"> De leur vieille &amp; longue tendresse ;</l>
              <l rend="i">Mais dés que le Soleil a ramené le jour,</l>
              <l rend="i">Il va noüer ailleurs une intrigue nouvelle,</l>
              <l rend="i"> Et s’envolant à tire d’aisle,</l>
              <l rend="i">Leur fait toûjours en vain attendre son retour.</l>
              <l rend="i"> Ainsi ces espoux par sa fuite</l>
              <l><hi rend="i">Abandonnez, laissez à leur propre conduite,</hi></l>
              <l rend="i">Et pressez cependant par la necessité</l>
              <l rend="i">Où les met de s’aimer certaine bienseance,</l>
              <l rend="i">Ces espoux, dis-je, alors sentent la dureté</l>
              <l rend="i">Du lien que serra leur commune imprudence,</l>
              <l rend="i"> Et se faisant de leur maison</l>
              <l rend="i"> Vne affreuse &amp; triste prison,</l>
              <l rend="i">Ne peuvent l’un de l’autre essuyer la presence.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> L’Homme né pour la liberté</l>
              <l rend="i">Sent revolter son cœur contre ce qui le force</l>
              <l rend="i"> Et du joug bien-tost dégoûté,</l>
              <l rend="i">Il ne fait plus de vœux que pour un prompt divorce.</l>
              <l rend="i">Il est vray que l’hymen avoit quelque douceur</l>
              <l rend="i">Quand de moins dures loix en permettoient l’usage.</l>
              <l rend="i"> Pour lors à la moindre froideur</l>
              <l rend="i">On en rompoit les nœuds, on sortoit d’esclavage,</l>
              <l rend="i"> Et, toûjours libres par ces loix,</l>
              <l rend="i">Sans se gesner l’un l’autre, on passoit à son choix</l>
              <l rend="i"> De mariage en mariage.</l>
              <l rend="i">Mais des nostres, helas, la cruelle rigueur</l>
              <l rend="i">A cet heureux commerce obstinément s’oppose,</l>
              <l rend="i">Et du divorce enfin nous ôte la faveur.</l>
              <l rend="i">Quel affreux desespoir quand elle nous impose</l>
              <l rend="i"> La funeste necessité</l>
              <l rend="i">De brouter malgré soy pendant toute se vie</l>
              <l><hi rend="i">Où, plus sot qu’une chèvre, on s’attache, on se lie ;</hi></l>
              <l rend="i">D’adorer ce lien, qui par tout respecté,</l>
              <l rend="i">Condamne jusqu’aux vœux faits pour la liberté ;</l>
              <l rend="i">De n’oser de ses fers murmurer ny se plaindre,</l>
              <l rend="i">De les voir d’autant plus nous serrer, nous estreindre</l>
              <l rend="i">Que plus, pour s’en sauver, on veut faire d’effort,</l>
              <l rend="i"> Et dans sa dure &amp; longue peine</l>
              <l rend="i"> Pour seul &amp; dernier réconfort</l>
              <l rend="i"> D’attendre que la seule mort</l>
              <l rend="i">Vienne à pas trop tardifs rompre &amp; briser la chaîne</l>
              <l rend="i"> Dont, Artisan trop malheureux,</l>
              <l rend="i"> Soy-même on a formé les nœuds.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Trop sous le poids qui les accable</l>
              <l rend="i">De leurs cris importuns font retentir nos bois ;</l>
              <l rend="i">A leurs tristes concerts ne meslon point nos voix,</l>
              <l rend="i">Et soit à ses dépens qui voudra miserable.</l>
              <l rend="i"> Laissons l’hymen aux Artisans,</l>
              <l rend="i">Il n’est propre, Philis, qu’à de semblables gens,</l>
              <l rend="i">Qui sçavent en tirer un solide avantage.</l>
              <l rend="i"> Vne femme &amp; plusieurs enfans</l>
              <l rend="i">Sont pour eux un secours dans leurs besoins pressans,</l>
              <l rend="i">Et le seul interest sous son joug les engage.</l>
              <l rend="i">De leurs divers travaux sont-ils pressez, ou las,</l>
              <l rend="i">Aussi-tost chacun d’eux tour à tour les soulage ;</l>
              <l rend="i">Tout agit, tout se meut dans leur petit ménage.</l>
              <l rend="i">Ainsi, loin d’essuyer ce cruel embarras</l>
              <l rend="i">Que nous feroit sentir un fecond mariage,</l>
              <l rend="i"> Plus ils ont de mains &amp; de bras,</l>
              <l rend="i"> Plus l’ouvrage entre eux se partage,</l>
              <l rend="i">Plus la besogne avance, &amp; par bonne raison</l>
              <l rend="i"> Plus l’argent vient à la maison.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Enfin s’il faut estre sincere,</l>
              <l rend="i"> Ie vous diray de bonne foy</l>
              <l rend="i">Que l’hymen ne vaut rien ny pour vous ny pour moy.</l>
              <l rend="i">A vostre égard, Philis, vous ne sçavez que plaire.</l>
              <l rend="i">Tout vostre patrimoine est dans vostre beauté ;</l>
              <l rend="i"> Vous n’avez rien ; de mon côté</l>
              <l><hi rend="i">Mon bien est mediocre ; ainsi, que vous en semble ?</hi></l>
              <l rend="i">Seroit-il de bon sens de nous unir ensemble ?</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Vous espouser seroit le plus doux de mes vœux,</l>
              <l rend="i"> Et malgré ce Rien qui m’arreste</l>
              <l rend="i">Bien-tost pour nostre hymen vous verriez ma main preste,</l>
              <l rend="i">Si le peu que j’en ay suffisoit pour nous deux.</l>
              <l><hi rend="i">Mais par nostre union s’il faloit de ma bourse</hi></l>
              <l rend="i">Puiser encor pour vous à la petite source</l>
              <l rend="i"> Quoique mesme à m’entretenir</l>
              <l rend="i">Elle ne puisse, helas, qu’avec peine fournir,</l>
              <l rend="i"> Quelle seroit nostre ressource ?</l>
              <l rend="i">Ah ! bien-tost dans un Hospital</l>
              <l rend="i">Nous irions vous &amp; moy pleurer de compagnie,</l>
              <l rend="i">Et, peu sages espoux dans un sort si fatal,</l>
              <l rend="i">Nous reprocher peut-estre une si triste vie.</l>
              <l> <hi rend="i">Peut-estre que de mon malheur</hi></l>
              <l rend="i">Ie vous regarderois comme le seul Auteur.</l>
              <l rend="i"> Vous me diriez aussi peut-estre</l>
              <l rend="i">Que du don de ma main j’estois l’unique maistre ;</l>
              <l rend="i"> Que, loin de vous en accuser,</l>
              <l rend="i">Il dépendoit de moy de vous la refuser,</l>
              <l rend="i">Et que si sur mon bien j’eusse esté plus sincere</l>
              <l rend="i">Sur nostre hymen pressé vous eussiez pû vous taire.</l>
              <l rend="i">En un mot nous plaignans, vous de moy, moy de vous,</l>
              <l rend="i">Qui nous consoleroit ? qui prendroit soin de nous,</l>
              <l rend="i">Et dans ce dur estat de commune foiblesse</l>
              <l rend="i"> Que deviendroit nostre tendresse ?</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Il est vray qu’autrefois il fut un temps heureux</l>
              <l rend="i">Où le combien a-t-il, &amp; le combien a-t’elle,</l>
              <l rend="i">Estoit par les Amans traité de bagatelle.</l>
              <l rend="i"> Qu’on fust pour lors ou riche, ou gueux,</l>
              <l rend="i">S’aimer c’estoit assez pour se mettre en ménage,</l>
              <l rend="i"> Et d’un contrat de mariage</l>
              <l rend="i"> L’amour seul, alors genereux,</l>
              <l rend="i"> Dressaut &amp; les loix &amp; les clauses,</l>
              <l rend="i">Consultoit peu la Dot, &amp; regloit toutes choses.</l>
              <l rend="i">Aussi c’estoit un temps où sans peine &amp; sans soin</l>
              <l rend="i">La terre fournissoit d’une main liberale</l>
              <l rend="i"> Tout ce dont on avoit besoin,</l>
              <l rend="i"> Mais depuis qu’il est une halle</l>
              <l rend="i">Où tout au poids de l’or &amp; s’achete &amp; se vend,</l>
              <l rend="i"> Vne Belle en vain nous étale</l>
              <l rend="i">Ce qu’elle peut avoir d’appas &amp; d’agrément ;</l>
              <l rend="i">Si son bien ne soûtient ce charmant étalage</l>
              <l rend="i">C’est autant de perdu ; toûjours prudent &amp; sage</l>
              <l rend="i">On s’en tient avec elle au seul titre d’Amant,</l>
              <l rend="i"> Et maintenant on la marchande</l>
              <l rend="i">Comme chez un boucher quelque morceau de viande.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">O siecle ! ô temps ! ô mœurs ! ô fleuve de Lignon,</l>
              <l rend="i">Sur tes bords toûjours vers estoit-on mercenaire ?</l>
              <l rend="i"> Parle, dis-nous, ton Celadon</l>
              <l rend="i"> Aimoit il ainsi sa Bergere,</l>
              <l rend="i"> Et sa tendresse ménagere</l>
              <l rend="i">Songeoit-elle à son bien ? Non, ce noble Pasteur</l>
              <l rend="i">Brûloit d’une ardeur moins commune,</l>
              <l rend="i"> Et, sans penser à sa fortune,</l>
              <l rend="i"> Ne vouloit d’elle que son cœur.</l>
              <l rend="i"> Mais, helas, mesme sans bassesse</l>
              <l rend="i">On regarde aujourd’huy la Dot de sa Maistresse</l>
              <l rend="i">Et quiconque voudroit en user autrement</l>
              <l><hi rend="i">Verroit en peu de mois refroidir sa cuisine,</hi></l>
              <l rend="i"> Et dans le mesme monument</l>
              <l rend="i"> Trois ou quatre jours de famine</l>
              <l rend="i"> Reduiroient l’Amante &amp; l’Amant.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Tant qu’on n’est que garçon &amp; fille</l>
              <l rend="i">Chacun fait de son mieux &amp; l’on vit comme on peut ;</l>
              <l rend="i"> Mais dès qu’on forme une famille</l>
              <l rend="i"> Et que plus vite qu’on ne veut,</l>
              <l rend="i"> Vne femme un peu trop feconde</l>
              <l rend="i">Des enfans qu’elle fait embarrasse le Monde,</l>
              <l rend="i">Ah ! Philis, est-il temps de se plaindre du sort,</l>
              <l rend="i"> Et, trop pressé par sa misere,</l>
              <l rend="i"> Faudra-t-il qu’un malheureux pere,</l>
              <l rend="i">Pour mieux vivre à son aise, en souhaité la mort ?</l>
              <l rend="i">Non, croyez-moy, l’Hymen n’est point ce que l’on pense ;</l>
              <l rend="i">Plusieurs sur cette Mer s’embarquent sans biscuit,</l>
              <l rend="i"> Et peu songent à la dépence</l>
              <l rend="i"> Qui le précede, ou qui le suit.</l>
              <l rend="i">Cependant il est bon de prévoir toutes choses,</l>
              <l rend="i"> Car qui n’en voit que le plaisir</l>
              <l rend="i"> S’expose souvent à cueillir</l>
              <l rend="i"> Bien plus d’épines que de roses.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Mais vous branslez la teste, &amp; vous avez tout l’air .…</l>
              <l rend="i">Quoy, faut il un détail pour vous persuader ?</l>
              <l rend="i">Entrons-y, soit, avant qu’on puisse le conclure</l>
              <l rend="i"> Il faut à l’Epouse future</l>
              <l rend="i"> Envoyer de riches presens,</l>
              <l rend="i">Et quand on pourroit d’elle en avoir la dispense,</l>
              <l rend="i"> On sçait que Messieurs ses parens</l>
              <l rend="i"> N’auroient pas la mesme indulgence.</l>
              <l rend="i">On pourroit les fléchir, me direz-vous ; erreur.</l>
              <l rend="i">Nul quartier là dessus, autrement on presume</l>
              <l rend="i"> Que nos feux ont peu de chaleur,</l>
              <l rend="i">Et vouloir negliger cette vieille coustume</l>
              <l rend="i">Ce seroit s’exposer à toute leur fureur.</l>
              <l> <hi rend="i">Ainsi de peur de leur déplaire</hi></l>
              <l rend="i">Comme ils en font la loy, ce present nuptial,</l>
              <l rend="i"> Malgré qu’on en ait, doit se faire.</l>
              <l rend="i">Mais sans les mettre en jeu, parlons en general.</l>
              <l rend="i">La Belle qu’on poursuit sous le nom de maistresse</l>
              <l rend="i">Iuge par luy de nous ; elle s’en fait honneur,</l>
              <l rend="i">Le montre à ses voisins, mesure à sa richesse</l>
              <l rend="i"> Et son merite &amp; nostre ardeur,</l>
              <l rend="i"> Et sur le pied de sa valeur</l>
              <l rend="i"> Donne, ou refuse sa tendresse.</l>
              <l rend="i"> Si ce qu’on offre est de grand prix,</l>
              <l rend="i"> On nous caresse, on nous fait feste ;</l>
              <l rend="i"> Si mediocre, quoy qu’honneste,</l>
              <l rend="i"> On nous reçoit avec mépris,</l>
              <l rend="i"> Et l’on nous le jette à la teste.</l>
              <l rend="i"> C’est, dit elle, insulter les gens,</l>
              <l rend="i">C’est en user fort mal, &amp; c’est luy faire injure.</l>
              <l rend="i">Sa propre vanité, celle de ses parens</l>
              <l rend="i">Plus sotte que la sienne, aussi-tost en murmure,</l>
              <l rend="i"> Et l’Amant, contraint d’emprunter,</l>
              <l rend="i">Quand, encor plus sot qu’eux, il veut les satisfaire,</l>
              <l rend="i"> Bien-tost commence à regreter</l>
              <l rend="i">Ces ruineux presens qu’on l’oblige de faire,</l>
              <l rend="i"> Et souvent même à détester</l>
              <l rend="i"> La femme qu’on luy vend si cher.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">L’argent &amp; les Bijoux délivrez avec peine,</l>
              <l rend="i">Pour surcroist de chagrins on parle des habits.</l>
              <l rend="i"> Chers ou non, n’importe, à tel prix</l>
              <l rend="i">Qu’ils se puissent monter, il faut vêtir en Reine</l>
              <l rend="i">La femme qu’on prend moins qu’on ne l’achete. Enfin,</l>
              <l rend="i">Aux habits, aux presens, succede le festin.</l>
              <l rend="i">Autre dépense à faire, à payer autre somme.</l>
              <l rend="i">Ce régale qu’on doit à ses nombreux parens</l>
              <l rend="i"> Se fait encor à nos dépens,</l>
              <l rend="i">Et fust l’Amant d’ailleurs, bienfait, sage, honneste homme,</l>
              <l rend="i"> Eust-il un Contrat bien signé,</l>
              <l rend="i">Sans cela point d’hymen, &amp; sans ceremonie</l>
              <l rend="i"> Vn brusque &amp; fier congé donné</l>
              <l rend="i"> Suit de prés son Oeconomie.</l>
              <l rend="i"> Que si l’Amant est assez sot</l>
              <l rend="i">Pour vouloir jusqu’au bout prodiguer sa folie,</l>
              <l rend="i">Helas ! on y consent, mais qu’il sçache en un mot</l>
              <l rend="i">Qu’il ne doit plus compter, le jour qu’il se marie,</l>
              <l rend="i"> Que sur la moitié de la dot,</l>
              <l rend="i"> Et que le resté de sa vie,</l>
              <l rend="i">En faste, en vanitez l’autre moitié périe</l>
              <l rend="i"> Luy fera pleurer son amour,</l>
              <l rend="i">Ces presens, ces habits, &amp; ce funeste jour.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Ce n’est pas tout encor ; l’habitude est formée,</l>
              <l rend="i">Et dés ce mesme jour à de riches habits</l>
              <l rend="i"> La jeune Epouse accoutumée</l>
              <l rend="i">Ne veut plus en porter qui soient de moindre prix.</l>
              <l rend="i">Bien loin, dés qu’il paroist une mode nouvelle,</l>
              <l rend="i">Elle est chez le Marchand la premiere à courir,</l>
              <l rend="i">Et méprisant bientost la jupe le plus belle,</l>
              <l rend="i">Dés qu’elle en veut une autre, il faut la luy fournir.</l>
              <l rend="i">De là qu’arrive-t-il ? d’habits ainsi munie</l>
              <l rend="i">Peut-elle se resoudre à garder la maison,</l>
              <l rend="i">A veiller sur ses gens, à coudre, à filer ? Non,</l>
              <l rend="i"> De compagnie en compagnie</l>
              <l rend="i"> Elle cherche à se faire voir,</l>
              <l rend="i"> Et dés le matin jusqu’au soir</l>
              <l rend="i"> Promenant sa magnificence,</l>
              <l rend="i">Se voit presqu’en tous lieux contrainte de joüer.</l>
              <l rend="i">Et de payer enfin par cette complaisance</l>
              <l rend="i">Le plaisir qu’elle prend à s’entendre loüer.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Comment aprés cela soutenir un ménage !</l>
              <l rend="i"> Mettra-t-on, pour le défrayer,</l>
              <l rend="i">Sans fonds &amp; sans credit, l’un aprés l’autre en gage</l>
              <l rend="i">Ces meubles précieux, ces boucles, ce collier</l>
              <l rend="i"> Que l’on doit, &amp; qu’il faut payer !</l>
              <l rend="i"> Que faire ? par quels artifices</l>
              <l rend="i">Elever des enfans, contenter des nourrices,</l>
              <l rend="i"> Des servantes, &amp; des laquais ?</l>
              <l rend="i">Quoy, la Coquette enfin par ses galanteries</l>
              <l rend="i">Et l’Epoux indigent par ses friponneries,</l>
              <l rend="i">De leur triste maison fourniront-ils aux frais ?</l>
              <l rend="i">Ah ! ne m’en parlez plus, tout cela m’épouvante.</l>
              <l rend="i">Le mieux que nous pourrons passons nos plus beaux jours,</l>
              <l rend="i">Et fuyant de l’hymen la charge trop pesante,</l>
              <l rend="i">Contentons-nous, Philis, de nous aimer toujours.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-01_166" resp="wordpro">
          <head>[Histoire]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, janvier 1695 [tome 1], p. 166-185.</bibl>
          <p/>
          <p>L’amour est ingenieux pour réussir dans ses entreprises, mais il n’est pas toujours heureux dans les moyens qu’il choisit pour parvenir à ce qu’il souhaite, &amp; vous en demeurerez d’accord, quand vous sçaurez l’avanture que je vais vous raconter. Un Cavalier tout plein de merite fut appellé pour quelque affaire assez importante dans une des meilleures Villes du Royaume. Il y passa quelque temps, &amp; comme il avoit des manieres tres-polies, &amp; tout l’agrément d’esprit qu’on peut souhaiter, il ne luy fut pas fort difficile de trouver accés chez toutes les Dames. Les plus fieres le recevoient avec toutes les marques d’estime qu’il en pouvoit esperer ; mais il s’attacha sur tout à voir une aimable Veuve, qui quoy qu’âgée de plus de trente ans, avoit certains traits qui la faisoient paroistre fort jeune. Elle estoit vive, enjoüée, &amp; avoit je ne sçay quoy de piquant qui la faisoit rechercher de tout le monde. Le Cavalier la trouva fort à son gré. Il avoit fort peu de bien, &amp; s’il eust pû l’engager à l’épouser, c’estoit un party avantageux qui l’auroit accommodé. Ainsi il employa tous ses soins à se mettre bien dans son esprit, mais ce n’estoit pas assez. Il falloit se mettre bien dans son cœur, ce qui n’estoit pas aisé. Depuis huit ou dix années de veuvage, elle n’avoit point voulu se remarier, &amp; il luy sembloit que rien n’estoit préferable au plaisir de se voir libre, &amp; de pouvoir soutenir sans embarras les dépenses convenables aux personnes qui ont quelque rang-Cependant le Cavalier fut persuadé qu’en se rendant extrémement assidu, il l’accoutumeroit si bien au plaisir qu’elle prenoit à le voir, que ne pouvant plus y renoncer, elle seroit obligée de l’arrester par le mariage. Ainsi lors que ses affaires furent terminées, il ne voulut point quitter la partie, &amp; demeura dans la mesme Ville jusqu’à ce qu’il eust vû déterminément ce qu’il pourroit obtenir de l’aimable Veuve. Insensiblement il en estoit devenu fort amoureux, &amp; il ne luy fut pas difficile de s’appercevoir avec le temps qu’il n’en estoit pas hay. Comme il avoit de l’esprit, &amp; qu’il sçavoit tourner finement les choses, quoy qu’il luy eust avoüé plus d’une fois qu’il n’estoit pas riche, il ne laissa pas de luy témoigner adroitement qu’il n’avoit point de bonheur à esperer, s’il ne passoit sa vie avec elle ; à quoy il ajoûtoit quelquefois, qu’elle pourroit plus mal faire que de le choisir préferablement à d’autres Amans, qui ne cachoient point leurs prétentions. Elle répondoit en plaisantant, que s’il estoit bien de ses Amis, il ne voudroit pas luy conseiller de renoncer au Veuvage, n’y ayant point d’estat plus heureux, ny plus agreable pour une Femme qui avoit de quoy se passer de tout le monde. Le Cavalier estoit obligé d’en convenir, mais en mesme temps il luy opposoit qu’il y avoit fort peu de Maris qui demeurassent Amans, comme il l’assuroit de l’estre toute sa vie, &amp; qu’un avantage si particulier meritoit bien qu’elle y fist attention. Il la mettoit sur cette matiere le plus souvent qu’il pouvoit, &amp; enfin la priere qu’il luy fit de luy expliquer ses vrais sentimens, estant devenuë fort serieuse, elle luy dit qu’elle l’estimoit, &amp; mesme l’aimoit assez pour vouloir bien se resoudre en sa faveur, à changer le dessein qu’elle avoit fait de vivre toujours indépendante &amp; maistresse d’elle mesme, mais que le mariage qu’il luy proposoit devant l’engager à une double dépense, qu’elle ne pouvoit soutenir seule, elle n’y consentiroit que quand il pourroit luy faire voir que son bien montoit à cinquante mille écus. La Dame qui avoit cru se tirer par là d’affaires, parce qu’elle estoit instruite du peu de fortune du Cavalier, se trouva embarrassée de ce qu’il marqua estre content, pourveu qu’elle l’assurast que quand il seroit en possession de cette somme, elle luy tiendroit parole. Il ne la quitta pour revenir à Paris, qu’aprés qu’il en eut receu cette assurance. Il s’estoit mis sous main d’une affaire où il y avoit beaucoup à gagner, &amp; à son retour il la trouva en fort bon estat, mais il falloit trois ou quatre années pour la consommer, ce qui paroissoit un long terme à son amour. Il conta à un Amy, à qui il ne cachoit rien, l’engagement qu’il avoit avec la Veuve, &amp; cet Amy voyant son impatience pour venir à bout de ses desseins, luy dit qu’il sçavoit une voye plus courte &amp; plus certaine pour luy faire avoir cent mille francs. C’estoit le prix qu’une Vieille vouloit mettre à un Mary, pourvû qu’il fust de son goust, &amp; le party pouvoit convenir d’autant plus au Cavalier, qu’outre qu’elle estoit d’une santé fort infirme, &amp; d’un âge à ne vivre pas encore longtemps, elle vouloit tenir la chose secrete, &amp; y trouver un nouveau ragoust par le mistere. Elle avoit certaines extravagances d’humeur dont il falloit qu’il s’accommodast, &amp; qui estoient fort connuës, mais il n’en fut point épouvanté, &amp; la certitude d’avoir du bien pour estre en estat d’épouser l’aimable Veuve prévalant à toutes choses, il se montra tout prest de conclurre, s’il y avoit apparence qu’il fust bien-tost retiré de l’esclavage où il vouloit bien se mettre. Son Ami s’estant chargé du succés du mariage, prit un jour avec la Vieille pour leur entreveuë. Le Cavalier plut, les cent mille francs luy furent comptez, &amp; en peu de jours l’affaire fut terminée. Jamais on n’eut plus de soin de bien garder un secret. Les visites du nouveau Mary furent reglées, &amp; on souhaita qu’elles fussent rares. Le Cavalier qui en estoit fort content, en feignit quelque chagrin pour mieux gagner l’esprit de la Vieille. Elle luy parut en fort peu de temps une des plus ridicules personnes dont il eust jamais entendu parler. Cependant sa complaisance à loüer tous ses defauts le rendit digne de ses liberalitez, &amp; en six mois elles allerent si loin, qu’il écrivit à la Veuve qu’il pourroit bien-tost remplir la condition qu’elle avoit voulu exiger de luy pour leur mariage. La Dame luy répondit que sa fortune luy sembloit si prompte qu’elle avoit peine à n’en pas douter ; qu’il la trouveroit toujours dans la résolution d’executer sa promesse, mais qu’elle ne pouvoit luy déguiser qu’un pressentiment secret luy faisoit croire qu’il n’auroit jamais d’autre nom pour elle que celuy de son Amy. Le Cavalier se chagrina de cette réponse, &amp; la prit pour un présage de ce que la Vieille devoit vivre si longtemps, que la parole qu’ils s’estoient donnée demeureroit sans effet, mais ce chagrin ne luy dura guere, &amp; elle mourut un mois aprés. Elle estoit dans une telle réputation de folie, &amp; la meritoit à si bon titre, que par le conseil de son Amy il se dispensa d’en prendre le deüil, pour ne pas avoir la honte de déclarer qu’elle estoit sa Femme. Son amour impatient le fit voler vers la Veuve, qui le receut de la maniere du monde la plus obligeante. Elle le felicita sur le bien qu’il avoit trouvé moyen d’acquerir si promptement, &amp; l’assura que quand la fortune l’auroit moins favorisé, la succession d’une Parente qu’elle avoit à recueillir venoit de la mettre en estat de l’épouser par son seul merite, &amp; qu’elle n’avoit plus rien à examiner de ce costé là. Le Cavalier ressentit toute la joye qu’il devoit avoir d’une assurance si tendre, &amp; comme la Veuve devoit aller à Paris au premier jour pour cette succession, il la conjura de ne point partir que leurs affaires ne fussent finies. Les instances qu’il luy fit obtinrent ce qu’il souhaitoit avec tant d’ardeur. Elle fit dresser les articles dont il la laissa maistresse, &amp; sur ce qu’elle attribuoit à la force de l’étoile le pouvoir qu’il avoit eu de la faire consentir à un second mariage, aprés le refus qu’elle avoit fait de plusieurs partis avantageux, il luy dit que de son costé il s’estoit resolu pour l’acquerir à faire une chose qui avoit esté pour luy la peine la plus cruelle. Là-dessus il luy fit l’histoire de son mariage, &amp; la Veuve ayant voulu sçavoir le nom de la Vieille, elle rougit tout d’un coup, garda un peu de temps le silence, &amp; luy dit ensuite que son pressentiment avoit esté veritable, &amp; qu’il ne seroit jamais que son amy. Cette vieille estoit sa mere. Comme on l’avoit veuë toûjours sujette à des visions fort extravagantes, la Veuve qui estant fille avoit esté élevée dans un Convent, d’où son mary l’avoit menée en Province aussi-tost aprés leur mariage, s’estoit fait la mesme honte de faire connoistre qu’elle fust sa fille, que le Cavalier témoignoit s’en faire de prendre le nom de son mary. Ainsi depuis plus de quinze années elles n’avoient eu aucune correspondance, &amp; c’estoit sous le nom d’une Parente qu’elle avoit trouvé à propos de dire qu’une importante succession luy venoit d’écheoir. Il est impossible d’exprimer la douleur du Cavalier, qui avoit mis un obstacle invincible à son bon-heur, par la mesme voye qui devoit le rendre indubitable. Les plus fortes protestations que luy fit la Veuve d’une amitié éternelle, tendre, sincere, &amp; pleine de confiance, ne le consolerent point d’un bien qu’il perdoit par le seul empressement qu’il avoit eu de le posseder, &amp; ses regrets convainquirent aisément la Dame, qu’on ne la pouvoit aimer avec plus d’attachement.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-01_206" resp="wordpro">
          <head>[Le Poète puni, de Mr de Santeul]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, janvier 1695 [tome 1], p. 206-216.</bibl>
          <p/>
          <p>Voicy un Ouvrage qui a fait bruit, &amp; dont le titre vous apprendra le sujet. C’est une imitation des vers Latins de M<hi rend="sup">r</hi> de Santeul, Chanoine Regulier de Saint Victor, faite par M<hi rend="sup">r</hi> Diereville.</p>
          <quote>
            <label>LA VENGEANCE<lb />DE MADAME<lb />LA DUCHESSE<lb />DE BOURBON,<lb /><hi rend="i">OU</hi><lb /><hi rend="i">LE POETE PUNI.</hi></label>
            <lg>
              <l rend="i">A Moy, Muses, venez, ô Ciel, quelle disgrace !</l>
              <l rend="i">Au milieu d’un festin on ose m’outrager.</l>
              <l rend="i">Pour prendre ma deffense armez tout le Parnasse,</l>
              <l rend="i"> Vous ne sçauriez trop me venger.</l>
              <l rend="i"> Ah ! quelle fureur ! quelle rage !</l>
              <l rend="i">  Vne cruelle main</l>
              <l rend="i"> Par le coup le plus inhumain</l>
              <l rend="i">De honte &amp; de douleur fait rougir mon visage,</l>
              <l rend="i">  Et par un double affront</l>
              <l rend="i"> D’un verre d’eau couvre mon front.</l>
              <l rend="i">Aprés un tel mépris, ô Filles de Memoire,</l>
              <l rend="i">Qui pourra respecter du Mont Sacré la gloire ?</l>
              <l rend="i"> Témoins du coup que je reçois,</l>
              <l rend="i">  Les Satyres, les Dryades,</l>
              <l rend="i">  Les Faunes &amp; les Nayades</l>
              <l rend="i">De leurs ris éclatans font retentir les Bois.</l>
              <l rend="i"> Tandis qu’un grand Prince à sa Table</l>
              <l rend="i">Me fait un doux accueil &amp; me comble d’honneur,</l>
              <l rend="i"> Quelle est la main barbare, impitoyable</l>
              <l rend="i"> Qui me cause tant de douleur ?</l>
              <l rend="i">Muses, d’où peut venir une telle fureur ?</l>
              <l rend="i">Par ce coup imprévû, dont mon ame est surprise,</l>
              <l rend="i">Ie me trouble, &amp; le jour disparoist à mes yeux,</l>
              <l rend="i">Confus, sans mouvement, à moy mesme ennuyeux,</l>
              <l rend="i"> A la Table la plus exquise,</l>
              <l rend="i">Ie perds le goust des mets les plus délicieux.</l>
              <l><hi rend="i">Ce ne fut pas ainsi que d’une Auguste Reine</hi></l>
              <l rend="i">Vn Poëte * autrefois se vit favoriser,</l>
              <l rend="i"> Elle sçeut luy marquer sans peine</l>
              <l rend="i"> Son estime par un baiser.</l>
              <l rend="i">C’estoit ainsi qu’en ma douleur trop vive,</l>
              <l rend="i">Du plus cruel affront tous mes sens agitez,</l>
              <l rend="i">Par les tristes accens d’une voix si plaintive</l>
              <l rend="i"> I’invoquois mes Divinitez.</l>
              <l rend="i"> Chagrin &amp; las d’estre la fable</l>
              <l rend="i"> Des Princesses du Sang Royal,</l>
              <l rend="i"> Ie voulois deserter la Table,</l>
              <l rend="i"> Et quitter un lieu si fatal.</l>
              <l rend="i">Mais lors que je veux fuir un si sensible outrage,</l>
              <l rend="i">Melpomene m’arreste, &amp; me tient ce langage.</l>
              <l rend="i"> Ton crime a merité l’affront dont tu te plains.</l>
              <l rend="i">Connois-tu la Beauté qui cause tes chagrins ?</l>
              <l rend="i">Du plus beau sang du monde elle tient sa naissance,</l>
              <l rend="i">C’est la Fille d’un Roy, le plus grand des Humains,</l>
              <l rend="i">Celle qui d’un CONDÉ dans l’ordre des Destins</l>
              <l><hi rend="i">Par les nœuds de l’Hymen attendoit l’alliance.</hi></l>
              <l rend="i"> La Pitié la sceut retenir,</l>
              <l rend="i"> Elle eust pû te reduire en poudre,</l>
              <l rend="i"> Entre ses mains pour te punir</l>
              <l rend="i"> Iupiter avoit mis son foudre.</l>
              <l rend="i">Quoy ! content de parler des beautez de ces Champs,</l>
              <l rend="i">Comme si tu cessois de sentir tes talens</l>
              <l rend="i"> Tu ne dis rien de la Princesse</l>
              <l rend="i">Que des Divinitez applaudissent sans cesse !</l>
              <l rend="i"> Insensé, ne devois-tu pas</l>
              <l rend="i"> Dés le moment que tu l’as vûë,</l>
              <l rend="i"> Chanter les ravissans appas</l>
              <l rend="i"> Dont le Ciel l’a pourvûë ?</l>
              <l rend="i"> Les Bois par leurs tendres rameaux,</l>
              <l> <hi rend="i">Et le doux bruit de leurs feüillages,</hi></l>
              <l rend="i"> Les Fontaines &amp; les Ruisseaux,</l>
              <l rend="i"> Par le murmure de leurs eaux,</l>
              <l rend="i"> Et la beauté de leurs rivages,</l>
              <l rend="i">Témoignent à l’envy sous ces charmans ombrages</l>
              <l rend="i"> A la Princesse leur plaisir ;</l>
              <l rend="i"> Toy seul dans un honteux loisir</l>
              <l rend="i">Tu peux luy refuser tes chants &amp; tes hommages.</l>
              <l rend="i">Sa presence devoit t’inspirer de l’ardeur.</l>
              <l rend="i">Quel port ! quel air ! Iunon n’a pas tant de grandeur.</l>
              <l rend="i">Du plus puissant des Dieux cette superbe Epouse,</l>
              <l rend="i"> Toûjours vaine, toûjours jalouse,</l>
              <l rend="i"> Enviroit sa douce fierté ;</l>
              <l rend="i">Venus sceus en naissant luy donner sa beauté.</l>
              <l><hi rend="i">Ces Iardins enchantez tiennent leurs charmes d’Elle,</hi></l>
              <l rend="i"> Elle y répand une grace nouvelle.</l>
              <l rend="i"> A la loüer tout t’invitoit,</l>
              <l rend="i"> Vn Prince auguste t’excitoit,</l>
              <l rend="i">Toûjours froid tu te tiens dans un profond silence,</l>
              <l rend="i">Et tu ne sçais pourquoy la Princesse s’offense ?</l>
              <l rend="i"> Vn tel crime avoit merité</l>
              <l rend="i">  Plus de severité.</l>
              <l rend="i"> Qu’as-tu donc fait, divin Poëte,</l>
              <l rend="i"> Du Chalumeau, de la Musette</l>
              <l rend="i">Dont les sons l’autre jour sous ces feüillages frais</l>
              <l rend="i">Retentissoient par tout dans ces sombres forests ?</l>
              <l rend="i"> Quelle douceur ! quelle harmonie !</l>
              <l rend="i"> Pour entendre des chants si beaux</l>
              <l rend="i"> La Nymphe SYLVIE **</l>
              <l rend="i"> Sortoit de ses eaux.</l>
              <l rend="i">Elle t’applaudissoit, &amp; de ton beau genie</l>
              <l> <hi rend="i">Admirant les talens divers,</hi></l>
              <l rend="i"> Avec plaisir elle montroit tes Vers</l>
              <l rend="i"> Dont son Vrne estoit embellie.</l>
              <l rend="i">Du fameux THEOPHILE oubliant les amours</l>
              <l rend="i"> La Nymphe tous les jours</l>
              <l rend="i"> Du grand SANTEVL se glorifie.</l>
              <l rend="i"> Pour la Princesse tu te tais</l>
              <l rend="i">Aprés avoir chanté ces Prez &amp; ces Boccages ;</l>
              <l rend="i"> C’est faire à ses charmans attraits</l>
              <l rend="i"> Le plus sensible des outrages,</l>
              <l rend="i"> De ce mépris Iupiter irrité,</l>
              <l rend="i">Pour t’en punir luy mit en main son Foudre,</l>
              <l rend="i"> Mais elle ne put se resoudre</l>
              <l rend="i"> A tant de dureté ;</l>
              <l rend="i"> De si terribles armes</l>
              <l rend="i"> Ne convenoient point à ses charmes.</l>
              <l rend="i">Dans son juste courroux elle eut trop de douceur ;</l>
              <l rend="i">Sa main seule servit à punir ton offense,</l>
              <l rend="i">De son coup un souris soulageoit la douleur ;</l>
              <l rend="i">D’une belle Princesse une telle vengeance</l>
              <l rend="i"> Est bien souvent une faveur.</l>
              <l rend="i">De crainte que le feu n’en vinst sur ton visage,</l>
              <l rend="i"> Le remede y fut appliqué</l>
              <l rend="i"> D’un verre d’eau tu fus masqué,</l>
              <l rend="i"> Ce n’estoit que par badinage.</l>
              <l rend="i"> Cette Princesse en le jettant ;</l>
              <l rend="i"> Ne dit-elle pas en riant,</l>
              <l> Aprés le foudre vient l’orage.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Chaque Déesse à ce recit</l>
              <l rend="i">Par des ris éclatans marque une joye extrême,</l>
              <l rend="i"> Comme elles Iupiter en rit,</l>
              <l rend="i"> Dans ma douleur j’en ris moy-même.</l>
            </lg>
            <note><p>* Alain Chartier.</p></note>
            <note><p>** Fontaine de Chantilly.</p></note>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-01_225" resp="wordpro">
          <head>[Abregé de l’Histoire de France]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, janvier 1695 [tome 1], p. 225-226.</bibl>
          <p/>
          <p>La réputation que feu M<hi rend="sup">r</hi> de Riencourt, Correcteur en la Chambre des Comptes, s’est acquis par son Livre <hi rend="i">De la Monarchie Françoise</hi>, qui a déja esté imprimé trois fois, vous doit faire apprendre avec plaisir qu’il a travaillé à un <hi rend="i">Abregé de toute l’Histoire de France</hi>, depuis Pharamond jusques au regne de Sa Majesté. Cet Ouvrage, où se trouvent tous les Portraits de nos Rois, commence à se debiter en sept volumes chez le S<hi rend="sup">r</hi> Brunet, Libraire, dans la grande Salle du Palais. Quoy qu’il y ait déja divers Abregez de cette Histoire, comme l’on trouve toûjours des circonstances dans l’un qui sont oubliées dans l’autre, on peut dire que M<hi rend="sup">r</hi> de Riencourt n’a pû rien faire de plus utile au Public, qui ne sçauroit estre trop bien informé de ce qui s’est passé de plus remarquable dans ce Royaume, depuis treize Siecles que l’établissement de la Monarchie a esté fait.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-01_227" resp="wordpro">
          <head>[Traité de la Satyre]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, janvier 1695 [tome 1], p. 227-229.</bibl>
          <p/>
          <p>M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé de Villiers a fait un Ouvrage nouveau, qui a pour titre, <hi rend="i">Traité de la Satire</hi>, où l’on examine comment on doit reprendre son prochain, &amp; comment la Satire peut servir à cet usage. Cet Ouvrage vous paroistra de saison, puis que jamais on n’a mis au jour un plus grand nombre d’Ecrits satiriques, &amp; c’est sans doute ce qui a déterminé M<hi rend="sup">s</hi> l’Abbé de Villiers à écrire sur cette matiere, qu’il a traitée non seulement avec beaucoup de vivacité &amp; d’agrément, mais aussi avec beaucoup de solidité, ayant parcouru toutes les choses où la Satyre peut estre employée, &amp; ayant fait voir par des principes solides ce qu’elle a de bon &amp; de mauvais. Il a mesme pris la précaution de ne rien dire qu’on puisse appliquer avec justice, &amp; comme il n’y a personne qui ne doive convenir des principes qu’il avance, il n’y a aussi personne qui puisse s’offenser de ce Livre, qui porte, comme tous les autres Ouvrages de cet Auteur, un caractere qui marque assez qu’il écrit sans passion, &amp; qu’il ne cherche qu’à instruire. Aussi est-ce la le caractere que doivent avoir les Ouvrages d’un homme qui s’occupe particulierement à la Predication. Le Traité de la Satyre dont je vous parle, se vend chez le S<hi rend="sup">r</hi> Anisson, Directeur de l’Imprimerie Royale, ruë S. Jacques.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-01_229" resp="wordpro">
          <head>[Zulima, Nouvelle Historique]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, janvier 1695 [tome 1], p. 229-230.</bibl>
          <p/>
          <p>Ildegerte, Nouvelle Historique dont je vous parlay le mois passé, a esté si bien receuë dans vostre Province, que je croy vous faire plaisir en vous disant que le S<hi rend="sup">r</hi> de Luynes, Libraire au Palais, en debite une seconde, intitulée <hi rend="i">Zulima</hi>. Les Avantures en sont surprenantes &amp; fort agreablement diversifiées, en sorte que ce petit Ouvrage contient autant de matiere qu’il s’en trouvoir autrefois dans un gros Volume de nos anciens Romans. Je ne vous dis rien du stile ; vous le connoissez, puis que Zulima &amp; Ildegerte sont du mesme Auteur.</p>
        </div>
      </div>
      <div type="tome" xml:id="MG-1695-02">
        <head><hi rend="i">Mercure Galant</hi>, février 1695 [tome 2]</head>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-02_012" resp="wordpro">
          <head>Histoire de la Marquise</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, février 1695 [tome 2], p. 12-101.</bibl>
          <p>Les Dames ont toujours receu de grandes loüanges sur une certaine délicatesse d’esprit qui leur est particuliere. Elle paroist dans tous les Ouvrages qu’elles donnent au Public, &amp; il vous sera facile de la reconnoistre dans l’histoire que je vous envoye. Elle est d’une personne de vostre Sexe, qui s’exprime avec beaucoup d’agrément &amp; de finesse. Il seroit à souhaiter qu’elle voulust écrire souvent. Elle peint les choses avec des couleurs tres-vives, &amp; je me tiens assuré que cette lecture vous fera plaisir. Ne soyez pas surprise du titre ; il convient à l’avanture.</p>
          <quote>
            <label>HISTOIRE<lb />DE LA MARQUISE,<lb /><hi rend="i">Marquis de Banneville.</hi></label>
            <p>Puis que les Femmes se meslent d’écrire, &amp; se piquent de bel esprit, je ne veux pas demeurer la derniere à signaler mon zele pour mon Sexe, &amp; il ne tiendra pas à moy qu’on ne nous croye de grands personnages, malgré toutes les petites façons dont nous ne sçaurions nous défaire. En effet, quelque guindées que nous soyons dans nos Ouvrages, on y voit la Femme en mille endroits, &amp; les grands sentimens outrez, forcez, sublimes, ne sçauroient cacher aux yeux du Lecteur attentif une certaine mollesse, un certain foible qui nous est naturel, &amp; où nous retombons toujours. Il ne faut donc pas nous donner pour plus que nous ne valons. Croire qu’une jeune Fille assez jolie, élevée parmy les rubans, soit capable d’écrire comme M<hi rend="sup">r</hi> Pelisson, c’est un abus. Elle aura le feu de son âge, des tours nouveaux, des expressions vives, une imagination réjoüissante. Elle plaira peut-estre plus que M<hi rend="sup">r</hi> d’A… mais pour la justesse, la solidité, le tissu, la secheresse, elle s’en reposera sur M<hi rend="sup">r</hi> de T… ne se piquant que de s’amuser la premiere en amusant ses Compagnes par ses petites histoires. Voicy donc mon coup d’essay, vous en jugerez, Mesdemoiselles, car c’est à vous à qui je m’adresse, mais si vous avez passé vingt ans, je vous défens de me dire. Cherchez quelque chose de plus solide. Une Fille à vingt ans doit songer à se faire bonne ménagere, &amp; le temps du badinage est bien avancé pour elle. Au reste, n’allez pas douter de ce que je m’en vais vous dire. J’ay tout vû, tout sceu, tout entendu ; je suis oculaire sur ce point, &amp; nulle circonstance ne m’est échapée. Il vous en paroistra quelques-unes d’assez singulieres ; c’est justement ce qui m’a donné envie de les mettre sur le papier. Je ne fis jamais cas de ce qui ne va que terre à terre. Les grands chemins sont faits pour les petits genies, &amp; quiconque se donne la peine d’écrire, doit choisir un sujet qui marche tout seul, &amp; qui sans affectation, sans éloquence, sans traits, attire d’abord l’attention de tout le monde. Entrons en danse.</p>
            <p>Il n’y avoit que six mois que le Marquis de Banneville estoit à marié à une jeune personne, belle, de beaucoup d’esprit, &amp; heritiere, lors qu’il fut tué au combat de Saint Denis. Sa Veuve fut touchée sensiblement. Ils estoient encore dans les premieres ardeurs, &amp; nul chagrin domestique n’avoit troublé leur bonheur. Elle ne se laissa point aller à une douleur éclatante, &amp; sans faire les cris ordinaires, elle se retira à une de ses maisons de campagne pour y pleurer à son aise, sans contrainte &amp; sans ostentation. Mais à peine y fut elle arrivée, qu’on luy fit remarquer à des signes certains qu’elle estoit grosse. D’abord la joye de revoir un petit modelle de ce qu’elle avoit tant aimé, s’empara de toute son ame. Elle songea à conserver les précieux restes de son cher Epoux, &amp; ne negligea rien de ce qui pouvoit contribuer à sa propre conservation. Sa grossesse fut fort heureuse, mais quand les temps approcherent, mille pensées la vinrent tourmenter. La mort funeste d’un homme de guerre se representa à ses yeux avec toutes ses horreurs. Elle imagina la mesme avanture pour ce cher Enfant qu’elle attendoit, &amp; ne pouvant s’accoutumer à une idée si triste, elle souhaita mille fois que le Ciel luy donnast une fille, qui par son Sexe se trouvast à couvert d’une si cruelle destinée. Elle fit plus, &amp; se mit en teste de corriger la nature, si elle ne répondoit pas à ses desirs. Elle prit pour cela toutes les précautions, necessaires, &amp; fit promettre à sa Sage-femme d’annoncer à haute voix la naissance d’une Fille, quand même ce seroit un Garçon.</p>
            <p>La chose ayant esté projettée ainsi, fut aisément executée. L’argent fait tout. La Marquise estoit la maistresse dans son Chasteau, &amp; la nouvelle courut bien tost qu’elle avoit eu une Fille, quoy que dans la verité elle eust eu un Garçon. On porta l’Enfant à M<hi rend="sup">r</hi> le Curé, qui dans la pure bonne foy le baptisa sous le nom de Mariane. La Nourrice fut aussi gagnée, &amp; la petite Mariane fut élevée par cette Nourrice, qui dans la suite devint sa Gouvernante. On luy apprit tout ce qu’une Fille de qualité doit savoir, la Danse, la Musique, le Clavessin. Ses Maistres n’avoient qu’à dire, &amp; dans le moment elle saisissoit tout ce qu’ils avoient à luy montrer. Une si grande facilité de genie força sa Mere à luy faire apprendre les Langues, l’Histoire, &amp; même la Philosophie nouvelle, sans craindre que tant de Sciences se broüillassent dans une teste où tout se rangeoit avec un ordre incroyable ; &amp; ce qui ravissoit en admiration, c’est qu’un esprit si beau sembloit estre dans le corps d’un Ange. Sa taille à douze ans estoit déja formée. Il est vray qu’on l’avoit un peu contrainte dés l’enfance avec des corps de fer, afin de luy faire venir des hanches-, &amp; de luy faire remonter la gorge. Tout avoit réussi, &amp; son visage, dont je ne vous feray la description qu’à son premier voyage de Paris, estoit déja d’une beauté achevée. Elle vivoit dans une innocence merveilleuse, &amp; ne soupçonnoit pas seulement qu’elle pust estre autre qu’une Fille. On l’appelloit dans la Province la belle Mariane. Tous les petits Gentilshommes voisins, qui la regardoient comme une grande heritiere, luy venoient faire la cour. Elle les écoutoit tous, &amp; répondoit à leurs galanteries avec beaucoup de liberté d’esprit, <hi rend="i">Mon cœur</hi>, disoit-elle un soir à sa Mere, <hi rend="i">n’est pas fait pour des Provinciaux ; &amp; si je les reçois bien, c’est que je veux plaire à tout le monde. Prenez garde, mon enfant</hi>, luy dit la Marquise, <hi rend="i">que vous parlez comme une coquette. Ah, Maman, laissez-les faire</hi>, reprenoit-elle. <hi rend="i">Qu’ils m’aiment tant qu’ils voudront, que vous importe pourvû que je ne les aime pas ?</hi></p>
            <p>La Marquise se réjoüissoit extrémement de l’entendre parler, &amp; luy donnoit toute liberté avec ces jeunes gens, qui d’ailleurs ne sortoient jamais du respect. Elle sçavoit le fond des choses, &amp; ne craignoit point de suite. La belle Mariane employoit jusqu’à midy à étudier, &amp; le reste du jour à se parer. <hi rend="i">Aprés avoir donné</hi>, disoit-elle agreablement, <hi rend="i">tout le matin à mon esprit, il est bien juste de donner l’aprés-dînée à mes yeux, à ma bouche, à toute ma petite personne</hi> ; &amp; effectivement elle ne commençoit à s’habiller qu’à quatre heures du soir. La compagnie estoit d’ordinaire assemblée à cette heure-là, &amp; se faisoit un plaisir de la voir à sa toilette. Ses Femmes de chambre la coëffoient, mais elle ajoûtoit toujours d’elle-même quelque nouvel agrément à sa coëffure. Ses cheveux blonds retomboient par grosses boucles sur ses épaules. Le feu de ses yeux &amp; la vivacité de son teint ébloüissoient, &amp; tant de beautez estoient animées &amp; soutenuës par mille jolies choses qui sortoient à tous momens de la plus belle bouche du monde. Tout ce qu’il y avoit de jeunes gens autour d’elle estoient dans une espece d’adoration ; aussi n’oublioit-elle rien pour les piquer encore davantage. Elle passoit elle-même dans ses oreilles, avec une grace admirable, des pendans, ou de Perles, ou de Rubis, ou de Diamans. Elle mettoit des mouches, &amp; sur tout des imperceptibles, qui estoient si petites, qu’il falloit avoir le teint aussi délicat &amp; aussi fin qu’elle l’avoit, pour qu’on les pust appercevoir ; mais en les mettant elle faisoit mille petites façons, consultant tantost l’un, tantost l’autre sur ce qui luy seroit le mieux. La Mere estoit ravie de joye, &amp; se remercioit à tous momens de son habileté. <hi rend="i">Il a douze ans</hi>, disoit-elle tout bas, <hi rend="i">il faudroit bien tost songer à le mettre à l’Academie, &amp; dans deux ans il suivroit son pauvre Pere</hi> ; &amp; là-dessus transportée d’affection elle alloit baiser sa chere Fille, &amp; luy laissoit faire toutes ses petites coqueteries, qu’elle eust condamnées dans la Fille d’une autre.</p>
            <p>Les choses en estoient là, lors que la Marquise de Banneville fut obligée de venir à Paris solliciter un procés que luy fit un de ses voisins. Elle ne manqua pas d’y mener sa Fille, &amp; reconnut dans la suite qu’une jolie personne n’est pas inutile dans les sollicitations. Elle alla voir d’abord la Comtesse d’Alitref, son ancienne Amie, &amp; luy demanda ses avis &amp; sa protection pour sa Fille. La Comtesse fut frappée de la beauté de Mariane, &amp; la baisa avec tant de plaisir, qu’elle y retourna plusieurs fois. Elle se chargea de sa conduite, pendant que la Mere vaqueroit à ses procés, &amp; promit de ne la pas laisser manquer de plaisirs. Mariane ne pouvoit jamais tomber en de meilleures mains. La Comtesse née pour la joye avoit trouvé le moyen de se separer d’un Mary incommode, non qu’il ne fust homme de merite, aimant le plaisir aussi-bien qu’elle, mais ne convenant pas dans le choix de leurs plaisirs, ils avoient l’esprit de ne vouloir point se contraindre, &amp; de suivre chacun son inclination. La Comtesse, quoy qu’elle ne fust plus fort jeune, avoit encore un tres-beau visage ; mais l’envie d’avoir des Amans avoit cedé à l’envie d’avoir de l’argent, &amp; le jeu estoit devenu sa passion dominante. Elle menoit la petite Mariane par tout, &amp; par tout on la recevoit avec plaisir.</p>
            <p>Cependant la Marquise de Banneville dormoit en paix. Elle connoissoit assez la réputation de la Comtesse, qui estoit un peu équivoque, &amp; jamais elle ne luy eust confié sa veritable Fille, mais pour Mariane, outre qu’elle estoit élevée dans des sentimens de vertu, la Marquise voulut un peu pour se divertir, la laisser sur sa bonne foy, se contentant de luy dire qu’elle alloit monter sur un theatre bien different de celuy de sa Province ; qu’elle y trouveroit à chaque pas des Amans aimables, tendres, passionnez ; qu’il ne falloit pas les croire legerement, &amp; que si son cœur se sentoit foible, elle vinst à elle luy conter tout : qu’à l’avenir elle la regarderoit comme son Amie plûtost que comme sa Fille, &amp; luy donneroit les conseils qu’elle prendroit pour elle-même.</p>
            <p>Mariane, que l’on commença à nommer la petite Marquise, promit à sa Mere de luy découvrir tous les mouvemens de son cœur, &amp; se fiant sur le passé, elle crut pouvoir affronter la galanterie de la Cour de France. C’eust esté une entreprise bien témeraire il y a trente ans. On luy fit des habits magnifiques ; on essaya sur elle les modes les plus nouvelles. La Comtesse qui présidoit à tout cela, prit soin elle-même de la faire coëffer par Mademoiselle de Canillac. Elle n’avoit que des boucles d’oreilles d’enfant, &amp; peu de Pierreries ; la Mere donna toutes les siennes, qui estoient mal en œuvre, &amp; sans faire beaucoup de dépense, on trouva moyen de luy faire deux paires de pendans d’oreilles de Diamans, &amp; cinq ou six poinçons pour mettre dans ses cheveux. Il n’en fallut pas davantage pour la parer. La Comtesse luy envoyoit son Carrosse aussi tost aprés dîné, &amp; la menoit à la Comedie, à l’Opera, &amp; dans des maisons de Jeu. Elle estoit admirée de tout le monde. Les Filles &amp; les Femmes ne pouvoient se lasser de luy faire des caresses, &amp; les plus belles n’avoient aucune jalousie des loüanges qu’on donnoit à sa beauté. Certain charme caché dont elles sentoient l’impression sans s’en appercevoir, entraînoit leurs cœurs, &amp; les forçoit à rendre un hommage sincere au merite de la petite Marquise ; car personne ne luy échapoit, &amp; son esprit encore plus imperieux que sa beauté, luy faisoit faire des conquestes plus seures &amp; plus durables. On estoit pris d’abord par un teint d’une blancheur ébloüissante ; un incarnat toujours renaissant surprenoit toujours ; ses yeux étoient bleus, &amp; n’en estoient pas moins vifs ; ils sortoient de deux paupieres épaisses qui rendoient leurs regards plus tendres &amp; plus languissans. Le tour du visage estoit ovale, &amp; sa bouche vermeille &amp; rebordée presentoit dans le temps même qu’elle parloit le plus serieusement, vingt petits trous creusez par les Graces, &amp; vingt autres encore plus agreables qu’elle formoit en riant. Un exterieur si charmant estoit soutenu par tout ce qu’une bonne éducation peut ajoûter à une nature excellente. La petite Marquise avoit sur le visage un lustre de modestie qui luy attiroit le respect. Elle sçavoit distinguer les temps, &amp; n’alloit jamais à l’Eglise qu’avec des coëffes, point de mouches, évitant l’étalage que recherchent la plus-part des Femmes. <hi rend="i">Il faut</hi> disoit-elle, <hi rend="i">prier Dieu à la Messe, &amp; danser au Bal, &amp; le faire de tout son cœur.</hi></p>
            <p>Il y avoit trois mois qu’elle passoit sa vie fort agreablement, lors que le Carnaval arriva. Tous les Princes, tous les Officiers estoient revenus de l’Armée &amp; les divertissemens publics se réchauffoient de toutes parts. Chacun faisoit des parties de plaisir, &amp; il y eut un grand Bal au Palais Royal. La Comtesse qui n’estoit plus assez jeune pour y aller à visage découvert, y voulut aller en masque, &amp; mit la petite Marquise de la partie. On l’habilla en Bergere avec des habillemens tres-simples, mais tres-propres. Ses cheveux, qui luy pendoient à la ceinture, étoient renoüez en grosses boucles avec des rubans couleur de rose. Ny Perles, ny Diamans, de belles cornettes. Elle n’estoit alors parée que d’elle-même, &amp; ne laissa pas d’attirer d’abord tous les regards de l’assemblée.</p>
            <p>Sa beauté y estoit alors dans son triomphe. Le beau Prince Sionad s’y trouva sous des habits de Femmes, pour disputer au beau Sexe, &amp; remporter au jugement des Connoisseurs, le prix de la souveraine beauté.</p>
            <p>En entrant dans le Bal, la Comtesse prit son party, &amp; s’alla mettre derriere le beau Sionad. <hi rend="i">Ma Princesse</hi>, luy dit-elle en l’abordant, &amp; luy presentant la petite Marquise, <hi rend="i">voicy une jeune Bergere qui n’est pas indigne de quelqu’un de vos regards</hi>. Mariane s’approcha avec respect, &amp; voulut baiser le bas de la robe du Prince, ou pour mieux dire, de la Princesse, mais il la releva, &amp; l’embrassant avec tendresse : <hi rend="i">La belle enfant</hi>, s’écria-t-il avec transport, <hi rend="i">les jolis traits ! quel souris, quelle finesse ! Ou je me trompe, ou elle a encore plus d’esprit que de beauté</hi>. La petite Marquise n’avoit encore répondu que par une petite mine riante &amp; modeste, lors qu’un jeune Prince la vint prendre pour danser. Le respect que toute la compagnie devoit a sa haute naissance, attira d’abord les yeux &amp; l’attention, mais quand on vit avec quelle grace la jeune Marquise luy répondoit sans estre embarrassée, son oreille, sa legereté, ses petits sauts en cadence, ses souris fins sans estre malicieux, l’éclat nouveau qu’un exercice violent répandoit sur son visage, on fit dans toute la Salle comme de concert un profond silence. Les Violons eurent le plaisir de s’entendre, &amp; chacun parut occupé de la voir &amp; de l’admirer. La danse finit avec des acclamations, dont le Prince, tout aimé qu’il est, n’eut que la moindre partie.</p>
            <p>L’applaudissement que la petite Marquise avoit receu à l’assemblée du Palais Royal, redoubla l’amitié &amp; les soins de la Comtesse. Elle ne pouvoit plus se passer d’elle, &amp; pour enjoüir plus à son aise, elle offrit de luy donner un appartement dans sa maison, mais la Mere ne voulut jamais y consentir. La petite Marquise avoit prés de quatorze ans, &amp; il estoit important pour le secret de sa naissance, que personne n’approchât d’elle familierement. Sa seule gouvernante la levoit &amp; la couchoit. Elle estoit encore dans une profonde ignorance sur son estat, &amp; quoy qu’elle eust beaucoup d’Amans, elle ne sentoit rien pour eux, uniquement attentive à elle mesme &amp; à sa propre beauté. On ne luy parloit d’autre chose ; elle avaloit à longs traits un breuvage si delicieux, &amp; se croyoit la plus belle personne du monde, d’autant plus que son miroir luy juroit tous les jours, qu’il ne mentoit pas.</p>
            <p>Un jour qu’elle estoit à la Comedie dans la premiere loge, elle remarqua dans la loge voisine un jeune homme fort bien fait, avec un juste au-corps d’écarlate, en broderie d’or &amp; d’argent ; mais ce qui luy donna plus d’attention, c’est qu’il avoit aux oreilles des boucles de diamans fort brillantes, &amp; trois ou quatre mouches sur le visage. Elle s’attacha par curiosité à le regarder, &amp; luy trouva une phisionomie si douce &amp; si aimable, que ne pouvant se retenir, <hi rend="i">Madame</hi>, dit elle à la Comtesse, <hi rend="i">voilà un beau garçon. Il est vray</hi>, dit la Comtesse, <hi rend="i">mais il fait le beau, &amp; cela ne sied point à un homme. Que ne s’habille-t-il en fille</hi> ? La Comedie continuoit ; on ne causa plus, mais la petite Marquise tournoit souvent la teste, &amp; ne se sentoit plus d’attention pour le faux Alcibiade qu’on representoit. A quelques jours de là, estant encore à la Comedie dans la troisiéme loge, le mesme jeune homme, qui se faisoit assez remarquer par ses ajustemens extraordinaires, se trouva dans la deuxiéme loge, &amp; voyant à son aise la petite Marquise qui estoit dans la troisiéme, il eut pour elle toute l’attention qu’elle avoit euë pour luy la premiere fois, &amp; ne se contraignit pas tant. Il tourna toujours le dos aux Comediens, &amp; ne pouvoit détourner ses regards de dessus la petite Marquise, qui de son costé luy répondoit un peu plus que l’exacte modestie ne l’eust voulu. Elle sentoit dans ce commerce mutuel de regards, ce qu’elle n’avoit jamais senti, une certaine joye délicate &amp; profonde, qui des yeux passe dans le cœur, &amp; qui fait toute la felicité de la vie. Enfin quand la Comedie fut achevée, en attendant la petite Piece, le beau jeune homme sortit de sa loge pour aller demander le nom de la petite Marquise. Les Portiers, qui la voyoient souvent, le luy dirent sans se faire prier &amp; mesme sa demeure. Voyant alors que c’étoit une Personne de qualité, il se resolut de faire connoissance s’il pouvoit, &amp; même sans aller plus loin. Il s’avisa (l’amour est ingénieux) d’entrer tout d’un coup dans la loge de la petite Marquise, en feignant de se tromper. <hi rend="i">Ah, Madame</hi>, s’écria-t-il, <hi rend="i">je vous demande pardon ; je croyois entrer dans ma loge</hi>. La Marquise de Banneville aimoit assez les avantures, &amp; ne manqua pas celle cy. <hi rend="i">Monsieur</hi>, luy dit-elle fort honnestement, <hi rend="i">nous sommes fort heureuses que vous vous soyez trompé, &amp; quand on est fait comme vous, on est bien reçû par tout</hi>. Elle avoit envie par là de le retenir pour le voir tout à son aise, l’examiner luy &amp; son ajustement, faire plaisir à sa fille, dont elle avoir déja remarqué l’émotion, &amp; en un mot se réjoüir innocemment. Il se fit encore un peu presser, &amp; puis demeura dans la loge sans vouloir se mettre au premier rang. On luy fit cent questions ausquelles il répondit avec beaucoup d’esprit &amp; un certain agrément dans le son de sa voix &amp; dans toutes ses manieres, qui le rendoient fort aimable. La petite Marquise luy demanda pourquoy il avoit des pendans d’oreilles. Il répondit que c’estoit habitude, &amp; qu’ayant eu les oreilles percées dés son enfance, il y avoit toûjours mis des boucles de diamans, &amp; qu’au reste on pardonneroit à son âge ces petits ajustemens, qui proprement ne conviennent qu’au beau Sexe. <hi rend="i">Tout vous sied bien, Monsieur</hi>, luy dit la petite Marquise en rougissant, <hi rend="i">&amp; vous pouvez mettre des mouches &amp; des brasselets, sans que nous nous y opposions. Vous ne serez pas le premier, &amp; les jeunes gens s’ajustent presentement comme les filles</hi>. La conversation ne tomba pas. La Piece finie, il reconduisit les Dames à leur Carrosse, &amp; fit suivre le sien jusqu’à la maison de la Marquise, &amp; là, sans oser entrer, il envoya un Page faire un compliment, &amp; dire que son escorte leur avoit esté assez inutile.</p>
            <p>Les jours suivans on le vit, on le trouva par tout, à l’Eglise, aux promenades, aux spectacles, toujours soumis, toujours respectueux, saluant profondement la petite Marquise sans oser l’approcher, ny luy parler. Il ne paroissoit avoir qu’une affaire &amp; n’y pas perdre un moment. Enfin au bout de trois semaines, un Conseiller au Parlement, Frere de la Marquise de Banneville, luy vint proposer un matin de recevoir la visite du Marquis de Bercour, son bon Amy &amp; son voisin. Il l’assura que c’estoit un fort honneste homme, &amp; l’amena dés l’apresdinée. Le Marquis avoit la plus belle teste du monde, des cheveux noirs, frisez naturellement à grosses boucles. Ils estoient coupez vis-à-vis des oreilles, pour laisser voir ses boucles de diamans, où il avoit mis ce jour-là à chacune une petite perle pendante. Deux ou trois mouches seulement faisoient remarquer qu’il avoit le teint beau. <hi rend="i">Ah, mon Frere</hi>, dit la Marquise, <hi rend="i">est-ce là le Marquis de Bercour ? Ouy, Madame</hi>, reprit le Marquis, <hi rend="i">qui ne peut vivre plus longtemps sans voir ce qu’il y a de plus beau dans le monde</hi>. Il se tourna en disant ces paroles vers la petite Marquise, qui ne se sentoit pas de joye. On s’assit, on parla de nouvelles, de plaisirs, de Livres nouveaux. La petite Marquise pouvoit soutenir toutes sortes de conversations, &amp; bien-tost on s’accoutuma les uns aux autres. Le vieux Conseiller s’en alla le premier. Le Marquis demeura le plus long-temps qu’il put, &amp; sortit tout le dernier. Il ne manqua plus à venir faire sa cour à ce qu’il aimoit, toujours prest à tout. Le beau temps estoit venu, &amp; quand on alloit se promener à Vincennes ou au Bois de Boulogne, on trouvoit à point nommé au frais sous des arbres une colation magnifique, qui paroissoit transportée par enchantement ; les Violons aujourd’huy, demain les Hautsbois. Le Marquis sembloit n’avoir donné aucuns ordres, &amp; cependant l’on voyoit aisément que tout venoit de luy. On fut pourtant quelques jours sans deviner, qui avoit fait un present magnifique à la petite Marquise. Un Crocheteur apporta le matin chez elle un coffre, de la part, disoit-il, de la Comtesse d’Alettef. On l’ouvrit avec empressement, &amp; la joye fut grande d’y trouver des gans, des eaux, des pommades, des essences, des étuis d’or, de petites caves, plus d’une douzaine de tabatieres de toutes façons, &amp; une infinité d’autres bijoux. La petite Marquise en voulut remercier la Comtesse, qui ne sçavoit ce que cela vouloit dire. Elle devina enfin, mais son cœur luy reprocha plus d’une fois de n’avoir pas deviné d’abord.</p>
            <p>Le Marquis par tous ces petits soins avançoit beaucoup ses affaires. La petite Marquise y estoit fort sensible. <hi rend="i">Madame</hi>, disoit elle à sa Mere avec une franchise admirable, <hi rend="i">je ne sçay plus ou j’en suis. Je voulois autrefois estre belle aux yeux de tout le monde, &amp; je ne veux plus l’estre qu’aux yeux du Marquis. J’aimois les Bals, les Comedies, les Assemblées, les lieux où l’on faisoit bien du bruit ; je n’aime plus tout cela. Estre seule &amp; penser à ce que j’aime, voila le plaisir de ma vie. Dire tout bas ; il viendra tantost ; peut-estre qu’il me dira qu’il m’aime ; car, Madame, il ne me l’a point encore dit ; sa bouche n’a point encore prononcé ces jolis mots, que je vous aime ! Il est vray que ses yeux &amp; ses actions me l’ont dit cent fois. Mon Enfant</hi>, luy répondit la Marquise, <hi rend="i">vous me faites grand’ pitié. Vous estiez heureuse avant que d’avoir vû le Marquis ; tout vous faisoit plaisir, tout le monde vous aimoit, &amp; vous n’aimiez que vous-mesme, vostre personne, vostre beauté. L’envie de plaire vous possedoit toute entiere, &amp; vous plaisiez. Pourquoy changer une vie si douce ? Croyez-moy, ma chere Enfant, ne songez qu’à profiter des attraits que la nature vous a donnez. Soyez belle, vous avez senti cette joye ; en est-il une semblable ? Attirer sur soy tous les regards, &amp; le penchant de tous les cœurs, faire le charme de tous les lieux où l’on va entendre continuellement les acclamations du Peuple qui ne flate point ; estre aimée de tout le monde, &amp; n’aimer que soy-même, voila, ma Fille, le souverain bonheur, &amp; vous en pouvez joüir longtemps. Mais de Reine il ne faut pas vous faire esclave, il faut résister à une premiere inclination qui vous entraisne malgré vous. Vous commandez, &amp; bien tost vous obéiriez. Les hommes sont trompeurs. Le Marquis vous aime aujourd’huy, il en aimera demain une autre. Il ne m’aimeroit plus</hi>, disoit la Marquise, <hi rend="i">il en aimeroit une autre</hi> ! &amp; puis elle pleuroit encore. Sa Mere qui l’aimoit tendrement, tâcha de la consoler, &amp; la consola en effet en luy disant que le Marquis alloit venir. Elle avoit de grandes mesures à garder ; &amp; l’amour qui se formoit luy faisoit de la peine. <hi rend="i">Qu’est ce que tout cela deviendra</hi>, disoit-elle en elle-même, <hi rend="i">&amp; quel étrange dénoüement ? Si le Marquis se déclare, s’il prend courage, s’il demande des faveurs, on ne luy refusera rien Mais</hi>, reprenoit-elle, <hi rend="i">la petite Marquise est bien élevée, elle est sage, &amp; n’accordera au plus que des bagatelles qui ne signifient rien, &amp; qui les laisseront toujours dans une ignorance absolument necessaire à leur bonheur</hi>. Elles s’entretenoient ainsi, lors qu’on leur vint dire que le Marquis leur envoyoit une douzaine de perdrix en plumes, &amp; qu’il estoit à la porte, n’osant entrer à cause qu’il revenoit de la Chasse. <hi rend="i">Qu’il entre</hi>, s’écria la petite Marquise, <hi rend="i">qu’il entre, nous le voulons voir dans son negligé</hi>. Il entra un moment aprés, &amp; voulut faire des excuses sur la poudre, sur le Soleil, sur la Perruque mal en ordre. <hi rend="i">Non, non</hi>, luy dit la petite Marquise, <hi rend="i">ne vous y trompez pas, nous vous aimons mieux avec une sangle, qu’avec des pendans d’oreilles. Si cela est, Madame</hi>, luy repliqua-t-il, <hi rend="i">vous m’allez voir fait comme un brûleur de maisons</hi>. Il demeuroit debout comme pour s’en aller, on le fit asseoit, &amp; la Mere, la bonne Mere, leur dit de causer ensemble pendant qu’elle iroit écrire dans son Cabinet. Les Femmes de chambre qui sçavoient vivre, passerent dans la Garderobe, &amp; ces Amans demeurerent seuls. Ils furent quelque temps sans parler. La petite Marquise encore toute émuë de ce qu’elle avoit dit à sa Mere, n’osoit presque lever les yeux ; &amp; le Marquis plus honteux encore, la regardoit &amp; soupiroit. Ce silence ne laissoit pas d’avoir quelque chose de tendre. Quelques regards, quelques soupirs échapez estoient pour eux une espece de langage, dont les Amans s’accommodent assez, &amp; l’embarras mutuel leur paroissoit une marque d’un amour touché. La petite Marquise se réveilla la premiere. <hi rend="i">Vous rêvez, Marquis</hi>, luy dit-elle. <hi rend="i">Est ce la Chasse qui vous fait rêver ? Ah, belle Marquise</hi>, dit le Marquis, <hi rend="i">que les Chasseurs sont heureux, ils n’aiment point. Comment, Marquis</hi>, reprit-elle ? <hi rend="i">Est-ce donc un si grand mal que d’aimer ? C’est, Madame, le plus grand bien de la vie</hi>, repliqua-t-il, <hi rend="i">mais quand on aime seul, c’est le plus grand de tous les maux. J’aime, &amp; je ne suis point aimé ; j’aime la plus aimable personne du monde. Venus elle-mesme n’oseroit se presenter devant elle ; je l’aime, &amp; n’en suis point aimé. Elle est insensible, elle me voit, elle m’entend, &amp; demeure dans un silence cruel. Ses yeux même se détournent des miens Quelle rigueur &amp; puis je douter de ma destinée</hi> ? Le Marquis en prononçant ces dernieres paroles, se mit à genoux devant la petite Marquise ; qui le laissa faire, &amp; il luy baisoit ses belles mains sans qu’elle s’y opposast. Elle avoit les yeux baissez, &amp; il en couloit de grosses larmes. <hi rend="i">Vous pleurez, belle Marquise</hi>, luy dit-il, <hi rend="i">vous pleurez, &amp; j’en suis la cause. Mon amour vous contraint, &amp; vous pleurez, Ah, Marquis</hi>, reprit elle, avec un grand soupir, <hi rend="i">on pleure de joye comme de douleur, &amp; je n’ay jamais esté si aise</hi>. Elle n’en dit pas davantage, &amp; tendant les bras à son cher Marquis, elle lui accorda des faveurs qu’elle eust refusées à tous les Rois de la terre. Les caresses leur tinrent lieu de protestations. Le Marquis trouva sur la bouche de la petite Marquise des graces que ses yeux lui avoient cachées, &amp; la conversation eust duré davantage, si la mere n’estoit sortie de son cabinet. Elle les trouva l’un &amp; l’autre pleurans &amp; rians tout ensemble, &amp; se douta que de pareilles larmes n’avoient pas besoin d’estre essuyées.</p>
            <p>Aussi-tost le Marquis se leva pour s’en aller, mais la Mere lui dit agreablement, <hi rend="i">Ne voulez vous pas, Monsieur, manger de vos perdrix</hi> ? Il ne se fit pas beaucoup prier. La chose du monde qu’il souhaitoit le plus, estoit de se familiariser dans la maison. Il demeura, tout Chasseur qu’il estoit, &amp; eut la joye sensible de voir manger ce qu’il aimoit. C’est une des grandes joyes de la vie. Voir de prés une bouche incarnate, qui en s’ouvrant montre des gencives de corail &amp; des dents d’albastre, qui s’ouvre, qui se ferme avec la precipitation qui accompagne toutes les actions de la jeunesse, voir un beau visage dans toute la vivacité que lui donne le mouvement d’un plaisir souvent reïteré, &amp; joüir en mesme temps du mesme plaisir, c’est ce que l’amour n’accorde qu’à ses Favoris.</p>
            <p>Depuis cet heureux jour le Marquis ne manqua pas d’y aller souper tous les soirs. Ce fut une affaire reglée, &amp; les Amans de la petite Marquise, qui jusqu’alors n’avoient point eu sujet d’estre jaloux l’un de l’autre, se le tinrent pour dit. La préference estoit donnée, &amp; chacun auoüoit que la beauté &amp; l’amour propre, quelque puissans qu’ils soient, n’ont pas encore assez de force pour deffendre un cœur contre l’amour. Le Comte D.… qui estoit des plus empressez, sentit vivement le mépris qu’on faisoit de sa passion. Il est beau, bienfait, brave, homme de guerre, &amp; ne put souffrir que la petite Marquise se donnast au Marquis de Bercour, qu’il regardoit comme lui estant fort inferieur en toutes choses. Il resolut de lui faire une querelle, &amp; par la le deshonorer, le croyant trop beau &amp; trop effeminé pour oser mesurer son épée contre la sienne ; mais il fut bien surpris, quand au premier mot qu’il lui dit à la porte des Tuilleries, il vit le Marquis l’épée à la main qui le poussoit avec vigueur. Ils se battirent fort bien, &amp; furent separez par leurs amis communs.</p>
            <p>Cette avanture fit plaisir à la petite Marquise. Elle donnoit un air de guerre à son amant, pour qui cependant elle crut devoir trembler. Elle vit bien que sa beauté &amp; ses faveurs feroient tous les jours des affaires au Marquis, &amp; lui dit un soir, <hi rend="i">Il faut, Marquis, finir toute jalousie, &amp; faire taire le public raisonneur. Nous nous aimons, &amp; nous nous aimerons toûjours. Il faut nous lier par des nœuds, qui ne se rompent qu’avec la vie. Ah ! belle Marquise</hi>, lui dit-il, <hi rend="i">à quoy pensez vous ? Estes-vous lasse de nostre bonheur ? Le mariage est d’ordinaire la fin du plaisir. Demeurons-en où nous en sommes. Pour moy, je suis content de vos faveurs, &amp; ne vous en demanderay jamais davantage. Et moy</hi>, reprit la petite Marquise, <hi rend="i">je ne suis pas contente, je sens bien qu’il manque quelque chose à nostre bonheur, &amp; peut-estre que nous le trouverons, quand vous serez tout à moy, &amp; que je seray toute à vous. Il n’est pas juste</hi>, lui repliqua le Marquis, <hi rend="i">que vous épousiez la fortune d’un Cadet, qui a mangé la meilleure partie de ce qu’il avoit, &amp; que vous ne connoissez encore que par un exterieur souvent trompeur. Et c’est ce que j’en aime</hi>, interrompit-elle, <hi rend="i">je suis ravie d’avoir assez de bien pour nous deux, trop heureuse de vous montrer que je ne suis attachée, qu’à vostre seule personne.</hi></p>
            <p>Ils en estoient là, lors que la Marquise de Banneville les interrompit. Elle venoit de renvoyer ses gens d’Affaires &amp; croyoit venir se délasser l’esprit avec la gayeté des jeunes gens, mais elle les trouva dans un serieux profond. Le Marquis avoit esté fort fâché de la proposition que lui avoit faite la petite Marquise. Elle lui estoit fort avantageuse selon les apparences, mais il avoit des raisons secretes qui s’y opposoient, &amp; qu’il croyoit insurmontables. La petite Marquise de son costé estoit un peu piquée d’avoir fait un si grand pas inutilement, mais elle se remit bien-tost, &amp; crut que le Marquis n’acceptoit pas par respect pour elle, ce qu’elle lui avoit proposé, ou qu’il vouloit éprouver sa constance. Cette pensée lui fit prendre la resolution d’en parler à sa Mere, ce qu’elle fit dés le lendemain.</p>
            <p>Jamais personne ne fut plus étonnée que la Marquise de Banneville, quand sa Fille lui parla de se marier. Elle avoit seize ans &amp; n’estoit plus enfant. Ses yeux ne s’étoient point encore ouverts sur son estat, &amp; sa Mere souhaitoit qu’ils ne s’ouvrissent jamais. Elle n’avoit garde de consentir à la marier ; aussi de lui découvrir la verité, c’estoit un remede bien dur pour l’une &amp; pour l’autre. Elle resolut de ne le faire qu’à la derniere extrémité, &amp; cependant de rompre ou d’éloigner le mariage du Marquis. Il estoit d’accord avec elle sur ce point, mais la petite Marquise qui estoit vive dans ses envies, prioit, pressoit, pleuroit, &amp; se servoit de toutes sortes de moyens pour fléchir sa Mere, ne doutant point de son Amant, parce qu’il n’osoit se deffendre contre elle avec la même fermeté. Enfin elle pressa tant sa Mere, qu’elle lui dit ces paroles. <hi rend="i">Vous m’y forcez, ma chere Enfant, &amp; c’est malgré moy que je m’en vais vous découvrir ce que je voudrois vous cacher au prix de ma vie. J’aimois vostre pauvre Pere, &amp; lorsque je le perdis si malheureusement, la peur d’un pareil malheur pour vous, me fit souhaiter avec passion d’avoir une Fille. Je ne fus pas assez heureuse, j’accouchay d’un Garçon, &amp; je l’ay fait élever comme une Fille. Sa douceur, ses inclinations, sa beauté, tout a contribué à mon dessein. J’ay un Fils, &amp; tout le monde croit que j’ay une Fille. Ha ! Madame</hi>, s’écria la petite Marquise, <hi rend="i">seroit-il bien possible que je fusse… Oüy, mon Enfant</hi>, lui dit sa mere en l’embrassant, <hi rend="i">vous estes un Garçon, je vois combien cette nouvelle vous afflige. L’habitude a fait en vous une autre nature. Vous estes accoustumée à une vie bien differente de celle que vous eussiez menée. Je songeois à vous rendre heureuse, &amp; jamais je ne vous eusse découvert une si triste verité, si vostre entestement pour le Marquis ne m’y avoit obligée. Voyez donc, sans moy, ce que vous alliez faire, à quoy vous alliez vous exposer, &amp; quelle Scene alliez vous donner au public</hi>. La petite Marquise au lieu de répondre ne faisoit que pleurer, &amp; sa mere avoit beau lui dire, <hi rend="i">Mais, mon Enfant, vivez à l’ordinaire. Soyez toûjours la belle petite Marquise, aimée, adorée de tous ceux qui la voyent. Aimez, si vous voulez, vostre beau Marquis, mais ne songez point à l’épouser. Helas</hi> ! s’écria-t-elle en pleurant, <hi rend="i">il ne demande pas mieux ; il est au desespoir, quand je lui parle de nous marier Ah ! ne sçauroit-il point mon secret ? Si je le croyois, ma chere mere, je m’irois cacher au bout du monde, ne le sçauroit-il point</hi> ? Et là-dessus un torrent de larmes. <hi rend="i">Helas ! pauvre petite Marquise</hi>, ajoûta-t-elle, <hi rend="i">que vas-tu faire ? Oseras-tu bien encore te montrer &amp; faire la belle ? mais que dis tu, qu’as tu fait, comment nommer ces faveurs, que tu as accordées au Marquis ? Rougis, malheureuse, rougis. Ah ! nature aveugle, qui ne m’as pas avertie de mon devoir ? helas ! i’estois dans la bonne foy, mais puisque je vois clair, il faut avoir à l’avenir une conduite toute differente, &amp; malgré ce que i’aime, il faut faire ce que je dois.</hi></p>
            <p>Elle prononçoit ces paroles avec fermeté, lors qu’on la vint avertir que le Marquis estoit à la porte de l’antichambre. Il entra avec un air content, &amp; fut bien étonné de voir la Mere &amp; la Fille les yeux baissez &amp; dans les larmes. La Mere sans attendre qu’il parlast, se leva, entra dans son cabinet, &amp; le laissa seul. Alors prenant courage, <hi rend="i">qu’y a-t’il donc belle Marquise</hi>, lui dit-il en se mettant à ses genoux ? <hi rend="i">Si vous avez quelque affliction, que ne la partagez vous avec vos amis ? Quoy, vous ne me regardez pas seulement ! Est ce donc moy, qui vous fait verser des pleurs, &amp; serois-ie coupable sans le sçavoir ?</hi> La petite Marquise le regarda, &amp; se fondit en larmes. <hi rend="i">Non non</hi> ; s’écria-t-elle, <hi rend="i">non, cela n’est pas possible, &amp; si cela estoit vray, je ne sentirois pas ce que je sens. La nature est sage &amp; ses mouvemens sont raisonnables</hi>. Le Marquis ne sçavoit ce que tout cela vouloit dire. Il en demandoit l’explication ; lors que la Mere aprés s’estre un peu remise, sortit du cabinet &amp; vint au secours de sa Fille. <hi rend="i">Vous la voyez</hi>, dit-elle, au Marquis, <hi rend="i">vous la voyez toute hors d’elle-mesme. C’est ma faute, elle a voulu malgré moy se faire dire sa bonne avanture, &amp; on lui a dit qu’elle n’épouseroit jamais celuy qu’elle aime, cela la fâche, Monsieur le Marquis, &amp; vous en sçavez la raison. Et moy, Madame</hi>, reprit-il, <hi rend="i">cela ne me fâche point du tout. Qu’elle demeure toûjours comme elle est, pour moy je ne demande qu’à la voir ; je seray trop heureux, si elle me donne le rang du premier de ses amis.</hi></p>
            <p>La conversation ne dura pas davantage. Les esprits estoient trop en mouvement, &amp; il fallut quelque temps pour les remettre dans leur assiette ordinaire ; mais ils s’y remirent si parfaitement, qu’au bout de huit jours il n’y parut pas. La presence, les agréemens, les caresses du Marquis effacerent dans l’esprit de la petite Marquise tout ce que sa Mere lui avoit dit sur son estat. Elle n’en crut plus rien ou n’en voulut plus rien croire ; le plaisir l’emporta sur la reflexion ; elle vêcut à l’ordinaire avec son Amant &amp; sentit redoubler sa passion avec tant de violence, que les pensées d’un engagement éternel revinrent la tourmenter. <hi rend="i">Oüy</hi>, disoit-elle en elle-même, <hi rend="i">il ne s’en pourra plus dédire, &amp; ne m’abandonnera jamais</hi>. Elle estoit resoluë d’en reparler, lors que sa Mere tomba malade d’une maladie si violente, qu’aprés trois jours on desespera de sa guerison. Elle fit son testament, &amp; envoya querir son Frere le Conseiller, qu’elle déclara Tuteur de la petite Marquise. C’estoit son Oncle &amp; son heritier, parce que tout le bien venoit de la Mere. Elle lui dit en particulier la verité de la naissance de sa Fille, le priant de n’en pas faire semblant &amp; de la laisser vivre dans ce plaisir innocent, qui ne faisoit mal à personne, &amp; qui la mettant hors d’estat de se marier, assuroit à ses Enfans une grande succession.</p>
            <p>Le bon homme de Conseiller apprit cette nouvelle avec grande joye, &amp; vit mourir sa Sœur sans jetter une larme. Trente mille livres de rente qu’elle laissoit à la petite Marquise lui paroissoient comme assurées à ses Enfans, &amp; il n’y avoit qu’à flatter sa prétenduë Niece dans son entestement. Il le fit à merveilles, lui disant qu’il lui serviroit de Mere, &amp; qu’il ne vouloit estre son Tuteur que pour la forme.</p>
            <p>Ces manieres honnestes consolerent un peu la petite Marquise, qui estoit veritablement affligée, mais la vûë de son cher Marquis la consola encore davantage. Elle se voyoit absolument maistresse de sa destinée, &amp; ne songeoit qu’à la partager avec ce qu’elle aimoit. Six mois se passerent dans les apparences du deüil, &amp; puis tous les plaisirs en foule revinrent chez la petite Marquise. Elle alloit souvent au Bal, à la Comedie, à l’Opera, &amp; toujours avec la même compagnie. Le Marquis ne la quittoit pas, &amp; tous ses autres Amans, voyant assez que c’estoit une affaire reglée, s’estoient retirez. Ils vivoient heureux, &amp; n’eussent peut-estre pas songé à autre chose, si la médisance avoit pû les laisser en paix. On disoit par tout que la petite Marquise estoit belle, mais que depuis la mort de sa Mere elle ne gardoit plus de mesures ; qu’on la voyoit par tout avec le Marquis ; qu’il n’avoit presque pas d’autre maison que la sienne ; qu’il y soupoit tous les jours, &amp; n’en sortoit qu’à minuit. Ses meilleures Amies y trouvoient à redire ; on luy écrivoit des billets sans les signer ; on en avertit son Oncle, qui luy en parla. Enfin, les choses allerent si loin, que la petite Marquise reprit ses premieres idées, &amp; pour faire taire tout le monde, elle se résolut à épouser le Marquis. Elle luy en parla fortement ; il résista de même, &amp; ne consentit qu’à condition que le mariage ne seroit que pour le public, &amp; qu’ils vivroient ensemble comme le Frere &amp; la Sœur, n’y ayant point, disoit-il, d’autre moyen de s’aimer toujours. Il convint aisément de la condition. Ce que sa Mere luy avoit dit, luy revenoit quelquefois à l’esprit. Elle en parla à son Oncle, qui d’abord luy representa toutes les épines du mariage, &amp; qui finit par y consentir. Il en estoit ravi dans le fond de son cœur. Il voyoit par là trente mille livres de rente assurées à sa Famille, &amp; ne craignoit pas que sa Niece eust des Enfans avec le Marquis de Bercour, au lieu que ne se mariant pas, sa fantaisie d’estre Fille pouvoit changer avec l’âge, &amp; avec sa beauté, qui passeroit indubitablement. Ainsi le mariage fut arresté. On leva les étoffes, &amp; la ceremonie se fit chez le bon Oncle, qui comme Tuteur voulut donner le festin des Noces.</p>
            <p>Jamais la petite Marquise ne parut si belle que ce jour-là. Elle avoit une robe de velours noir toute couverte de Pierreries, des rubans incarnats sur la teste, des pendans d’oreilles de Diamans. La Comtesse d’Alitref, qui l’aimoit toujours, la voulut accompagner à l’Eglise, où le Marquis se trouva en manteau de velours noir, chamarré de passemens d’or, frisé, poudré, des pendans d’oreilles, des mouches, enfin si ajusté, que ses meilleurs Amis ne pouvoient l’excuser de tant aimer sa personne. On les unit pour jamais, &amp; chacun leur donnoit mille benedictions. Le soir le festin fut magnifique ; la Musique &amp; les Violons n’y manquerent pas. Enfin, l’heure fatale estant arrivée, les Parens &amp; les Amis les mirent ensemble dans un lit de parade, &amp; les embrasserent, les hommes en riant, &amp; quelques bonnes vieilles Tantes en pleurant.</p>
            <p>Ce fut alors que la petite Marquise fut bien étonnée de voir le froid &amp; l’insensibilité de son Amant. Il estoit à l’autre bout du lit, &amp; soupiroit &amp; pleuroit. Elle s’approcha à moitié, sans qu’il fist semblant de s’en appercevoit. Enfin, ne pouvant plus soutenir un estat si douloureux ; <hi rend="i">Que vous ay je fait, Marquis</hi>, luy dit-elle, <hi rend="i">&amp; ne m’aimez-vous plus ? Répondez, ou vous m’allez voir mourir. Helas, Madame</hi>, luy dit le Marquis, <hi rend="i">je vous l’avois bien dit, nous vivions heureux, vous m’aimiez, &amp; vous m’allez haïr ; je vous ay trompée, approchez &amp; voyez</hi>. Il luy prit la main en même temps, &amp; la mit sur la plus belle gorge du monde. <hi rend="i">Vous voyez</hi>, ajoûta-t-il en fondant en larmes, <hi rend="i">vous voyez que je ne puis rien pour vous, puis que je suis Femme aussi bien que vous.</hi></p>
            <p>Qui pourroit exprimer icy la surprise &amp; la joye de la petite Marquise ? Elle ne douta plus dans ce moment qu’elle ne fust un Garçon, &amp; se jettant entre les bras de son cher Marquis, elle luy causa la même surprise &amp; la même joye. La paix fut bien-tost faite. Ils admirerent leur destin, qui les avoit conduits si heureusement, &amp; se firent mille protestations d’une éternelle fidelité. <hi rend="i">Pour moy</hi>, luy dit la petite Marquise, <hi rend="i">ie suis trop accoutumée à estre Fille, je veux estre Femme toute ma vie. Comment m’y prendrois-je à porter un chapeau ? Et moy</hi>, dit le Marquis, <hi rend="i">i’ay mis l’épée à la main plus d’une fois sans estre embarrassé, &amp; je vous conteray quelque jour mes avantures. Tenons nous-en donc où nous en sommes. Joüissez, belle Marquise, de tous les agrémens de vostre Sexe, &amp; je joüiray de toute la liberté du mien.</hi></p>
            <p>Le lendemain des Noces ils receurent les complimens ordinaires, &amp; huit jours aprés ils partirent pour la Province où ils sont encore dans un de leurs Chasteaux. L’Oncle doit les y aller voir, &amp; sera bien surpris en voyant naistre d’un pareil mariage quelque bel Enfant, qui luy ôtera toute l’esperance d’une grande succession.</p>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-02_101" resp="wordpro">
          <head>[Galanterie]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, février 1695 [tome 2], p. 101-108.</bibl>
          <p>Voicy des Vers qui ont esté faits sur la liberté que prend certain Amant doucereux, d’appeller trois belles Dames, l’une <hi rend="i">son Cœur</hi>, l’autre <hi rend="i">son Esprit</hi>, &amp; la troisiéme, <hi rend="i">son Ame.</hi></p>
          <quote>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Vous estes curieux de sçavoir des nouvelles</hi></l>
              <l rend="i"> De Philémon &amp; de ces Belles</l>
              <l rend="i">Qu’il honore de noms glorieux &amp; charmans.</l>
              <l rend="i">Vos volontez pour moy sont des commandemens.</l>
              <l rend="i">Voicy, cher Dorilas, ce que l’on en doit croire,</l>
              <l rend="i">Et ce qu’encore hier Orante m’en apprit</l>
              <l rend="i"> Par l’envoy d’un petit Memoire</l>
              <l rend="i">Qui se rapporte assez à tout ce qu’on en dit.</l>
              <l rend="i">Ce doucereux Amant ne manque pas d’affaires.</l>
              <l rend="i"> Son Cœur, son Ame, &amp; son Esprit</l>
              <l rend="i"> En repos ne le laissent gueres.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Par Politique, il s’intrigue par tout,</l>
              <l rend="i">Passe les jours de visite en visite</l>
              <l rend="i">Flatte les gens, leur forge du merite,</l>
              <l rend="i">Et court la Ville ainsi souvent de bout en bout.</l>
              <l rend="i">Il semble qu’il voudroit par là cacher la flame</l>
              <l rend="i"> Dont son estat luy fait craindre du blâme.</l>
              <l rend="i"> Ce manége est un vain détour.</l>
              <l rend="i"> Son Esprit, son Cœur, &amp; son Ame</l>
              <l rend="i"> Ne tâchent qu’à la mettre au jour.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">On le cherche, on le suit, on le mande, on l’attire.</l>
              <l rend="i"> Qui ne croiroit qu’on le desire ?</l>
              <l rend="i"> Ce n’est pas tout, est-on à son côté</l>
              <l rend="i"> On n’en sort qu’à l’extrémité.</l>
              <l rend="i"> Tout conspire à luy faire rendre</l>
              <l rend="i">  L’Ame par sa bonté,</l>
              <l rend="i">  L’Esprit par sa vivacité,</l>
              <l rend="i">Et le Cœur en montrant ce qu’il sent de plus tendre.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Qui pourroit résister à de si forts appas ?</l>
              <l rend="i">Vn rocher s’en fendroit, &amp; feroit du fracas.</l>
              <l> <hi rend="i">Mais squoy ? le nombre en amour importune ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Le pauvre Philémon est dans cet embarras,</hi></l>
              <l rend="i">  Et telle sera sa fortune</l>
              <l rend="i">Qu’à force d’estre heureux, il ne le sera pas.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Si pourtant l’une de ces Belles</l>
              <l rend="i">Qui le poursuivent à l’envy,</l>
              <l rend="i">Ialouse enfin qu’il se partage entre-elles,</l>
              <l rend="i">Comme il est tout aux trois se donnoit toute à luy,</l>
              <l rend="i">Ce seroit un moyen des plus sûrs, ce me semble,</l>
              <l rend="i"> De rendre parfait son bonheur</l>
              <l><hi rend="i">Car une seule alors deviendroit tout ensemble.</hi></l>
              <l rend="i"> Son Esprit, son Ame, &amp; son Cœur.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Mais il peut souhaiter cette heureuse avanture</l>
              <l rend="i"> Sans en estre plus avancé.</l>
              <l rend="i">L’Esprit est trop bien fait, le Cœur trop bien placé,</l>
              <l rend="i"> L’Ame trop fidelle &amp; trop pure,</l>
              <l rend="i"> Pour luy faire une telle injure.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">En vain donc prés du Cœur il pousse des soupirs,</l>
              <l rend="i">Il donne de l’encens à l’Ame qui l’enchante,</l>
              <l rend="i">Il s’épuise en billets pour l’Esprit qui le tente,</l>
              <l rend="i"> Tout cela marque ses desirs,</l>
              <l rend="i"> Mais par malheur pour ses plaisirs,</l>
              <l rend="i"> Rien ne répond à son attente.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Quoique l’une des trois ait une qualité</l>
              <l rend="i">D’un grand secours contre les conséquences,</l>
              <l rend="i">Son devoir bravera toujours les esperances</l>
              <l rend="i">Qui se pourroient fonder sur trop de liberté.</l>
              <l rend="i"> D’aucune l’humeur n’est tigresse,</l>
              <l rend="i">Mais elle est douce avec délicatesse</l>
              <l rend="i"> Toutes demandent du respect.</l>
              <l rend="i"> Vn mot trop familier les blesse,</l>
              <l rend="i">  Et leur devient suspect,</l>
              <l rend="i"> Et dans l’estat que Philémon professe,</l>
              <l rend="i">S’il vouloit se mesler purmy leurs petits jeux,</l>
              <l rend="i">Il verroit aussitost leurs regards dedaigneux</l>
              <l rend="i"> Condamner son peu de sagesse,</l>
              <l rend="i"> Et l’en punir par un refus honteux.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Cet Amant donc est un Vsionnaire,</l>
              <l rend="i"> S’il s’imagine dans le fonds,</l>
              <l rend="i">Malgré tous leurs discours &amp; toutes leurs façons,</l>
              <l rend="i"> Qu’aucune ait un dessein sincere</l>
              <l rend="i"> De le gagner, &amp; de luy plaire.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Dorilas, en un mot, le Cœur a trop de cœur,</l>
              <l rend="i">L’Esprit a trop d’esprit, l’Ame trop de lumiere,</l>
              <l rend="i"> Pour rien penser contre l’honneur,</l>
              <l rend="i"> Bien loin d’en franchir la barriere.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Aussi leur but n’est dans la verité,</l>
              <l rend="i">Que de se divertir, de railler, &amp; de rire</l>
              <l rend="i">De ce plaisant Amant, de sa credulité,</l>
              <l rend="i"> De ses douceurs, de sa témerité,</l>
              <l rend="i">De ses contes de Cour, de ses fleurs de bien dire,</l>
              <l rend="i"> Et sur tout, de sa vanité.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-02_114" resp="wordpro">
          <head>Lettre d’un Peripateticien à Mrs les Cartesiens</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, février 1695 [tome 2], p. 114-123.</bibl>
          <p>La Lettre qui suit propose un doute sur la Philosophie de M<hi rend="sup">r</hi> Descartes, dont l’Auteur souhaiteroit que quelqu’un de ses Disciples voulust donner l’éclaircissement.</p>
          <quote>
            <label>LETTRE<lb />D’UN PERIPATETICIEN<lb />à Messieurs les Cartesiens.</label>
            <p><hi rend="sc"><hi rend="i">Messieurs</hi></hi>,</p>
            <p><hi rend="i">M’estant appliqué depuis quelque temps à l’estude de vostre Philosophie, il m’est souvent venu dans l’esprit des doutes que i’ay tâché de resoudre par vos principes, lors que je n’en ay pas trouvé la réponse dans quelqu’un de vos Auteurs. Celuy que i’ose vous proposer dans l’esperance d’en voir bientost l’éclaircissement à vostre maniere ordinaire, je veux dire à satisfaire pleinement l’esprit le plus difficile &amp; le moins raisonnable, m’a paru de telle consequence, que je n’ay pas crû devoir m’en rapporter à mes foibles lumieres, ny pouvoir réussir sans le secours des vostres, à en trouver le dénoüement. Le voicy donc en peu de mots, tel que je l’ay conçeu.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Vous tenez, Messieurs, pour constant, que l’ame est en chacun de nous le seul &amp; unique sujet des sentimens de joye &amp; de tristesse, de plaisir &amp; de douleur qu’elle ressent ; que la matiere est incapable d’aucune de ces modifications, &amp; que les divers changemens qui arrivent à nostre corps, sont tout au plus les causes occasionnelles qui obligent Dieu à modifier nostre ame differemment en consequence des loix efficaces de son union avec le corps par rapport à ce qui convient à celuy-cy, ou qui est contraire à sa conservation.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Cela supposé &amp; reçeu, je ne vois pas comment</hi> <hi rend="sc">Jesus-Christ</hi> <hi rend="i">nostre Redempteur, a pû rien souffrir pour nous. Il n’y avoit en luy selon ce principe, que l’ame qui fût capable de tristesse &amp; de douleur. Les coups &amp; les playes qu’il a reçeuës en son sacré corps n’en pouvoient estre que l’occasion naturelle. Il estoit pour ainsi dire impassible en cette partie de son estre, &amp; on ne peut l’appeller avec l’Ecriture l’homme de douleurs que selon l’esprit, non pas selon la matiere dont il estoit composé comme le reste des hommes. Cependant tous les Peres generalement &amp; les Theologiens sont de sentiment qu’il n’a esté passible qu’en sa partie inferieure ; que son ame sainte joüit de la vision Beatifique dés sa creation &amp; son union hypostatique avec le Verbe Divin, &amp; que son bonheur ne fut jamais troublé ni corrompu par les plus rudes tourmens de sa mort &amp; passion. Vous sçavez mieux que moy les raisons que les uns &amp; les autres en donnent. Je ne les rapporteray pas icy, cela seroit inutile ? mais je ne crois pas qu’il en soit de mesme d’ajoûter, que suivant ce que je viens d’alleguer, on pourroit avancer que</hi> <hi rend="sc">Jesus Christ</hi> <hi rend="i">dans le cours de sa vie mortelle a esté heureux, &amp; qu’il ne l’a pas esté ; ce qui renferme, comme vous voyez, une contradiction manifeste ; qu’il a esté heureux, puisque sa sainte ame joüissoit des doux plaisits de la gloire, &amp; qu’il ne l’a pas esté, puis qu’elle a souffert les rudes tourmens de la croix. Il ne paroist pas que les douleurs de la mort soient compatibles avec les douceurs de la felicité des Saints, ni qu’on puisse concevoir de beatitude parfaite que par l’exclusion de toute sorte de peine. Il faut donc reconnoistre, ou que l’ame de</hi> <hi rend="sc">Jesus-Christ</hi> <hi rend="i">n’a pas esté heureuse contre le sentiment universel des Peres &amp; des Docteurs de l’Eglise, ou bien que la matiere est aussi capable de douleur, du moins tandis qu’elle est unie avec l’esprit, que celui-cy en est susceptible ; ce qui est directement opposé à vostre principe, &amp; qui autrement ne me paroist pas pouvoir s’allier avec cette verité de religion, que l’ame de</hi> <hi rend="sc">Jesus-Christ</hi> <hi rend="i">a toûjours esté heureuse, dans le temps mesme de ses plus rudes tourmens. I’appelle celle cy de ce nom de verité de religion, quoy que je sçache que le Pere Amelot soûtient dans l’Abregé de sa Theologie aprés Isembert, qu’elle n’est pas de foy, &amp; qu’il n’y a pas de décision de Concile qui engage à l’en croire. Mais je veux que cela soit ; il est seur que tout ce qui est de foy dans l’Eglise ne se trouve pas décidé dans les actes des Conciles ; qu’on n’assemble d’ordinaire les Conciles que pour prononcer deffinitivement sur les veritez contestées ; &amp; qu’il ne paroist pas dans aucun Auteur que personne se soit jamais élevé directement contre celle-cy. D’ailleurs on ne peut disconvenir qu’elle n’ait esté en tout temps generalement receuë des Fidelles, &amp; que les Saints Peres ne l’ayent unanimement enseignée dans le cours des Siecles passez, ce qui me paroist suffire pour la devoir regarder comme un dogme de foy que la tradition &amp; le consentement des Docteurs anciens &amp; modernes autorise. Peut-estre m’égaray-ie en cecy du droit chemin. Si vous le jugez de la sorte, Messieurs, redressez-moy, je vous prie, &amp; vous m’obligerez tres-sensiblement.</hi></p>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-02_168" resp="wordpro">
          <head>[Paraphrase]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, février 1695 [tome 2], p. 168-173.</bibl>
          <p>Les Vers que vous allez lire sont de saison ; les matieres de sainteté conviennent à un temps de sainteté.</p>
          <quote>
            <label>PARAPHRASE<lb />DU PSEAUME<lb />qui commence par <hi rend="i">Super flumina Babylonis.</hi></label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Sur les bords de ce fleuve aux vagues écumeuses,</hi></l>
              <l rend="i"> Qui sembloit vouloir renverser</l>
              <l rend="i">De l’antique Babel les murailles fameuses,</l>
              <l rend="i">Nous allions du travail souvent nous délasser.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Dés que Sion avec ses charmes</l>
              <l rend="i">Se presentoit à nos esprits,</l>
              <l rend="i">Vn rapide torrent de larmes</l>
              <l rend="i">Sortoit de nos cœurs attendris.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Nos Harpes aux saules penduës</l>
              <l rend="i"> Servoient de joüet aux Zephirs,</l>
              <l rend="i">Et leurs cordes toujours lâches &amp; détenduës</l>
              <l rend="i">Annonçoient aux Passans nos justes déplaisirs.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Nos Maistres fiers de leur puissance</l>
              <l rend="i">Que nos malheurs ont fait jusqu’au comble monter,</l>
              <l rend="i"> Nous vouloient contraindre à chanter</l>
              <l rend="i"> Quelques airs de réjoüissance.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Courage, disoient-ils, charmez nostre loisir</l>
              <l rend="i"> En chantant ces Hymnes si belles,</l>
              <l rend="i"> Qui dans vos Festes solemnelles</l>
              <l rend="i">Remplissoient tous les cœurs d’amour &amp; de plaisir.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Quoy ? dans une terre étrangere</l>
              <l rend="i">Qui refuse l’encens qu’elle doit au Seigneur,</l>
              <l rend="i">Pourrions-nous entonner sans vouloir luy déplaire</l>
              <l rend="i"> Des Cantiques à son honneur ?</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Ierusalem, si je perds la memoire</l>
              <l rend="i">De ta grandeur, de ton nom éclatant,</l>
              <l rend="i">Que ce bras droit qui m’a couvert de gloire</l>
              <l rend="i"> Devienne aride au mesme instant.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Que par un miracle visible</l>
              <l rend="i">Ma langue s’attache au palais</l>
              <l rend="i">Si le temps me rend insensible</l>
              <l rend="i">Au souvenir de tes attraits.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Quelque bien que le Ciel m’envoye</l>
              <l rend="i">Dans cet estat d’opprobre &amp; de confusion,</l>
              <l rend="i"> Tu seras, ma chere Sion,</l>
              <l rend="i"> Le premier objet de ma joye.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Souvenez-vous, Seigneur, de ce jour malheureux</l>
              <l rend="i">Que les enfans d’Edom nous mirent à la chaîne.</l>
              <l rend="i">Leurs cris dûrent sans doute irriter vostre haine ;</l>
              <l rend="i"> Qu’elle éclate aujourd’huy sur eux.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Rasons-la, disoient-ils, transportez de furie,</l>
              <l rend="i"> Mettons-la sens dessus dessous,</l>
              <l rend="i"> Cette Cité dont l’orgueil s’approprie</l>
              <l rend="i">Des titres glorieux qui ne sont dût qu’à nous.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Quels honneurs pour ce bras aux malheureux propice</l>
              <l rend="i">Qui doit, pauvre Babel, nous tirer de tes fers,</l>
              <l rend="i"> Et dont la severe justice</l>
              <l rend="i">Te rendra tous les maux que nous aurons soufferts ?</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Qu’il arrache avec violence</l>
              <l rend="i">De ton sein agité tes enfans les plus chers,</l>
              <l rend="i"> Et que malgré leur innocence,</l>
              <l><hi rend="i">Il en frappe à tes yeux les murs &amp; les rochers.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-02_174" resp="wordpro">
          <head>[Madrigal]*</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, février 1695 [tome 2], p. 174-175.</bibl>
          <p>M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé Jaquelot est l’Auteur du Madrigal que vous allez lire contre le Teste à Teste, &amp; il a raison de dire qu’il n’y a rien de plus dangereux pour les jeunes personnes du beau Sexe.</p>
          <quote>
            <label>MADRIGAL.</label>
            <lg>
              <l rend="i">Innocentes Beautez,</l>
              <l rend="i"> Comme un funeste écueil, fuyez le Teste à teste.</l>
              <l rend="i"> Vous y devenez la conqueste</l>
              <l rend="i"> De ceux que vous avez domptez.</l>
              <l rend="i">De mille traits de flame un tendre Amant vous touche,</l>
              <l rend="i">Il en part de ses yeux, il en sort de sa bouche,</l>
              <l rend="i">Ses flatteuses douceurs ne vous épargnent pas.</l>
              <l rend="i">En vain vous vous armez d’une vertu farouche,</l>
              <l rend="i">En vain un noble orgueil veille sur vos appas,</l>
              <l rend="i">L’Amour autour de vous vole, brille, escarmouche,</l>
              <l rend="i">Vous livre de si doux &amp; de si longs combats,</l>
              <l rend="i"> Qu’il desarme la plus rebelle.</l>
              <l rend="i">Et la dépoüille enfin du beau nom de cruelle.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-02_236" resp="mercure">
          <head>Réponse à la Satire contre les Vers irreguliers, employée dans le Mercure du mois d’Avril 1694</head>
          <p></p>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, février 1695 [tome 2], p. 236-290.</bibl>
          <p>Les Vers appellez Irreguliers ne sont pas du goust de tout le monde, comme vous avez pû le remarquer par un Ouvragé dont je vous ay fait part dans quelqu’une de mes Lettres. Mr de la Fevrerie, Auteur de tant d’excellens Traitez que vous avez lûs dans mes Lettres extraordinaires y a répondu, &amp; vous ne serez pas fâchée de sçavoir ce qu’il en dit.</p>
          <p/>
          <p><hi rend="italic">RÉPONSE</hi></p>
          <p><hi rend="italic">A la Satire contre les Vers</hi></p>
          <p><hi rend="italic">irreguliers, employée dans le</hi></p>
          <p><hi rend="italic">Mercure du mois d’Avril</hi></p>
          <p><hi rend="italic">1694</hi>.</p>
          <p/>
          <p>Tout ce qu’on appelle Irregulier, n’est pas toûjours défectueux. Les Vers dont il s’agit sont de ce nombre : mais avant que de faire voir qu’ils n’ont pas les défauts qu’on leur attribuë, je vais montrer qu’ils ne sont point contre les regles, &amp; que c’est à tort qu’on les nomme Irreguliers.</p>
          <p>Il y a de plusieurs sortes d’Irregularitez dans les Ouvrages de l’Art. Celle qui contre les regles est la plus grande ; celle qui est sans regle est la moindre ; &amp; l’une &amp; l’autre est vicieuse, parce que le mépris &amp; ignorance des regles est toûjours blasmable ; mais il y en a une troisiéme, qui bien loin d’estre défectueuse, a de l’agrément, parce qu’elle a naturellement sa proportion &amp; sa justesse, quoy qu’elle paroisse contre l’usage. Telles sont les nouvelles inventions, &amp; les découvertes dans les Arts &amp; dans les Sciences. Telle est cette versification libre, aisée, &amp; naturelle que quelques Critiques qui ne peuvent souffrir ce qui est nouveau, traitent de licencieuse, &amp; d’irreguliere. Ces Gens-là n’ont garde d’approuver l’Architecture de Mansard, la Musique de Lulli, les Mon[t]res de Hautefeuille, &amp; tant d’autres excellentes choses que les Curieux inventent tous les jours. Tout ce qui n’est point de leur temps, les choque &amp; leur déplaist, parce qu’ils n’en connoissent pas le merite &amp; l’utilité, &amp; qu’ils sont hors d’estat de s’en faire instruire ;</p>
          <p><hi rend="italic">Et d’aller à l’Ecole en un âge grison.</hi></p>
          <p>Ainsi ils jugent fort legerement de toutes les choses nouvelles, &amp; les nomment défectueuses, &amp; irregulieres. Je ne suis donc pas surpris que les Vers libres ayent le malheur de leur déplaire, &amp; que les personnes accoûtumées à n’aller au Parnasse qu’en Chaise, ou en Litiere, soient un peu étourdies de s’y voir traîner par un nombreux, &amp; magnifique Equipage.</p>
          <p><hi rend="italic">On veut estre à son aise en Litiere mené,</hi></p>
          <p><hi rend="italic">Et non en bondissant en Carosse mené.</hi></p>
          <p>On n’a pas inventé les Vers libres &amp; irreguliers, &amp; faciliter l’abord du Parnasse à tout le monde. Au contraire, les Maistres de l’Art qui s’en sont servis les premiers pour embellir nostre Poësie, ont pretendu par ce moyen, en interdire l’accez à mille Gens qui y vouloient monter. Il faut en effet, pour réussir, sçavoir tous les tours, &amp; tous les secrets de versification, &amp; avoir une fécondité, &amp; une cadence de Rimes inépuisables ; car enfin, est il plus aisé de faire de quatre ou cinq sortes de vers differens sur une seule rime, ou sur plusieurs, que de n’en faire que d’une mesure égale, de rime plate, &amp; de la mesme couleur ? On n’a jamais avancé sur ce sujet une proposition plus fausse, &amp; plus insoûtenable ; mais, par ce nom de Vers libres ou irreguliers, qu’on leur a donné mal à propos, on l’a adroitement insinuée dans l’esprït de ceux qui n’ont pas la connoissance de la Poësie Françoise, &amp; qui se persuadent que ce n’est que de la Prose rimée. Cependant lors qu’on fait connoistre à une personne qui a quelque talent pour ce bel Art, &amp; qui en veut sçavoir les regles, que ces Vers libres ou irreguliers sont parfaits chacun en son genre, qu’ils ont leurs pieds &amp; leurs mesures qu’ils ne changent jamais, &amp; qu’ils rencontrent toûjours leurs semblables dans la mesme égalité ; enfin, qu’il n’est point permis de faire d’autre sorte de Vers que ceux que les anciennes regles de l’Art ont prescrites, &amp; que tout ce qu’on entend par là n’est qu’une agréable liberté de mesler dans le Poëme, les Vers Heroïques, les Alexandrins, les Vers Odiques, les Saphiques, &amp; les Hemistiches, ou pour parler en termes moins scientifiques &amp; plus intelligibles, les Vers de dix, de douze, de huit, de sept, &amp; de six syllabes ; alors un Jeune Eleve ouvre les yeux &amp; les oreilles, la teste luy tourne, &amp; bien loin de vouloir continuer sa route sur le Parnasse, il veut en descendre au plus viste, ou qu’on luy montre un chemin plus aisé pour y arriver.</p>
          <p>Il faut donc en revenir aux petits vers de huit sillabes qu’il est d’abord capable d’executer ; encore est-il long temps avant que d’observer exactement les Rimes masculines &amp; feminines. De là, il passe aux autres Vers dont il n’acquiert l’usage qu’après plusieurs leçons &amp; une longue experience dans la Poësie.</p>
          <p>Voilà comme on devient Poëte, &amp; il est constant qu’on ne s’avise jamais d’abord de faire des Vers libres, mais seulement dans la suite, lors qu’on est initié dans le mistere, &amp; que l’on connoist toutes les finesse de l’Art ; car à moins que d’estre rompu dans le métier, comment passer insensiblement du grand Vers au petit, &amp; du petit au grand, avec cette varieté de mesures &amp; de rimes qui se trouve dans cette versification qu’on n’a pas introduite pour rimer à l’avanture, &amp; pour entasser Vers sur Vers, comme on le veut faire croire, ce qui est encore une autre erreur aussi grande que la premiere ; car ce n’est point un déreglement d’esprit, &amp; de stile, ny une licence fatale comme l’explique l’Auteur de la Satire ; c’est un arrangement concerté qui par differens Vers comme par differens Tons, forme une excellente harmonie, où sans se laisser tomber on finit le sens &amp; la pensée, &amp; où le Poëte &amp; le Lecteur trouvent un delicieux repos. C’est pour cela que cette Poësie est si propre à la Musique, mais il est fort peu de Poëtes qui en soient capables ; car si on n’a du goust &amp; de l’oreille pour l’harmonie, on ne peut réussie dans les Vers libres. Quinault seul se trouve entre mille. Les autres Poëtes accoûtumez à leurs mesures égales, &amp; à leurs cadences unisones, sont comme ceux qui preferent le Violon &amp; la Flûte, au Lut &amp; au Clavessin, ennemis de tout Concert, &amp; de toute Symphonie, &amp; comme dit Boileau,</p>
          <p><hi rend="italic">Qui toûjours sur un ton semblent psalmodier.</hi></p>
          <p>Dans la Prose mesme, il faut de la varieté. Les periodes quarrées lassent, &amp; endorment l’auditeur quand elles sont trop frequentes. Le secret de l’Orateur est de diversifier son stile par la diversité des nombres qu’il ne peut trouver que dans l’inégalité des periodes. C’est ce que fait le Poëte dans les Vers libres,</p>
          <p><hi rend="italic">Où toûjours variant d’une fertile vere,</hi></p>
          <p><hi rend="italic">Au repos qu’il veut prendre, il arrive sans peine.</hi></p>
          <p>Cette prétenduë irregularité est aussi peu dans le Poëme que dans les Vers ; car pourquoy le Poëme seroit-il irregulier pour être composé de Vers de differentes mesures, &amp; sur quoy a-t-on sondé cette regle absoluë &amp; generale qu’il n’y doit entrer que d’une sorte de Vers ou de deux au plus ? Cependant les petits Poëmes, comme les Madrigaux &amp; les Chansons, reçoivent toutes sortes de Vers ; &amp; cela ne sera pas permis dans un Poëme de plus longue haleine, où la varieté est si necessaire, &amp; l’affectation si ennuyeuse ? L’Auteur de la Satyre dit là-dessus que,</p>
          <p><hi rend="italic">Le Parnasse a toujours gardé le moindre Stile</hi></p>
          <p><hi rend="italic">Pour ce qu’en general on nomme Vaudeville.</hi></p>
          <p>Mais cette raison est frivole, &amp; ne me contente pas ; car la difference du stile ne consiste pas dans le mélange des Vers. Le sublime, le bas, &amp; le mediocre se trouvent dans les Vers libres, comme dans les Vers d’égale mesure ; &amp; pour les Chansons, la veritable raison de cette irregularité, c’est la note &amp; le chant qui y obligent toujours, soit que l’on compose les paroles devant ou aprés la Musique, parce qu’il est certain qu’il n’est presque point d’Air en Vers d’une mesme mesure qui ait un peu d’agrément. Mais enfin, d’où vient que dans les Poëmes il y a des repos ou des Stances, il faut absolument que ces Stances soient d’une même égalité de vers, d’un même nombre, &amp; d’une même étenduë ? Au contraire, il semble qu’un Poëme ainsi coupé, ne doit pas estre si égal &amp; si continu. Il y a plus d’affectation en cela que de regularité, sur tout quand le naturel y doit paroistre tout entier, comme dans les Stances qui servent à exprimer l’amour, qui est une passion si naturelle &amp; si ennemie de toute contrainte ; dont les mouvemens sont si vifs, si promps, si changeans, où tout est si en desordre &amp; si dérangé. Cela choque la vray-semblance ; &amp; si cette maniere n’est pas ridicule, du moins elle ne persuade guere. C’est l’usage, &amp; si cet usage est arbitraire &amp; défectueux, ne sera t-il pas permis de le changer ? C’est ce qu’on a voulu faire dans ce genre de Poësie, qui est libre dans estre irreguliere &amp; licentieuse. [...]</p>
          <p>Les Maistres du Theatre sont donc revenus avec raison à l’ancienne versification, &amp; ont conservé les grands Vers pour les Pieces regulieres, reservant les Vers libres pour les Balets &amp; les Opera ; où à cause de la Musique &amp; du Chant, il quadrent mieux que les autres par la diversité de leurs cadences &amp; de leurs mesures. On s’en sert encore fort à propos dans les Traductions des Comedies Italiennes, ainsi qu’on a fait pour l’Aminte, &amp; le Pastor Fido, qui ont beaucoup plus de grace en Vers libres qu’en grands Vers, parce que les Italiens composent leurs Pieces de Theatre en Vers irreguliers ; &amp; qu’estant remplies de quantité de pensées brillantes &amp; de descriptions fleuries, cette Poesie est plus propre à les exprimer ; mais de tous ceux qui les ont employez pour le Theatre, Mr Quinault en merite le prix, &amp; la gloire. Jamais Poëte n’a mieux manié cette sorte de versification que luy, &amp; Baptiste avoir raison de dire, qu’il estoit le seul qui pût l’accommoder, &amp; qui sçeut aussi bien varier les mesures &amp; les rimes dans la Poësie, qu’il sçavoit varier les tons, &amp; les cadences dans la Musique. [...]</p>
          <p>Je dis la même chose de Corneille pour les grands Vers, quoy qu’il n’ait pas negligé les autres, comme on le peut voir dans son admirable Traduction de l’Imitation de Nôtre-Seigneur. Il a excellé dans la pompe, &amp; dans la majesté que demande cette versification sublime, dans laquelle il servira toûjours de modelle aussi bien que dans les regles, &amp; la composition des Pieces de Theatre Mais, hors de là, &amp; pour descendre dans les petits Ouvrages, &amp; dans les Pieces galantes, je conviens avec l’Auteur de la Satire, que Madame la Comtesse de la Suse a aussi excellé dans les grands Vers, comme il paroist dans ses Elegies, sans avoir méprisé les Vers libres dans ses tendres Chansons &amp; ses ingenieux Madrigaux. Madame des Houlieres doit estre aussi proposée pour exemple dans les Vers libres, quoy qu’elle se soit élevée jusqu’au sublime, &amp; qu’elle ait soûtenu la noblesse &amp; la majesté des grands Vers dans sa Comedie de Genseric, &amp; dans quelques autres Ouvrages. Enfin elles meritent d’estre mises à la teste de tous les Poëtes François de l’un &amp; de l’autre sexe.</p>
          <p>Toutes deux ont eu un merite infiny, une grande beauté, un genie admirable, le caractere inimitable, &amp; original, avec des talens tout differens. Aussi ont elles pris des routes bien differentes pour arriver à la gloire où elles sont parvenuës. La Comtesse de la Suse avoit le cœur tendre &amp; passionné, les manieres affectées, les sentimens vifs &amp; amoureux, beaucoup de feu, &amp; de langueur en mesme temps, le stile un peu précieux &amp; guindé comme on avoit alors ; mais il y avoit des graces &amp; des beautez dans ses Ouvrages qui en chantoient tous ses Lecteurs. On ne peut traiter l’Amour avec plus de force, &amp; de délicatesse qu’elle a fait. Ses expressions sont nobles, élevées, brillantes, &amp; fleuries comme sa naissance, &amp; sa beauté. Enfin, nulle autre avant elle n’avoit si bien joint ensemble l’Amour, Venus, &amp; les Graces. Il est vray qu’on peut dire d’elle avec justice, ce qu’un Poëte Grec a dit d’une aimable &amp; spirituelle personne de son temps, qu’elle estoit elle-mesme. Muse, Grace, &amp; Venus. Mais de toutes les loüanges qu’on luy a données, rien à mon gré, ne luy convient mieux, &amp; n’est plus digne d’elle, que quatre Vers Latins qu’un bel esprit de ses amis fit pour mettre au bas de son Portrait, où elle est representée dans un char qui l’enleve dans le Ciel. Ces Vers sont si beaux que je croy faire plaisir à l’Auteur de les rapporter.</p>
          <quote>
            <lg>
              <l rend="i">Quæ dea sublimi rapitur per inania curru</l>
              <l rend="i">An Juno, an Pallas, num Venus ipsa venit ?</l>
              <l rend="i">Si genus inspicias, Iuno, si scripta, Minerva,</l>
              <l rend="i">Si spectes oculos, mater amoris erit.</l>
            </lg>
          </quote>
          <p>Voicy la traduction que j’en ay faite, où j’ay conservé tout le sens, si je n’en ay pas exprimé toute la beauté.</p>
          <quote>
            <lg>
              <l rend="i"> Quelle est la Déesse suprême</l>
              <l rend="i">Qui dans ce char pompeux s’éleve d’icy bas ?</l>
              <l rend="i"> Est ce Iunon, est-ce Pallas,</l>
              <l rend="i"> N’est-ce point Venus elle-même ?</l>
              <l rend="i">Ses ayeux, ses écrits, ses beaux yeux tour à tour,</l>
              <l rend="i">Font voir Iunon, Pallas, &amp; la Mere d’amour.</l>
            </lg>
          </quote>
          <p>Le caractere de cette illustre Comtesse estant tel que je viens de le representer, elle eut raison de s’attacher aux grands Vers &amp; à la Poësie reguliere. Mais si ses Elegies font encore les delices des jeunes gens amoureux, l’endroit favori du <hi rend="i">Pastor Fido</hi> qu’elle a traduit en Vers libres, ne les charme pas moins, &amp; ils seroient bien empeschez s’il en falloit juger la préference. Quoiqu’il en soit, je reviens à dire qu’elle s’est un peu trop assujettie aux regles austeres de l’Art, &amp; que voulant surpasser les Maistres, elle a trop bien fait des Vers pour une femme de qualité.</p>
          <p>Il n’en est pas de mesme de Madame des Houlieres ; il semble qu’elle ne fait des Vers qu’en se joüant, &amp; pour son divertissement. Quoy qu’elle sçache tous les misteres &amp; tous les secrets de la Poësie, on voit dans ses Ecrits une modestie &amp; une simplicité tres-grande, qui convient bien à une personne de son Sexe. Les choses les plus recherchées y paroissent naturelles &amp; sans affectation. C’est ce qui l’obligea à choisir les Vers libres, comme plus conformes à son genie, &amp; plus propres à cacher son travail &amp; son étude. Elle avoit l’air libre &amp; dégagé, les manieres enjoüées, aisées &amp; naturelles, une grace &amp; une majesté que l’on ne peut exprimer, l’esprit vif, doux &amp; agreable, les pensées ingenieuses &amp; délicates, le stile pur, élegant &amp; poli, les expressions heureuses, &amp; qui peignoient admirablement bien tout ce qu’elle vouloit décrire ; le cœur tendre sans estre passionné, mais à qui l’art d’aimer n’estoit pas inconnu ; sçavante dans les mœurs du siecle, &amp; dans la connoissance du cœur humain, elle nous a donné de doctes leçons de l’amour propre, &amp; de la fausseté des vertus. Mais qui a jamais connu mieux qu’elle la Nature &amp; ses plus secrets mouvemens ? Qui l’a mieux dépeinte ? Les Idiles des Fleurs &amp; des Moutons en sont les Portraits vivans qui dureront éternellement, &amp; dont les couleurs se renouvelleront sans cesse, &amp; auront cet heureux sort qu’elle desiroit dans la condition humaine, &amp; dont elle a esté consolée en mourant, parce qu’elle revit route entiere dans son illustre Fille, qui est une autre elle-mesme.</p>
          <quote>
            <lg>
              <l rend="i">Telle perte n’est pas toujours irreparable,</l>
              <l rend="i">Puis que du mesme sang, &amp; des mesmes esprits,</l>
              <l rend="i">La Nature a formé cette Fille admirable,</l>
              <l rend="i">Qui de l’Academie a remporté le Prix,</l>
              <l rend="i">Et qu’à sa Mere seule on trouve comparable.</l>
              <l rend="i"> Mais rien n’approche des honneurs</l>
              <l rend="i">Dont le Parnasse en deüil celebre sa memoire,</l>
              <l rend="i">Il place son Image au Temple de la Gloire,</l>
              <l rend="i"> Et sa Fille au rang des neuf Sœurs.</l>
            </lg>
          </quote>
          <p>En effet, cette digne Fille marche si bien sur les pas de son habile &amp; sçavante Mere, qu’elle a monté au Parnasse, dans un âge où à peine on peut trouver ce lieu-là sur la Carte. Ce fut lors qu’elle eut le Prix à l’Academie Françoise ; ce qui donna de la jalousie à son Sexe, &amp; de l’admiration au nostre. Que doit-on attendre d’elle à present, qu’elle est consommée dans la Poësie, &amp; animée d’un double esprit ? Il n’est point de genre de Vers où elle ne réussisse, &amp; dont elle ne remporte le Prix ; mais on doit présumer que par genie &amp; par inclination, autant que par estime &amp; par reconnoissance ; elle cultivera les Vers libres, &amp; prenant leur défense, elle les mettra au dessus de la censure des Critiques. Elle y a un double interest, &amp; tout le Parnasse jette les yeux sur elle pour cela. Comme elle en est seule capable, je luy en cede aussi toute la gloire.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-02_290" resp="wordpro">
          <head>[Sonnets sur des bouts rimez]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, février 1695 [tome 2], p. 290-305.</bibl>
          <p>Il y a plus d’un an que les rimes sur lesquelles je vous envoye divers Sonnets, ayant esté proposées par l’une des Academies de Toulouse, pour estre remplies à la gloire du Roy, on en vit paroistre un grand nombre, &amp; le prix destiné pour celuy qui feroit le plus beau Sonnet, ayant esté distribué, ces rimes furent remplies sur quantité d’autres sujets. On a ensuite esté un temps sans en parler ; aprés quoy la mode est venuë de les remplir à la gloire d’une illustre Princesse, dont le merite répond à la naissance &amp; à la beauté. C’est Madame la Princesse de Conty. Voicy quelques-uns de ces Sonnets. Le premier que vous allez lire, a couru sous le nom d’un grand Prince, dont la Maison est feconde en Heros.</p>
          <quote>
            <label>POUR MADAME<lb />la Princesse de Conty.<lb />SONNET.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">J’adore tout en vous l’air, le port &amp; le</hi> Buste,</l>
              <l><hi rend="i">Pour vous je brûlerois au milieu des</hi> glaçons,</l>
              <l><hi rend="i">Et si de vos beautez je faisois des</hi> moissons,</l>
              <l><hi rend="i">I’égalerois la nuit du Heros si</hi> robuste.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">L’Amour vous a fait naistre avec un air</hi> auguste</l>
              <l><hi rend="i">Vous estes son ouvrage, écoutez ses</hi> leçons,</l>
              <l><hi rend="i">Ne les regardez pas comme vaines</hi> chansons,</l>
              <l><hi rend="i">Rendez-luy vostre cœur, c’est un tribut bien</hi> juste.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Vous avez de Venus la noblesse &amp; l’</hi> orgueïl,</l>
              <l><hi rend="i">Pour un Dieu cependant elle eut un doux</hi> accueïl,</l>
              <l><hi rend="i">Et pour lors la fierté fut une foible</hi> digue.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Heureux si comme luy pris dans mille</hi> ressors</l>
              <l><hi rend="i">De vos faveurs pour moy vous deveniez</hi> prodigue,</l>
              <l><hi rend="i">Ie serois immortel par d’éternels</hi> transports.</l>
            </lg>
          </quote>
          <p>Ce Sonnet a receu de grands applaudissemens. En voicy un autre, d’un homme dont les Ouvrages se sont fait admirer depuis une année, &amp; ont receu des loüanges du plus grand Roy de la Terre.</p>
          <quote>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Lors qu’Amour sur son Trône éleva vôtre</hi> Buste,</l>
              <l><hi rend="i">La crainte à Cytherée inspira ses</hi> glaçons ;</l>
              <l><hi rend="i">Phébus quitta le soin de jaunir les</hi> moissons</l>
              <l><hi rend="i">Alcide à la quenoüille offrit sa main</hi> robuste ;</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Iupiter applaudit par un souris</hi> auguste,</l>
              <l><hi rend="i">Mars de la servitude écouta les</hi> leçons,</l>
              <l><hi rend="i">La Troupe des neuf Sœurs épuisa ses</hi> chansons,</l>
              <l><hi rend="i">Minerve à leurs concerts joignit une voix</hi> juste.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Quelle éclatante gloire ! ah ! quand un fier</hi> orgueil</l>
              <l><hi rend="i">Revolteroit vostre ame à ce celeste</hi> accueil,</l>
              <l><hi rend="i">Luy pourroit-on, Princesse, opposer quelque</hi> digue ?</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Mais, tandis que les Dieux meuvent tous leurs</hi> ressorts,</l>
              <l><hi rend="i">Qui peut mourir pour vous est encor plus</hi> prodigue</l>
              <l><hi rend="i">Et sçait des Immortels surpasser les</hi> transports.</l>
            </lg>
          </quote>
          <quote>
            <label>ENVOY.</label>
            <lg>
              <l rend="i"> De leur encens, de leurs Autels</l>
              <l rend="i">Les Dieux à vos beautez font un brillant hommage,</l>
              <l rend="i">Mais ne dédaignez pas le respect des Mortels,</l>
              <l rend="i"> Il a son prix &amp; son langage.</l>
            </lg>
          </quote>
          <p>Le Sonnet qui suit n’a pas manqué d’Approbateurs. Il est d’un homme attaché à Madame la Princesse de Conty, &amp; dont l’esprit a devancé les années.</p>
          <quote>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Chaque cœur est un Temple où l’on vous dresse un</hi> Buste,</l>
              <l><hi rend="i">De la Zone Torride à celle des</hi> glaçons,</l>
              <l><hi rend="i">De Mirthes amoureux vous faites des</hi> Moissons,</l>
              <l><hi rend="i">Et rangez sous vos Loix le foible &amp; le</hi> robuste.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Tout cede, tout se rend à vôtre esprit</hi> auguste</l>
              <l><hi rend="i">La raison fait aux cœurs d’inutiles</hi> leçons</l>
              <l><hi rend="i">Ses avis importans passent pour des</hi> Chansons,</l>
              <l><hi rend="i">Chacun connoist sa faute &amp; chacun la croit</hi> juste.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">L’un admire ce port rempli d’un doux</hi> orgueil,</l>
              <l><hi rend="i">L’autre ces yeux brillans &amp; ce charmant</hi> accueil ;</l>
              <l><hi rend="i">Mais toûjours le respect leur oppose une</hi> digue.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Et ce Dieu qui du monde agite les</hi> ressorts,</l>
              <l><hi rend="i">Et qui de ses faveurs fut pour vous si</hi> prodigue,</l>
              <l><hi rend="i">N’oseroit qu’en tremblant exprimer ses</hi> transports.</l>
            </lg>
          </quote>
          <p>Cette Princesse a aussi receu des Sonnets remplis de morale, qui luy ont fait plaisir. En voicy un d’un Abbé qui ne dément point son caractere.</p>
          <quote>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Pourquoi tant celebrer un si fragile</hi> buste ?</l>
              <l><hi rend="i">Ces beaux feux quelque jour ne seront que</hi> glaçons,</l>
              <l><hi rend="i">La Parque en doit grossir ses funestes</hi> moissons,</l>
              <l><hi rend="i">C’est le destin affreux du foible &amp; du</hi> robuste.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l> <hi rend="i">Elle n’épargne point le front le plus</hi> auguste,</l>
              <l><hi rend="i">Princesse, pensez-y, profitez des</hi> leçons,</l>
              <l><hi rend="i">Qu’un monde corrompu fait passer pour</hi> chansons,</l>
              <l><hi rend="i">Rien n’est grand devant Dieu que l’humble &amp; que le</hi> juste.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Craignez vôtre beauté, c’est un sujet d’</hi> orgueil,</l>
              <l><hi rend="i">Elle trouve par tout un dangereux</hi> accueil,</l>
              <l><hi rend="i">A ces encens flateurs opposez une</hi> digue,</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l> <hi rend="i">Employez des vertus les innocens</hi> ressorts,</l>
              <l><hi rend="i">Tant de riches thresors que le Ciel vous</hi> prodigue,</l>
              <l><hi rend="i">Doivent fixer vers Luy vos plus ardens</hi> transports.</l>
            </lg>
          </quote>
          <p>Ce dernier a esté fait par un Prince étranger, dont vous verrez le Portrait dans les Vers que vous trouverez ensuite.</p>
          <quote>
            <lg>
              <l><hi rend="i">C’est trop chercher de Fleurs pour couronner un</hi> buste,</l>
              <l><hi rend="i">Laissons aux Elemens les feux &amp; les</hi> glaçons,</l>
              <l><hi rend="i">A l’Automne, au Printemps, les fleurs &amp; les</hi> moissons,</l>
              <l><hi rend="i">Separons une fois le foible &amp; le</hi> robuste.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Le faste seduisant de la naissance</hi> auguste,</l>
              <l><hi rend="i">Ebloüit la raison, écoutons ses</hi> leçons,</l>
              <l><hi rend="i">Reformons par nos mœurs le monde &amp; ses</hi> chansons,</l>
              <l><hi rend="i">Craignons le Tribunal où tremble le plue</hi> juste.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Pour ne point se tromper à l’éclat de</hi> l’orgueil,</l>
              <l><hi rend="i">Quand la vertu dans l’ame a trouvé de</hi> l’accueil,</l>
              <l><hi rend="i">C’est l’horreur du peche qu’on oppose pour</hi> digue,</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Dieu de sa Providence a caché les</hi> ressorts,</l>
              <l><hi rend="i">Et lors que de son sang il est toûjours</hi> prodigue,</l>
              <l><hi rend="i">Il ne veut du pecheur que d’amoureux</hi> transports.</l>
            </lg>
          </quote>
          <p>Voicy les Vers dont je viens de vous parler, où est peint l’Auteur de ce Sonnet.</p>
          <quote>
            <lg>
              <l rend="i">Depuis long-temps je cherche un homme,</l>
              <l rend="i">Je vais en plein midy la lanterne à la main,</l>
              <l rend="i">Ie cherche dans Paris, &amp; j’ay cherché dans Rome,</l>
              <l rend="i">I’estois un Diogene &amp; je cherchois en vain,</l>
              <l rend="i">Le Ciel reçoit mes vœux &amp; répond à ma peine,</l>
              <l rend="i"> Mon espoir n’est plus incertain.</l>
              <l rend="i">Le Tage fait couler ses tresors dans la Seine.</l>
              <l rend="i">Ma recherche est heureuse &amp; n’a point esté vaine,</l>
              <l rend="i">Ie trouve dans un homme au degré souverain</l>
              <l rend="i"> Les delices du genre humain.</l>
              <l rend="i">C’est Louis, mais est-il au simple rang des hommes ?</l>
              <l rend="i">Il a par sa vertu merité des Autels,</l>
              <l rend="i"> Tout Diogene que nous sommes,</l>
              <l rend="i">Nous l’avons déja mis au rang des immortels.</l>
              <l rend="i">Mais toi, cheri des Cieux, Prince, dont la naissance</l>
              <l rend="i">Soustient tout son éclat au milieu de la France ;</l>
              <l> <hi rend="i">Digne Ministre d’un grand Roy,</hi></l>
              <l rend="i"> Tu fais admirer l’homme en toy.</l>
              <l rend="i"> Que de vertus, que de lumieres !</l>
              <l rend="i"> Que de sublimes qualitez.</l>
              <l rend="i">Grand dans tes sentimens, noble dans tes manieres,</l>
              <l rend="i">Modeste en tes honneurs, sage en tes dignitez,</l>
              <l><hi rend="i">Exact dans tes desseins, éclairé dans tes veuës,</hi></l>
              <l rend="i">Vigilant dans tes soins, attentif dans tes choix,</l>
              <l rend="i">L’esprit toûjours soûmis aux veritez connuës,</l>
              <l rend="i">Et l’ame des vertus suivant toûjours les loix,</l>
              <l rend="i">Plus qu’instruit dans chaque science,</l>
              <l rend="i">Curieux dans tous les beaux arts,</l>
              <l rend="i">Du premier pas hors de l’enfance,</l>
              <l rend="i">Fameux dans le métier de Mars.</l>
              <l rend="i">Toûjours éloquent sans prélude,</l>
              <l rend="i">Parlant de tout &amp; parlant bien ;</l>
              <l rend="i">Sçachant la science &amp; l’étude,</l>
              <l rend="i">Possedant des tresors &amp; n’abusant de rien.</l>
              <l rend="i">Fort politique &amp; plus sincere,</l>
              <l rend="i">Grand courtisan &amp; point flateur,</l>
              <l rend="i">Charmant les cœurs sans soin de plaire,</l>
              <l rend="i">Tel est le Prince Ambassadeur.</l>
              <l rend="i">Vn tel homme arreste sans peine</l>
              <l rend="i">Et la Lanterne &amp; Diogene.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
      </div>
      <div type="tome" xml:id="MG-1695-03">
        <head><hi rend="i">Mercure Galant</hi>, mars 1695 [tome 3]</head>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-03_012" resp="wordpro">
          <head>[Nouveau Prix sur de nouveaux Bouts-rimez, proposez par Mrs de la Compagnie des Lanternistes de Toulouse]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mars 1695 [tome 3], p. 12-20.</bibl>
          <p>Je vous ay fait part d’un grand nombre de Sonnets sur les Bouts-rimez de <hi rend="i">Buste, glaçons, moissons, robuste</hi>, &amp;c. proposez l’année derniere par la celebre Compagnie des Lanternistes de Toulouse. Cette même Compagnie en propose de nouveaux pour l’année presente, &amp; voicy ce qu’elle a fait publier sur ce sujet.</p>
          <quote>
            <p><hi rend="i">On auroit peine à s’imaginer combien les Bouts-rimez des Lanternistes ont fait fortune dans la Republique des Lettres. Le grand nombre de bons Sonnets que nous avons reçûs de presque tous les endroits du Royaume en est une preuve convaincante. C’est un divertissement loüable, un amusement honneste, où les plus beaux Esprits s’appliquent avec plaisir ; &amp; ce qu’il y a de remarquable, c’est que ceux-là mesme qui ont voulu décrier les Bouts-rimez, ne laissent pas quelquefois d’en faire leur occupation la plus sérieuse.</hi></p>
            <p><hi rend="i">On a beau dire que ce genre de Poësie a quelque chose de gesnant ; on voit du moins qu’il n’y a rien qui fournisse de plus belles pensées à l’Esprit, que peut-estre il n’auroit pas trouvées, sans le secours de ces Rimes, quelque détournées qu’elles paroissent.</hi></p>
            <p><hi rend="i">D’ailleurs, on peut juger du merite des Bouts-rimez par le succés qu’ils ont eu dans les divers temps qu’on les a vûs paroistre. Ils ont agreablement inondé la Cour &amp; la Province, &amp; l’accueïl favorable qu’on leur a toûjours fait, nous marque qu’ils ont des agrémens dont on ne sçauroit se passer.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Quand nous n’aurions d’autre obligation aux Bouts-Rimez que celle de nous avoir procuré une Critique ingenieuse &amp; délicate, dont le but n’estoit que de briller, &amp; qui a donné lieu à une réponse pleine d’observations solides, cela suffiroit pour nous engager à cultiver ces sortes de Vers, &amp; à continuer un exercice qui n’est pas moins utile qu’agreable.</hi></p>
            <p><hi rend="i">C’est dans cette vûë, &amp; pour satisfaire à l’empressement du Public, que nous allons proposer de nouveaux Bouts-Rimez, pour estre remplis à la loüange du Roy. Ce sera le jour de Saint Jean Baptiste que l’on donnera le Prix. Ceux qui y prétendront auront soin d’accompagner leurs Sonnets d’une Priere pour le Roy en quatre Vers, &amp; d’une Sentence en Latin, &amp; de mettre leur seing &amp; le lieu d’où ils sont dans une Lettre separée, qu’on n’ouvrira qu’aprés l’adjudication du Prix, ainsi qu’on a accoutumé de faire.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Les Auteurs doivent estre persuadez de l’exactitude qui s’observe sur l’examen des Ouvrages qu’on nous envoye. Les Lanternistes n’ont des égards que pour le merite, &amp; les plus puissantes sollicitations ne sont pas capables de leur faire violer la loy qu’ils se sont faite de rendre justice.</hi></p>
            <p><hi rend="i">L’Illustre Academie des Jeux Floraux qui vient d’estre autorisée par des Patentes, ne desaprouvera pas sans doute la continuation de nos exercices. Ce n’est pas nostre intention de rien entreprendre sur ce qui regarde cette ancienne &amp; celebre Compagnie. Elle a pris pour son partage, les Odes, les Elegies, les Eglogues, &amp; les Poëmes ; &amp; nous nous retranchons toujours à nos Bouts Rimez. On auroit tort de les abandonner. LOUIS LE GRAND est si digne de loüanges, qu’il merite d’estre loüé en tout genre de Poësie. Les Bouts-Rimez ont si souvent &amp; si heureusement servi à son Eloge, qu’on ne doit pas leur envier l’honneur d’estre consacrez à cet usage, &amp; il ne sçauroit y avoir assez de Societez differentes à publier la gloire de nostre invincible Monarque.</hi></p>
            <quote>
              <label>BOUTS-RIMEZ<lb />Pour l’année 1695.</label>
              <l>Guide.</l>
              <l>Parts.</l>
              <l>Rampars.</l>
              <l>Décide.</l>
              <l>Rapide.</l>
              <l>Cesars.</l>
              <l>Hazars,</l>
              <l>Intrepide.</l>
              <l>Emplois.</l>
              <l>Loix.</l>
              <l>Tempestes.</l>
              <l>Divers.</l>
              <l>Conquestes.</l>
              <l>Univers.</l>
            </quote>
            <p><hi rend="i">On fera l’adresse à Toulouse, chez M<hi rend="sup">r</hi> Seré, ruë des Chapeliers, à la Place de Roüais. Il aura soin de retirer les Paquets, pourvû qu’ils soient francs de port.</hi></p>
          </quote>
          <p>Les premiers Bouts-rimez qu’a proposez cette Academie, ayant fait travailler une infinité de personnes sur toutes sortes de sujets, il y a lieu de croire que ceux-cy feront encore faire la mesme chose. Sur tout il ne sera pas difficile de les remplir pour un Roy qui merite tous les jours de nouveaux Eloges. Ceux qui voudront travailler, doivent prendre garde à ne point changer les rimes, comme on fit l’année derniere. Il y eut plusieurs Sonnets qui auroient peut-estre disputé le Prix s’ils n’eussent pas finy par <hi rend="i">Accords</hi> au lieu de <hi rend="i">Transports.</hi></p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-03_049" resp="wordpro">
          <head>[Le Colonel, Conte]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mars 1695 [tome 3], p. 49-52.</bibl>
          <p>Je ne vous diray rien à l’avantage des Vers que vous allez lire, sinon qu’ils sont de M<hi rend="sup">r</hi> de Vin.</p>
          <quote>
            <label>LE COLONEL.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Un Colonel sage &amp; vaillant</hi></l>
              <l rend="i"> Avoit une Femme assez belle,</l>
              <l rend="i">Et par malheur pour luy, coquette &amp; peu fidelle.</l>
              <l rend="i"> Aux douceurs d’un certain Galant</l>
              <l rend="i">Elle prestoit sans cesse une oreille docile,</l>
              <l rend="i">Et fier de son bonheur, quand sa joye éclatoit,</l>
              <l rend="i"> Ce Galant par tout se vantoit</l>
              <l rend="i"> D’une conqueste si facile.</l>
              <l rend="i">Cet Epoux offensé trouvoit dans sa valeur</l>
              <l rend="i"> Assez de quoy le faire taire ;</l>
              <l rend="i">Mais comme il connoissoit le veritable honneur,</l>
              <l rend="i"> Quelques sots contes qu’on pust faire,</l>
              <l rend="i"> Il feignoit de n’en rien sçavoir,</l>
              <l rend="i"> Et toujours froid à l’ordinaire</l>
              <l rend="i"> Sans se troubler, sans s’émouvoir,</l>
              <l rend="i">Voyoit des deux Amans la liaison galante</l>
              <l rend="i"> Comme une chose indifferente.</l>
              <l rend="i"> Sa noble insensibilité</l>
              <l rend="i">Parut à certain Brave un trait lâcheté ;</l>
              <l rend="i">Et voulant d’un affront qu’il croyoit d’importance</l>
              <l> <hi rend="i">L’exciter à tirer vangeance,</hi></l>
              <l rend="i"> Cet Ami chaud, mais furibond,</l>
              <l rend="i">Luy propose un duel, &amp; s’offre pour second.</l>
              <l rend="i">Ah ! dit le froid Epoux, non, je vous remercie,</l>
              <l rend="i"> Vostre amitié va trop loin ; croyez moy,</l>
              <l rend="i"> Faisons tous deux de nostre vie,</l>
              <l rend="i"> Que nous devons à nostre Roy,</l>
              <l rend="i"> Vn meilleur &amp; plus sage employ,</l>
              <l rend="i">La risquer sans son ordre est &amp; crime &amp; folie ;</l>
              <l rend="i">Luy seul a droit sur elle, &amp; sans en jeunes sots</l>
              <l rend="i"> La prodiguer mal à propos,</l>
              <l rend="i"> Conservons-la pour la Patrie.</l>
              <l><hi rend="i">Ce petit étourdi ne vaut pas mon couroux.</hi></l>
              <l rend="i"> Encor presque sous la ferule,</l>
              <l rend="i">Il auroit sur le pré trop de gloire avec nous,</l>
              <l rend="i"> Et si pour luy ma Femme brûle</l>
              <l rend="i"> Tant pis pour elle. Mon honneur</l>
              <l rend="i">Dépend-il aprés tout de son peu de pudeur ?</l>
              <l rend="i"> Non, ses tours de coquetterie</l>
              <l><hi rend="i">Ne peuvent me donner vos sentimens boüillans ;</hi></l>
              <l rend="i">Carde me battre enfin contre tous ses Galans,</l>
              <l rend="i"> Trop forte seroit la partie,</l>
              <l rend="i">Es bien-tost sur ! es bras j’aurois assurément</l>
              <l rend="i"> La moitié de mon Regiment.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1695-03_068" resp="mercure">
        <head>[Le retour des Plaisirs, Ballet dansé à S. Malo]</head>
        <bibl><title>Mercure Galant</title>, mars 1695 [tome 3], p. 68-90.</bibl>
        <p/>
        <p>Les divertissemens ont esté grands ce dernier Carnaval à Saint Malo. Les Habitans se sont souvenus avec plaisir du peu d’effet qu’avoit eu le Bombardement tenté il y a quelques mois par les Ennemis ; ce qui est cause qu’on y a dansé un Balet entremêlé de paroles, dont la Musique a esté faite par Mr le Batteux, Maistre de Musique de la Cathedrale de la mesme Ville. Je vous en envoye les paroles.</p>
        <p/>
        <p>LE RETOUR</p>
        <p>DES PLAISIRS.</p>
        <p>BALLET.</p>
        <p>Premiere Entrée.</p>
        <p>La France, les Plaisirs, Choeur</p>
        <p>de François.</p>
        <p/>
        <p>LA FRANCE.</p>
        <p>Le calme répond à nos voeux.</p>
        <p>Venez, Plaisirs, venez, Ris, venez, Ieux,</p>
        <p>Achever de nous rendre heureux.</p>
        <p/>
        <p>Choeur de François.</p>
        <p>Le calme, &amp;c.</p>
        <p/>
        <p>LA FRANCE.</p>
        <p>Assez longtemps une cruelle absence</p>
        <p>Nous a privez des momens precieux,</p>
        <p>Qu’autrefois dans ces mesmes lieux</p>
        <p>Nous procuroit vostre aimable presence.</p>
        <p>Il est temps, doux Plaisirs, de paroistre à nos yeux.</p>
        <p>Contentez nostre impatience</p>
        <p>Dans ce sejour delicieux,</p>
        <p>Tout vous invite à rompre le silence.</p>
        <p>Le calme répond, &amp;c.</p>
        <p/>
        <p>Choeur de François.</p>
        <p>Le calme, &amp;c.</p>
        <p/>
        <p>LES PLAISIRS.</p>
        <p>Evitons, évitons le bruit affreux des armes.</p>
        <p/>
        <p>LA FRANCE.</p>
        <p>Revenez, Plaisirs, revenez.</p>
        <p/>
        <p>LES PLAISIRS ;</p>
        <p>Evitons, évitons le bruit affreux des armes.</p>
        <p>On n’entend plus icy qu’alarmes,</p>
        <p>Quittons des lieux qui leur sont destinez.</p>
        <p>Evitons, évitons le bruit affreux des armes.</p>
        <p/>
        <p>LA FRANCE.</p>
        <p>Revenez, Plaisirs, revenez.</p>
        <p>Où desormais trouverez-vous des charmes,</p>
        <p>Si ces lieux sont pour vous des lieux infortunez ?</p>
        <p>Revenez, Plaisirs, revenez.</p>
        <p/>
        <p>LES PLAISIRS.</p>
        <p>Evitons, évitons le bruit affreux des armes.</p>
        <p/>
        <p>LA FRANCE.</p>
        <p>Revenez, Plaisirs, revenez.</p>
        <p/>
        <p>LES PLAISIRS.</p>
        <p>C’est la France qui nous appelle,</p>
        <p>Courons, volons, rangeons-nous auprés d’elle,</p>
        <p>Et que les Ieux &amp; les Ris desormais</p>
        <p>Ne songent plus qu’à remplir ses souhaits.</p>
        <p/>
        <p>LA FRANCE.</p>
        <p>Plaisirs volages,</p>
        <p>Où fuyez vous ?</p>
        <p>Revenez tous</p>
        <p>Sur ces rivages.</p>
        <p>Vous n’avez plus à craindre aucuns orages :</p>
        <p>Ioüissez d’un repos si doux.</p>
        <p>Ces charmans lieux sont faits pour vous ;</p>
        <p>Exercez y vos petits badinages.</p>
        <p>Où fuyez-vous,</p>
        <p>Plaisirs volages ?</p>
        <p>Plaisirs volages,</p>
        <p>Revenez tous.</p>
        <p/>
        <p>LES PLAISIRS.</p>
        <p>Nous vous suivons, Déesse aimable,</p>
        <p>Où voulez-vous que nous portions nos pas ?</p>
        <p>Sont-ce icy les heureux climats,</p>
        <p>Où nous devons gouster ce repos agreable ?</p>
        <p/>
        <p>LA FRANCE.</p>
        <p>Ouy, vous pouvez en seureté</p>
        <p>Iouir dans ces beaux lieux de la douceur charmante</p>
        <p>Qu’un heureux sort vous y presente :</p>
        <p>Tout y parle de liberté.</p>
        <p>Loin d’y trouver des sujets d’épouvante,</p>
        <p>Vous y serez surpris de leur tranquillité.</p>
        <p/>
        <p>LES PLAISIRS.</p>
        <p>Aprés de cruels orages,</p>
        <p>Quand le calme est de retour ;</p>
        <p>Qu’un pur &amp; tranquille jour</p>
        <p>A de charmans avantages !</p>
        <p/>
        <p>LA FRANCE.</p>
        <p>Que le repos a d’attraits.</p>
        <p>Lors qu’au bruit affreux des armes,</p>
        <p>On voit succeder la Paix !</p>
        <p/>
        <p>Choeur de François.</p>
        <p>Que le repos a d’attrait,</p>
        <p>Lors qu’à de vives alarmes</p>
        <p>On voit succeder la Paix !</p>
        <p/>
        <p>LES PLAISIRS.</p>
        <p>Apprenez-nous quels Dieux à nos malheurs sensibles,</p>
        <p>Nous donnent des jours si paisibles,</p>
        <p/>
        <p>LA FRANCE.</p>
        <p>Le Dieu des eaux touché de nostre déplaisir,</p>
        <p>Nous a procuré ce loisir.</p>
        <p/>
        <p>Choeur de François.</p>
        <p>Le Dieu des eaux, &amp;c.</p>
        <p/>
        <p>LES PLAISIRS.</p>
        <p>Qu’on n’entende donc plus de plaintes</p>
        <p>Puis que ce Dieu puissant s’interesse pour nous.</p>
        <p>Commençons aprés tant de craintes,</p>
        <p>A jouir d’un destin plus doux.</p>
        <p/>
        <p>LA FRANCE.</p>
        <p>Accourez, que chacun se presse</p>
        <p>De satisfaire à nos desirs.</p>
        <p>Que tous vos pas inspirent l’allegresse :</p>
        <p>Qu’on n’entende que chants aprés tant de soupirs.</p>
        <p/>
        <p>CHOEUR.</p>
        <p>Accourons, que chacun se presse,</p>
        <p>De satisfaire à vos desirs ;</p>
        <p>Que tous nos pas inspirent l’allegresse,</p>
        <p>Qu’on n’entende que chants aprés tant de soupirs.</p>
        <p/>
        <p>SECONDE ENTREE.</p>
        <p>Neptune, premier Maloüin, second</p>
        <p>Maloüin, Choeur de Maloüins.</p>
        <p/>
        <p>NEPTUNE.</p>
        <p>Partez, allez, volez, soufles impetueux,</p>
        <p>Le Dieu de la Mer vous l’ordonne</p>
        <p>Que rien ne trouble icy les plaisirs &amp; les jeux ;</p>
        <p>Eloignez ce qui les étonne.</p>
        <p>Portez aux Ennemis de ce rivage heureux,</p>
        <p>Tout ce que vous avez d’affreux ;</p>
        <p>Le Dieu de la mer vous l’ordonne.</p>
        <p>Partez, allez, volez, soufles impetueux.</p>
        <p>Vous, Peuples, sur ces bords vivez sans épouvante,</p>
        <p>Neptune a de l’Anglois repoussé la fureur</p>
        <p>Iouissez du bonheur</p>
        <p>Que mon bras vous presente.</p>
        <p/>
        <p>Choeur de Maloüins.</p>
        <p>Desormais sur ces bords vivons sans épouvante,</p>
        <p>Neptune a de l’Anglois repoussé la fureur.</p>
        <p>Iouissons du bonheur</p>
        <p>Que ce Dieu nous presente.</p>
        <p/>
        <p>Premier Malouïn.</p>
        <p>Nous avons vû par luy tomber l’audacieux</p>
        <p>Sous une montagne brûlante.</p>
        <p>C’est par luy que couvert d’un deluge de feux,</p>
        <p>Nous l’avons vû contraint de voir à nos yeux</p>
        <p>Les restes enflammez de sa rage mourante.</p>
        <p/>
        <p>Second Maloüin.</p>
        <p>C’est par luy qu’une paix charmante</p>
        <p>Est de retour dans ces climats heureux,</p>
        <p>Et c’est de sa main bienfaisante</p>
        <p>Que nous tenons un bien qui comble tous nos voeux.</p>
        <p/>
        <p>Choeur de Maloüins.</p>
        <p>Desormais sur ces bords, &amp;c.</p>
        <p/>
        <p>Premier Maloüin.</p>
        <p>Ne songeons qu’à jouir de la tranquillité</p>
        <p>Qu’il assure à ces lieux par son bras invincible.</p>
        <p>On ne peut estre plus sensible</p>
        <p>Qu’il l’est pour nostre seureté.</p>
        <p>Dans ses nobles travaux il passe nostre attente ;</p>
        <p>L’amour qu’il a pour nous de jour en jour s’augmente,</p>
        <p>Et n’a jamais tant éclaté.</p>
        <p/>
        <p>Second Maloüin.</p>
        <p>Neptune favorable !</p>
        <p>Qu’un aussi doux repos soit à jamais durable.</p>
        <p/>
        <p>Premier Maloüin.</p>
        <p>Vous qui de nos malheurs avez finy le cours.</p>
        <p/>
        <p>Second Malouin.</p>
        <p>Vous par qui nous goûtons de si tranquilles jours.</p>
        <p/>
        <p>Toux deux.</p>
        <p>Neptune favorable !</p>
        <p>Protegez-nous toujours</p>
        <p/>
        <p>NEPTUNE,</p>
        <p>Goustez, goustez en assurance</p>
        <p>Les doux momens que vous offre mon bras ;</p>
        <p>Vivez en paix, vivez sans embarras :</p>
        <p>Neptune prend vostre défense.</p>
        <p/>
        <p>Premier Malouin.</p>
        <p>Que rien ne trouble plus des lieux si pleins d’appas.</p>
        <p/>
        <p>Second Malouin.</p>
        <p>Que les plaisirs icy suivent par tout nos pas.</p>
        <p/>
        <p>Tous deux.</p>
        <p>Que par vostre faveur puissante</p>
        <p>Une felicité charmante</p>
        <p>Regne toujours dans ces climats.</p>
        <p/>
        <p>NEPTUNE.</p>
        <p>Goustez, goustez en assurance, &amp;c.</p>
        <p/>
        <p>Choeur de Malouins.</p>
        <p>Vivons en paix, vivons sans embarras,</p>
        <p>Neptune prend notre défense.</p>
        <p>Goûtons, goûtons en assurance</p>
        <p>Les doux momens que nos offre son bras.</p>
        <p>Honorons à jamais un Dieu si magnanime.</p>
        <p>Que nos chants redoublez resonnent dans les airs.</p>
        <p>Qu’un mesme zele nous anime.</p>
        <p>Il est digne de nos concerts.</p>
        <p/>
        <p>Premier Malouin,</p>
        <p>Faisons de ses bienfaits retentir ces rivages.</p>
        <p/>
        <p>Second Malouin.</p>
        <p>Préparons luy des jeux nouveaux :</p>
        <p>Que nos chants les plus beaux</p>
        <p>Luy marquent nos justes hommages,</p>
        <p>Pensons qu’il a puny nos injustes rivaux.</p>
        <p/>
        <p>Choeur.</p>
        <p>Honorons à jamais un Dieu si magnanime,</p>
        <p>Que nos chants redoublez resonnent dans les airs,</p>
        <p>Qu’un mesme zele nous anime,</p>
        <p>Il est digne de nos concerts.</p>
        <p/>
        <p>TROISIEME ENTREE.</p>
        <p>Neptune, la France, les Malouins,</p>
        <p>Choeur de François &amp; de Malouins.</p>
        <p/>
        <p>NEPTUNE.</p>
        <p>Si Neptune vous est propice,</p>
        <p>Ses soins sont trop recompensez.</p>
        <p>Pour prix de mes travaux ce me doit estre assez</p>
        <p>Que Louis le Grand en jouisse.</p>
        <p>Ie fais le plus doux de mes voeux</p>
        <p>De le rendre à jamais heureux.</p>
        <p/>
        <p>La France,</p>
        <p>Au milieu de la paix, au milieu de la guerre,</p>
        <p>Une grande Divinité</p>
        <p>Doit faire sa felicité,</p>
        <p>Du bonheur de toute la terre :</p>
        <p>Mais celuy d’un Heros favorisé des Cieux,</p>
        <p>Fait le plus doux plaisir des Dieux.</p>
        <p/>
        <p>Neptune.</p>
        <p>A servir ce grand Roy l’on verra ma confiance</p>
        <p>Contre un monde d’audacieux :</p>
        <p>Contre mille &amp; mille envieux.</p>
        <p>Neptune prendra sa défense.</p>
        <p/>
        <p>La France.</p>
        <p>Quand j’ay vû des Anglois la jalouse fureur</p>
        <p>Armer sur l’Empire de l’onde,</p>
        <p>Contre le plus grand Roy du monde,</p>
        <p>Mon coeur, je le confesse, estoit saisi de peur ;</p>
        <p>Mais quand je vois ces Encelades,</p>
        <p>Qui n’en vouloient pas moins qu’aux Cieux,</p>
        <p>Tomber tristement à nos yeux,</p>
        <p>Ecrasez sous leurs escalades ;</p>
        <p>Et de leur malheureux débris</p>
        <p>Elever un trophée à l’Auguste Louis,</p>
        <p>Alors mon coeur rougit de sa tristesse,</p>
        <p>Et me fait chanter mille fois,</p>
        <p>Qu’on ne peut craindre sans foiblesse,</p>
        <p>Pour le plus grand de tous le Rois.</p>
        <p/>
        <p>Neptune.</p>
        <p>Quel sujet aviez-vous de craindre,</p>
        <p>Puis que le Dieu des eaux s’interressoit pour luy ?</p>
        <p>L’Anglois est beaucoup moins à redouter qu’à plaindre,</p>
        <p>Lors qu’il jouit d’un tel appuy.</p>
        <p>De l’un à l’autre bout l’Ocean me revere,</p>
        <p>Tout reconnoist mes loix dans ses gouffres affreux.</p>
        <p>Ie puis enfler les flots, &amp; je sçay quand je veux,</p>
        <p>Calmer aussi-tost leur colere.</p>
        <p>Vous n’avez qu’à parler, suis-je encor necessaire ?</p>
        <p>Quelques Mortels audacieux</p>
        <p>Osent-ils derechef sur mes eaux vous déplaire ?</p>
        <p>Faut-il les combattre à vos yeux ?</p>
        <p>Faut-il encor punir leur rage ?</p>
        <p>Nommez, nommez les envieux,</p>
        <p>Sur qui vous demandez que retombe l’orage.</p>
        <p>Ah ! dans l’éclat de ma fureur</p>
        <p>Jusqu’où n’iroit point ma vangeance !</p>
        <p>Mon bras dessus les mers répandroit la terreur ;</p>
        <p>Et mes flots par leur violence</p>
        <p>Porteroient en tous lieux le desordre &amp; l’horreur.</p>
        <p/>
        <p>La France.</p>
        <p>Quelle assez digne récompense</p>
        <p>Peut jamais égaler des soins aussi parfaits ;</p>
        <p>Et par quelle reconnoissance</p>
        <p>Pouvons-nous payer tes bienfaits ?</p>
        <p/>
        <p>Neptune.</p>
        <p>Je vous l’ay déjà dit, je borne mes souhaits,</p>
        <p>A servir Louis &amp; la France :</p>
        <p>Ce qui fait ma plus grande ardeur,</p>
        <p>C’est de leur procurer un éternel bonheur.</p>
        <p>Pendant que sur ces rivages</p>
        <p>La Mer roulera ses eaux</p>
        <p>Vous aurez mille avantages</p>
        <p>Sur vos injustes rivaux.</p>
        <p/>
        <p>Plaisirs, Choeur de François,</p>
        <p>&amp; de Malouins.</p>
        <p>Heureuse intelligence,</p>
        <p>Que vous avez d’attraits !</p>
        <p>Non, vous ne finirez jamais.</p>
        <p>Le Dieu des eaux avec constance,</p>
        <p>Sçaura garder les sermens qu’il a faits.</p>
        <p>Heureuse intelligence,</p>
        <p>Que vous avez d’attraits !</p>
        <p>Non, vous ne finirez jamais.</p>
        <p/>
        <p>La France.</p>
        <p>Promettez de nouveau,</p>
        <p/>
        <p>Neptune.</p>
        <p>De nouveau je promets,</p>
        <p>Que Louis le Grand, &amp; la France,</p>
        <p>Seront toûjours l’objet de mes bienfaits.</p>
        <p/>
        <p>Choeur.</p>
        <p>Heureuse intelligence,</p>
        <p>Que vous avez d’attraits !</p>
        <p>Non, vous ne finirez jamais.</p>
        <p/>
        <p>Neptune.</p>
        <p>Sacré Fleuve du Styx c’est par vous que je jure.</p>
        <p>Retenez, retenez les sermens que je fais.</p>
        <p>Ie promets par vos eaux, par vostre sourd murmure,</p>
        <p>De proteger Louis &amp; la France à jamais.</p>
        <p>Sacré fleuve du Styx, c’est par vous que je jure,</p>
        <p>Retenez, retenez les sermens que je faits.</p>
        <p/>
        <p>Choeur.</p>
        <p>Heureuse intelligence,</p>
        <p>Que vous avez d’attraits !</p>
        <p>Non, vous ne finirez jamais.</p>
        <p>Le Dieu des eaux avec constance,</p>
        <p>Sçaura garder les sermens qu’il a faits.</p>
        <p>Heureuse intelligence,</p>
        <p>Que vous avez d’attraits !</p>
        <p>Non, vous ne finirez jamais.</p>
      </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-03_188" resp="wordpro">
          <head>[Epistre à Mr le Duc de Vendosme]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mars 1695 [tome 3], p. 188-196.</bibl>
          <p>Je vous envoye une Epistre en Vers, dont le tour est aisé &amp; naturel, &amp; fait voir que l’Auteur sçait le monde. Il est moins difficile de s’élever que d’attraper ce stile d’honneste homme, que tous les gens de bon goust estiment, &amp; qu’ils trouvent dans peu d’Ouvrages.</p>
          <quote>
            <label><hi rend="sc">a M. le Duc</hi><lb />DE VENDOSME,<lb />Sur sa nomination au Generalat<lb />des Galeres.</label>
            <lg>
              <l rend="i">Vendosme, malgré moy, je cède aux deux transports</l>
              <l rend="i">Du Dieu des Vers qui m’anime,</l>
              <l rend="i">Je sens malgré mes efforts</l>
              <l rend="i">Que d’une involontaire rime</l>
              <l rend="i">Ce Dieu va former les accords.</l>
              <l rend="i"> C’estoit assez que la Prose</l>
              <l rend="i"> Modeste, &amp; sans ornement</l>
              <l rend="i">De Toy nous dist quelque chose</l>
              <l rend="i">Pour te loüer dignement.</l>
              <l rend="i">Car, mon Prince, c’est d’un songe</l>
              <l rend="i">Tirer des réalitez,</l>
              <l><hi rend="i">Qu’emprunter les vanitez</hi></l>
              <l rend="i">Du langage du mensonge,</l>
              <l rend="i">Pour dire tes veritez.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Laissons à la Renommée</l>
              <l rend="i">Publier tes actions,</l>
              <l rend="i">Qui paroistroient fictions,</l>
              <l rend="i">Si tu n’avois dans l’Armée,</l>
              <l rend="i">A nostre perte animée,</l>
              <l rend="i">Pour témoins, vingt Nations.</l>
              <l rend="i">C’est cette seule Déesse,</l>
              <l rend="i">Qui par tout suivit tes pas,</l>
              <l rend="i">Qui doit chanter ta sagesse,</l>
              <l rend="i">Ton sang froid dans les combats.</l>
              <l rend="i">Elle seule peut bien dire</l>
              <l rend="i">Jusques où va ton ardeur,</l>
              <l rend="i">Et ce que doit cet Empire</l>
              <l rend="i">A ton bras, à ta valeur.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> C’est elle qui dans les airs,</l>
              <l rend="i">Pour Toy, deployant ses ailes ?</l>
              <l rend="i">Porte tes grandeurs nouvelles</l>
              <l rend="i">Aux deux bouts de l’Vnivers,</l>
              <l rend="i">Qui planant sur la Marsaille</l>
              <l rend="i">Te vit, à cette Bataille,</l>
              <l><hi rend="i">Couvrir de morts les sillons,</hi></l>
              <l rend="i">Où dans un étroit passage</l>
              <l rend="i">S’opposoient à ton courage</l>
              <l rend="i">Les plus épais Bataillons.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Icy c’est plûtost aux hommes,</l>
              <l rend="i">C’est à tous tant que nous sommes</l>
              <l rend="i">Qui ressentons ta bonté,</l>
              <l rend="i">D’aller publiant sans cesse</l>
              <l rend="i">Quel air haut, quelle noblesse,</l>
              <l rend="i">Brille en ta simplicité ;</l>
              <l rend="i">De quel prix inestimable</l>
              <l rend="i">Pour nous est un Prince aimable</l>
              <l rend="i">Qui sçait accorder si bien,</l>
              <l rend="i">Loin de toute fierté vaine,</l>
              <l rend="i">Aux talens d’un Capitaine,</l>
              <l rend="i">Les vertus d’un Citoyen.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Quoy donc, le Dieu qui m’enflame,</l>
              <l rend="i">Et qui, bien ou mal, m’apprit</l>
              <l rend="i">L’art de loüer ta grande ame,</l>
              <l rend="i">Ne dit rien de ton esprit ?</l>
              <l rend="i">Pour te plaire davantage,</l>
              <l rend="i">Apollon l’a fait exprés.</l>
              <l rend="i">Il sçait combien tu te plais,</l>
              <l rend="i">Dans un simple badinage,</l>
              <l rend="i">Quelquefois à l’oublier</l>
              <l rend="i">Et croiroit commettre un crime,</l>
              <l rend="i">Tout grand qu’il est, tout sublime,</l>
              <l rend="i">D’oser l’aller publier.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Mais où suis-je ? quelle yvresse</l>
              <l rend="i">Hors de moy m’a transporté ?</l>
              <l rend="i">I’entens des cris d’allegresse.</l>
              <l rend="i">Quel bruit d’un autre costé</l>
              <l rend="i">Vient de frapper mon oreille ?</l>
              <l rend="i">Ie vois du Port de Marseille,</l>
              <l rend="i">Tout ce pompeux appareil,</l>
              <l rend="i">Et nos Galeres parées</l>
              <l rend="i">Faire briller au Soleil,</l>
              <l rend="i">Leurs magnifiques livrées.</l>
              <l rend="i">I’entens ces Reines des Mers</l>
              <l rend="i">Des cris de mille coupables,</l>
              <l rend="i">Et des voix des miserables,</l>
              <l rend="i">Former de charmans concerts.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Ie le vois, sur sa Galere</l>
              <l rend="i">Ce General est monté.</l>
              <l rend="i">Déja son humanité</l>
              <l rend="i">Dans le sein de la misere,</l>
              <l rend="i">A fait naistre la gayeté,</l>
              <l rend="i">Et déja son ait affable,</l>
              <l rend="i">A dans ce sejour affreux</l>
              <l rend="i">Consolé ces malheureux,</l>
              <l rend="i">Seurs que son cœur pitoyable,</l>
              <l rend="i">De leurs maux se touchera,</l>
              <l rend="i">Et que sensible à leurs peines,</l>
              <l rend="i">Ne pouvant briser leurs chaisnes,</l>
              <l rend="i">Sa main les relaschera.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Fuyez, Galeres d’Espagne,</l>
              <l rend="i">Desormais loin de ces bords.</l>
              <l rend="i">Allez cacher dans vos Ports</l>
              <l rend="i">La peur qui vous accompagne ;</l>
              <l rend="i">Vendosme s’en va sur vous</l>
              <l rend="i">Bientost lancer ce tonnerre</l>
              <l rend="i">Dont tans de fois sur la terre</l>
              <l><hi rend="i">Il a fait sentir les coups,</hi></l>
              <l rend="i">Et je vois déja Neptune,</l>
              <l rend="i">Qui pour plaire à Iupiter</l>
              <l rend="i">S’empresse de luy prester</l>
              <l rend="i">Son Trident &amp; sa Fortune.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Ainsi par la bienveillance,</l>
              <l rend="i">De ce grand Roy des François,</l>
              <l rend="i">Qui déja dessous tes loix</l>
              <l rend="i">Avoit remis sa Provence,</l>
              <l rend="i">Tu vois croistre ta puissance,</l>
              <l rend="i">Et l’un &amp; l’autre élément.</l>
              <l rend="i">Charmé de son esclavage,</l>
              <l rend="i">Se disputer l’avantage</l>
              <l rend="i">D’obéir aveuglément.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> D’une telle confiance,</l>
              <l rend="i">Mon Prince, connoy le prix,</l>
              <l rend="i">C’est l’effet de la prudence,</l>
              <l rend="i">De la bonté de Louis.</l>
              <l rend="i">Ton Roy sçait pour sa Personne</l>
              <l rend="i">Quel est ton attachement,</l>
              <l rend="i">Qu’en luy tu crois la Couronne</l>
              <l rend="i">Son plus leger ornement,</l>
              <l rend="i">Pour l’Etat quel est ton zele,</l>
              <l rend="i">Et d’un Sujet si fidele.</l>
              <l rend="i">Il connoist le dévouëment ;</l>
              <l rend="i">Et c’est cette connoissance</l>
              <l rend="i">Qui seule fait ton bonheur,</l>
              <l rend="i">Et la seule récompense</l>
              <l rend="i">Qui pouvoit flatter ton cœur.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-03_271" resp="wordpro">
          <head>[Mort de Mr l’Abbé Saurin]*</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mars 1695 [tome 3], p. 271.</bibl>
          <p>M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé Saurin, homme tres-considerable dans la Republique des Lettres. Les Ouvrages qu’il a donnez au Public de temps en temps, joints à la traduction en Vers François des Hymnes de M<hi rend="sup">r</hi> de Santeul, luy ont acquis une tres grande réputation. Il estoit d’une illustre &amp; tres noble Famille du Bas Languedoc, qui a donné sous les regnes de Henry le Grand &amp; de Louis le Iuste, plusieurs Gouverneurs des Ville &amp; Chasteau de Lommieres, Place la plus importante du Pays des Sevenes.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-03_286" resp="wordpro">
          <head>[Sur l’Arlequiniana]*</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mars 1695 [tome 3], p. 286-287.</bibl>
          <p>L’année derniere le livre intitulé, <hi rend="i">Arlequiniana</hi>, eut un grand succés. Ceux qui le critiquerent, &amp; ceux qui le trouverent bon, l’acheterent également, &amp; la premiere Edition fut debitée en trois semaines. La seconde est assez avancée, &amp; on ne desespere pas de la troisiéme. Cela marque le merite du Livre. Un ouvrage qui porte un titre specieux peut bien ébloüir d’abord le Public, mais quand il est mauvais dans le fond, il tombe infailliblement <hi rend="i">Arliquiniana</hi> au contraire se soutient bien, &amp; il y a lieu de croire qu’il se soutiendra encore mieux dans les Editions suivantes, si l’on continuë à l’augmenter toujours de plusieurs choses agreables.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-03_287" resp="wordpro">
          <head>[Livre sans nom]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mars 1695 [tome 3], p. 287-288.</bibl>
          <p>On debite presentement un nouveau tome intitulé, <hi rend="i">le Livre sans nom</hi>, à peu prés du mesme stile que <hi rend="i">Arliquiniana</hi>, &amp; il semble avoir encore un plus grand succez, non-seulement à cause de quelques petites histoires qu’il contient, mais aussi parce qu’il est remply d’un grand nombre de Vers, &amp; sur tout de quelques Odes traduites ou imitées d’Horace, qu’on y lit avec plaisir.</p>
        </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1695-03_288" resp="mercure">
        <head>[Comedies nouvelles]</head>
        <bibl><title>Mercure Galant</title>, mars 1695 [tome 3], p. 288-289.</bibl>
        <p/>
        <p>Les deux Pieces nouvelles que les Comediens François ont jouées ce Caresme, ont fait tant de bruit, que je ne m’étonne point que vous en ayez entendu parler. Celle qui est intitulée, Les Dames vangées, ou La Dupe de soy-mesme, ayant esté representée cinq fois avant Judith, elles ont esté jouées alternativement jusqu’à ce qu’on ait quitté le Theatre. Le succés qu’elles ont eu à Paris a fait souhaiter de les voir à la Cour, où elle ont esté representées. On les verra paroistre encore sur la Scene aussi tost aprés la quinzaine de Pasques, &amp; elles seront ensuite debitées chez le sieur Brunet, dans la grande Salle du Palais, à l’Enseigne du Mercure Galant.</p>
      </div>
      <div type="article" xml:id="MG-1695-03_289" resp="mercure">
        <head>[Baptéme d’une Cloche tenuë à S. Paul, par Monsieur &amp; par Madame la Duchesse du Maine]</head>
        <bibl><title>Mercure Galant</title>, mars 1695 [tome 3], p. 289-296.</bibl>
        <p/>
        <p>Le 24 de ce mois, on fit en l’Eglise de Saint Paul, la ceremonie de la benediction d’une Cloche qui fut nommée Louise Benedicte par Monsieur le Duc du Maine &amp; Madame la Duchesse du Maine, qui sont à present les premiers Paroissiens de cette Eglise. (...)</p>
        <p>[L]’on entendit une Musique chantée par les plus habiles de Paris, pendant laquelle leurs Altesses Serenissimes donnerent des marques d’une pieté exemplaire, &amp; firent faire de grandes distributions d’aumônes que l’on appliqua aux prisonniers de S. Eloy, aux pauvres malades &amp; pauvres honteux de la Paroisse, &amp; à une grande multitude d’autres pauvres. On fit aussi par leur ordre de grandes liberalitez à ceux qui avoient contribué à toute cette ceremonie. Leurs Altesses Serenissimes sortirent au son des Orgues &amp; des Cloches, accompagnées de Mr le President le Bailleul, des Maguilliers, &amp; des principaux  Paroissiens de saint Paul, qui furent comblez des bontez  ce Prince &amp; de cette Princesse, qu’ils ne pouvoient se lasser d’admirer. Leur liberalité parut de nouveau lors qu’ils monterent en Carosse, &amp; ils firent encore de grandes largesses à tous ceux qui se presenterent pour les recevoir Quelques jours aprés Mr le President le Bailleul accompagné des Marguilliers, alla à Versailles remercier leurs Altesses Serenissimes.</p>
      </div>
      </div>
      <div type="tome" xml:id="MG-1695-04">
        <head><hi rend="i">Mercure Galant</hi>, avril 1695 [tome 4]</head>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-04_007" resp="wordpro">
          <head>Placet au Roy</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, avril 1695 [tome 4], p. 7-9.</bibl>
          <p>Je ne puis mieux commencer ma Lettre que par l’Eloge du Roy que je vous envoye. On n’a jamais dit tant de choses en si peu de paroles.</p>
          <quote>
            <label>PLACET AU ROY.</label>
            <lg>
              <l rend="i">LOUIS, nous distinguons deux Personnes en toy,</l>
              <l rend="i"> L’une est Louis, l’autre est le Roy.</l>
              <l rend="i"> Le Roy n’est que le Roy de France,</l>
              <l rend="i">Mais qu’est-ce que Louis ? I’assure par avance</l>
              <l rend="i">Qu’icy tout l’Vnivers va répondre avec moy,</l>
              <l rend="i"> C’est un grand homme dès l’enfance,</l>
              <l rend="i"> Plus équitable que la Loy,</l>
              <l rend="i"> Plus illustre que sa naissance,</l>
              <l rend="i"> Plus grand même que sa puissance,</l>
              <l rend="i">Bon, obligeant, vray Pere, &amp; l’appuy de la Foy.</l>
              <l rend="i"> Mais à propos d’obligeant, de vray Pere,</l>
              <l><hi rend="i">Louis voudroit-il bien me presenter au Roy ?</hi></l>
              <l rend="i"> Tous mes Amis n’osent le faire.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-04_009" resp="wordpro">
          <head>[Lettre en Vers]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, avril 1695 [tome 4], p. 9-12.</bibl>
          <p>Ces Vers sont de M<hi rend="sup">r</hi> de Sanlec, dont tous les Ouvrages meritent l’empressement qu’on a de les voir. En voicy d’autres qui font bruit icy. Vous y trouverez beaucoup d’esprit, du bon goust, &amp; de la délicatesse.</p>
          <quote>
            <label>A MADAME D.<lb />Qui avoit prié l’Auteur de luy<lb />faire des Vers.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Cesse, charmante Iris, cesse de souhaiter</hi></l>
              <l rend="i"> Des Vers qu’Apollon me refuse ;</l>
              <l rend="i"> Et n’espere pas que ma Muse</l>
              <l rend="i"> Puisse à present te contenter.</l>
              <l> <hi rend="i">Ie ne suis plus, quoi que tu fasses,</hi></l>
              <l rend="i"> Tel que j’estois dans mes beaux jours,</l>
              <l rend="i"> Quand à la suite des Amours</l>
              <l rend="i">Ie badinois avec les Graces.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> C’est alors que j’aurois chanté</l>
              <l rend="i"> Tous les charmes de ta beauté</l>
              <l rend="i"> Sur un ton si doux &amp; si tendre,</l>
              <l rend="i">Que ton cœur par mes Vers se laissant émouvoir,</l>
              <l rend="i">Auroit presqu’autant pris de plaisir à m’entendre,</l>
              <l rend="i"> Que mes yeux en ont à te voir.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Cet heureux temps n’est plus, excuse ma foiblesse ;</l>
              <l rend="i">Tout ce que je puis faire en l’estat où je suis,</l>
              <l rend="i"> C’est de combattre les ennuis</l>
              <l rend="i"> Que traîne avec soy la vieillesse.</l>
              <l rend="i">Mon esprit plus timide, &amp; mon corps plus pesant,</l>
              <l rend="i"> Me font voir toute ma misere,</l>
              <l rend="i">Ie pleure le passé, je me plains du present,</l>
              <l rend="i"> Et l’avenir me desespere.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Non, non, puisque mes cheveux gris</l>
              <l rend="i"> Ont fait fuir les jeux &amp; les ris,</l>
              <l rend="i"> Il ne faut pas que je t’ennuye.</l>
              <l rend="i"> Quel agrément trouverois-tu</l>
              <l rend="i">A m’entendre parler d’un ton de Ieremie,</l>
              <l rend="i">Qu’il n’est aucun plaisir sur la fin de la vie,</l>
              <l rend="i"> Que celuy d’avoir bien vécu ?</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Cependant c’est ce que je pense,</l>
              <l rend="i"> Ce que chacun pense à son tour,</l>
              <l><hi rend="i">Ce que toy-mesme enfin tu penseras un jour</hi></l>
              <l rend="i">Heureuse si tu peux m’en croire pas avance,</l>
              <l rend="i">Et si dés aujourd’huy faisant quelques efforts,</l>
              <l rend="i"> Vn sentiment si salutaire</l>
              <l rend="i">T’arrache à des plaisirs qui ne dureront guere,</l>
              <l rend="i"> Pour t’épargner mille remords.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-04_013" resp="wordpro">
          <head>[Lettre sur les mots d’Hostilement, Payen, et Chiourme]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, avril 1695 [tome 4], p. 13-23.</bibl>
          <p>La Lettre qui suit est toute remplie d’érudition, &amp; je suis persuadé que vous ne la trouverez pas moins belle, que plusieurs Ouvrages du même Auteur, que je vous ay envoyez depuis quelques années.</p>
          <quote>
            <label>A MONSIEUR…</label>
            <p><hi rend="i">Tandis que je suis dans le train de la Critique, il faut, Monsieur, répondre aux trois articles de vostre Lettre. Vostre premiere question est sur le terme</hi> Hostilement, <hi rend="i">sçavoir si c’est un mot de bon aloy, &amp; qui ait cours dans le stile correct &amp; châtié. A vous dire le vray, je ne le croy pas, &amp; je vais vous en dire la raison. La regle veut que de semblables Adverbes soient formez, non de leurs substantifs, mais de leurs adjectifs. Les exemples sont conformes à la regle</hi>. Subtilement, utilement, facilement, <hi rend="i">&amp;c. sont formez, non de</hi> subtilité, utilité, facilité, <hi rend="i">mais de</hi> subtil, utile, facile, <hi rend="i">&amp;c. Il ne suffit donc pas qu’on dise</hi> hostilité, <hi rend="i">mais jusqu’à ce qu’</hi>hostile, <hi rend="i">qui ne se dit pas encore, ait passé devant, &amp; qu’il ait obtenu le droit de bourgeoisie, il me semble que ce ne sera ny bien parler, ny bien écrire, que de se servir du mot</hi> hostilement. <hi rend="i">Au contraire, ce sera commettre un acte d’hostilité contre la Langue, &amp; violer la regle &amp; ses exemples, pour établir un mot adulterin, sans Pere &amp; sans Freres qui le reconnoissent. Aussi Richelet, qui a herité du bon goust d’Ablancourt, son Maistre tres habile, n’a point inseré</hi> hostilement <hi rend="i">dans son Dictionnaire ; &amp; s’il se trouve autre-part, on peut dire qu’il s’y est fourré sans aucun droit d’y estre ; à peu prés comme ces gens qui entrent furtivement aux Balets du Louvre, sans estre de qualité à y estre admis, &amp; qui courent risque d’estre mis dehors dés qu’ils seront apperceus. Enfin pour me servir d’une figure plus douce</hi>, hostilement <hi rend="i">est un fruit qui n’est pas meur encore, qui doit demeurer sur l’arbre, &amp; n’estre cueilly qu’avec</hi> hostile.</p>
            <p><hi rend="i">La seconde question de vostre Lettre, est sur le mot de</hi> Paien, <hi rend="i">sçavoir s’il faut prononcer</hi> paien, <hi rend="i">en separant l’</hi>a <hi rend="i">d’avec l’</hi>i ; <hi rend="i">ou s’il faut prononcer</hi> pai-en, <hi rend="i">joignant en diphtongue l’</hi>a <hi rend="i">avec l’</hi>i. <hi rend="i">Ciceron en feroit une remarque importante, luy qui dit, qu’il y a une musique dans la prononciation</hi>, est autem in dicendo quidam cantus ; <hi rend="i">tellement que prononcer mal, c’est comme celuy qui fait un faux ton en chantant, ce qui blesse rudement l’oreille. Quand on ne convient pas de l’usage, il faut s’en rapporter a l’oreille, &amp; à l’analogie, ou conformité des mots. Pour l’oreille elle favorise</hi> pai-en, <hi rend="i">car cette prononciation est douce, &amp; l’autre</hi>, pa-ien, <hi rend="i">est rude. L’</hi>a <hi rend="i">est une voyelle d’un son âpre, qui se tempere dans l’union avec l’</hi>i. <hi rend="i">L’analogie semble encore estre pour</hi> pai-en, <hi rend="i">car les mots François qui viennent du Latin, changent ordinairement</hi> a <hi rend="i">en</hi> ai. <hi rend="i">On fait r</hi>ai<hi rend="i">on de</hi> ra<hi rend="i">dius, p</hi>ai<hi rend="i">n de p</hi>a<hi rend="i">nis, m</hi>ai<hi rend="i">n de m</hi>a<hi rend="i">nut. Si donc</hi> paien <hi rend="i">vient de</hi> paganus, <hi rend="i">l’analogie conclut pour</hi> pai-<hi rend="i">en. Il y a une irregularité dans les termes</hi> amour <hi rend="i">&amp;</hi> aimer. <hi rend="i">La conversion de l’</hi>a <hi rend="i">en</hi> ai <hi rend="i">est au verbe, on a fait</hi> ai. <hi rend="i">mer d’</hi>a<hi rend="i">mare, &amp; l’</hi>a <hi rend="i">demeure au nom comme en Latin, on en a fait</hi> a<hi rend="i">mour d’</hi>a<hi rend="i">mor. Comme il y a du caprice &amp; du changement dans cette passion, il ne faut pas s’étonner s’il y en a dans les termes qui servent à l’exprime. Si la prononciation partagée dans le verbe &amp; dans le nom, se pouvoit de même partager entre les personnes, il semble que les Femmes qui ont le gosier étroit &amp; joly, devroient prononcer</hi> pai <hi rend="i">en ; &amp; les hommes qui ont la voix grosse &amp; forte, pourroient dire</hi> pa-<hi rend="i">ien. Enfin il se trouve un autre mot qui est du party de</hi> pa-<hi rend="i">ien. C’est</hi> Aieul, <hi rend="i">qui vient d’</hi>Avus, <hi rend="i">où l’</hi>a <hi rend="i">est separé de l’</hi>i, <hi rend="i">on dit</hi> a-i<hi rend="i">eul, &amp; non pas</hi> ai-<hi rend="i">eul. L’usage qui a fait passer</hi> a-<hi rend="i">ieul contre l’oreille &amp; l’analogie, peut de mesme autoriser</hi> pa-<hi rend="i">ien dans la prononciation, quoy que rude &amp; irreguliere ; ce qui convient au caractere de ces Idolâtres qui sont barbares, &amp; hors de la regle de la Religion. Cette opinion se fortifie du mot même de</hi> paganus, <hi rend="i">car lors qu’il signifie un homme de village, on dit</hi> pai-<hi rend="i">san comme</hi> phai<hi rend="i">san Ainsi pour éviter l’omonymie, quand</hi> paganus <hi rend="i">signifie</hi> paien, <hi rend="i">il faut prononcer</hi> pa-<hi rend="i">ien. Je suis pourtant du sentiment que n’y ayant point d’</hi>h <hi rend="i">entre l’</hi>a <hi rend="i">&amp; l’</hi>i, <hi rend="i">comme en</hi> ca-hier, <hi rend="i">il ne faut pas ouvrir si fort la bouche, ny aspirer l’</hi>a <hi rend="i">autant que dans ce mot.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Enfin il faut satisfaire à vostre troisiéme question sur l’origine du mot de</hi> Chiourme. <hi rend="i">C’est une chose assez singuliere, que la Galere estant un Vaisseau de supplice pour ceux qui en font la manœuvre, les termes qui luy sont propres font aussi la torture des gens de Lettres On s’est tourmenté de sçavoir ce qu’estoient les Triremes des Anciens. Scaliger est d’une opinion, &amp; plusieurs Sçavans sont d’une autre. On ne convient pas mesme du mot de</hi> Galere, <hi rend="i">que les uns dérivent de</hi> galea, <hi rend="i">un casque, les autres d’un poisson nommé</hi> Galiotis, <hi rend="i">&amp; d’autres encore de</hi> galerus, <hi rend="i">un chapeau, ou d’un mot Syriaque. C’est encore pis du mot de</hi> chiourme, <hi rend="i">qui est vostre article. Menage n’en a rien dit dans ses Origines ; &amp; pour le</hi> Ciorme <hi rend="i">de Furetiere, ce n’est que le mot Italien du François. La-syllabe</hi> chi, <hi rend="i">qui est une lettre de l’Alphabet Grec, &amp; qui entre dans plusieurs mots</hi>, Chirographe, Chirurgie, Chiromance, <hi rend="i">me feroit croire qu’il faut chercher dans cette Langue l’étymologie du mot de</hi> Chiourme, <hi rend="i">laquelle pourroit estre</hi>, Cheiros ormè, Manuum impetus, <hi rend="i">un effort extraordinaire des bras ; car le travail de ces miserables Matelots est prodigieux. Ce n’est pas ramer comme les Mariniers qui se ménagent dans leur travail ; c’est un mouvement tres violent jusqu’à se lever de dessus les bancs, pour donner un plus-grand ébranlement à la rame, aussi en ont-ils le nom de</hi> Forçats, <hi rend="i">tirant la rame avec une plus grande force qu’on ne fait autre-part ; &amp; ce qui aide à cette origine Grecque du mot de</hi> Chiourme, <hi rend="i">c’est que Marseille, qui est le Port des Galeres de France, a esté autrefois une Colonie Grecque, &amp; qu’il reste toujours dans un lieu des traces de l’ancienne Langue à laquelle la nouvelle a succedé. Je suis, &amp;c.</hi></p>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-04_108" resp="wordpro">
          <head>Epistre à Mr le Duc de Vandosme</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, avril 1695 [tome 4], p. 108-119.</bibl>
          <p>J’ay remarqué que le stile de Marot a toujours plû dans les Contes. Ainsi je ne doute point que vous ne lisiez ce qui suit avec plaisir.</p>
          <quote>
            <label>EPISTRE<lb />A MONSIEUR LE DUC<lb />DE VANDOSME.</label>
            <lg>
              <l rend="i">A Dame Alix, que point ne connoissez,</l>
              <l>(<hi rend="i">Ainsi du moins, Seigneur, je le soupçonne,</hi></l>
              <l rend="i">D’autant qu’estoit peu chaste sa personne,</l>
              <l rend="i">Et que d’ailleurs cent ans se sont passez</l>
              <l><hi rend="i">Depuis qu’elle est au rang des Tré-passez</hi>)</l>
              <l rend="i">A Dame Alix, dis-je, vint un scrupule,</l>
              <l rend="i">Que quelques gens trouverent ridicule,</l>
              <l rend="i">D’autres aussi le trouverent sensé.</l>
              <l rend="i">Elle craignit que le Ciel offensé,</l>
              <l rend="i">Ne la punist du métier de tendresse,</l>
              <l><hi rend="i">Qu’elle avoit jà plusieurs ans professé ;</hi></l>
              <l><hi rend="i">Ainsi bien qu’alors de mille cœurs maistresse,</hi></l>
              <l rend="i">Et bien qu’elle eust encor tous ses appas,</l>
              <l>(<hi rend="i">Point remarquable, &amp; qu’on ne trouve pas</hi></l>
              <l><hi rend="i">Communement</hi>) <hi rend="i">elle renonce au monde,</hi></l>
              <l rend="i">Vers la retraite elle tourne ses pas,</l>
              <l rend="i">Couvre son sein, coupe sa tresse blonde,</l>
              <l><hi rend="i">Manches d’aller jusqu’au bout de ses doigts,</hi></l>
              <l rend="i">Habit grossier, enfin toute la suite,</l>
              <l rend="i">Tout l’attirail que prend souventefois</l>
              <l><hi rend="i">Femme galante, en changeant de conduite.</hi></l>
              <l rend="i">Dans cet estat Alix passa trois mois,</l>
              <l><hi rend="i">Fuyant le monde, &amp; méprisant sa voix.</hi></l>
              <l rend="i">D’impurs desirs son cœur elle netoye,</l>
              <l rend="i">Et sa vertu chancelante elle étaye</l>
              <l rend="i">Par jeûne austere &amp; macerations.</l>
              <l rend="i">Mais cest pitié que nos complexions,</l>
              <l rend="i">Leur doux panchant malgré nous nous entraîne.</l>
              <l rend="i">A cet écueil, quelque soin que l’on prenne,</l>
              <l rend="i">Vont se briser nos resolutions.</l>
              <l rend="i">Alix avoit choisi pour sa retraite,</l>
              <l rend="i">Vne maison solitaire &amp; secrete,</l>
              <l rend="i">Où les Hiboux n’auroient voulu nicher.</l>
              <l rend="i">Là toutefois amour vint la chercher.</l>
              <l rend="i">Il vous luy va bourdonnant à l’oreille,</l>
              <l rend="i">Certain recit de ses plaisirs passez,</l>
              <l rend="i">Et tant parla qu’en son cœur il réveille</l>
              <l rend="i">Mille desirs non encore effacez.</l>
              <l><hi rend="i">Là Dame Alix moins close &amp; moins couverte,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Se déplaisant dans sa loge déserte,</hi></l>
              <l rend="i">Elle se va promenant dans les bois,</l>
              <l rend="i">Rêve souvent, &amp; d’une voix touchante</l>
              <l rend="i">Chansons d’amour en rêvant elle chante</l>
              <l rend="i">Avec plus d’art mêmement qu’autrefois.</l>
              <l rend="i">Là sur les bords d’une onde gazoüillante,</l>
              <l rend="i">Dont se paroît ce sejour écarté,</l>
              <l rend="i">Alix par fois va mirer sa beauté.</l>
              <l rend="i">Elle s’y plaist, s’y trouve encor brillante,</l>
              <l rend="i">S’y lave bras, jambes, cuisses, puis tout</l>
              <l><hi rend="i">Se va frottant de l’un à l’autre bout,</hi></l>
              <l rend="i">Aime à revoir chez elle toutes choses</l>
              <l rend="i">Au même estat, rondeur &amp; fermeté,</l>
              <l rend="i">Lis répandus où toujours ont esté,</l>
              <l><hi rend="i">Roses où sont d’ordinaire les roses.</hi></l>
              <l rend="i">Or bien voudrois sçavoir si sainte Alix</l>
              <l rend="i">Pût parcourir ces roses &amp; ces lis,</l>
              <l rend="i">De tant d’endroits toucher la beauté nuë,</l>
              <l rend="i">Sans tant soit peu se trouver l’ame émuë</l>
              <l rend="i">Mais laissons là cette reflexion,</l>
              <l rend="i">Et revenons à l’occupation,</l>
              <l rend="i">Aux petits soins de nostre Penitente.</l>
              <l rend="i">Dans le moment que d’elle si contente,</l>
              <l rend="i">Elle se mire &amp; se lave au ruisseau,</l>
              <l rend="i">Passe un Chasseur galant &amp; jouvenceau,</l>
              <l rend="i">Qui par malheur ayant perdu la trace</l>
              <l rend="i">D’un animal qu’avec ardeur il chasse,</l>
              <l rend="i">Vient alteré pour boire de cette eau,</l>
              <l rend="i">Y voit Alix ; Alix le voit de même,</l>
              <l rend="i">De tous les deux la surprise est extrême.</l>
              <l rend="i">Occasion, glissante occasion !</l>
              <l rend="i">Pour résister à la tentation.</l>
              <l rend="i">Faut-il qu’en vain nos cœurs toujours travaillent ?</l>
              <l rend="i"> Alix voudroit soutenir sa vertu,</l>
              <l rend="i">Mais tout trahit son esprit abbatu.</l>
              <l rend="i">Elle veut fuir, les jambes luy défaillent.</l>
              <l rend="i">Quand le Chasseur charmé de ses appas,</l>
              <l rend="i">A ses genoux la presse d’un air tendre,</l>
              <l rend="i">De ses efforts veut-elle se défendre,</l>
              <l rend="i">Dans cet instant elle n’a plus de bras.</l>
              <l rend="i">Si le Galant ores sans retenuë,</l>
              <l rend="i">Tout au plus loin s’avance &amp; s’insinuë,</l>
              <l rend="i">Alix voudroit par ses cris l’effrayer :</l>
              <l rend="i">La voix lui manque, elle ne peut crier.</l>
              <l rend="i">Veut-elle enfin essayer de distraire</l>
              <l rend="i">De ce projet cet Amant témeraire,</l>
              <l rend="i">Par un regard plein d’ire &amp; de couroux,</l>
              <l rend="i">Son regard prend une route contraire,</l>
              <l rend="i">Et vous diriez qu’elle fait les yeux doux.</l>
              <l rend="i">Que faire donc ? Elle perd patience.</l>
              <l>(<hi rend="i">Pour moins aussi patience l’on perd.</hi>)</l>
              <l rend="i">Et de dépit d’avoir jà tant souffert,</l>
              <l rend="i">Plus ne lui fait la moindre resistance.</l>
              <l rend="i">De ce dépit si trop se courouça</l>
              <l rend="i">Le Iuvenceau, je vous en fais le juge.</l>
              <l rend="i">Iugez aussi ce qui lors se passa</l>
              <l rend="i">Depuis qu’Alix, avisée, embrassa</l>
              <l rend="i">Ce beau dépit pour son plus seur refuge ;</l>
              <l rend="i">Car pas ne sçay, du moins precisément,</l>
              <l rend="i">Ce qui fut fait en cet heureux moment ;</l>
              <l rend="i">Mais je sçay bien en une telle affaire</l>
              <l rend="i">Ce qu’aurois fait, &amp; ce qui se dût faire.</l>
              <l rend="i">Or si voulez sçavoir à quel propos</l>
              <l rend="i">Ie vous ay fait un conte si frivole,</l>
              <l rend="i">Ie vais, Seigneur, vous le dire en deux mots.</l>
              <l rend="i">Ce conte-ci n’est qu’une Parabole,</l>
              <l><hi rend="i">Dont le dessein n’est rien moins qu’excellent.</hi></l>
              <l rend="i">Mais reduisons cette fable à l’histoire.</l>
              <l rend="i">Ie suis Alix. Auriez-vous pu le croire ?</l>
              <l rend="i">Et vous, Seigneur, vous êtes le Galant.</l>
              <l rend="i">Persuadé que pour moy c’étoit crime</l>
              <l rend="i">Que m’amuser à composer des Vers,</l>
              <l rend="i">I’avois juré que pour tout l’Vnivers</l>
              <l rend="i">N’agencerois desormais une rime,</l>
              <l rend="i">Et dans ces lieux où je suis retiré,</l>
              <l rend="i">I’aurois tenu ce que j’avois juré.</l>
              <l rend="i">Ma Muse en vain sans cesse dans ma teste,</l>
              <l rend="i">Pour m’exciter, fredonnoit quelque chant,</l>
              <l rend="i">I’y résistois, &amp; même à mon penchant,</l>
              <l rend="i">Quand vous venez par une Epître honnéte,</l>
              <l rend="i">De mon projet interrompre le cours.</l>
              <l rend="i">Ie cede enfin, vous me rendez parjure.</l>
              <l rend="i">Voila d’Alix justement l’avanture,</l>
              <l rend="i">Et mainte Alix peut-être tous les jours,</l>
              <l rend="i">Non comme ici feinte &amp; parabolique,</l>
              <l rend="i">Mais mainte Alix ventable, historique</l>
              <l rend="i">En chair, en os, plus belle que n’est pas</l>
              <l rend="i">Celle dont j’ay peint ici les a pas,</l>
              <l rend="i">En prodiguant à vos yeux tous ses charmes,</l>
              <l rend="i">Et vous cedant dés que vous la pressez,</l>
              <l rend="i">A ses dépens me justifie assez,</l>
              <l rend="i">De vous avoir, Seigneur, rendu les armes.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-04_119" resp="wordpro">
          <head>[Histoire]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, avril 1695 [tome 4], p. 119-142.</bibl>
          <p>Quelque violente passion que la connoissance du vray merite fasse naître, elle ne se trouve jamais assez forte pour n’estre point affoiblie par le mariage. Les plaisirs y deviennent trop unis pour piquer long-temps le goust, &amp; un bien qui nous est deu, quoy qu’il nous soit toûjours cher, perd insensiblement beaucoup de son prix. Ce que je vais vous conter en est une preuve. Un Cavalier éperdument amoureux d’une fort jolie personne, fut assez heureux pour estre écouté favorablement dans la permission qu’il luy demanda de se déclarer à ses Parens ; mais si elle luy trouva assez de merite pour voir son amour avec plaisir, il n’eut pas la mesme facilité à obtenir leur consentement. La Demoiselle estoit riche, &amp; beaucoup de bien joint aux avantages que luy donnoit sa beauté, leur faisant voir ce party inégal aux esperances qu’il luy estoit permis de former, ils furent persuadez qu’elle n’auroit pas de peine à trouver une alliance qui la mettroit dans un rang plus distingué. En effet d’importans Rivaux se presenterent, &amp; le Cavalier eut à surmonter de puissans obstacles ; mais le cœur de la Demoiselle, qu’il estoit juste de consulter, s’expliquant toûjours en sa faveur, il fut enfin arresté qu’on feroit le mariage. Comme il estoit obligé de toutes manieres à cette aimable personne, sa reconnoissance auroit encore augmenté sa passion, si elle n’eût pas déja esté dans tout l’excés où elle pouvoit estre portée. La qualité de Mary ne l’empêcha point de continuer à estre Amant, &amp; il eut pour elle un attachement si tendre, qu’il paroissoit s’ennuyer par tout où il ne la voyoit pas. C’estoient tous les jours des soins nouveaux pour toutes les choses qui pouvoient luy plaire, &amp; il alloit au devant de tous ses souhaits, soit pour luy procurer des plaisirs, soit pour luy faire des presens galans, dont elle estoit d’autant plus charmée, que rien ne la touchoit tant que de connoistre qu’il l’aimoit parfaitement. Cependant il s’accoûtuma insensiblement à estre heureux, &amp; goûtant moins son bonheur par l’habitude, aprés deux années passées dans ce grand attachement, il commença à se dissiper &amp; à se répandre dans plusieurs societez. L’agrément de son esprit luy donnant accés par tout, on ne faisoit aucune partie où l’on ne cherchât à le faire entrer. Il en estoit l’ame par son humeur enjoüée, comme il l’estoit de la conversation sur quelque matiere qu’on la fist rouler ; mais l’amusement qu’il se faisoit de toutes ces choses, &amp; dont tous les soirs il rendoit compte à sa Femme, n’avoit rien qui diminuât les sentimens de tendresse qu’il luy avoit marquez jusque-là. Elle étoit trop raisonnable pour s’inquieter mal-à-propos, &amp; pour s’opposer à des plaisirs innocens, qu’il pouvoit prendre sans elle. Son amour luy paroissoit toûjours dans la mesme force ; mais la crainte qu’elle eut que son cœur ne luy échapât avec le temps, l’engagea à prendre des précautions pour estre informée de toutes ses habitudes. Elle gagna son Valet de chambre, qui sçavoit de ses laquais en quels lieux alloit son Maistre, &amp; son rapport se trouvant conforme à ce qu’elle apprenoit par luy-mesme, elle vivoit en repos. Le Cavalier s’estant arresté un jour fort tard dans les Tuileries, se sentit frappé par une assez belle voix qui l’attira au lieu où il l’entendoit. Comme la Musique estoit de son goût, il l’écouta avec grand plaisir, &amp; la personne qui avoit chanté s’estant levée peu de temps aprés qu’elle eut finy, il ne put s’empescher de l’aborder. C’estoit une jeune Demoiselle qui avoit de la naissance, mais fort peu de bien, &amp; qui n’estoit pas fâchée de faire des connoissances, parce qu’elle vivoit avec une Mere qui avoit l’art de les rendre utiles. Elle répondit d’une maniere fort spirituelle aux complimens que luy fit le Cavalier sur sa belle voix : &amp; la Lune qui estoit alors dans son plein, luy fit remarquer que c’estoit une brune des plus agreables. Il ne cacha point qu’il sçavoit chanter, &amp; ce fut assez pour luy faire donner par la Mere la permission qu’il leur demanda de les aller voir. Elles consentirent qu’il les remenât dans son Carrosse, &amp; il leur rendit dés le lendemain une visite assez longue. La Belle luy plut, &amp; il luy trouva cet esprit insinuant du monde qui fait toûjours effet sur les tendres cœurs. Il la quitta neanmoins sans en rien craindre ; mais ce qui le devoit porter à se défier de sa foiblesse, quelque confiance qu’il crût devoir avoir en luy-mesme, il ne laissa pas de cacher cette avanture à sa Femme. Il vit la Belle encore trois ou quatre fois avec le mesme mistere, &amp; sa Femme qui l’apprit presque aussi tost, fut fort étonnée de le voir continuer à luy en faire un secret. Elle commença à l’observer, &amp; il luy parut qu’il tomboit de temps en temps dans des rêveries qui ne luy estoient point ordinaires. Il les rejettoit sur des distractions d’esprit qui l’emportoient sans qu’il y prît garde, &amp; elle disoit en riant qu’il devoit craindre qu’elles ne vinssent de quelque jolie personne qui luy eust blessé le cœur ; qu’elle prétendoit y regner toûjours absolument, &amp; qu’aprés tant de marques de tendresse receuës de luy, il seroit fâcheux que leur union troublée donnât sujet à de méchans contes. Peu de jours aprés, la conversation estant tombée devant luy sur les belles voix, elle prononça le nom de la belle Brune, comme d’une personne dont on estimoit la maniere de chanter, &amp; le regardant attentivement, elle demanda s’il ne l’avoit jamais entenduë. Cette demande le mit dans quelque embarras. Il ne voulut point nier tout-à-fait qu’il connust la Demoiselle, &amp; se contenta de dire qu’elle avoit chanté fort souvent le soir aux Tuileries pendant tout l’Esté, &amp; qu’il luy trouvoit assez de methode. Cette attaque de la Dame, jointe aux reproches qu’elle luy avoit déja faits sur sa réverie, luy causa beaucoup d’inquietude. Il luy devoit tant qu’il auroit esté fâché de luy donner sujet de se plaindre. Cependant il se sentoit assez attaché à cette aimable personne, pour ne pouvoir renoncer sans peine au plaisir qu’il se faisoit de luy rendre quelques soins. La crainte qu’il eut d’estre remarqué chez elle par ceux qui y venoient comme luy, luy fit chercher à y devenir assez familier pour estre en droit de la voir en de certains temps, où il pouvoit se flater de la trouver seule. Quelques presens faits assez liberalement luy eurent bien-tost acquis ce privilege. Ils estoient toûjours agreablement receus : &amp; comme la Belle qui n’estoit pas bien dans ses affaires, sembloit en avoir le cœur touché, la fin de l’année estant fort proche, il resolut de luy envoyer un fort bel habit pour ses estrennes. La Belle aimoit extrémement la parure, &amp; elle avoit plusieurs fois consulté sa Mere en sa presence sur une sorte d’étoffe qu’elle auroit portée avec plaisir si la dépense ne luy eust fait peur. C’estoit en dire plus qu’il ne falloit au Cavalier, qui estant d’un bon goust sur toutes choses, alla acheter une étoffe des plus riches. L’envie qu’il eut de luy envoyer l’habit tout fait, fit qu’il employa son Valet de chambre pour en avoir un de ceux de la Garderobe de sa Femme, qui estoit de la mesme taille que la belle Brune, &amp; il le fit porter pour modele avec l’étoffe à une des plus habiles Couturieres de Paris. Le Valet de chambre qui avertissoit la Dame de tout, n’eut pas de peine à avoir l’habit qu’il luy demanda. Si-tost qu’il luy eut nommé la Couturiere dont il devoit se servir, &amp; qu’il choisit dans un quartier des plus éloignez, selon l’ordre de son Maître, elle se souvint qu’elle habilloit une de ses meilleures Amies. Elle alla prendre cette Amie dés le lendemain, &amp; luy ayant découvert ce qu’elle avoit resolu de faire, elles se rendirent chez la Couturiere, sous prétexte de quelque mode nouvelle dont elles vouloient estre éclaircies. A peine furent-elles dans sa chambre, que l’étoffe qu’on luy avoit apportée le soir précedent, les ayant frappées l’une &amp; l’autre, elles s’écrierent sur sa beauté, &amp; luy demanderent pour qui elle faisoit un habit si magnifique. La réponse fut qu’elle avoit receu l’étoffe par une maniere de Valet de chambre, &amp; qu’apparemment l’habit étoit pour une Dame de Province, puisqu’on luy en avoit apporté un tout fait pour se regler sur la taille. La Dame ayant tourné les yeux d’un autre costé, &amp; apperceu son habit qu’elle fit reconnoistre à son Amie, feignit une fort grande surprise, &amp; dit qu’elle estoit la plus heureuse de toutes les Femmes. En mesme temps elle peignit le Valet de chambre, dont la Couturiere demeura d’accord, &amp; commença à dire tout haut que c’estoit une galanterie de son Mary qui faisoit toûjours l’Amant, &amp; qui avoit ordonné cet habit pour elle sans l’en avertir, comme il faisoit tous les jours en d’autres choses qu’on luy apportoit quand elle s’y attendoit le moins. Son Amie avec qui la Scene estoit concertée, répondit que puisqu’elle avoit deviné si juste, elle vouloit bien luy avoüer que son Mary l’avoit mise du secret, &amp; que voulant luy donner un habit pour ses estrennes, il avoit pris son conseil sur le choix de l’étoffe. La chose estant vray-semblable, la Couturiere ne douta point que tout ce qu’elle entendoit ne fust veritable ; ce qui luy fit dire que puisque l’habit devoit estre pour la Dame, il seroit mieux qu’elle le taillât sur elle-mesme que sur le modele qu’on luy avoit envoyé. Aprés que cela eut esté fait, on prit un jour pour le venir essayer. Les Dames ne manquerent point de venir encore chez elle à l’heure marquée, &amp; l’habit fut trouvé bien fait à fort peu de chose prés. Comme il estoit des plus beaux, la Dame parut dans un éclat merveilleux, &amp; dit que puisqu’elle estoit en ce quartier-là, elle vouloit l’aller faire voir à une Dame qui n’en estoit pas fort éloignée. La Couturiere y consentit volontiers pour avoir l’avis de plusieurs personnes, &amp; les deux Dames estant montées en Carrosse, se firent mener chez le Mary, qui fut fort surpris de voir sa Femme parée d’un habit dont il reconnut aussi tost l’étoffe. Elle l’embrassa, en luy faisant de tendres remercimens de la plus obligeante galanterie qui eust jamais esté faite. Il fit l’ignorant d’abord, &amp; ne voulut demeurer d’accord de rien : mais aprés luy avoir dit qu’étant allée par hazard chez la Couturiere de son Amie elle y avoit trouvé un de ses habits qui luy avoit découvert la chose, elle eut tant d’adresse à luy faire croire qu’elle estoit persuadée qu’il faisoit faire cet habit pour elle, afin de la surprendre agreablement par un present de cette nature ; que son Amie ayant parlé cette mesme langue, il crut qu’il devoit se prévaloir de l’heureuse prévention où il les trouvoit, pour se tirer d’un si méchant pas. Ainsi il feignit qu’on avoit deviné juste, &amp; sa Femme l’ayant consulté sur les défauts qu’il pouvoit trouver en cet habit, l’alla reporter à la Coûturiere, pour le recevoir le lendemain de la main de son Mary. Cela fut executé de si bonne grace qu’il ne parut pas qu’il eust eu dessein de le faire faire pour une autre. Sa Femme ne luy dit rien qui pust luy faire connoistre qu’elle eust esté avertie d’aucune chose ; mais cela n’empêcha pas qu’il ne fist refléxion sur les difficultez qui se trouvent à tenir long-temps secret ce qu’on seroit fâché qui fust sçu. Il devoit tout à sa Femme, qui par sa beauté &amp; par sa vertu meritoit son entier attachement, &amp; se faisant une honte de s’attirer des reproches de sa part sur l’intelligence qu’il avoit avec la belle Brune, il supposa quelques embarras d’affaires pour ne la plus voir que tres-rarement.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-04_142" resp="wordpro">
          <head>Portrait de Madame la Princesse de Conty</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, avril 1695 [tome 4], p. 142-145.</bibl>
          <p>Voicy des Vers qui ont esté faits pour une grande Princesse, dont le Portrait avoit esté proposé pour prix à celuy qui réussiroit le mieux à faire un Sonnet à sa gloire.</p>
          <quote>
            <label>PORTRAIT<lb />de Madame la Princesse<lb />de Conty.</label>
            <lg>
              <l rend="i">On voit en la même personne</l>
              <l rend="i"> Les differentes qualitez</l>
              <l rend="i"> Des plus grandes Divinitez.</l>
              <l rend="i"> L’Vnivers charmé s’en étonne,</l>
              <l rend="i"> Tous les cœurs en sont enchantez,</l>
              <l><hi rend="i">Iris a de Iunon le bel air, la sagesse,</hi></l>
              <l rend="i"> La naissance, la majesté,</l>
              <l rend="i"> Le grand cœur, la noble fierté ;</l>
              <l rend="i"> Des Graces la délicatesse ;</l>
              <l rend="i"> Des Muses les rares talens,</l>
              <l rend="i"> Et de Minerve la science,</l>
              <l rend="i"> L’esprit élevé, l’éloquence ;</l>
              <l rend="i"> De Venus tous les agrémens.</l>
              <l rend="i"> Elle a sa taille riche &amp; belle,</l>
              <l rend="i"> Sa bouche, ses roses, ses lys,</l>
              <l rend="i"> Ses beaux yeux, son charmant souris,</l>
              <l rend="i"> Les Amours de ses traits épris</l>
              <l rend="i"> La prirent pour cette Immortelle :</l>
              <l rend="i"> Mais restant peu dans leur erreur,</l>
              <l rend="i">Ils dirent, il est vray que nôtre Mere est telle,</l>
              <l rend="i"> Mais cependant ce n’est pas elle.</l>
              <l rend="i"> Venus n’a point tant de pudeur.</l>
              <l rend="i"> Le Portrait de cette Princesse</l>
              <l rend="i"> Du vainqueur doit estre le prix.</l>
              <l rend="i"> Il est si beau, d’un si grand prix</l>
              <l rend="i"> Qu’en lice on voit sur le Permesse</l>
              <l rend="i"> Une troupe de beaux esprits.</l>
              <l rend="i">Que le Mortel, chéry des Filles de Memoire</l>
              <l rend="i"> Qui sera couronné vainqueur,</l>
              <l rend="i"> Aura de plaisir &amp; d’honneur !</l>
              <l><hi rend="i">Pour moy, qui n’oserois prétendre à la victoire</hi></l>
              <l rend="i">D’Icare avec raison craignant le juste sort,</l>
              <l rend="i"> Je ne fais point un vain effort,</l>
              <l rend="i"> Mais je travaille pour la gloire</l>
              <l rend="i"> De paroître aussi sur les rangs</l>
              <l rend="i"> De tant d’Illustres Combatans.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-04_145" resp="wordpro">
          <head>[Lettre touchant les Satires publiées contre le Marigage]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, avril 1695 [tome 4], p. 145-152.</bibl>
          <p>Vous ne serez pas fâchée de voir une Lettre qui a esté écrite au sujet de deux Satyres qui ont esté publiées depuis quelques mois contre le Mariage.</p>
          <quote>
            <label>A MONSIEUR…</label>
            <p><hi rend="i">Il y a déja quelque temps, Monsieur, que nous avons icy deux Satyres nouvelles ; l’une contre les Femmes, &amp; l’autre contre les Maris. Ce sont deux Pieces ingenieuses, qui ont chacune leur prix, &amp; qui meritent qu’on les estime. Il seroit à souhaiter que les Portraits de l’un &amp; de l’autre Sexe n’y fussent pas tirez d’aprés Nature, &amp; qu’il n’y eust point d’originaux de ces copies. Je sçay bien qu’il y a des expressions un peu fortes, &amp; des idées surprenantes ; mais neanmoins des gens mariez s’y reconnoissent, &amp; nonobstant la maniere dure des Peintres, &amp; la quantité des ombres dont leurs Tableaux sont chargez, l’air de ressemblance y est sensible. C’est un malheur que le mariage, qui est une societé merveilleuse &amp; necessaire, &amp; que les Loix humaines &amp; divines autorisent, n’ait pas toujours une suite conforme aux beaux jours qui le commencent, &amp; qui y brillent. Il n’arrive que trop, contre la nature de son institution, que plusieurs personnes en deviennent pires qu’elles n’estoient avant l’union conjugale. Outre les Enfans qui en viennent, il donne assez souvent naissance à divers defauts, &amp; à de nouvelles passions qui ne paroissoient pas auparavant, &amp; qui sont une posterité étrangere &amp; illegitime.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Il est difficile de décider, de quel costé vient le mal, &amp; qui est la cause de la mauvaise intelligence &amp; des orages qui s’y élevent. Chacun a ses raisons, qu’il fait valoir pour s’en décharger sur l’autre, &amp; pour le rendre responsable de l’antipathie que le mariage a enfantée, au lieu d’une amitié honneste &amp; charmante qui devoit durer jusqu’au tombeau. Cependant comme le desordre d’une Republique s’attribuë ordinairement à ceux qui en sont les Maistres, &amp; qui la gouvernent, puis que le Mary est le superieur dans la Societé conjugale, &amp; semble aussi avoir le plus de part aux revolutions fâcheuses qui y arrivent, l’accusation &amp; les reproches du mauvais estat &amp; de la contrarieté qui s’y rencontrent, le regardent davantage. C’est l’opinion de Tacite, au 3. Livre de ses Annales ; où l’on agite la question, Si ceux que le Senat envoie dans les Provinces, doivent mener leurs Femmes avec eux. Cecina en fit la proposition avec une déclamation vehemente contre le Sexe ; &amp; Valerius Messala fat le Contretenant par un Discours fort sage &amp; fort beau, &amp; qui l’emporta sur celuy de Cecina. Il y dit entre autres choses</hi>, Viri culpa, si femina modum excedit. <hi rend="i">Cestile concis dit beaucoup ; que c’est la faute du Mary, si la Femme s’émancipe, &amp; qu’elle viole la regle &amp; les loix que la vertu &amp; son devoir luy prescrivent. En effet, le Mary doit servir de bon exemple à sa Femme, &amp; luy donner des conseils &amp; des avis assaisonnez de douceur &amp; de tendresse ; &amp; quelquefois, s’il en est besoin, animez d’un air de superiorité. S’il en use autrement, qu’il neglige sa Femme, &amp; qu’il ait du mépris pour elle ; qu’il ait une mauvaise conduite, &amp; que ses mœurs &amp; ses passions soient dans un excés criminel, c’est là un air de contagion pour sa Femme, il se rend coupable de ses defauts &amp; de ses déreglemens. Les vices de la Femme procedent de ceux du Mary</hi>. Viri culpa, si femina modum excedit. <hi rend="i">Jugez de ce passage de Tacite, combien l’endroit où il est enchassé doit estre beau. Je vous conseille de joindre à la lecture des Vers de nos deux Poëtes, celle de la Prose admirable de cet excellent Historien, qui y represente si bien dans l’occasion qui s’en presente, les caracteres de la Femme &amp; de l’Homme. C’est une matiere de la saison, puis que les deux Satyres l’ont remise sur le tapis. &amp; qu’il est bon aussi d’entendre parler les Anciens sur les sujets qui approchent de ceux que les Auteurs du Temps entreprennent de traiter. Je suis, &amp;c.</hi></p>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-04_202" resp="wordpro">
          <head>Response d’un Cartesien à la Lettre d’un Peripateticien</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, avril 1695 [tome 4], p. 202-214.</bibl>
          <p>La Lettre qui suit estoit attenduë, &amp; je suis persuadé que vous la lirez avec plaisir.</p>
          <quote>
            <label><hi rend="i">RESPONSE</hi><lb /><hi rend="i">D’un Cartesien à la Lettre d’un Peripateticien, inserée dans le Mercure de Février 1695.</hi></label>
            <p><hi rend="sc">Monsieur.</hi></p>
            <p>Je suis fort surpris qu’aprés avoir lû la Philosophie de M<hi rend="sup">r</hi> Descartes, &amp; sans doute les Livres des plus beaux Genies de ce siecle qui l’ont commenté, vous n’ayez pas trouvé la resolution du doute que vous proposez, si l’ame seule est capable des sentimens de douleur, de plaisir, de joye, tristesse, &amp;c. Donc nostre divin Redempteur n’a rien souffert pendant tout le cours de sa Passion ; bonne consequence, comme si J.C. avoit cessé d’avoir une ame qui fust triste jusqu’à la mort, comme il le dit luy-mesme ; tristesse qui n’avoit point d’autre cause que la douleur dont son ame estoit frappée à la veuë des peines qu’il devoit endurer ; car si la douleur étoit seulement dans le corps, d’où vient que le corps n’avoit pas la tristesse aussi bien que la douleur ? Ne sont ce pas deux qualitez sensibles qui peuvent également affecter le corps ? D’ailleurs la tristesse est une suite necessaire de la douleur. Comment voulez-vous donc que l’ame soit triste tandis qu’elle ne souffre rien ? ou bien comment voulez-vous que le corps souffre sans estre triste, &amp; quelle raison avez-vous de luy refuser la tristesse, aprés que vous luy avez donné la douleur ? Comment voulez-vous donc que l’ame soit triste tandis qu’elle ne souffre rien, ou bien comment voulez-vous que le corps souffre sans estre triste, &amp; quelle raison avez-vous de luy refuser la tristesse aprés que vous luy avez donné la douleur ? Mais, me dites-vous, l’ame sainte du Sauveur joüissoit de la vision beatifique, son bonheur n’a pu estre troublé par les plus rudes tourmens, &amp; par consequent la douleur n’a pu penetrer jusques à l’ame ; argument qui prouve trop, puisque non-seulement il prouve que l’ame de J.C. a esté incapable de la douleur causée par les peines, mais mesme qu’elle n’a point participé aux souffrances de son corps, &amp; qu’ainsi le sacrifice du Sauveur a esté un sacrifice purement materiel, dont son ame n’a point dû s’attrister, quoique dise celuy dont le témoignage est veritable ; car dites-moy, je vous prie, l’ame pouvoit-elle s’affliger d’une douleur qu’elle ne ressentoit point, &amp; dont elle n’avoit pas seulement la moindre perception ? Mais ce n’est pas à quoy je veux m’arrester, je suis dans la resolution d’accorder le sentiment des Peres que vous apportez avec le sentiment de M<hi rend="sup">r</hi> Descartes que je soûtiens ; &amp; pour le faire avec succés, remarquez en passant que l’ame sainte de J.C. avoit deux rapports, l’un au Verbe divin avec lequel elle estoit unie hypostatiquement, l’autre à son corps avec lequel elle estoit unie naturellement : deux differens rapports qui estoient la cause de plusieurs sentimens contraires dont elle estoit frappée. Par rapport au Verbe, elle ne ressentoit que du plaisir ; par rapport à son corps, elle ressentoit tantost du plaisir, tantost de la douleur, conformement aux differens mouvemens dont il estoit ébranlé. Or voicy ce que je tire de ce principe. L’ame de J.C. estoit frappée de douleur pendant que son corps souffroit ; elle devoit s’appercevoir de ce qui s’y passoit, &amp; elle ne pouvoit s’en appercevoir que par un sentiment de douleur, en sorte que ce sentiment n’estoit pas capable de troubler son bonheur, à moins que ce Dieu qui avoit en sa puissance de mettre son ame ou de la retirer selon sa volonté, ne l’eust détournée pendant quelque moment de la veuë de la gloire ; &amp; c’est peut estre ce qu’il fit au jardin des Olives, lorsqu’il voulut nous faire remarquer l’amertume où son ame estoit plongée, par le peu de courage qu’il fit paroître. Inferez de-là que les Peres disent vray, mais que la verité de leur doctrine n’est point contraire à la verité de la doctrine Cartesienne, parce que la verité ne combat jamais la verité. L’ame sainte de nostre Redempteur ne fut point troublée par les tourmens de sa Passion, je l’avouë ; donc elle ne fut point frappée de douleur, c’est ce que je n’avouë pas. Les sentimens dont elle estoit troublée à l’occasion de son corps estoient assez forts pour la frapper, mais ils n’avoient pas assez de force pour l’occuper, parce qu’à l’occasion de son union avec le Verbe, elle estoit touchée de sentimens incomparablement plus forts, &amp; plus vifs, &amp; par consequent incomparablement plus capables de l’occuper. De là vient que J.C. ne se trouble point ; de la vient qu’il souffre avec autant de fermeté &amp; de constance que s’il ne souffroit pas ; fermeté &amp; constance, qui ne pouvoit se trouver que dans une ame occupée de quelque chose de plus fort ; ce qui se confirme par l’experience journaliere où nous voyons que nostre ame estant frappée de quelques tentations fortes &amp; vehementes, ne s’apperçoit presque point des autres moins vives &amp; moins vehementes. Voila, Monsieur ; si je ne me trompe, la resolution de vostre doute. Voila en mesme temps la maniere dont on se sert pour expliquer comment J.C. estoit tout ensemble Viateur &amp; Comprehenseur. J’aurois encore plusieurs belles choses à vous dire, mais j’espere de vous les déduire dans les autres difficultez que vous pourriez me proposer, cela me suffit pour le present. Je suis, &amp;c.</p>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-04_229" resp="mercure">
          <head>[Mariage]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, avril 1695 [tome 4], p. 229-245.</bibl>
          <p/>
          <p>Il est rare de trouver des mariages aussi considerables &amp; aussi bien assortis que celuy de Mr le Duc de Saint-Simon avec Mademoiselle de Lorges, qui se fit au commencement de ce mois. Il semble que l’on ait voulu former une societé parfaite, puis que les proportions d’âge, de vertus, de qualitez, &amp; de biens s’y trouvent. La Mariée est Fille aînée de Mr le Maréchal Duc de Lorges, Chevalier des Ordres du Roy, Gouverneur de Lorraine &amp; de Barrois, Capitaine des Gardes du Corps de Sa Majesté, &amp; General de ses Armées, aussi recommandable pour sa grande probité, que par tous ces titres, &amp; par sa naissance. (...)</p>
          <p>Mr le Duc de Saint Simon n’a que vingt ans, il est Duc &amp; Pair de France, Gouverneur de Blaye, Gouverneur &amp; Grand Bailly de Senlis, &amp; possede plusieurs grandes Terres. Il a servi pendant plusieurs années, &amp; commande un Regiment de Cavalerie. (...) Le Jeudy 7. Mr le Mareschal de Lorge donna un grand soupé, où de part &amp; d’autre il ne se trouva que jusques aux Cousins germains des Mariez. On fut diverty devant &amp; aprés par un concert de flutes &amp; de hautbois, où les sieurs Philbert &amp; Descoteaux charmérent a leur ordinaire. A minuit, Mr le Curé de Saint Roch commença la ceremonie du mariage, à la Chapelle de l’Hôtel de Lorge, &amp; y dit la Messe, aprés quoy on mena les Mariez dans le grand Appartement de Madame la Marêchale de Lorge, où Madame la Duchesse de Saint Simon donna la chemise à sa Belle fille, &amp; Mr le Maréchal de Lorge à son Gendre, qui coucherent dans cet Appartement. Le lendemain matin, ils receurent les complimens des deux familles, &amp; de toutes les personnes distinguées de la Cour &amp; de Paris, dans l’Appartement de Mr le Marêchal, l’un des plus beaux qu’il y ait en France, tant par sa construction que par sa magnificence. (...) Le Lundy 11. elle [la duchesse de Saint Simon, la mariée] rendit ses visites, &amp; retourna le Mardy à Paris chez Mr le Duc de Saint Simon son Epoux, qui donna le Mercredy à tous les conviez de la Noce un soupé des plus somptueux, &amp; où la délicatesse le disputoit avec l’abondance. Il y eut une simphonie &amp; une Musique choisie, le tout accompagné de toutes les marques possibles d’honnesteté &amp; de joye de la part de Mr le Duc de Saint Simon &amp; de Madame la Duchesse sa mere.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-04_266" resp="wordpro">
          <head>[Mort de Jean de la Fontaine]*</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, avril 1695 [tome 4], p. 266-268.</bibl>
          <p>L’Academie Françoise vient de faire une perte considerable en la personne de M<hi rend="sup">r</hi> de la Fontaine. Il estoit Original dans son genre, &amp; ses Fables &amp; ses contes sont des Pieces achevées. Il a fait un Livre en Prose, intitulé <hi rend="i">la Psyché</hi>, &amp; rien ne partoit de luy qui n’eust un caractere singulier qui le distinguoit des autres Ouvrages de même nature. Il s’appelloit Jean, &amp; vous serez bien aise de voir son Epitaphe, faite par luy-mesme, quelques années avant qu’il mourust.</p>
          <quote>
            <lg>
              <l rend="i">Jean s’en alla comme il estoit venu,</l>
              <l rend="i">Mangea le fond comme le revenu,</l>
              <l rend="i">Tint les Tresors chose peu necessaire.</l>
              <l rend="i">Quant à son temps, bien le sçut dispenser ;</l>
              <l rend="i">Deux parts en fit, dont il souloit passer</l>
              <l><hi rend="i">L’une à dormir, &amp; l’autre à ne rien faire.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
          <p>Il estoit de Chasteau-Thierry, &amp; est mort âgé de soixante &amp; seize ans. C’est une vraye perte. Ces sortes d’heureux Genies ne se trouvent pas dans chaque siecle.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-04_322" resp="wordpro">
          <head>[Oracles des Sybilles]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, avril 1695 [tome 4], p. 322-323.</bibl>
          <p>Je vous parlay il y a quelque temps d’un Livre intitulé, <hi rend="i">Pratique Curieuse</hi>, ou, <hi rend="i">les Oracles des Sibilles sur chaque question proposée</hi>. Le succés de ce Livre a esté fort grand, puisqu’on en a fait une seconde Edition. Elle est augmentée de la Fortune des Humains décidée par les Dieux, Déesses, demy-Dieux &amp; grands Hommes de l’Histoire profane, avec une explication de leur origine &amp; de leur caractere, ce qui rend le divertissement que donne ce Livre utile &amp; agreable. Il y a plusieurs questions nouvelles dans la seconde Partie de cette Edition, où tout est nouveau jusques à la maniere de trouver les questions dont le nombre est augmenté. Ainsi il y a sujet de croire qu’elle n’attachera &amp; ne réjoüira pas moins qu’a fait la premiere. Ce Livre vend chez le Sieur Brunet dans la grande Salle du Palais, au Mercure Galant ; où se trouvent aujourd’huy la plus grande partie des nouveautez qui regardent le Palais.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-04_323" resp="wordpro">
          <head>[Pieces de Theatre]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, avril 1695 [tome 4], p. 323-324.</bibl>
          <p>Il debite aussi la Tragedie de <hi rend="i">Judith</hi>, &amp; la Comedie des <hi rend="i">Dames Vangées</hi>, ou <hi rend="i">la Dupe de soy mesme</hi>. Vous sçavez que ces deux Pieces ont alternativement occupé le Theatre pendant les deux derniers mois de cet hiver.</p>
        </div>
      </div>
      <div type="tome" xml:id="MG-1695-05">
        <head><hi rend="i">Mercure Galant</hi>, mai 1695 [tome 5]</head>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-05_007" resp="wordpro">
          <head>[Prélude. Portrait du Roy]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mai 1695 [tome 5], p. 7-14.</bibl>
          <p>Je ne suis point surpris, Madame, que vous ayez trouvé de grandes beautez dans le Placet qui est au commencement de ma derniere Lettre, &amp; qui renferme l’Eloge du Roy. On ne peut parler de ce Monarque sans dire de belles choses.</p>
          <quote>
            <lg>
              <l rend="i"> Loüis est un Heros en guerre,</l>
              <l rend="i"> Loüis est un Heros en Paix.</l>
              <l rend="i">Heros par ses vertus, Heros par ses hauts faits,</l>
              <l rend="i">Soit qu’il foudroye armé de son puissant tonnerre,</l>
              <l rend="i">Ou qu’à tout l’Univers il donne le repos,</l>
              <l rend="i"> Il agit toujours en Heros.</l>
            </lg>
          </quote>
          <p>Ces Vers sont de M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé Saurin, dans un Portrait qu’il a fait de Sa Majesté. Voicy de quelle maniere il le poursuit en Prose.</p>
          <quote>
            <p><hi rend="i">Ce caractere luy est si propre qu’il n’en sort jamais, &amp; quoy qu’il semble se dépoüiller quelquefois de sa grandeur dans la maniere affable dont il traite ceux qui ont l’honneur d’approcher sa Personne, il conserve toujours cet air noble qui le distingue bien mieux des autres hommes que sa grandeur mesme. L’heroïque paroist dans tout ce qu’il fait, parce qu’il ne fait rien qui ne réponde à ses vertus sublimes qui animent toutes ses actions, &amp; qui le font admirer de tout le monde. Les Israëlites demanderent à Moyse de ne leur pas faire voir la face du Dieu Tout-puissant qu’ils adoroient, de peur qu’une Majesté si terrible ne portast dans leurs cœurs la terreur &amp; la mort. Loüis qui est l’image de la Divinité sur terre, sçait si bien temperer par sa douceur l’éclat de cette majesté redoutable, qu’il inspire également l’amour, le respect, &amp; la crainte, &amp; chacun s’empresse de le voir, parce que la veuë d’un si grand &amp; d’un si bon Maistre, excite dans l’ame de ses Sujets une joye qui n’est pas concevable. Il tient tous nos cœurs sous sa loy, &amp; quand on le voit, on revere dans la majesté d’un grand Roy, les bontez d’un aimable Pere.</hi></p>
            <p><hi rend="i">C’est cette joye qui fait les delices de la plus belle Cour du monde. Les beautez de Versailles, ce chef d’œuvre de la magnificence Royale, languissent, quand elles ne sont point animées par la presence de ce Prince, dont elles tirent leur principal agrément. S’il attire à soy les regards de tout l’Univers, lorsqu’il paroist à la teste de ses Armées toûjours victorieuses, qu’il foudroye les remparts des Villes ennemies, &amp; qu’il force des forteresses que la nature &amp; l’art avoient munies de tout ce qui pouvoit les rendre imprenables, il n’est pas moins digne d’admiration lors qu’assis sur son lit de Justice, il se dépoüille de ses propres interests, pour n’écouter que la voix de cette Fille du Ciel, &amp; se soumettre luy-mesme aux loix dont il est le souverain dispensateur, ou quand il s’applique à proscrire le vice, à récompenser la vertu, &amp; à distribuer ses graces d’une maniere qui les rend si pretieuses à ceux qui les reçoivent. Enfin, soit qu’on l’envisage comme un Conquerant redoutable, ou comme un Rey pacifique, sa vie fournira toûjours à l’Histoire des évenemens merveilleux, &amp; plus on aura de fidelité à écrire, moins on la rendra croyable à la Posterité. La moderation peut bien donner des bornes à ses exploits, mais elle n’en sçauroit mettre à sa gloire qui en reçoit un nouvel éclat. Pour moy, qui ne crois pas qu’on puisse desormais y rien ajoûter, content de l’admirer, je demande à Dieu pour ce Prince</hi>,</p>
            <quote>
              <lg>
                <l> Que ses fiers Ennemis vaincus,</l>
                <l> Par ses bontez, par sa puissance,</l>
                <l> Et charmez de tant de vertus,</l>
                <l> Implorent enfin sa clemence,</l>
                <l> Et viennent demander la Paix,</l>
                <l>Que son cœur genereux ne refuse jamais.</l>
              </lg>
            </quote>
            <p><hi rend="i">N’est il pas temps qu’il joüisse en repos des fruits de tant de travaux, &amp; qu’à l’ombre de ses lauriers nous goûtions les douceurs de la Paix, sans qu’elles soient alterées par les allarmes que nous causent les perils où il s’expose pour nous les acquerir ?</hi></p>
            <quote>
              <lg>
                <l>Que lassé d’entasser victoire sur victoire,</l>
                <l>Se voyant au dessus des plus fameux Vainqueurs,</l>
                <l> Il mette desormais sa gloire,</l>
                <l> A ne triompher que des cœurs.</l>
              </lg>
            </quote>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-05_077" resp="wordpro">
          <head>[La Linotte, Galanterie]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mai 1695 [tome 5], p. 77-82.</bibl>
          <p>La galanterie qui suit vous divertira. Elle est de M<hi rend="sup">r</hi> de Serencourt de Mondidier.</p>
          <quote>
            <label>LA LINOTTE.</label>
            <lg>
              <l rend="i"> Sans moy, sans un heureux secours,</l>
              <l rend="i">Vostre Linotte, Iris, auroit finy ses jours.</l>
              <l rend="i">Depuis vostre depart languissante &amp; muette</l>
              <l rend="i"> Elle ne se connoissoit plus.</l>
              <l rend="i"> Tous mes soins estoient superflus,</l>
              <l rend="i"> Elle estoit sourde à ma fleurette.</l>
              <l rend="i"> I’avois beau luy parler de vous.</l>
              <l rend="i">Vostre nom qui devoit luy donner un ton doux,</l>
              <l rend="i"> Sembloit augmenter son silence.</l>
              <l rend="i"> Ie la flatois de l’esperance</l>
              <l rend="i">Qu’elle vous reverroit, &amp; que vostre retour</l>
              <l rend="i"> Devoit luy marquer vostre amour,</l>
              <l rend="i">A toutes mes raisons elle estoit insensible.</l>
              <l rend="i"> La voyant sans force &amp; sans voix,</l>
              <l rend="i"> Ie la crus morte mille fois,</l>
              <l rend="i">Et cette crainte, Iris, m’a paru plus terrible</l>
              <l rend="i"> Que je ne puis vous l’exprimer,</l>
              <l rend="i"> I’allois nuit &amp; jour à sa cage ;</l>
              <l rend="i">Ie tâchois d’imiter vostre aimable langage.</l>
              <l rend="i"> Ie luy disois qu’il falloit vous aimer.</l>
              <l rend="i">Au lieu de me répondre elle battoit de l’aile,</l>
              <l rend="i"> I’estois impuissant auprés d’elle,</l>
              <l rend="i"> Et mes vœux, ma voix, &amp; ma main</l>
              <l rend="i"> Estoient un secours foible &amp; vain.</l>
              <l rend="i">Enfin, desesperé, craignant tout de vous-mesme,</l>
              <l rend="i">Qui m’aviez confié le sort de cet Oiseau,</l>
              <l rend="i">Ie crus qu’il luy falloit un compagnon nouveau.</l>
              <l rend="i">Déja d’autres Oiseaux avec un soin extrême,</l>
              <l rend="i"> Avoient, mais inutilement,</l>
              <l rend="i"> Tâché d’adoucir son tourment.</l>
              <l rend="i">Ce compagnon nouveau luy redonne la vie,</l>
              <l rend="i">C’est un Serin qu’on dit estre de Canarie,</l>
              <l rend="i">Mais je croy bien plûtost qu’il est venu des Cieux.</l>
              <l rend="i"> Son chant est tout misterieux ;</l>
              <l rend="i">Il coule mille tons, &amp; sçait marquer la note</l>
              <l rend="i"> A vostre charmante Linote.</l>
              <l rend="i"> Elle reçoit bien ses leçons ;</l>
              <l rend="i">Elle apprend du Serin les airs &amp; les chansons,</l>
              <l rend="i"> Et lors que le Serin l’appelle,</l>
              <l rend="i"> Vostre Linotte est un Echo fidelle.</l>
              <l rend="i">Il n’en falloit pas moins pour l’Oiseau ny pour moy ;</l>
              <l rend="i">Il ne craint plus la mort, ny moy vostre reproche.</l>
              <l rend="i">Grace au Serin, tous deux, par un je ne sçay quoy,</l>
              <l rend="i">D’un charme plus puissant nous ressentons l’approche.</l>
              <l rend="i"> Mille gens diroient que l’amour</l>
              <l rend="i"> Agis ainsi sur toutes choses,</l>
              <l rend="i"> Et que telles Metamorphoses</l>
              <l rend="i">Font sentir aux Amans des transports nuit &amp; jour.</l>
              <l rend="i">Chacun sçait ce que c’est qu’un amoureux martire,</l>
              <l rend="i">Mais sans rien s’appliquer, Iris, je puis vous dire,</l>
              <l rend="i"> Que cet exemple nous fait voir</l>
              <l rend="i"> Combien l’amour a de pouvoir.</l>
              <l rend="i"> Si vous sentiez ce que c’est que sa flame,</l>
              <l rend="i"> Si vous pouviez lire au fond de mon ame,</l>
              <l rend="i">Vous sçauriez, belle Iris, que ce qui vient de vous.…</l>
              <l rend="i">Mais c’en est trop, parlons de la Linotte.</l>
              <l rend="i">Elle a pour son Amant un son charmant &amp; doux.</l>
              <l rend="i">Que ne puis-je chanter sur cette mesme note !</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-05_082" resp="wordpro">
          <head>[Imitation d’une Ode d’Horace]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mai 1695 [tome 5], p. 82-85.</bibl>
          <p>Voicy d’autres Vers, faits par un Abbé qui n’a pas moins de genie pour la Poësie Françoise que pour la Latine.</p>
          <quote>
            <label>IMITATION DE L’ODE<lb />d’Horace qui commence<lb />par,<lb /><hi rend="i">Quem tu Melpomene semel.</hi></label>
            <lg>
              <l rend="i"> Scavante Muse de la Scene,</l>
              <l rend="i"> Sage &amp; divine Melpomene,</l>
              <l rend="i">Celuy qui de tout temps docile à vos leçons,</l>
              <l rend="i">A receu de vos yeux un regard favorable,</l>
              <l rend="i"> Méprisera l’éclat le plus durable,</l>
              <l rend="i"> Et vivra content de vos dons.</l>
              <l rend="i"> Il n’ira pas chercher la gloire</l>
              <l rend="i"> Au milieu des sanglans combats,</l>
              <l rend="i"> Et la plus illustre victoire</l>
              <l rend="i"> N’aura pour luy que de foibles appas.</l>
              <l rend="i">Ami du doux repos dans un sombre boccage,</l>
              <l rend="i">Il passera ses jours assis prés d’un rivage,</l>
              <l rend="i">Resvant tranquillement, &amp; composant des Vers</l>
              <l rend="i"> Qui feront bruit dans l’Vnivers.</l>
              <l rend="i">Dans Paris aujourd’huy les plus fameux Poëtes</l>
              <l rend="i">Daignent me mettre enfin au rang des beaux esprits ;</l>
              <l rend="i">Déja les envieux &amp; leurs ligues secretes,</l>
              <l rend="i"> S’attachent moins à mes Ecrits.</l>
              <l rend="i">O Muse, qui reglez les accords de ma Lire,</l>
              <l rend="i">Qui pouvez animer les rochers &amp; les bois,</l>
              <l rend="i">Et d’un Cygne mourant leur inspirer la voix,</l>
              <l rend="i">Si chacun maintenant s’empresse pour ma Lire,</l>
              <l rend="i">Si le passant m’observe, &amp; me suivant des yeux,</l>
              <l rend="i">Tient attachez sur moi ses regards curieux,</l>
              <l rend="i">  Si je plais, &amp; si je respire,</l>
              <l rend="i">  Par vous je respire &amp; je plais,</l>
              <l rend="i"> Et si quelqu’un m’applaudit &amp; m’admire,</l>
              <l rend="i">  Il n’admire que vos bienfaits.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-05_118" resp="wordpro">
          <head>La deffense des Bouts-rimez, ou Réponse à la Lettre de Mr Bellocq</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mai 1695 [tome 5], p. 118-167.</bibl>
          <p>L’Ouvrage qui suit merite vostre curiosité ; il est de M<hi rend="sup">r</hi> de la Févrerie.</p>
          <quote>
            <label>LA DEFFENSE<lb />DES BOUTS-RIMEZ,<lb /><hi rend="i">ou</hi><lb /><hi rend="i">Réponse à la Lettre de M<hi rend="sup">r</hi> de Bellocq, qui est dans le Mercure Galant dis mois de Juillet 1694.</hi></label>
            <p>Mes Amis de Cabinet, qui sçavent mes goûts, &amp; mes sentimens pour les ouvrages d’esprit, s’étonneront sans doute de me voir prendre la deffense des Bouts rimez, pour lesquels je leur ay toûjours marqué assez peu d’inclination, &amp; mesme pour le Sonnet ordinaire, qui est entre les petits Poëmes, le chef-d’œuvre des Poëtes ; mais quoy qu’on n’aime pas certaines choses, on ne laisse pas de les estimer, &amp; de les loüer quand elles le meritent, &amp; qu’elles ont l’approbation des habiles gens, &amp; des connoisseurs. J’ay chargé autrefois mes tablettes &amp; ma memoire des plus beaux Sonnets, sans oublier mesme celuy de Desportes, qui faisoit les delices de Henry III. &amp; qui valut dix mille écus à ce Poëte. C’est l’ouvrage d’esprit le plus précieux, &amp; qui a esté le mieux payé. Je recite encore souvent les Sonnets de Job &amp; d’Uranie, &amp; si j’avois esté de ce temps là, j’aurois esté Jobelin, ou Uranin, car assurément j’eusse pris party, &amp; je n’aurois pas fait comme Balzac, &amp; plusieurs autres beaux Esprits, qui n’oserent jamais se déclarer ny pour ny contre. Les Bouts-rimez de Sarasin sur la mort du Perroquet, m’ont toujours plû ; &amp; pour venir à ceux que Mrs les Academiciens de Toulouse, nommez Lanternistes, ont proposez au Public, je trouve le Sonnet du Chevalier de Pont, qui a remporté le Prix, fort beau. Peut estre mesme qu’on m’auroit vû dans le Mercure Galant luy en disputer la gloire, si d’autres occupations ne m’en avoient empêché ; car quand il s’agit d’un Prix à la loüange du Roy, il est difficile de n’estre pas tenté d’entrer dans la lice comme les autres. C’est une témerité qui est pardonnable. Aussi j’avouë que ce n’est point par prudence ou par modestie que je ne l’ay pas fait ; mais à l’heure qu’il est, je ne m’aviseray pas de grossir le triomphe du Vainqueur par le nombre des Vaincus. Je suis plûtost d’avis, battu pour battu, de prendre le party des Boutsrimez, que je voy tomber en ruine, si quelqu’un ne s’oppose à M<hi rend="sup">r</hi> Bellocq, qui vient de leur faire une cruelle guerre, dans une Lettre fort spirituelle, &amp; galamment écrite, qui se trouve dans le Mercure Galant du mois de Juillet dernier. L’entreprise est hardie, mais elle est loüable, quand mesme je n’y réussirois pas, &amp; si j’y réussis, quel honneur n’auray-je point d’avoir combattu le General Bellocq, rétabli les Bouts-rimez, &amp; défendu la cause des Lanternistes ? Cela me donne des idées qui me réjoüissent par avance, &amp; qui me font prendre la plume aux perils de qui il appartiendra.</p>
            <p>Cependant comme j’entreprens seulement la défense des Bouts rimez, &amp; que je n’ay nullement en vûë d’attaquer M<hi rend="sup">r</hi> Bellocq, pour qui j’ay toute l’estime &amp; toute la consideration que ses Ouvrages peuvent inspirer dans l’esprit d’un honneste homme, je n’ay pas dessein de faire une Critique de cette Apologie, quoy qu’il soit permis de repousser la force par la force. On ne doit donc pas s’attendre que je m’attache icy à examiner sa Lettre, &amp; son Sonnet pour Madame la Princesse de Conty. La Lettre est pleine d’esprit, de sel, &amp; d’agrément, &amp; s’il y a quelque chose de dur &amp; de violent qui retombe sur Mrs les Lanternistes, c’est à eux de le peser, &amp; d’y faire toute l’attention qu’il leur plaira. Pour le Sonnet, l’incomparable Princesse à la gloire de laquelle il est fait, le met à couvert de toute censure. Neanmoins comme l’Auteur a relevé luy-mesme le mot de <hi rend="i">Robuste</hi> dans le sens qu’il luy a donné, &amp; dont il se fait un scrupule, je veux bien luy dire ma pensée la-dessus, &amp; je le fais d’autant plus volontiers, que cela peut servir à l’intelligence des Bouts rimez, &amp; pour les justifier auprés de ceux qui sont prévenus contre ce genre de Poësie. Il est surprenant que M<hi rend="sup">r</hi> Bellocq, qui se récrie tant contre la bizarrerie des Boutsrimez, ait rendu celuy de <hi rend="i">Robuste</hi> barbare, de propre &amp; simple qu’il estoit, par l’application metaphorique qu’il en a faite. A le bien prendre, les Bouts-rimez doivent estre composez de termes propres, naturels &amp; usitez, quoy qu’ils paroissent heteroclites &amp; barbares, &amp; toute leur singularité ne vient que de leur arrangement, &amp; du peu de convenance qu’ils ont ensemble. Il est vray que pour les remplir plus facilement, on peut leur donner un sens figuré, mais il ne faut pas abuser de cette regle, autrement on fait un Sonnet en galimatias, qui n’a rien de naturel, en quoy consiste toute sa beauté ; naturel difficile à attraper, &amp; qu’on ne trouve qu’en s’éloignant de la metaphore, &amp; en laissant aux mots leur signification propre &amp; ordinaire. Cette façon de parler est trop hardie, sur tout dans un petit Poëme, où tout doit estre poli, exact &amp; correct. Cette epithete pourroit passer dans quelque description d’un Poëme Epique, où la fougue du Poëte, qui ne luy donne pas le loisir de réflechir, est pardonnable ; mais icy, où l’on doit agir de sang rassis, on ne luy fera point de grace, ny de quartier, par la raison mesme qu’il en devroit le plus attendre pour la beauté &amp; l’élegance de son stile, qu’il a fait paroistre ailleurs.</p>
            <p>Un celebre Auteur, ennemy dangereux &amp; redoutable, &amp; qui avoit sçû joindre l’adresse à la force, tenta autrefois la deffaite des Boutsrimez, mais si Dulot fut vaincu, &amp; les Bouts-rimez mis en fuite, la défaite ne fut pas entiere, &amp; le vainqueur ne joüit pas long-temps du fruit de sa victoire. Comme Sarazin entreprit cette guerre sans necessité, &amp; seulement pour complaire à un grand Prince qu’il servoit, il fit paroistre plus d’emportement &amp; de faux zele, que de prudence, &amp; de conduite ; car puis qu’il avoit rempli avant la défaite des Bouts-rimez, ceux qu’un fameux Ministre d’Estat avoit proposez sur la mort du Perroquet d’une Dame illustre de la Cour, il ne devoit pas détruire ensuite ce qui avoit contribué à sa gloire, &amp; pousser de la sorte l’Inventeur d’une chose qui luy avoit esté si avantageuse. Je sçay bien qu’on a loüé Sarasin d’avoir employé les mesmes mots prescrits à la défaite des Bouts rimez, en faisant de ces rimes burlesques, les Heros imaginaires de son Poëme ; mais s’il y a de l’esprit, &amp; de l’invention en cela, il y a aussi de la ruse &amp; de la malice, &amp; je doute fort si ce ridicule ne rejallit point sur la Dame qui pleuroit son Perroquet, &amp; sur le Ministre qui avoit donné les rimes pour faire son épitaphe.</p>
            <p>Mais quoy qu’il en soit, ces deux formidables ennemis des Bouts-rimez, ont tenté une entreprise vaine, &amp; à laquelle ils n’ont pû réussir. Dulot vaincu avec ses quatorze Generaux, &amp; ses Troupes taillées en pieces dans la Plaine de Grenelle, n’ont pû abattre &amp; ruiner ce parti. Cette Plaine a esté comme le Champ de Cadmus, qui a produit de nouveaux Soldats qui l’ont relevé, &amp; qui le soutiendront toûjours malgré tous ses ennemis. Les Bouts-rimez, semblables aux Gots à qui M<hi rend="sup">r</hi> Bellocq les compare si plaisamment, ont reparu de temps en temps, &amp; fait des courses sur le Parnasse François, où ils ont bien la mine de regner plus long-temps, que ne firent ces Peuples dans les Gaules : &amp; comme s’ils avoient la mesme destinée, ils ont choisi aussi-bien qu’eux le Languedoc, &amp; la Ville de Toulouse pour retraite, &amp; pour y établir leur empire, sous les loix &amp; la conduite des Lanternistes, Chefs qui ont succedé glorieusement au fameux Dulot. Quelle joye pour ce Dulot, lors qu’un de ces Lanternistes luy viendra annoncer quelque jour, dans les Champs Elisées, le rétablissement de ces chers enfans, &amp; fidelles sujets les Bouts-rimez ! Quelle gloire pour ces Lanternistes de les avoir ralliez, &amp; mis non-seulement en estat de tenir teste à leurs ennemis, mais d’aller de pair dans l’empire de la Poësie, avec tous les autres Poëmes, &amp; d’avoir la Muse Terpsicore pour Patronne, &amp; Apollon mesme pour Protecteur.</p>
            <p>Aprés cela, on aura beau faire, on ne viendra jamais à bout de chasser les Bouts rimez du Parnasse. En vain on presentera des requestes à Apollon ; en vain on les décriera à la Cour &amp; à la Ville. La Muse enjoüée &amp; badine qui préside aux Jeux Poëtiques, aura soin de les deffendre &amp; de les proteger, &amp; ils feront toujours le divertissement des jeunes Poëtes, &amp; des personnes galantes qui aiment nostre Poësie. A Versailles comme à Paris, à Paris comme à Toulouse, on fera des Bouts-rimez, on les remettra sur le tapis, &amp; ils redeviendront à la mode. Il en est comme des Proverbes ; ils sont décriez, on plaisante de ceux qui s’en servent ; cependant, on joüe encore tous les jours aux Proverbes. C’est un jeu, dit-on ; &amp; je répons que les Bouts-rimez sont aussi un jeu qui amuse, &amp; qui fait plaisir aux personnes spirituelles qui ont du genie pour les Vers. Toutes les Sciences, tous les beaux Arts, ont leurs jeux, &amp; leurs délassemens, pour ceux qui s’attachent avec trop d’application, ou qui ne sont pas capables d’une meditation profonde, &amp; d’un travail assidu. Telles sont les Recreations Mathematiques, les Questions, les Experiences, &amp; les Problèmes dans la Philosophie &amp; dans la Morale, &amp; les Bouts-rimez, les Rondeaux, &amp; les Ballades dans nostre Poësie, pour délasser les Poëtes qui travaillent à des Poëmes serieux &amp; de longue haleine, ou pour amuser ceux qui ne font des Vers que pour se divertir. Mais de tous ces Jeux poëtiques, il est certain que les Bouts rimez sont les plus spirituels &amp; les plus agréables dans les Compagnies, &amp; j’ajoûte, les plus propres pour exercer un commerce avec les Dames &amp; avec ses Amis. Tout le monde n’a pas de genie pour les Impromptu ; il faut rêver quelquefois longtemps pour bien tourner un Rondeau, &amp; pour en faire un bon, &amp; du goust de Marot &amp; de Voiture, mais pour remplir des Bouts rimez il ne faut qu’un peu d’esprit &amp; de feu d’imagination, &amp; sçavoir la mesure des Vers, on fait un Sonnet dans un moment. Les meilleurs &amp; les plus heureux sont ceux qu’on remplit sur le champ, &amp; dont les rimes sont les plus heteroclites. Je parle dans les occasions de galanterie, où l’on joüe &amp; où l’on badine ; car en matiere serieuse, &amp; dans le stile sublime, j’avouë qu’ils sont tres-difficiles, &amp; qu’on en fait peu d’excellens. C’est mesme un fort bon moyen pour apprendre à faire des Vers &amp; à composer juste, parce qu’on apprend par là tout d’un coup la rime, la mesure du Vers, &amp; la suite, &amp; la liaison du discours, sans parler de la composition du Sonnet, qui de tous les petits Poëmes est le plus ingenieux, &amp; le plus difficile. Les Bouts-rimez en sont comme le canevas, &amp; quand ils sont bien disposez, cela donne une grande facilité pour en faire un bon.</p>
            <p>A prendre la chose dans son origine, les Bouts-rimez doivent leur naissance au Sonnet. Tous les Poëtes qui s’attachent à ce genre de Poësie, commencent presque toujours par là, car on est bien avancé quand on a trouvé &amp; disposé les rimes. Du Lot, celebre Inventeur des Bouts-rimez, ne fit que publier ce secret, &amp; en établir l’usage ; ce qui donna lieu ensuite d’en choisit de bizarres &amp; de ridicules pour se faire un jeu, &amp; pour rendre le Sonnet plus difficile. Comme l’histoire de cette Invention de Dulot est dans la Préface que M<hi rend="sup">r</hi> Pelisson fit pour mettre à la teste du Poëme de la défaite des Bouts-rimez par Sarasin, je n’en parleray pas davantage ; j’aime mieux dire quelque chose de la nature des Bouts-rimez, afin que le Lecteur pleinement instruit, puisse juger plus équitablement du merite de leur cause.</p>
            <p>Pour bien réussir dans la composition des Bouts-rimez, il faut choisir des Rimes propres &amp; convenables au sujet qu’on veut traiter ; car je ne suis pas de l’avis de ceux qui commencent d’abord par des Rimes vagues &amp; arbitraires, sans se proposer aucune matiere déterminée. Je sçay bien qu’on les peut appliquer ensuite à differens sujets, mais comme il est libre à chacun de les appliquer à celuy qu’il aime le mieux, je soutiens qu’on doit au commencement choisir une matiere à laquelle ils conviennent ; mais sur tout qui soit propre à inspirer des sentimens nobles &amp; relevez, tendres &amp; galans, selon que le sujet le demande, des pensées ingenieuses &amp; délicates, judicieuses &amp; raisonnables ; des expressions justes &amp; naturelles ; un stile pur &amp; intelligible ; &amp; non pas des sentimens bas, &amp; des pensées fausses &amp; extravagantes ; des expressions forcées, &amp; précieuses ; un stile obscur &amp; barbare. Et c’est en cela que doit consister la difference des Bouts-rimez, &amp; de la Poësie burlesque. Les Rimes capricieuses &amp; fantasques sont bonnes, ou du moins supportables, dans les sujets de Satire &amp; de galanterie, où il est permis de badiner quelquefois, &amp; d’outrer les choses ; mais non pas dans les matieres graves &amp; serieuses, où tout doit estre sensé, grand, pompeux, &amp; sublime. Les Bouts-rimez sur la mort du Perroquet de Madame du Plessis Belliére, estoient fort bien trouvez, mais je vous avouë que je n’en pourrois souffrir sur la mort d’un grand Prince, quelque invention, &amp; quelque tour que le Poëte pust leur donner. Il en a paru d’autres longtemps aprés, qui ont fait bruit dans le monde, par les veritez dont ils estoient remplis sur plusieurs personnes de differentes conditions. Ils eurent un merveilleux succés dans la Satire, mais il s’en fallut bien qu’ils n’eussent le mesme bonheur, lors qu’on voulut les remplir à la loüange du Roy, &amp; de quelques Dames de la Cour. Ils commençoient par <hi rend="i">Bioüac, Brique, Affrique, Tabac</hi>, &amp; finissoient par <hi rend="i">Eclanche</hi>, &amp; <hi rend="i">Rebus</hi>. La pluspart de nos Poëtes y échouérent, &amp; il n’y eut que Mademoiselle de Scudery qui en remporta toute la gloire ; mais en effet, il n’appartient qu’à elle de changer la brique en diamant, &amp; de faire un Sonnet achevé d’un Rebus.</p>
            <p>Ce n’est pas en ces termes qu’on doit loüer un grand Roy. Il me semble que je l’entens haranguer par les Députez de la Villette, ou de Vaugirard. Je ne prétens pas pour cela blâmer le dessein des Lanternistes, &amp; condamner plusieurs Bouts-rimez que des personnes distinguées par leur qualité, &amp; par leur esprit, ont proposez autrefois au public, à la gloire du Roy. Au contraire, je les approuve, je les loüe, mais ils pardonneront à ma sincerité, si en deffendant les Bouts-rimez, j’en condamne l’excés qui consiste principalement dans le choix bizarre des Rimes. Mais, dit-on, si on en exclud les Rimes extraordinaires, ils n’auront rien de rare, d’ingenieux, de difficile ; ce ne sera plus que le simple squelete d’un Sonnet commun. Comme on ne se lasse point de rebattre toûjours la mesme chose, je repeteray encore une fois pour toutes, que je ne prétens point exclurre les Rimes singulieres des sujets enjoüez, ou satyriques ; mais seulement des matieres serieuses, &amp; relevées, telles que sont les Panegyriques des Princes, dans lesquels il est assez malaisé de réussir avec les Rimes les plus nobles, &amp; les plus riches ; &amp; si on y fait un peu d’attention, on avoüera avec moy, que des Bouts-rimez tout simples sont plus difficiles à remplir que les autres. On en voit tous les jours de fort beaux de cette maniere, qui confirment l’opinion que j’avance. Cela estant ainsi, il n’y aura plus rien à critiquer dans ce genre de Poësie, &amp; l’on conviendra mesme qu’elle peut estre de quelque utilité, sans parler du plaisir qu’elle peut donner, comme un jeu d’esprit fort agreable.</p>
            <p>Il y a encore une autre chose fort blâmable dans les Bouts-rimez ; elle vient de la part de ceux qui les donnent, c’est le mauvais arrangement, ou plûtost l’affectation avec laquelle ils les disposent. Ils croyent qu’il y a une grande finesse à ce jeu, mais en voulant les rendre plus difficiles, ils les rendent seulement plus bizarres &amp; plus ridicules, car ceux qui n’ont en vûë que de remplir les rimes, &amp; faire simplement quatorze Vers, ne s’arrestent pas pour cette difficulté, &amp; se mettent peu en peine de cet impertinent arrangement ; mais ceux qui veulent faire un Sonnet juste, lié, &amp; suivi, tombent par là dans un galimatias qu’il est impossible d’éviter, quelque penetration, &amp; quelque netteté d’esprit qu’ils puissent avoir. C’est icy le plus grand deffaut des Bouts-rimez, &amp; un abus étrange de ceux qui s’y appliquent ; car pourquoy ne leur pas donner une disposition naturelle, &amp; convenable dans les Quatrains &amp; dans les Tercets, afin que le Sonnet n’ait rien d’extravagant ? Ceux que Mrs les Lanternistes ont proposez au Public, n’ont rien de bizarre &amp; d’affecté, &amp; sont placez dans cette raisonnable œconomie que je demande. Aussi ont-ils produit des Sonnets fort justes &amp; fort beaux ; mais quelquefois on échouë sur de certaines rimes pour trop de rafinement, &amp; pour ne vouloir pas s’en servir dans leur sens naturel. C’est ce que la pluspart ont fait au mot de <hi rend="i">Buste</hi> dans les rimes des Lanternistes. Monsieur le Duc, M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé Brunet, l’ont pris figurément pour le mot de <hi rend="i">corps</hi>, dans leurs beaux Sonnets pour Madame la Princesse de Conty. Je n’ay garde de reprendre cela comme une faute, dans des Sonnets dont le stile est si pur, &amp; la construction si aisée, &amp; où les rimes sont appliquées avec tant de justesse, qu’il semble que tout ce qu’elles pouvoient avoir de dur &amp; de barbare, n’ait servi qu’à rendre les Vers plus forts &amp; plus majestueux. Mais pour revenir au mot de <hi rend="i">buste</hi>, qui est un terme de l’art, dont les Sculpteurs &amp; les peintres se servent pour exprimer une maniere antique de representer les personnes à demi-corps, &amp; sans mains, on peut facilement s’en servir dans sa signification propre sans employer le sens moral ; &amp; c’est ce qu’a fait heureusement M<hi rend="sup">r</hi> le Duc de la Feuïllade.</p>
            <quote>
              <lg>
                <l><hi rend="i">Que l’on montre, Conty, seulement vostre</hi> Buste</l>
                <l><hi rend="i">Dans les tristes climats où regnent les</hi> glaçons.</l>
              </lg>
            </quote>
            <p>Il y a encore une autre sorte de Bouts-rimez, qu’on fait tous les jours, &amp; dont l’origine est aussi ancienne que nostre Poësie. C’est quand on répond dans les mesmes rimes aux Vers que l’on nous envoye ; ce qui arrive souvent sans y penser, &amp; sans prémeditation ; &amp; pour lors on y réussit, car cela vient naturellement, &amp; sans y estre forcé ; mais s’il y a de l’affectation, &amp; qu’on s’en fasse un jeu, ce n’est plus rien qui vaille, &amp; l’on est encore plus contraint que dans les prescrits de commande. Mais c’est assez parler de la composition des Bouts-rimez, achevons leur Apologie. Comme je suis trop sincere pour approuver ce qui est blâmable, &amp; pour loüer ce qui ne le merite pas, je conviens ingenument avec les Critiques, que les Bouts-rimez ne sont qu’un jeu d’esprit ; qu’on les a poussez trop loin, que l’excés en est condamnable, &amp; qu’on a raison de vouloir reformer cet abus sur le Parnasse : mais aussi on demeurera d’accord ave moi, que l’invention en est loüable ; qu’ils ne sont pas indignes de l’amusement des bons Poëtes, &amp; des honnestes gens, &amp; qu’ils ne doivent pas estre bannis de la Republique des Lettres. Il ne faut pas s’étonner qu’on les ait décriez &amp; tournez en ridicule aprés que Sarasin s’en fut avisé le premier, &amp; qu’il eut fait connoistre le caractere extravagant de leur Auteur. Tous les Critiques enjoüez &amp; spirituels ont triomphé depuis sur ce sujet, &amp; ont eu un beau champ de plaisanter. M<hi rend="sup">r</hi> Bellocq y est entré comme les autres, &amp; semble en estre sorti victorieux. Cependant quand la grace de la nouveauté est perduë pour ces sortes de choses, elles ont peu d’agrément, on s’en lasse &amp; on s’en dégoûte, quoy que la matiere soit inépuisable.</p>
            <p>Voila ce que je répons aux Antilanternistes, &amp; à tous ceux qui font une si cruelle guerre aux Bouts-rimez, car il faut plaisanter avec ceux qui plaisantent, ou plûtost avec ceux qui donnent des plaisanteries pour de bonnes raisons. Mais pour finir plus serieusement ce discours, je suis persuadé que tous les esprits bien sensez feront grace aux Bouts-rimez, &amp; prendront leur parti, aprés avoir reconnu leur merite, &amp; ce qu’on en peut faire lors qu’ils tombent entre les mains d’un genie heureux, &amp; qui a du talent pour la Poësie. Je n’en veux pour exemple que les beaux Sonnets qui viennent de paroître sur les rimes des Lanternistes, à la loüange de Madame la Princesse de Conty, comme la plus belle &amp; la plus riche matiere qu’on pouvoit prendre pour luy plaire, dans le desir qu’elle avoit marqué de les voir dignement mis en œuvre ; ayant proposé son Portrait enrichi de Diamans à celuy qui y réussiroit le mieux ; Prix bien capable d’exciter la plus noble émulation qui fut jamais entre les Poëtes ; Portrait dont la seule idée vaut un enthousiasme, &amp; qui peut inspirer tout ce que le naturel, l’art &amp; l’intention sçauroient avoir de grand, de merveilleux, de sublime, de tendre, de fin, &amp; de délicat, comme on le peut voir entre autres dans le Sonnet de Monsieur le Duc, si digne de ce Prix, ce qui fait que je ne puis m’empescher d’appliquer à tous les deux cette Epigramme d’un Ancien, sur le Portrait celebre de la Venus d’Appelle.</p>
            <quote>
              <lg>
                <l rend="i">Egressam nuper Venerem de marmoris undis,</l>
                <l rend="i">Aspice præclarinobile Apellis opus.</l>
                <l rend="i">Hac visâ Pallas, sic cum Junone locuta est :</l>
                <l rend="i">De forma Veneris cedere jure decet.</l>
              </lg>
            </quote>
            <p>En voicy la traduction, que j’ay faite seulement pour mieux expliquer ma pensée.</p>
            <quote>
              <lg>
                <l rend="i">Quand d’un docte pinceau l’ingenieux Appelle</l>
                <l rend="i">Representa Venus en sortant de la mer,</l>
                <l rend="i">Pallas en fut charmée, &amp; d’un sourire amer,</l>
                <l rend="i">La montrant à Junon : Cedons-luy, luy dit elle,</l>
                <l rend="i"> La gloire d’estre la plus belle.</l>
              </lg>
            </quote>
            <p>Madame la Princesse de Conty n’a t-elle pas le mesme droit que Venus eut autrefois sur les Déesses, d’exiger des plus belles Personnes de la terre, qu’elles luy cedent tout l’avantage de la beauté ; beauté dont on doit reconnoistre icy le pouvoir, &amp; qui échauffe si vivement les ames, que je ne suis point surpris qu’on ait si bien réussi pour elle dans ces Bouts-rimez. Avoüons que le triomphe seroit complet, de celuy qui par deux Sonnets superieurs à tous les autres, emporteroit sur ses Concurrens le Portrait de nostre Auguste Monarque, &amp; celuy de cette incomparable Princesse. On pourroit bien dire de cet heureux Vainqueur.</p>
            <quote>
              <lg>
                <l rend="i"> Heureux d’avoir fait un Ouvrage</l>
                <l rend="i">Qui de Louis &amp; d’elle a merité l’image ;</l>
                <l rend="i">Il voit, en regardant l’un &amp; l’autre tableau,</l>
                <l rend="i">Tout ce que l’Vnivers a de grand &amp; de beau.</l>
              </lg>
            </quote>
            <p>Mais heureuse &amp; glorieuse tout ensemble, cette naissante Academie de Toulouse, de s’estre attiré les regards, &amp; la protection de cette incomparable Princesse, en travaillant à la gloire du Roy. Que de graces ne doit elle point rendre à Apollon, &amp; aux Muses d’avoir rendu ses jeux &amp; ses amusemens si précieux ! L’honneur d’avoir rétabli les Bouts-rimez est le moindre avantage qu’elle s’en doit promettre ; elle peut encore se vanter d’avoir fait mettre au jour les plus beaux Sonnets qui ayent paru depuis ceux de Job &amp; d’Uranie, de galante &amp; d’amoureuse memoire, &amp; qui ne font pas moins de bruit dans le monde. Ils font déja secte &amp; party à la Cour &amp; à la Ville, &amp; je prévoy qu’ils vont exciter une grosse guerre sur le Parnasse, car leurs Auteurs sont bien d’autres Paladins que Voiture, &amp; Benserade. Ce sont la pluspart des Heros &amp; des Demi-Dieux qui font trembler l’Olimpe, &amp; dont on doit craindre la foudre ; mais Apollon sur tout.</p>
            <quote>
              <lg>
                <l rend="i">Enfin, aux Bouts-rimez tout devient favorable,</l>
                <l rend="i">Et le nom de Conty qui leur fut si fatal,</l>
                <l rend="i"> Sous cette Princesse adorable,</l>
                <l rend="i">Leur fait autant de bien, qu’il leur a fait de mal.</l>
              </lg>
            </quote>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-05_167" resp="wordpro">
          <head>L’Amant heureux</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mai 1695 [tome 5], p. 167-176.</bibl>
          <p>Vous demeurerez d’accord, Madame, quand vous aurez lû l’Ouvrage qui suit, que son Auteur a beaucoup de talent pour la Poësie. Je luy rendrois la justice qu’on luy doit, si son nom m’estoit connu.</p>
          <quote>
            <label>L’AMANT HEUREUX.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">D’un peril évité l’image retracée</hi></l>
              <l rend="i">Ne porte pas toûjours l’effroy dans la pensée.</l>
              <l rend="i">Le trouble, les tourment, les chagrins surmontez</l>
              <l rend="i">Souvent avec plaisir nous sont representez.</l>
              <l rend="i"> Vn Soldat échapé d’un carnage terrible,</l>
              <l rend="i">Conserve du Combat un souvenir paisible,</l>
              <l rend="i">Et quand malgré les vents, les écueils &amp; les flots,</l>
              <l rend="i">Vn Vaisseau met à bord les tristes Matelots,</l>
              <l rend="i">Dans le Port assurez, à couvert de l’orage,</l>
              <l rend="i">Ils racontent joyeux les dangers du naufrage.</l>
              <l rend="i"> Mais est-il sous le Ciel un estat plus heureux,</l>
              <l rend="i">Que celuy qui succede aux soupçons trop affreux</l>
              <l rend="i">D’un Amant qui craignant de perdre sa Maistresse,</l>
              <l rend="i">Retrouve dans son cœur sa premiere tendresse ?</l>
              <l rend="i"> Daphnis, depuis longtemps des yeux d’Iris charmé,</l>
              <l rend="i">Brûloit pour cette Belle, &amp; s’en voyoit aimé.</l>
              <l rend="i">Ses soins toûjours nouveaux sçavoient attirer d’elle</l>
              <l rend="i">Toûjours nouveaux bienfaits, toûjours douceur nouvelle,</l>
              <l rend="i">Et leur goust toûjours vif, dans les mesmes objets,</l>
              <l rend="i">Trouvoit pour s’amorcer de differens sujets.</l>
              <l rend="i"> Telle de ces Amans estoit la destinée,</l>
              <l rend="i">Telle de leurs amours la suite fortunée,</l>
              <l rend="i">Quand un soupçon jaloux s’emparant de Daphnis,</l>
              <l rend="i">Attaqua dans son cœur l’innocence d’Iris.</l>
              <l rend="i">Iris, jusqu’à ce jour, douce, tendre, fidelle</l>
              <l rend="i">Ne luy parut enfin, qu’ingrate &amp; criminelle.</l>
              <l rend="i">Son silence, sa voix, tout mal interpreté,</l>
              <l><hi rend="i">L’accusoit d’injustice &amp; de legereté.</hi></l>
              <l rend="i"> Dans ce trouble secret Daphnis sombre &amp; farouche</l>
              <l rend="i">Cherche Iris en tous lieux le reproche à la bouche ;</l>
              <l rend="i">Il la suit, sur ses pas rien ne peut l’arrester,</l>
              <l rend="i">Il la trouve, il l’aborde, il est prest d’éclater ;</l>
              <l rend="i">Mais contre ce qu’on aime en vain l’esprit murmure</l>
              <l rend="i">Si le cœur ne veut pas consentir à l’injure ;</l>
              <l rend="i">Pour détruire ses droits, la raison &amp; les sens</l>
              <l rend="i">Consument tous les jours des efforts impuissans.</l>
              <l rend="i"> Ainsi de ces projets l’injurieuse audace</l>
              <l rend="i">A de plus doux transports laissant prendre la place,</l>
              <l rend="i">Daphnis, se repentant d’avoir esté jaloux</l>
              <l rend="i">Se jette aux pieds d’Iris, embrasse ses genoux.</l>
              <l rend="i">Pardonnez, luy dit-il, mon aimable Maistresse,</l>
              <l rend="i">Pardonnez à mon cœur un excez de tendresse.</l>
              <l rend="i">Ce cœur par ses soupçons vivement allarmé</l>
              <l rend="i">Seroit plus innocent, s’il avoit moins aimé.</l>
              <l rend="i">Helas ! suis-je le seul penetré de vos charmes ?</l>
              <l rend="i">Ay je seul éprouvé le pouvoir de vos armes ?</l>
              <l rend="i">Vos coups par tout sentis, &amp; le peu que je vaux,</l>
              <l rend="i">Me font auprés de vous mille fâcheux rivaux.</l>
              <l rend="i">Inquiet &amp; tremblant je parle de mes craintes.</l>
              <l rend="i">Vous n’entendrez icy que de modestes plaintes ;</l>
              <l rend="i">Je souffre, mais enfin ma timide douleur</l>
              <l rend="i">Ignorera toûjours un langage d’aigreur.</l>
              <l rend="i">De mes soucis cuisans, de mes peines secrettes,</l>
              <l rend="i">Mes tristes yeux, Iris, seront les Interpretes.</l>
              <l rend="i">Un silence éternel.… Ah, trop ingrat Amant,</l>
              <l rend="i">Meritay-je, dit-elle, un si dur traitement ?</l>
              <l rend="i">Où sont donc mes rigueurs, où sont mes injustices ?</l>
              <l rend="i">Non, vos chagrins, vos maux, ne sont que vos caprices.</l>
              <l rend="i">Lors que tant de raisons pouvoient vous soulager</l>
              <l rend="i">Par de vaines terreurs vous venez m’outrager.</l>
              <l rend="i">Vous deviez, appuyé de mes bontez insignes,</l>
              <l rend="i">Vivre persuadé que j’en croyois indignes</l>
              <l rend="i">Tous les cœurs qui se sont offerts depuis le jour</l>
              <l rend="i">Que vos tendres regards m’apprirent vostre amour,</l>
              <l rend="i">Je le connus d’abord, je le voulois connoistre</l>
              <l rend="i">Mesme longtemps avant que je le visse naistre,</l>
              <l rend="i">Et si j’ay prévenu vos paresseux desirs,</l>
              <l rend="i">Comment mépriseray-je aujourd’huy vos soupirs ?</l>
              <l rend="i">Cependant vostre esprit rempli de ses ombrages</l>
              <l rend="i">Croit que de vos Rivaux j’accepte les hommages</l>
              <l rend="i">Il pense qu’insensible à vos respects rendus</l>
              <l rend="i">Mon oreille est ouverte à leurs vœux assidus.</l>
              <l rend="i">Ah ! deffendez-vous mieux d’une indigne foiblesse ;</l>
              <l rend="i">Vous avez des rivaux, ouy, je vous le confesse,</l>
              <l rend="i">Mais ils sont, cher Daphnis, nos ennemis communs.</l>
              <l rend="i">De concert profitons de leurs soins importuns.</l>
              <l rend="i">Que leurs empressemens, bien loin de nous déplaire,</l>
              <l rend="i">Servent à couronner nostre amitié sincere ;</l>
              <l rend="i">Par leurs vives ardeurs mon merite est loüé,</l>
              <l rend="i">Vos gousts sont approuvez, vostre choix avoüé ;</l>
              <l rend="i">Et ces mesmes ardeurs que la vostre surpasse</l>
              <l rend="i">Montrant de leurs desseins la témeraire audace,</l>
              <l rend="i">La gloire &amp; les plaisirs dans l’Empire amoureux</l>
              <l rend="i">Vous rendent des amans l’amant le plus heureux.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-05_176" resp="wordpro">
          <head>[Histoire]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mai 1695 [tome 5], p. 176-211.</bibl>
          <p>Il n’y a rien de plus surprenant que l’avanture que je vais vous raconter ; mais de quoy l’amour n’est il point capable ? Un Cavalier des plus accomplis, soit pour l’esprit, soit pour la personne, s’estant trouvé à Marseille, où une troupe de jeunes gens comme luy estoit preste à s’embarquer pour passer en Italie, prit tout à coup le dessein d’être du voyage. L’occasion luy parut commode, &amp; comme le rapport d’humeurs fait les grandes liaisons, il s’attacha particulierement à un Gentilhomme, dont la Famille luy étoit connuë. Ils étoient tous deux de la mesme Ville, &amp; ils avoient déja fait ensemble plusieurs parties de plaisir, où leurs manieres ouvertes &amp; pleines d’honnesteté, leur avoient fait prendre l’un pour l’autre une estime reciproque. Cette estime augmenta dans le voyage, &amp; l’habitude des mesmes plaisirs qui les rendoit presque inseparables, leur fit lier en fort peu de temps l’amitié la plus étroite. Aprés avoir vû ce qu’il y avoit de plus curieux dans plusieurs Villes, ils arriverent à Rome, où ils passerent deux années entieres. Le Cavalier s’y fit connoistre bientost pour un homme d’un merite distingué ; &amp; s’il y brilla par son esprit, il y fut encore plus estimé par la sagesse de sa conduite. Le Gentilhomme beaucoup plus boüillant dans ce qu’il entreprenoit, &amp; moins circonspect sur bien des choses, se fit de temps en temps des affaires, qui auroient eu des suites fâcheuses, si la consideration qu’on avoit pour son Ami ne l’en eust tiré. Il fallut mesme que le Cavalier exposast son sang pour luy en plusieurs occasions, &amp; il le fit avec tant de zele &amp; tant de courage, que le Gentilhomme, qui avoit un cœur tres-reconnoissant, comptoit pour le plus grand bonheur de sa vie, l’avantage d’avoir un Ami qui ne luy manquoit en rien. Des services si essentiels l’obligerent à partager sa bourse avec luy. Elle estoit toujours assez bien remplie, son Pere, qui estoit riche &amp; ambitieux, ne voulant rien épargner afin qu’il parust par sa dépense. Ce secours estoit commode pour le Cavalier, qui ayant fort peu de bien, se fust trouvé fort souvent embarrassé sans ce partage, qui fournissoit à tous ses besoins. Enfin le Pere du Gentilhomme ayant formé le dessein d’établir son Fils, le rappella aprés trois années d’éloignement, &amp; apprit à son retour les bons offices que son Ami luy avoit rendus. Ils estoient assez considerables pour faire approuver l’amitié parfaite qui les unissoit. Le Cavalier avoit d’ailleurs beaucoup de naissance, &amp; on se faisoit honneur de le recevoir par tout. Vous pouvez juger de l’accueil qui luy fut fait dans la Famille du Gentilhomme, où ses belles qualitez furent aussitost connuës. Le Pere &amp; la Mere le virent avec plaisir, &amp; il eut chez eux un accés tres-libre. Le Gentilhomme avoit une Sœur qu’il avoit laissée tres-jeune, &amp; sa beauté s’estoit si fort augmentée pendant son absence, qu’il fut surpris de la revoir avec tant de charmes. Le Cavalier la trouva fort à son gré, &amp; cherchant en elle d’autres agrémens que ceux du visage, il découvrit tant d’égalité dans son humeur, &amp; je ne sçay quoy de si droit dans ses sentimens, qu’il ne s’ennuyoit jamais dans sa conversation. La Belle qui connoissoit qu’il y avoit beaucoup à profiter de la sienne, ne negligeoit pas l’occasion d’en joüir, &amp; s’il estoit toujours prest à faire tout ce qu’elle pouvoit souhaiter de sa complaisance, elle l’en récompensoit par des marques d’estime assez obligeantes, pour luy faire voir qu’elle estoit touchée du vray merite. La Mere de son costé se plaisoit à voir le Cavalier, qui estoit sans cesse avec son Fils, &amp; qui mesloit beaucoup d’enjoüement d’esprit à une tres-grande solidité. Il passa un an dans ce commerce agreable, regardant toute la Famille de son Ami comme la sienne, &amp; ne songeant qu’à se conserver avec les uns &amp; les autres dans la familiarité qu’on luy permettoit ; mais enfin a force de voir la Belle, il commença à s’appercevoir qu’il avoit pour elle des sentimens plus vifs &amp; plus tendres qu’il ne les croyoit. Son image luy estoit toujours presente quand il ne la voyoit pas, &amp; tous les efforts qu’il faisoit pour la bannir estoient inutiles. L’attachement qu’il sentoit pour elle le faisoit souvent rêver, &amp; sa rêverie l’embarrassa. Il ne douta point que l’amour n’en fust la cause, &amp; faisant de tres-serieuses reflexions sur ce qu’il auroit à souffrir de cet amour, s’il luy laissoit prendre plus d’empire sur son cœur, il crut devoir travailler à son repos, &amp; ne pas risquer a se mettre mal avec des gens, qu’il y alloit de son interest d’avoir toujours pour Amis. La Belle estoit riche, il n’avoit presque aucun bien, &amp; c’eust esté s’aveugler soy-mesme que de penser qu’on luy eust souffert des prétentions. Ainsi il supposa des affaires qui l’empêchant de voir si souvent l’aimable personne dont il se sentoit charmé, devoient le mettre en estat de vaincre une passion, dont il vouloit affoiblir la violence. Son Ami qui avoit peine à vivre sans luy, alloit le chercher à tous momens, &amp; trouvant que ces prétenduës affaires ne meritoient pas qu’il s’y donnât tout entier, il joignit aux plaintes qu’il luy faisoit pour son compte, celles de sa Mere &amp; de sa Sœur qui voyoient avec chagrin qu’il commençoit à les negliger. Il se plaignit si souvent pour luy &amp; pour elles, que le Cavalier fut enfin contraint de luy avouër ce qui l’obligeoit à la retraite. Son Ami touché de la contrainte qu’il se vouloit imposer, luy dit là-dessus les choses du monde les plus obligeantes. Non seulement il approuva son amour, mais il l’assura qu’il feroit si bien, qu’il l’obligeroit à luy estre favorable, pourvû que sa Sœur, dont il faloit laisser le choix libre, ne fust point contraire à sa passion. Il ajoûta qu’il y avoit fort longtemps qu’il le regardoit comme son Frere, &amp; que n’ayant aucune inclination pour le mariage, il seroit ravi qu’il le devinst pour partager son bien avec luy. Quant à son Pere, il luy avoüa qu’on pourroit avoir de la peine à le gagner, mais il ne luy parut pas qu’il fust impossible d’en venir à bout, &amp; sa Sœur estant la partie la plus interessée dans l’affaire, il le pria avant toutes choses de n’épargner rien pour s’en faire aimer. Le Cavalier appuyé d’un Ami si genereux, ne crut plus devoir se défendre l’esperance. Il reprit ses premieres assiduitez, &amp; par de nouveaux soins rendus à la Belle, il se mit si bien dans son esprit, qu’il connut bien-tost que ce ne seroit jamais par elle que viendroit l’obstacle qu’il craignoit à son amour. Il en reçût l’assurance d’elle-mesme, lors qu’ayant trouvé l’occasion de luy déclarer la force des sentimens que sa passion luy avoit fait prendre, elle s’y montra assez sensible pour ne luy déguiser pas qu’elle obéiroit sans répugnance quand son Pere luy ordonneroit de l’épouser. Ce fut pour luy un transport de joye qui ne se peut exprimer. La Mere qui lisoit son amour dans ses regards, &amp; qui d’ailleurs le remarquoit tous les jours dans ses manieres, s’en expliqua avec luy, &amp; luy dit obligeamment qu’aimant cherement son Fils, elle appuyeroit de tout son pouvoir le dessein d’une alliance qu’elle luy voyoit souhaiter avec ardeur. Il devint aprés cela le plus amoureux de tous les hommes, &amp; la Belle autorisée par sa Mere &amp; par son Frere, à toutes les complaisances qu’elle avoit pour luy, ne défendit plus son cœur de ces doux je ne sçay quoy qu’une agreable habitude y forme insensiblement, &amp; qu’il est ensuite si difficile d’en arracher C’estoit sa premiere passion ; &amp; comme on l’y avoit enhardie, &amp; qu’il luy estoit permis de s’y abandonner sans réserve, plus elle voyoit le Cavalier, plus son merite l’obligeoit à s’applaudir d’avoir fait cette conqueste. Il n’estoit plus question que d’obtenir le consentement du Pere, dont on luy avoit toujours répondu ; &amp; le Cavalier, par l’avis de son Ami, passoit à l’entretenir toutes les heures qu’il n’employoit pas à ses affaires ou à ses plaisirs, &amp; tâchoit à force de complaisances, de luy inspirer des sentimens qui pussent tourner à son avantage. L’inegalité qui se rencontroit entre la fortune de l’un &amp; de l’autre, l’empêchant de soupçonner qu’on luy eust permis des prétentions, il le recevoit toujours agreablement, &amp; dans la pensée que l’estime qu’il marquoit pour luy, jointe à la consideration particuliere que chacun avoit pour sa naissance, l’emporteroit sur les veuës de l’interest, on estoit prest à luy découvrir le secret des deux Amans, quand le Fils tomba dangereusement malade. Le Cavalier en eut un chagrin inconcevable, &amp; les soins officieux qu’il luy rendoit jour &amp; nuit, prouvoient assez l’amitié sincere qu’il avoit pour luy. Toute sa Famille fut dans une grande consternation de son mal. La fiévre estoit violente, &amp; accompagnée d’accidens fâcheux qui embarrassoient les Medecins. Le Malade se condamna luy-mesme dés les premiers jours, &amp; voyant sa Mere &amp; sa Sœur en pleurs, il leur fit promettre, si elles vouloient qu’il mourust content, qu’elles demeureroient fermes sur le mariage du Cavalier. Quelques jours aprés, se sentant prest de mourir, il dit à son Pere, que quand le Ciel luy ostoit un Fils, il luy en vouloit donner un autre qui répareroit sa perte avec beaucoup d’avantage, &amp; qu’il le conjuroit instamment de vouloir bien l’accepter. Il luy expliqua ensuite le dessein qu’il avoit fait de faire épouser sa Sœur à son Amy, &amp; luy demanda par grace de consentir à cette alliance, qui ne pouvoit recevoir d’obstacle que de sa part. La chaleur avec laquelle il parla sur cette affaire ayant épuisé ses forces, le fit tomber dans une foiblesse, qui fut bientost suivie de sa mort. Elle apporta de grands changemens. Le Cavalier qui en fut tout penetré de douleur, prévit le malheur qui luy devoit arriver. La Mere &amp; la Fille l’assurérent de nouveau de tout ce qui pouvoit dépendre d’elles pour le rendre heureux, mais il n’y avoit pas sujet d’esperer que le Pere se rendist sur la priere que son Fils luy avoit faite en mourant. C’estoit un homme fort ambitieux, &amp; sa Fille estant devenuë un des plus riches partis de la Province, il eut un Gendre à choisir entre plusieurs Prétendans considerables. La Belle qui avoit pris une vraye tendresse pour le Cavalier, fut inconsolable, lors qu’ayant fixé son choix il luy ordonna de luy obéir. La Mere qui ne pouvoit oublier ce qu’elle avoit promis à son Fils, la fortifia dans le dessein de ne luy pas manquer de parole, &amp; employa toutes sortes de moyens pour gagner l’esprit de son Mary, mais tous ses efforts demeurérent inutiles. Il ne s’occupa que du plaisir de contenter son ambition, &amp; ne voulut point écouter sa Fille, qui n’ayant pû le fléchir, se servit des termes les plus tendres pour obtenir qu’il voulust bien au moins luy donner le temps de s’arracher du cœur une passion trop violente, que sa Mere &amp; son Frere avoient soufferte, &amp; que l’un &amp; l’autre avoit flattée jusque-là, de l’esperance d’un heureux succez. Il la vit si agitée, &amp; ce qu’elle demandoit estoit si juste, qu’enfin aprés une longue contestation, il luy accorda trois mois pour se préparer à recevoir favorablement celuy qu’il vouloit qu’elle épousast, &amp; qu’il jugea à propos de ne luy nommer qu’en ce temps-là. C’estoit luy accorder peu de chose, &amp; comme elle ne l’obtint qu’à condition qu’elle ne verroit jamais le Cavalier, ce qui fut un ordre irrevocable, elle demeura dans un accablement de douleur dont rien ne peut approcher. Elle luy prononça son arrest, &amp; ne pouvant l’épouser malgré son Pere, elle tâcha de le consoler, en l’assurant qu’elle ne seroit jamais à un autre, quelque rigueur qu’il pust employer pour l’y contraindre. Si elle fut privée de sa vûë, qui n’auroit fait qu’entretenir son amour, son attachement à penser sans cesse à luy, fit la mesme effet. Elle en parloit à toute heure avec sa Mere, &amp; l’ayant toûjours present dans son souvenir, elle s’enfonça le coup qui luy avoit fait une playe mortelle. Ses chagrins la devorérent. Elle tomba insensiblement dans une maigreur qui ne se peut croire, &amp; une fiévre lente qui la consuma, laissoit à peine reconnoistre en elle la mesme personne que l’on avoit vûë auparavant dans tout l’embonpoint qu’une Fille peut avoir. Quoy que les trois mois fussent passez, son Pere doublement touché de sa langueur &amp; par sa cause qu’il ne pouvoit ignorer, &amp; par les suites qu’il en devoit craindre, songea bien moins à luy donner un Epoux qu’à luy faire rendre sa santé. Les Medecins furent appellez, &amp; ils employerent inutilement leurs remedes les plus specifiques contre un mal qui augmentoit tous les jours. Une profonde mélancolie en estant la source, ils luy proposoient la joye comme necessaire pour vaincre ce mal, &amp; afin que d’agreables idées luy en fissent prendre, ils luy parloient quelquefois de l’heureux estat où elle seroit si elle vouloit travailler à se guerir, ayant à choisir pour se marier, parmy ce qu’il y avoit de plus éclatant dans la Province. Il n’en falloit pas dire davantage pour la faire soupirer, &amp; pour mettre dans ses yeux je ne sçay quoy de funeste qui ne pouvoit estre que d’un tres-méchant présage. Son avanture leur estant connuë, ils voulurent éprouver quel effet feroit sur elle l’esperance de revoir le Cavalier. Ils luy en parlérent plusieurs fois, en luy promettant d’agir pour elle auprés de son Pere, &amp; chaque fois son nom prononcé mit quelque chose de si vif dans ses regards, qu’ils furent persuadez que sa guerison dépendoit entiérement de ce mariage. Ils en avertirent son Pere, &amp; voyant de plus en plus l’inutilité de leurs remedes, ils luy dirent que s’il ne se resolvoit à luy faire au plûtost épouser le Cavalier, ils ne pouvoient luy répondre de sa vie, &amp; que sa langueur continuant, elle les mettroit dans peu de temps hors d’état de la sauver. Il balança quelques-jours sur ce qu’il avoir à faire, &amp; enfin la crainte de perdre sa Fille que rien ne pouvoit tirer de l’estat déplorable où elle estoit, luy fit dire qu’il aimoit mieux la donner à un homme sans bien, mais qui estoit distingué par sa naissance, que de la laisser mourir par son obstination à vouloir contraindre les sentimens de son cœur. Sa Mere courut aussi-tost luy porter cette nouvelle, mais la Belle n’en demeura pas moins abbatuë. Elle dit qu’elle connoissoit l’esprit de son Pere, dont les resolutions luy avoient toûjours paru inébranlables, &amp; qu’à moins qu’il ne l’asseurast luy-mesme de ce qu’on vouloit qu’elle esperât, elle se croiroit toûjours également malheureuse. Non-seulement il voulut bien luy dire luy-mesme qu’il consentiroit à son mariage, si-tost que sa santé seroit rétablie, mais il trouva bon que le Cavalier luy renouvelast ses soins. Ce fut pour elle un fort grand sujet de joye. Cependant la pensée qu’elle eut que son Pere ne flattoit son esperance qu’afin que la tranquillité de l’esprit redonnast au corps les forces qui luy manquoient, la laissa toûjours dans un chagrin devorant qu’elle ne put surmonter. On eut beau luy dire que son Pere luy tiendroit parole, &amp; que son bonheur dépendoit du soin qu’elle prendroit de sortir de sa langueur. Un pressentiment secret luy fit toûjours croire que son mariage ne se feroit point, &amp; son Pere persuadé que sa défiance estoit un obstacle à sa guerison se détermina à faire cesser toutes ses craintes par des articles dressez. Il fit venir son Notaire, &amp; ce fut alors que la Belle se sentant seure de ce qui combloit tous ses desirs, ne pût plus se posseder. Elle s’abandonna toute entiere, au ravissement que luy causa l’heureux succés de sa passion. Un rouge éclatant parut sur tout son visage, &amp; fit dire à ceux qui la regardérent, que la joye estoit un remede essentiel pour les plus grands maux. On luy parloit, &amp; elle rioit au lieu de répondre, le saisissement où son transport la mettoit, ne luy laissant presque point l’usage de la parole. Les Articles ayant esté redigez par le Notaire, le Cavalier les signa, &amp; luy presenta la plume ensuite. Elle la prit d’une main tremblante, &amp; à peine eut-elle formé la premiere lettre de son nom, que les forces luy manquerent. La plume luy tomba des mains, &amp; elle seroit tombée elle-mesme, si on ne l’eust soutenuë. On fut obligé de la porter sur un lit, la voyant sans connoissance, &amp; l’évanoüissement dura un quart-d’heure entier sans qu’on l’en pust retirer. Enfin elle ouvrit les yeux, regarda tous ceux qui estoient présens, &amp; ayant remarqué le Cavalier, elle luy tendit la main, sans rien prononcer. Un accident si long &amp; si imprévû fit craindre ce qui arriva, de ce grand excés de joye. On connut presque aussitost qu’elle estoit morte, &amp; les cris de desespoir, qui furent poussez par le Pere &amp; par la Mere, firent fondre en larmes tous ceux qui estoient presens. Je ne vous dis rien de l’accablement du Cavalier, qu’il est impossible de vous bien representer. Il perdoit ce qui le flatoit le plus du costé du cœur, &amp; en mesme temps tout ce qu’il avoit pû souhaiter du costé de la fortune. Rien ne luy pouvoit faire mieux comprendre le peu que sont les choses du monde. Il en fut desabusé ; &amp; sentant par cette mort ce que Dieu vouloit de luy, il se retira dans un Monastere de Religieux tres reformez, où il prit l’habit un mois aprés.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-05_212" resp="wordpro">
          <head>[Madrigaux]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mai 1695 [tome 5], p. 212-216.</bibl>
          <p>Vous sçavez, Madame, avec quel succés M<hi rend="sup">r</hi> l’Evêque d’Agen prêcha l’Avent dernier à Versailles. Il alla aussi prêcher à Saint-Cyr, &amp; c’est sur ce Sermon que Mademoiselle de Scudery a fait le Madrigal que vous allez lire.</p>
          <quote>
            <label>A M<hi rend="sup">r</hi> L’EVESQUE<lb />COMTE D’AGEN.</label>
            <lg>
              <l rend="i">Aprés avoir charmé des Courtisans sans nombre,</l>
              <l rend="i">Et touché fortement les plus ambitieux,</l>
              <l><hi rend="i">Vous allez à Saint-Cyr, desert delicieux,</hi></l>
              <l rend="i">Où l’on voit la vertu sans nuage &amp; sans ombre,</l>
              <l rend="i"> Telle qu’elle descend des Cieux.</l>
              <l rend="i">Dans tant de jeunes cœurs, vostre vive éloquence</l>
              <l rend="i">Va fixer pour toujours l’amour de l’innocence,</l>
              <l rend="i">Comme un contre-poison des injustes desirs,</l>
              <l rend="i">Et des appas trompeurs des frivoles plaisirs.</l>
              <l rend="i">Que vous serez surpris de voir cette Jeunesse,</l>
              <l rend="i">Sans le secours des ans, avoir tant de sagesse,</l>
              <l rend="i">Et remplir dignement les soins &amp; les souhaits</l>
              <l rend="i"> De cette Heroïne Chrestienne,</l>
              <l rend="i">Qui par ce beau dessein a signalé la sienne,</l>
              <l rend="i">Et dont l’illustre nom ne perira jamais.</l>
            </lg>
          </quote>
          <p>Cet autre Madrigal a esté fait par M<hi rend="sup">r</hi> Bosquillon, de l’Academie Royale de Soissons, sur ce que le même Prelat devoit prêcher à Saint-Cyr le jour de l’Annonciation.</p>
          <quote>
            <lg>
              <l rend="i">Pour inspirer l’amour des plus hautes vertus,</l>
              <l rend="i">Si tu vas à Saint-Cyr porter ton éloquence,</l>
              <l rend="i">Tes soins toujours heureux y seront superflus,</l>
              <l rend="i">Prelat, dans ce sejour de l’aimable innocence,</l>
              <l rend="i">La sage Maintenon exerce tous tes droits,</l>
              <l rend="i">Et son illustre exemple a prévenu ta voix.</l>
            </lg>
          </quote>
          <p>Le même M<hi rend="sup">r</hi> Bosquillon a adressé ce troisiéme Madrigal à M<hi rend="sup">r</hi> l’Evêque d’Agen.</p>
          <quote>
            <lg>
              <l rend="i">Des hommes distinguez par la haute naissance,</l>
              <l rend="i">La pieté, le rang, la valeur, la science,</l>
              <l rend="i"> I’assemble avec soin les Portraits.</l>
              <l rend="i"> Souvent en observant leurs traits,</l>
              <l rend="i">De leur histoire encor j’acquiers la connoissance,</l>
              <l rend="i">J’ay de bien des vertus le modéle accomply</l>
              <l rend="i"> Sur qui j’attache un œil avide,</l>
              <l rend="i">Mais, Prelat, mon Recueil me fait voir un grand vuide,</l>
              <l rend="i">Qui sans Ambroise, ou Vous, ne peut estre rempli.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-05_220" resp="mercure">
          <head>[Mort du marquis de Sourdéac]*</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mai 1695 [tome 5], p. 220-224.</bibl>
          <p/>
          <p>Messire Alexandre de Rieux, Marquis de Sourdeac, mort le 7. de ce mois. Il estoit Fils de Guy de Rieux, Marquis de Sourdeac, premier Ecuyer de la Reine Marie de Medicis, &amp; de Louise de Vieuxpont, Dame du Neubourg, Dame d’honneur de la mesme Reine, &amp; petit Fils de René de Rieux, Seigneur de Sourdeac, Marquis d’Oixant, Chevalier des Ordres du Roy, Lieutenant General en Bretagne, Gouverneur de Brest, &amp; de Suzanne de Sainte-Melaine. La Maison de Rieux est une des plus illustres de cette Province, &amp; a donné des Mareschaux de France, des Evesques, &amp; des premiers Officiers dans l’épée. Mr le Marquis de Sourdeac avoit épousé Helene de Clere, Dame d’un fort grand merite, qui s’est toûjours distinguée par son esprit &amp; par sa vertu, &amp; dont il laisse un Fils vivant, à present Marquis de Sourdeac, &amp; quatre Filles, dont il y en a deux Religieuses ; l’une au calvaire du Fauxbourg Saint Germain, &amp; l’autre aux Filles de S. Sacrement du mesme Fauxbourg. On se souviendra longtemps de la magnificence avec laquelle ce Marquis donna une grande Feste dans son Chasteau du Neubourg, en réjoüissance de l’heureux mariage de Sa Majesté, &amp; de la Paix qu’il luy avoit plû donner à ses Peuples. La Tragedie de la Toison d’or meslée de Musique &amp; de superbes spectacles, fut faite exprés pour cela. Il fit venir au Neubourg les Comediens du Marais, qui l’y representérent plusieurs fois en presence de plus de soixante des plus considerables personnes de la Province, qui furent logées dans le Chasteau, &amp; regalées pendant plus de huit jours avec toute la propreté &amp; toute l’abondance imaginable. Cela se fit au commencement de l’hiver de l’année 1660. &amp; ensuite Mr le Marquis de Sourdeac donna aux Comediens toutes les machines &amp; toutes les decorations qui avoient servy à ce grand spectacle qui attira tout Paris, chacun y ayant couru longtemps en foule.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-05_225" resp="mercure">
          <head>[Apotheose à la memoire de Mr le Mareschal Duc de Luxembourg]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mai 1695 [tome 5], p. 225-244.</bibl>
          <p/>
          <p>Le Pere de Longuemare, Regent de Rhetorique au College des Jesuites à Rennes, continuant d’exercer son genie heureux &amp; aisé dans tout ce qui a rapport à l’Art dont il fait profession, fit representer le 16. jour de Mars dernier une Piece en trois Actes, sous le nom d’Apotheose de Laodamas, à la memoire de Mr le Mareschal Duc de Luxembourg, avec des Intermedes convenables au sujet, dont les paroles furent trouvées tres-agreables, aussi bien que la Musique, composée par Mr Charpentier. Cette Piece fut representée aux flambeaux par un nombre de Rhetoriciens choisis entre les disciples de ce Pere, qui pour honorer le merite d’un Heros qui a rendu de si grands services à l’Estat, avoit pris un dessein qui representoit d’une maniere allegorique &amp; propre au Theatre, ce que Dieu &amp; les hommes avoient fait à sa mort pour la rendre plus glorieuse. Ce dessein renfermoit, non seulement l’amour &amp; la confiance que les Soldats de son Armée ont euë de tout temps pour Mr de Luxembourg, mais aussi l’estime que la France a toûjours faite de sa valeur, &amp; la justice que Dieu a voulu rendre aux Victoires qu’il a remportées contre les ennemis de la Religion, en luy donnant tout le temps de se preparer à aller joüir de la gloire immortelle qu’elles meritent dans le Ciel. On soutint l’Allegorie, en representant ce Mareschal sous le nom de Laodamas, qui veut dit Vainqueur des Peuples, nom dont il a si bien remply la signification, ayant gagné jusqu’à dix Batailles contre differens Peuples de l’Europe. La qualité de Chef &amp; de Maistre des Pasteurs luy fut donnée, parce qu’il a commandé les Troupes en chef, &amp; on representa l’Isle de France, lieu où il nâquit, &amp; la Flandre conquise, qui a esté le Theatre de ses Victoires, par les Genies qui président à ces differens endroits du Royaume. La Justice de Dieu fut representée par la Déesse Uranie, qui éleva ce Heros à une gloire celeste &amp; immortelle. Aprés que cette Deesse, accompagnée de Phosphore &amp; d’Hesper, Dieux des Astres, eut fait le Prologue de la Piece, les Pasteurs du Pays de la Sambre, qui avoient eu les premieres apprehensions de la mort de Laodamas leur Chef, par son Ombre qui leur estoit apparuë en songe, par l’aspect du Ciel, par la vûë de leurs Prairies &amp; de leurs Boccages, &amp; par le son de leurs voix &amp; de leurs Musettes, qui leur sembloient plus sombres &amp; plus tristes qu’à l’ordinaire, demeurérent dans une inquiétude mortelle, quoy qu’on leur pust dire de sa santé &amp; de l’honneur qu’il venoit de recevoir à la Cour du Dieu Pan, Dieu des Bergers, &amp; pour en sçavoir quelque chose de plus certain, ils interrogerent l’Echo qui ne leur rendant que des réponses ambiguës, les obligea d’avoir recours au Devin. Les conjurations ordinaires ayant esté faites, le Devin ne leur put cacher que Laodamas estoit mort. Cette fâcheuse nouvelle donna lieu au premier Intermede &amp; aux plaintes des Bergers, qui chantérent ces paroles.</p>
          <p/>
          <p>LYCIDAS.</p>
          <p>O Ciel ! ô digrace cruelle !</p>
          <p>O la triste nouvelle ?</p>
          <p/>
          <p>DAMON.</p>
          <p>Lycidas, qu’avez-vous ?</p>
          <p/>
          <p>LYCIDAS.</p>
          <p>O le malheureux sort !</p>
          <p>O la funeste mort !</p>
          <p/>
          <p>TITYRE.</p>
          <p>Qu’avez-vous, Lycidas ?</p>
          <p/>
          <p>LYCIDAS.</p>
          <p>O le cruel martyre !</p>
          <p>Ie perds  que j’aimois le mieux.</p>
          <p>Ah, quand Laodamas expire,</p>
          <p>Puis-je voir plus longtemps la lumiere des Cieux ?</p>
          <p/>
          <p>TITYRE.</p>
          <p>Cessez de soupirer, tout finit sur la terre.</p>
          <p>La Paix &amp; la Guerre</p>
          <p>Viennent tour à tour.</p>
          <p>Aprés un triste jour</p>
          <p>Vient la saison plus belle.</p>
          <p>Tout fleurit, tout se renouvelle.</p>
          <p>Pourquoy la douleur,</p>
          <p>Berger, dans ton coeur,</p>
          <p>Sera-t-elle éternelle ?</p>
          <p/>
          <p>TITYRE &amp; DAMON.</p>
          <p>Pourquoy la douleur, &amp;c.</p>
          <p/>
          <p>LYCIDAS.</p>
          <p>La plus tendre amitié dans ses aimables noeuds,</p>
          <p>N’unit jamais deux Bergers plus fidelles,</p>
          <p>Mais les Parques cruelles</p>
          <p>Ne rendirent jamais Berger plus malheureux.</p>
          <p/>
          <p>Choeur de Bergers.</p>
          <p>Mort déplorable,</p>
          <p>Mort implacable !</p>
          <p>O le malheureux sort !</p>
          <p>O la funeste mort !</p>
          <p/>
          <p>LYCIDAS.</p>
          <p>Dans nos hameaux tout se plaint, tout soupire,</p>
          <p>Par tout l’on n’entend plus que les cris des Pasteurs.</p>
          <p>Et tu voudrois, mon cher Tityre,</p>
          <p>Que je ne fusse pas sensible à nos malheurs ?</p>
          <p/>
          <p>TITYRE.</p>
          <p>Non, non cher Lycidas, je ne puis plus entendre</p>
          <p>D’un Berger les tristes soupirs,</p>
          <p>Et ne pas prendre</p>
          <p>Quelque part à ses déplaisirs.</p>
          <p/>
          <p>Choeur de Bergers.</p>
          <p>Mort déplorable, &amp;c.</p>
          <p/>
          <p>DAMON.</p>
          <p>Allons, Bergers, allons ; qu’une douleur extrême</p>
          <p>Ne nous arreste plus, preparons un tombeau.</p>
          <p>C’est le dernier devoir d’un fidelle Troupeau,</p>
          <p>En perdant un Pasteur qu’on aime.</p>
          <p/>
          <p>Choeur de Bergers.</p>
          <p>Allons, Bergers, &amp;c.</p>
          <p/>
          <p>La resolution ayant esté prise d’ériger un magnifique Tombeau à Laodamas, les Pasteurs parurent dans le second Acte, pour executer la commission qu’on leur en avoit donnée. Pendant qu’ils prenoient leurs mesures, deux petits Dieux des jardins &amp; des boccages, vinrent les consoler de leur perte, &amp; leur offrir leurs services, pour faire plus d’honneur à Laodamas ; mais à peine furent-ils partis, que le Genie de la France interrompit les Pasteurs, &amp; leur défendit de continuer, prétendant que c’estoit à luy &amp; à ses Pasteurs à rendre à Laodamas l’honneur qui luy étoit dû. Il menaça même de renverser le Tombeau déja commencé ; mais ses menaces se trouverent inutiles à l’arrivée du Genie de la Flandre, qui soutint si bien ses droits, que ne pouvant tous deux terminer leur differend, ils s’en rapporterent au jugement d’Uranie, &amp; se separerent, laissant les Pasteurs, qui de leur costé prirent resolution de consulter leur Devin, afin d’apprendre de luy quel succés auroit cette contestation, ; Elle devint le sujet du second Intermede, dans lequel la Musique fit entendre ces parole.</p>
          <p/>
          <p>LYCIDAS. Berger de la suite de Sequanide, Genie de la France.</p>
          <p>Quel malheur aujourd’huy m’accompagne en tous lieux ?</p>
          <p>Qu’un funeste destin, qu’un Astre malheureux</p>
          <p>A de facheux revers a condamné ma vie !</p>
          <p>Helas ! Pour un Pasteur cheri des Immortels,</p>
          <p>Je meditois des voeux, je dressois des Autels.</p>
          <p>La gloire d’achever me vient d’estre ravie.</p>
          <p/>
          <p>SEQUANIDE, Genie de la France.</p>
          <p>Sambiride jaloux d’un bonheur sans égal,</p>
          <p>Veut peut estre en ce jour devenir ton Rival ;</p>
          <p>Mais le Ciel dans nos bois Laodamas fit naistre,</p>
          <p>Et jamais sur le bord de ces charmans ruisseaux,</p>
          <p>Le Dieu Pan ne le vit paroistre</p>
          <p>Qu’avec que mille attraits nouveaux.</p>
          <p>Vainqueur des Leopards, suivi de la Victoire,</p>
          <p>Il fut icy comblé d’une brillante gloire.</p>
          <p>C’est donc à nous d’ériger un Tombeau</p>
          <p>Pour honorer un triomphe si beau.</p>
          <p/>
          <p>CHOEUR de Bergers de la suite de Sequanide.</p>
          <p>C’est donc à nous, &amp;c.</p>
          <p/>
          <p>SAMBIRIDE, Genie de la Flandre.</p>
          <p>Toujours terrible dans la guerre,</p>
          <p>Cent fois nous l’avons vû seul braver le trépas,</p>
          <p>Faire marcher par tout l’effroy devant ses pas.</p>
          <p>Il estoit en ces lieux plus craint que le tonnerre,</p>
          <p>Effrayant par son nom les Princes de la terre.</p>
          <p/>
          <p>CHOEUR de Bergers de la suite de Sambiride.</p>
          <p>C’est donc à nous d’ériger un tombeau,</p>
          <p>Pour honorer un triomphe si beau.</p>
          <p/>
          <p>SAMBIRIDE.</p>
          <p>Le Dieu qui fait gronder la foudre,</p>
          <p>Fit tomber devant luy ses ennemis en poudre.</p>
          <p>Non, non, il n’estoit rien d’impossible à son bras,</p>
          <p>Le fier Lion ne luy resista pas</p>
          <p/>
          <p>CHOEUR des Bergers de Sambiride.</p>
          <p>Non, non, il n’estoit rien, &amp;c.</p>
          <p/>
          <p>Dans le troisiéme Acte, le Devin n’ayant pû tirer rien de certain sur le sujet de la contestation des deux Genies, s’emporta contre les Pasteurs, qui ne l’avoient pas averti qu’on estoit allé d’ailleurs consulter Uranie, laquelle s’estoit reservé le secret malgré tous ses enchantemens. Il les quitta brusquement, &amp; en mesme temps les deux Genies arriverent pour attendre Uranie au lieu assigné. Un concert melodieux leur ayant promis son arrivée, deux petits Dieux des Astres attachez à cette Déesse, la précederent, &amp; par leur entretien exciterent dans l’ame des Pasteurs diverses passions de joye &amp; de tristesse. Uranie arriva enfin, &amp;ayant écouté les deux Genies, qui soutinrent leurs prétention l’un aprés l’autre, elle ajugea le coeur de Laodamas au Genie de la Flandre, &amp; son corps au Genie de la France, reservant pour elle sa grande ame, qu’elle emporta dans les Cieux pour y achever son Apotheose. Voicy les Vers que la Musique chanta dans le troisiéme Intermede.</p>
          <p/>
          <p>MERCURE.</p>
          <p>Bergers, reprenez vos houlettes,</p>
          <p>Bergers, heureux Bergers, reprenez vos Musettes,</p>
          <p>Et faites retentir ces lieux</p>
          <p>De cent concerts melodieux.</p>
          <p/>
          <p>SEQUANIDE.</p>
          <p>Mercure, quel dessein vous fait icy descendre ?</p>
          <p/>
          <p>MERCURE.</p>
          <p>De la part d’Uranie on vient pour vous apprendre</p>
          <p>Que le Ciel aujourd’huy favorable à vos voeux,</p>
          <p>A mis Laodamas au rang des Demi-Dieux.</p>
          <p>Dans vos champs vont regner la paix &amp; l’abondance,</p>
          <p>Bientost vous reverrez &amp; les Ris &amp; la Danse.</p>
          <p>Que ce triomphe est glorieux !</p>
          <p>Laodamas est au plus haut des Cieux.</p>
          <p/>
          <p>Choeur de Bergers.</p>
          <p>Que ce triomphe, &amp;c.</p>
          <p/>
          <p>UN BERGER.</p>
          <p>Puis que le Ciel l’ordonne,</p>
          <p>Finissons nos malheurs, oublions nos regrets,</p>
          <p>La mort a des attraits</p>
          <p>Quand c’est le Ciel qui la donne.</p>
          <p/>
          <p>CHOEUR.</p>
          <p>Que ce triomphe, &amp;c.</p>
          <p/>
          <p>SAMBIRIDE.</p>
          <p>Que tout réponde à nos concerts de joye,</p>
          <p>Ioüissons du bonheur que le Ciel nous envoye,</p>
          <p>Laodamas, le plus grand des Heros,</p>
          <p>Dans le sejour des Dieux goûte un heureux repos.</p>
          <p/>
          <p>CHOEUR de Bergers.</p>
          <p>Que tout réponde à nos concerts de joye.</p>
          <p>Ioüissons du bonheur que le Ciel nous envoye.</p>
          <p>N’appellons point le destin rigoureux,</p>
          <p>Quand un Vainqueur est pour jamais heureux.</p>
          <p/>
          <p>LES GENIES &amp; LES BERGERS.</p>
          <p>Que tout réponde à nos concerts de joye.</p>
          <p>Ioüissons du bonheur que le Ciel nous envoye.</p>
          <p>Laodamas, le plus grand des Heros,</p>
          <p>Dans le sejour des Dieu goûte un heureux repos.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-05_244" resp="mercure">
          <head>[Service solennel fait pour Mr le Mareschal Duc de Luxembourg, avec l’Oraison funebre prononcée par le Pere de la Ruë, Jesuite]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mai 1695 [tome 5], p. 244-252.</bibl>
          <p/>
          <p>Le Mardy 21. du mois passé, on fit un Service solemnel pour Mr le Maréchal Duc de Luxembourg, dans l’Eglise de la Maison Professe des Jesuites de la ruë Saint Antoine, qui est une des plus grandes &amp; des plus commodes pour ces sortes de Ceremonies, estant fort étenduë &amp; ouverte, sans separation de Choeur ny de Nef, à la maniere des Eglises d’Italie. [...] [L]a Messe commença à onze heures, &amp; fut celebrée par Mr l’Evêque &amp; Comte de Noyon, Pair de France, &amp; réponduë en Musique par un grand nombre de Musiciens des meilleurs de Paris. La composition étoit  Mr Charpentier.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-05_273" resp="mercure">
          <head>[Mariage de M. de Mesme et Mlle de Brou]*</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mai 1695 [tome 5], p. 273-281.</bibl>
          <p/>
          <p>Le Lundy 23. de ce mois, Mr le President de Mesme fut marié dans l’Eglise de S. Paul, avec Mademoiselle de Brou. Cette Eglise, quoy que grande, se trouva trop petite pour contenir le concours de peuple qui voulut voir la ceremonie. On fut d’abord averti de l’arrivée de la Mariée par un bruit éclatant de Tambours, qui se fit entendre à l’entrée de l’Eglise, &amp; qui fut suivi de la Simphonie qui estoit dans l’Orgue. La Mariée fut conduite par Mr l’Abbé de Mesme dans le Choeur, au pied du grand Autel, où elle se mit à genoux vis à vis de Mr de Mesme, sur un Prie-Dieu posé sur un grand tapis de Turquie. Les Ducs, les Duchesses, &amp; autres Parens, &amp; les personnes de la premiere qualité, qui accompagnoient les Mariez, ayant tous pris leurs places dans des Fauteüils, la celebration du mariage fut faite par Mr l’Evêque d’Amiens, Oncle de la Mariée, &amp; ensuite la Messe dite Mr le Curé de Saint Paul, tandis que l’Orgue &amp; la Simphonie se faisoient entendre de toutes parts. Aprés la Messe, Mr le President de Mesme, accompagné de Mesdames de Vivonne, d’Elbeuf, &amp; des plus proches Parens, remena la Mariée chez Madame sa Mere. Il se retira ensuite en son Hostel, &amp; tout le monde se separa. Sur les six heures du soir, Madame la Duchesse de Vivonne, &amp; Madame la Comtesse de Nancré, comme plus proches Parentes de Mr de Mesme, allerent prendre la Mariée, &amp; la menerent à l’Hostel de Mesme, où elle fut receuë par Mr de Mesme, &amp; par un grand nombre de personnes de la premiere qualité, qui l’attendoient. Elle fut conduite le grand Appartement l’Hostel de Mesme, qui estoit superbement meublé &amp; où l’on voyoit briller de toutes parts la magnificence, la propreté, le bon goust, &amp; la delicatesse. On passa jusqu’à huit heures à recevoir tous les Conviez, Monsieur le Duc visita dans ce temps-là Madame de Mesme, &amp; aprés le compliment ordinaire, on se rendit dans l’appartement à l’Italienne, où toute la Compagnie fut regalee d’un excellent concert de Musique. Sur les neuf heures, on monta dans une grande Salle, où le Soupé se trouva servi. Cette Salle estoit éclairée par un grand nombre de Lustres &amp; de Bougies. Il y avoit deux tables de grandeur égale, de trente couverts chacune, &amp; un buffet d’une extrême magnificence. La Mariée, &amp; toutes le Dames se mirent à une même table, &amp; tous les Homme à l’autre, avec cette circonstance, que cette table se trouvant plus remplie qu’il ne falloit, Mr de Mesme en fit dresser un troisiéme où il se mit avec Mr le Duc d’Elbeuf, &amp; deux ou trois autres personnes. Les viandes furent servies par quarante Suisses divisez en quatre quadrilles, distinguées par quatre differentes couleurs. Quatre Maistres d’hostel avoient soin de servir chaque table, &amp; quarante Valets de chambre estoient occupez à donner à boire, sans qu’il y eust une seule personne de Livrée dans la Salle. Le repas, fut composé de out ce qu’il y avoit de plus delicat pour la saison ; mais l’ordre &amp; la propreté fut ce qu’il y eut de plus admirable. Dés qu’on fut à table, on entendit dans une Salle voisine toute la Simphonie de l’Opera, qui ne discontinua point pendant ce repas. Quelque soin que quatre Suisses eussent pris de refuser l’entrée de l’Hostel à toutes autres personnes qu’aux Conviez, la maison ne laissa pas de se trouver remplie d’un peuple infini, que la curiosite aussi-bien que l’affection que tout le monde, pour de Mr de Mesme, avoit porté à vouloir estre témoin de cette feste. Aprés le Soupé, toute la Compagnie descendit dans l’appartement à l’Italienne, où l’on trouva encore un autre concert de Musique qui dura jusques à minuit. Ensuite la Mariée fut conduite dans son appartement, &amp; aprés qu’elle fut deshabillée, tous les Conviez s’en retournerent chez eux.</p>
        </div>
      </div>
      <div type="tome" xml:id="MG-1695-06">
        <head><hi rend="i">Mercure Galant</hi>, juin 1695 [tome 6]</head>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-06_052" resp="wordpro">
          <head>[Morts]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juin 1695 [tome 6], p. 52-54.</bibl>
          <p>Je vous ay appris la mort de M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé Saurin, ce celebre Traducteur des Hymnes de l’illustre M<hi rend="sup">r</hi> de Santeul ; mais je ne vous ay pas dit qu’il estoit de l’Academie Royale de Nismes, &amp; de celle <hi rend="i">de Ricovrati</hi>, &amp; que ses Ouvrages de Prose &amp; de Vers, presque tous de pieté, estoient entre les mains de M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé Pioton, l’un de ses Amis, qui doit les mettre au jour, pour éterniser la memoire de cet excellent Auteur.</p>
          <p>Les Academies de Nismes &amp; de Padouë regrettent encore un de leurs principaux ornemens, qui estoit M<hi rend="sup">r</hi> Graverol, dont je vous ay parlé plusieurs fois. C’est une grande perte pour la Republique des Lettres, aussi-bien que celle de M<hi rend="sup">r</hi> Lantin, Conseiller au Parlement de Dijon, qu’on pouvoit dire estre un Magistrat accompli, qui n’ignoroit rien. Il estoit de la docte Academie de Padouë, où l’on ne reçoit que des personnes de distinction &amp; de merite, de l’un &amp; de l’autre Sexe.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-06_054" resp="wordpro">
          <head>Madrigal</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juin 1695 [tome 6], p. 54-55.</bibl>
          <p>Dijon, Ville fertile en beaux esprits, à laquelle rien ne manque qu’une Academie de belles Lettres, a vû les Muses s’exciter à l’envi les unes des autres à celebrer le rare genie &amp; les belles qualitez de ce sage Senateur. Voicy ce qui a esté fait sur sa mort, par M<hi rend="sup">r</hi> Moreau, Avocat General en la Chambre des Comptes.</p>
          <quote>
            <label>MADRIGAL.</label>
            <lg>
              <l rend="i">Vous du sacré Vallon &amp; l’honneur &amp; la gloire,</l>
              <l rend="i">Celebrez tous l’illustre &amp; le docte Lantin.</l>
              <l rend="i">Il vient de succomber à l’ordre du destin,</l>
              <l rend="i">C’est à vous par vos chants d’honorer sa memoire.</l>
              <l rend="i">Pour moy, quand je voudray d’un seul mot exprimer</l>
              <l rend="i">Tous les riches talens qu’un bel esprit rassemble,</l>
              <l rend="i">Les Sciences, les Arts, &amp; les Graces ensemble,</l>
              <l rend="i"> Je n’auray rien qu’à le nommer.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-06_056" resp="wordpro">
          <head>[Vers de Mr de la Monnoye]*</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juin 1695 [tome 6], p. 56.</bibl>
          <p>Les Vers qui suivent sont du fameux M<hi rend="sup">r</hi> de la Monnoye, Correcteur en la même Chambre des Comptes, qui a remporté plusieurs fois le Prix de la Poësie, au jugement de Messieurs de l’Academie Françoise.</p>
          <quote>
            <lg>
              <l rend="i"> Lantin repose en ce Tombeau.</l>
              <l rend="i">Toy qui sceus nous donner ce Saumaise nouveau,</l>
              <l rend="i"> Dijon, revere sa memoire.</l>
              <l rend="i">La Plume a du premier fait admirer l’esprit ;</l>
              <l rend="i"> Et le second n’a rien écrit,</l>
              <l rend="i">De peur que du premier il n’obscurcist la gloire.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-06_079" resp="wordpro">
          <head>[Lettres en Vers de Mr l’Abbé de Chaulieu &amp; de Mr de S. Evremont]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juin 1695 [tome 6], p. 79-83.</bibl>
          <p>Je n’ay rien à vous dire sur les Lettres dont je vous envoye une copie. Elles sont d’un fort bon goust, &amp; de personnes tres-considerables.</p>
          <quote>
            <label>LETTRE<lb />De M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé de Chaulieu, à<lb />M<hi rend="sup">e</hi> la Duchesse Mazarin.</label>
            <lg>
              <l rend="i">La divine Boüillon, cette adorable Sœur,</l>
              <l rend="i">Qui partage avec vous l’Empire de Cithere,</l>
              <l rend="i">Et qui sçait comme vous par cent moyens de plaire,</l>
              <l rend="i">Seduire &amp; l’esprit &amp; le cœur,</l>
              <l rend="i">Malgré tout ce que j’ay pû faire,</l>
              <l rend="i">Veut aujourd’huy que mes Vers</l>
              <l rend="i">Au hazard de vous déplaire,</l>
              <l rend="i">Aillent traverser les mers.</l>
              <l rend="i">Ma raison s’est opposée</l>
              <l rend="i">A cet insensé projet.</l>
              <l rend="i">Je vay devenir l’objet,</l>
              <l rend="i">Ay-je dit, de la risée</l>
              <l rend="i">De cet homme si fameux,</l>
              <l rend="i">De qui le goust seul décide,</l>
              <l rend="i">Du bon ou du merveilleux,</l>
              <l rend="i">Et qui plus galant qu’Ovide,</l>
              <l rend="i">Est comme luy malheureux.</l>
              <l rend="i">Ce Sage qui se confie</l>
              <l rend="i">Au seul secours du bon sens,</l>
              <l rend="i">Et dont la Philosophie</l>
              <l rend="i">Bravant l’injure des ans,</l>
              <l rend="i">Pour suspendre la vieillesse</l>
              <l rend="i">Par de doux enchantemens,</l>
              <l rend="i">Y sçait rejoindre sans cesse</l>
              <l rend="i">Mille &amp; mille amusemens,</l>
              <l rend="i">Et mesme les enjoûmens</l>
              <l rend="i">De la plus vive jeunesse.</l>
              <l rend="i">Ce Critique tant vanté,</l>
              <l rend="i">Qui par sa délicatesse</l>
              <l rend="i">Des Ouvrages de la Grece</l>
              <l rend="i">Auroit esté redouté,</l>
              <l rend="i">Ne sçaura jamais peut estre</l>
              <l rend="i">Que ces Vers m’ont peu cousté ;</l>
              <l rend="i">Enfans de l’oisiveté,</l>
              <l rend="i">L’amour seul les a fait naistre,</l>
              <l rend="i">Et sans vous la vanité</l>
              <l rend="i">Leur défendroit de paroistre.</l>
              <l rend="i">Daignez donc, divine Hortense,</l>
              <l rend="i">Par un regard de ces yeux,</l>
              <l rend="i">Qui desarmeroient des Dieux</l>
              <l rend="i">La colere &amp; la vangeance,</l>
              <l rend="i">Obtenir quelque indulgence,</l>
              <l rend="i">Et d’un accueil gracieux</l>
              <l rend="i">Payez mon obéissance.</l>
            </lg>
          </quote>
          <quote>
            <label>Réponse de M<hi rend="sup">r</hi> de S. Evremont,<lb />à M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé<lb />de Chaulieu.</label>
            <lg>
              <l rend="i">Je n’ay point, comme Censeur,</l>
              <l rend="i">Examiné vostre Ouvrage ;</l>
              <l rend="i">Mais comme bon Connoisseur,</l>
              <l rend="i">Ie luy donne l’avantage</l>
              <l rend="i">Sur les plus galans Ecrits</l>
              <l rend="i">Qui nous viennent de Paris,</l>
              <l rend="i">Disons qu’on ait vûs en France.</l>
              <l rend="i">Et Voiture &amp; Sarazin,</l>
              <l rend="i">Vous cedent dans l’excellence</l>
              <l rend="i">Du goust délicat &amp; fin.</l>
              <l rend="i">Nous ajoûterons qu’Hortense,</l>
              <l rend="i">Nostre Sapho Mazarin,</l>
              <l rend="i">Vous donne la préference</l>
              <l rend="i">Sur tout Grec &amp; tout Latin.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-06_088" resp="mercure" copyOf="JLB-MG-1695-06_091">
          <head>[Ceremonies faites à l’établissement d’un Bureau des Finances à la Rochelle]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juin 1695 [tome 6], p. 88-109.</bibl>
          <p>Le Roy ayant esté informé combien il estoit important au bien de son service &amp; pour l’avantage &amp; la commodité de ses Sujets, d’établir une Generalité &amp; un Bureau des Fiinances dans la Ville de la Rochelle, Sa Majesté en fit expedier l’Edit de Creation au mois  d’Avril de l’année derniere 1694. [...]</p>
          <p>L’Office de Maire de la Ville de la Rochelle, avec les fonctions &amp; gages qui y ont esté atrtibuez, a esté uni &amp; incorporé au Corps des Presidens, Tresoriers de France, Generaux des Finances, pour estre exercé annuellement par un d’entr’eux, à commencer par le plus ancien en reception, &amp; continué d’année en année, à tour &amp; par ordre de tableau, sans qu’à l’avenir cet Office puisse estre desuni ny separé.</p>
          <p>Mr Begon, Intendant de la Generalité de la Rochelle, qui se distingue en toutes sortes d’occasions, par son zele &amp; son application singuliére pour le service de son Prince, &amp; qui est également estimé de tout le monde par son sçavoir &amp; par sa pieté, ayant eu ordre de faire cet établissement si avantageux aux Habitans de la Rochelle, il jugea à propos avant toutes choses de commencer par faire faire des Prieres publiques, &amp; pour cet effet le 2. du mois passé, estant revestu de sa robe rouge, precedé de deux Hoquetons armez de leurs Carabines, &amp; suivy des Tresoriers de France &amp; des autres Officiers du Bureau des Finances, en robes de satin noir, il se rendit à l’Eglise Cathedrale, où ils assisterent à la Messe du S. Esprit chantée solemnellement par la Musique. Mr le Doyen officia en l’absence de Mr l’Evesque qui estoit occupé à la visite des Paroisses de son Diocese, qu’il fait avec beaucoup d’exactitude &amp; d’édification. Le Chapitre &amp; le Clergé assistérent à la Ceremonie qui fut tres-celebre. (...)</p>
          <p>Le lendemain, toute la Bourgeoisie eut ordre de prendre les armes, &amp; de se mettre en bataille dans la Place d’armes de la Ville. Pendant qu’on estoit occupé à cet exercice, les Députez choisis par les Paroisses, au nombre de cinquante, &amp; plusieurs autres Habitans, se rendirent à l’Hostel de Ville, où ils avoient esté convoquez. Mr l’Intendant, qui en fut averty, s’y rendit au mesme instant, pour faire proceder en sa presence à la nomination des quatre Echevins &amp; des douze Notables qui devoient composer le Conseil de Ville, où doit assister le Commissaire aux Reveuës avec les douze Assesseurs.</p>
          <p>Le premier Echevin fut choisi du Corps du Presidial. On tira le second Echevin du nombre des Officiers de l’Election ; le troisiéme du Corps de la Bourgeoisie, &amp; le quatriéme du Corps des Marchands. A l’égard de la nomination des douze Notables, on suivit l’ordre prescrit par l’Edit de creation du Corps de Ville. Ces Messieurs ayant tous fait serment de fidelité au Roy, &amp; pris la seance convenable à leurs dignitez, le nouveau Maire, Doyen des Tresoriers de France, qui est entré cette année en exercice, fut placé leur teste, à costé de Mr l’Intendant, qui le fit reconnoistre en pleine Assemblée. Le rétablissement du Corps de Ville ayant esté ainsi arresté, fut divulgué &amp; rendu public, comme il se pratiquoit anciennement, au son de toutes les cloches &amp; des acclamation populaires. On chanta le Te Deum en action de graces, &amp; tous ces Mrs y assisterent en cet ordre.</p>
          <p>Mr l’Intendant revêtu de sa robe rouge, avoit à sa gauche le nouveau Maire de la Ville, revêtu d’une robe de velours rouge cramoisi, tres-riche, doublée de satin noir, ayant sur l’épaule gauche un chaperon de mesme velours, fourré d’hermines, &amp; chargé de trois Fleurs de Lis d’or en broderie. Il estoit précedé de deux Hoquetons, de douze Hallebardiers, &amp; de douze Archers de Ville, ayant des casaques rouges avec les armes de la Ville en broderie, au milieu du dos &amp; sur l’estomach. Les quatre Echevins marchoient aprés luy, ainsi que le Procureur du Roy, &amp; le Greffier de la Ville, revestus de tres-belles robes de drap d’écarlate ; les douze Assesseurs, les douze Notables, plusieurs autres Habitans. Ils allerent à l’Eglise Cathedrale, où le Chapitre &amp; le Clergé estoient assemblez. Mr le Doyen officia, &amp; le Te Deum fut chanté solemnellement par la Musique, avec les Prieres ordinaires pour le Roy, &amp; pour la prosperité de ses armes. (...)</p>
          <p>Sur les sept heures du soir, le nouveau Maire, précedé des Trompettes, des Tambours, des Hallebardiers &amp; des Archers de la Ville, &amp; de quantité de flambeaux de cire blanche, accompagné des quatre Echevins, du Procureur du Roy, du Greffier, tous en robes rouges, des Assesseurs &amp; des Notables, partit de l’Hostel de Ville pour aller à la Place d’armes. Les ruës estoient bordées de Soldats en haye des deux costez ; &amp; aprés avoir observé les ceremonies ordinaires, il alluma au son des fanfares des Trompettes &amp; des tambours, le feu de joye qui avoit esté préparé pour la réjoüissance publique. La Bourgeoisie, ainsi que les autres Habitans qui assistoient à cette ceremonie, ayant fait plusieurs salves au bruit de la Mousqueterie, marqua par ses acclamations &amp; par ses cris de Vive le Roy, sa reconnoissance envers Sa Majesté, du bien &amp; de l’avantage qu’elle recevoit en cette occasion, &amp; combien le rétablissement de leur Corps de Ville estoit glorieux pour ses Citoyens. Pour achever la solemnité de cette feste, Mr l’Intendant fit préparer un Soupé magnifique, pour regaler le nouveau Maire, &amp; tout le Corps de Ville, que Mr le Maréchal d’Estrées voulut encore honorer de sa presence.</p>
          <p>Le jour suivant 4. du même mois, Madame l’Intendante voulant bien en faveur de la réjoüissance publique, donner tréve pour quelques momens à ses exercices de pieté, où elle est actuellement occupée pour le soulagement des Pauvres de la Province, regala toutes les Dames de la Ville. Il y eut Bal ensuite, &amp; quantité d’illuminations, ce qui attira une tres nombreuse Compagnie. On ne se souvient point en ce pays là, qu’il se soit jamais passé dans la Ville de la Rochelle, des réjoüissances si generales, chacun s’est distingué dans cette rencontre pour donner des marques de sa joye, &amp; particulierement les Officiers du Presidial.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-06_178" resp="wordpro">
          <head>[Tite-Live réduit en Maximes]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juin 1695 [tome 6], p. 178-181.</bibl>
          <p>Vous serez bien-aise d’apprendre que le S<hi rend="sup">r</hi> Brunet, Libraire au Palais, debite un Livre nouveau, qui doit estre de vostre goust, puis que les Ouvrages de reflexion vous ont toujours plû. Il a pour titre, <hi rend="i">Tite-Live reduit en Maximes</hi>. M<hi rend="sup">r</hi> Corbinelli, son Auteur, qui est un des plus beaux esprits &amp; des plus galans hommes du Royaume. Son veritable caractere est celuy d’un Philosophe qui sçait vivre, &amp; on a dit de luy avec beaucoup de justice, qu’estant François de naissance &amp; Italien d’origine, il avoit réuny en sa personne ce que les deux Nations ont de meilleur, &amp; fait un juste temperament du phlegme de l’une, &amp; de la vivacité de l’autre. En réduisant Tite-Live en Maximes, il a mis le passage Latin aprés la maxime Françoise, &amp; il l’a fait en faveur de ceux qui entendent la Langue Latine, &amp; qui ne seront pas fâchez de confronter quelquefois le passage avec la maxime, ny d’avoir en petit ce que les anciens Historiens ont de plus exquis. Les Livres composez par traits détachez, ou par maximes sans ordre, sont aujourd’huy du goust du Public, &amp; ils ont cet avantage qui leur est particulier, qu’ils demandent peu d’attention, &amp; qu’en amusant ils ne laissent pas d’instruire. Ainsi il y a grande apparence que celuy dont je vous parle aura tout le succés qu’il merite.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-06_181" resp="wordpro">
          <head>[Histoire]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juin 1695 [tome 6], p. 181-209.</bibl>
          <p>La fierté sied bien aux jeunes personnes, quand elles sçavent la soutenir noblement. Une fort jolie Demoiselle trouvoit dans sa naissance &amp; dans sa conduite de quoy estre satisfaite d’elle-mesme. Elle n’estoit ny coquette, comme le sont la pluspart de celles qui par je ne sçay quel charme attirant forcent tout le monde à leur dire des douceurs, ny dédaigneuse comme beaucoup de jeunes personnes, qui entestées de leur beauté &amp; de leur merite, croyent faire grace quand elles répondent une honnesteté. Elle observoit un juste milieu, &amp; si elle ne s’attiroit pas des Adorateurs par des avances honteuses, elle n’avoit rien de rebutant pour ceux qui luy venoient offrir leurs hommages. Elle en recevoit de toutes parts, &amp; peu de personnes pouvoient la voir, sans ressentir ce je ne sçay quoy qui force le cœur à plus qu’on ne veut, mais il estoit dangereux de s’en expliquer autrement que par des regards, &amp; par des termes d’estime. Le moindre mot qui eust fait connoistre de la passion, l’auroit blessée, &amp; les expressions un peu fortes luy faisoient prendre un air si severe, qu’on estoit contraint de renfermer tous les sentimens que sa beauté inspiroit. C’est ce qui arrestoit les plus hardis, &amp; comme elle ne souffroit aucune assiduité, malgré ses manieres honnestes &amp; insinuantes, elle passoit pour estre fort fiere. C’estoit un deffaut qui la rendoit plus aimable à ceux qui ne s’attachoient à elle que dans le dessein de l’épouser. Les charmes de sa personne soutenus d’une fort grande sagesse, &amp; d’un esprit fin &amp; délicat, qui luy faisoit chercher la droite raison en toutes choses, luy avoient acquis une estime generale, &amp; plusieurs partis avantageux s’estoient déja presentez pour elle, mais quoyqu’elle n’eût pas assez de fortune pour devoir rien ne gliger de ce qui pouvoit contribuer à son établissement, il n’estoit pas fort aisé de toucher son cœur, &amp; le seul merite pouvant tout sur son esprit, elle n’avoit pas trouvé jusque-là dans ceux qui la recherchoient d’assez bonnes qualitez pour se resoudre à changer d’estat. Son Pere qui entroit assez dans ses sentimens, &amp; qui connoissant son caractere estoit fort persuadé que fort peu de personnes la rendroient heureuse, luy laissoit une entiere liberté dans sa conduite, &amp; le choix qu’elle avoit à faire d’un Mary estant son affaire la plus importante, il ne croyoit rien de plus injuste que de se donner le pouvoir de la contraindre. Le caractere de cette aimable personne, dont le cœur estoit si difficile à toucher, ayant donné lieu de parler d’elle chez une Dame, où il y avoit assez de monde, un Cavalier qui estoit present dit que cette difficulté de s’en faire aimer, ne pouvoit venir que du peu d’habileté de ceux qui l’entreprenoient ; que les Femmes les plus fieres avoient leur foible par où il estoit aisé de les surprendre, &amp; qu’il n’y avoit qu’à le reconnoistre pour estre assuré de les attaquer avec succez. On luy répondit que quelque éclairé qu’il fust, s’il vouloit rendre des soins à la Belle, il auroit peine à trouver ce foible qu’il croyoit estre dans toutes les autres, &amp; sa curiosité fut si bien piquée par toutes les choses qui luy furent dites, qu’il resolut de la voir. La Belle avertie de la conversation, ne fut pas fâchée de son costé qu’on luy amenast le Cavalier dont la réputation luy estoit connuë. C’estoit un homme extrémement distingué, non-seulement par l’esprit &amp; par l’usage du monde, mais encore par beaucoup de gloire qu’il avoit acquise pendant plus de vingt années, en plusieurs emplois tres-importans pour la guerre. Ce merite generalement reconnu, luy donnoit par tout de grands avantages, &amp; sa conqueste, que plusieurs belles personnes avoient entrepris inutilement de faire, n’estoit pas à dédaigner. Il se déclaroit pour la liberté, &amp; la facilité qu’il avoit toujours trouvée à se faire aimer, luy faisant regarder l’amour comme un simple amusement, dont le seul plaisir détermine la durée, &amp; non comme une passion tirannique qui force la volonté, &amp; ne laisse plus l’usage de la raison, il ne pouvoit concevoir qu’on fust la dupe des fausses rigueurs qu’affectent souvent les Femmes, &amp; qu’on ne vinst pas à bout de les reduire à y renoncer. Plein de cette confiance, il se fit mener chez la Demoiselle qu’on luy avoit peinte d’un caractere opposé à toutes celles qu’il avoit connuës. Il luy trouva plus d’esprit &amp; de beauté qu’il ne l’avoit cru ; &amp; aprés luy avoir rendu cinq ou six visites, il avoüa qu’elle meritoit tout l’attachement d’un honneste homme. L’agrément de son humeur, &amp; la solidité de son esprit, qui ne s’occupoit jamais de bagatelles, luy faisant gouster un vray plaisir à la voir, il voulut estre assidu ; mais quoy que les soins qu’il s’attachoit à luy rendre dussent flater la vanité de la Belle, sa fierté &amp; l’interest de sa réputation l’emporterent, &amp; ne voulant pas donner à parler, elle luy refusa tres obstinément la permission de venir chez elle, comme un Ami, qui ne tiroit point à consequence. La contrainte qu’il se fit pour s’accommoder à la regularité de sa conduite, luy parut insupportable. Il estoit rêveur par tout ailleurs, &amp; quelques divertissemens qui pussent s’offrir, tout y manquoit pour luy sans la Belle. Il la revit quelques jours aprés, &amp; les plaintes qu’il luy fit de ses trop severes scrupules, ne la pouvant obliger à rien relâcher de son austere vertu, forcé par sa destinée qui l’entraînoit malgré luy, il luy dit enfin que n’ayant pour elle que des veuës tres-legitimes, il ne voyoit pas pourquoy elle vouloit borner des visites, qu’elle devoit souhaiter frequentes pour le bien connoistre, à moins qu’il n’eust le malheur de luy déplaire. La Belle répondit au Cavalier, que quand il auroit expliqué ces veuës à son Pere, elle n’auroit rien à se reprocher, puis que ses ordres seroient la regle de sa conduite. Cette réponse le mit dans un extrême embarras. Jamais homme ne s’estoit fait voir si ennemi du mariage que luy. Il railloit tous ceux qui s’engageoient pour toujours, &amp; comptoit pour le plus grand des malheurs un engagement qui ne finissoit que par la mort. Cependant la Belle continuant à ne vouloir plus souffrir ses soins s’il n’obligeoit son Pere à les approuver, il se déclara sans trop sçavoir ce qu’il avoit resolu de faire. Le Pere luy témoigna qu’il se tenoit honoré de sa recherche, mais comme il ne vouloit pas contraindre sa Fille, il luy demanda du temps afin de la consulter, &amp; de la laisser se consulter elle-mesme. Le Cavalier n’avoit pas assez de bien pour l’ébloüir de ce côté-là, mais la gloire dont l’avoient couvert quantité d’actions considerables, estoit d’un grand prix pour elle, &amp; moins par amour que par estime, elle consentit en sa faveur à renoncer à la liberté qui luy avoit toujours esté chere. Ce ne fut pas sans representer plusieurs fois au Cavalier qu’il ne devoit pas se laisser surprendre à ce qu’avoit de flateur une passion qui estoit trop violente pour n’estre pas affoiblie avec le temps ; qu’ayant beaucoup de naissance &amp; de réputation, s’il se vouloit marier ailleurs, il auroit des avantages qu’il ne trouvoit pas en l’épousant, &amp; qu’avant que de pousser les choses plus loin, il se devoit bien examiner, pour n’avoir jamais sujet de se repentir. Le Cavalier répondit, que l’assurance d’estre aimé d’elle, luy tiendroit lieu de la plus haute fortune ; que c’estoit la seule chose qu’il luy demandoit, &amp; qu’il croyoit meriter, aprés l’avoir convaincu de son entier &amp; sincere attachement, qu’elle ne luy déguisast aucun de ses sentimens. Quelque rigide que fust sa vertu, ce qu’il demandoit ne la blessoit point. Cependant toutes ses prieres n’en purent obtenir rien autre chose, sinon qu’il la verroit toujours appliquée à bien remplir ses devoirs, &amp; qu’il pouvoit juger de la disposition de son cœur à son égard, par le peu de répugnance qu’elle avoit à le préferer à tous les autres. Cette réserve le laissant douter de son triomphe, qu’il faisoit consister à entendre de sa bouche qu’elle avoit pour luy autant d’amour qu’il luy en marquoit, rendit ses desirs plus violens, &amp; soit passion, soit vanité, il pressa luy-mesme la conclusion de son mariage. On en dressa les articles, &amp; dés qu’ils furent signez, il receut les complimens de tous ses Amis. On luy applaudit sur le digne choix qu’il avoit fait, mais on s’étonna en mesme temps qu’il pust se resoudre à se marier, luy qu’on en croyoit entierement incapable. Il s’en étonna luy-mesme, &amp; commençant à envisager ce qu’il avoit fait, &amp; toutes ses suites, il en demeura tellement épouvanté, que sa raison se perdit dans les continuelles reflexions qu’il fit sur son imprudence. L’aversion invincible qu’il avoit toujours euë pour le mariage se réveilla dans son cœur, &amp; s’y fit sentir avec une force qui le mit hors de luy-mesme. Son estime pour la Belle ne s’affoiblit point ; mais tout son amour ne put le mettre à couvert des dégousts inseparables d’un engagement qu’on ne sçauroit rompre ; &amp; sans sçavoir comment il se tireroit de cette affaire, il resolut de ne la point terminer. L’honneste homme en luy donnoit de tres-grands combats contre l’amour propre ; mais se marier &amp; s’en repentir éternellement estoient des choses à quoy sa raison l’empêchoit de consentir. Il pensoit sans cesse au parti qu’il devoit prendre, &amp; les agitations de son esprit le firent tomber dans un chagrin qui fut remarqué de tout le monde. On crut que les avantages qu’il trouvoit avec la Belle du costé du bien, estant assez mediocres, ce chagrin estoit causé par l’embarras qu’il auroit à luy faire soutenir le rang que luy donnoit sa naissance ; &amp; on le crut d’autant plus, qu’on le vit changer tout à coup d’humeur par un bonheur impréveu qui arriva à la Belle. Un Parent fort riche, marié depuis un an, &amp; dont la Femme avoit accouché d’un Fils depuis six jours, mourut en tres peu de temps d’une fiévre violente, &amp; l’Enfant estant mort huit jours aprés, la Belle qui en étoit Heritiere, se vit dans une fortune tres-considerable. On felicita le Cavalier sur un évenement si peu attendu, &amp; il n’en cacha sa joye à personne. Le Pere voyant que sa Fille estoit devenuë un parti avantageux, luy conseilla de chercher quelque prétexte pour rompre, à quoy elle répondit que n’ayant écouté le Cavalier que par une forte estime, sans avoir esté prévenuë d’amour, rien ne pouvoit apporter de changement à ce qu’elle avoit promis, &amp; que si avant que d’avoir souffert ses soins elle eust eu le bien que la mort de son Parent luy donnoit, elle auroit peut-estre pris une resolution qu’elle n’étoit plus en estat d’executer. Ainsi tout sembloit se préparer pour le mariage, quand le Cavalier aprés luy avoir marqué par les termes les plus vifs la part qu’il prenoit dans ses avantages, luy dit qu’elle alloit estre convaincuë qu’il n’en avoit de la joye que pour elle seule, puis qu’il venoit la prier de retracter le consentement qu’elle avoit donné pour l’épouser. Ce compliment la surprit, &amp; ce fut alors que luy montrant tout son cœur à découvert, il luy avoüa que la forte passion qu’il avoit pour elle, ne luy avoit pû cacher, aprés avoir signé les articles, que le mariage luy feroit mener la vie du monde la plus malheureuse ; qu’il n’estoit point propre à en supporter les suites, &amp; que le chagrin qu’on luy avoit vû n’avoit eu pour cause que l’embarras de trouver un moyen pour rompre avec une personne qu’il estimeroit éternellement, &amp; qu’il ne se tenoit pas assuré de rendre heureuse, s’il se hazardoit à l’épouser ; qu’ainsi il avoit senti une joye inconcevable par le changement de sa fortune, puis qu’on auroit tout sujet de croire qu’elle l’auroit refusé ; qu’il estoit tout prest luy-mesme de le publier, &amp; qu’enfin de quelque maniere que tournast la chose, tout le desagrément de cette rupture tomberoit sur luy, n’y ayant aucune vrai semblance qu’il se pust faire une peine d’épouser une personne devenuë fort riche, aprés avoir fait tous ses efforts pour l’obtenir dans le temps qu’elle estoit presque sans bien ; qu’il devoit à la parfaite estime qu’il avoit pour elle, la sincerité des sentimens qu’il luy expliquoit ; qu’il ne luy déguisoit point qu’il sentoit une espece de desespoir en songeant qu’elle seroit bientost à une autre, mais qu’il estoit juste qu’elle fust heureuse aux dépens de son repos, &amp; que pour le consoler de sa perte, il la conjuroit de luy vouloir bien promettre son amitié. Il ajoûta plusieurs autres choses qui estoient d’un cœur aussi droit que genereux, &amp; qui étonnerent d’autant plus la Belle, que les plus honnestes gens ont de la peine à consulter la raison quand la passion est violente. Elle trouva dans son procedé, je ne sçay quoy de grand &amp; d’honneste qui redoubla son estime, &amp; comme c’estoit par ce seul motif qu’elle s’estoit engagée à luy, sans que l’amour eust encore pris aucun pouvoir sur son cœur, elle le combla de joye, en luy promettant non seulement de le regarder toujours comme son Ami, mais de vivre dans l’indépendance, sans songer jamais à se marier. C’est le parti que son inclination luy eust fait prendre dés les premieres propositions qu’on luy avoit faites, si son Pere eust dû luy laisser assez de bien pour pouvoir mener une vie aisée. On fut fort surpris de voir qu’un mariage si avancé ne s’achevoit point. Chacun raisonna à sa fantaisie, &amp; on ne sçavoit qu’inferer de ce que le Cavalier disoit à tous ses Amis, qu’aprés une grande succession venuë à la Belle, il s’estoit cru obligé en honneste homme, de n’abuser pas de la bonté qu’elle avoit de la luy vouloir sacrifier. Il partit peu de temps aprés pour l’Allemagne, où ses emplois l’appelloient, &amp; il ne s’est point trouvé jusqu’icy d’Heureux qui ait pû toucher la Belle. Elle paroist estre la plus contente du monde, &amp; toujours dans la résolution de ne dépendre jamais que d’elle-mesme.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-06_214" resp="mercure">
          <head>[Mariage de M. le comte de Merinville et Mlle du Cambout]*</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juin 1695 [tome 6], p. 214-216.</bibl>
          <p/>
          <p>On apprend par les Lettres de Languedoc, les réjoüissances qui ont esté faites à Narbonne, au sujet du mariage de Mr le Comte de Merinville, son Gouverneur, avec Mademoiselle du Cambout. Les Consuls partirent le 8. de ce mois, le soir en robes rouges, de l’Hostel de Ville, avec toute la pompe dans laquelle ils ont accoutumé de marcher aux plus grandes Festes. Ils estoient précedez par les Compagnies de Milices Bourgeoises, au bruit des Tambours &amp; des Trompettes, &amp; estant arrivez au milieu de la grande Place, vis à vis la Vicomté, dont la porte estoit ornée d’un arc de triomphe, avec les Armes de Mr &amp; de Madame de Merinville, prenant chacun un flambeau, aprés les ceremonies ordinaires, ils allumerent le Feu que l’on avoit préparé, &amp; auprés duquel les Milices firent leur décharge, qui fut suivie du canon &amp; d’autres Feux d’artifice.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-06_228" resp="wordpro">
          <head>[La connoissance des Genres François, tirée de l’usage &amp; des meilleurs Auteurs de la Langue]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juin 1695 [tome 6], p. 228-229.</bibl>
          <p>M<hi rend="sup">r</hi> Richelet vient de mettre au jour un Livre nouveau, intitulé, <hi rend="i">La Connoissance des Genres François, tirée de l’usage &amp; des meilleurs Auteurs de la Langue</hi>. Il y a peu de Livres qui doivent faire plus de plaisir au Public, &amp; particulierement aux gens de Lettres, parce qu’il y a plusieurs noms dans nostre Langue dont on a de la peine à sçavoir le genre, quand on a dessein de faire paroistre quelque Ouvrage. Ainsi l’on est redevable à M<hi rend="sup">r</hi> Richelet, qui par celuy qu’il vient de donner, épargne le temps qu’on estoit obligé de perdre en recherches, que l’on faisoit quelquefois inutilement.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-06_239" resp="wordpro">
          <head>[Prix proposez par Mrs de l’Academie des Jeux Floraux de Toulouse]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juin 1695 [tome 6], p. 239-247.</bibl>
          <p>Comme le Public a interest de sçavoir les sujets que la pluspart des Academies de France proposent pour les Prix qu’elles distribuent chaque année en de certains temps, on ne sera pas fâché de voir dans vostre Province ce que contient un Imprimé de Toulouse qui m’a esté envoyé. En voicy les termes.</p>
          <quote>
            <p><hi rend="i">L’Academie des Jeux Floraux de Toulouse, à laquelle le Roy vient d’accorder de nouveaux privileges, fait sçavoir au Public qu’on y distribuera toutes les années, le</hi> 3. <hi rend="i">de May, quatre Prix ou Fleurs.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le premier sera une Amarant te d’or, de valeur de quatre cens livres, pour une Ode.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le second sera une Violette d’argent, de valeur de deux cens cinquante livres, qui sera adjugée à un Poëme de soixante Vers au moins, &amp; de cent Vers au plus, tous Alexandrins &amp; suivis, ou à rimes plates, dont le sujet sera heroïque.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le troisiéme sera un Soucy d’argent, du prix de deux cens livres ; on le donnera à une Elegie, à une Eglogue, ou à un Idille. Le sujet de toutes ces Pieces de Poësie sera au choix des Auteurs. A l’égard des Vers, ils doivent estre reguliers, &amp; n’avoir rien de burlesque, de satirique, ny d’indecent.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le quatriéme sera une Eglantine d’argent, du prix de deux cens cinquante livres, qui sera adjugée à une Piece de Prose d’un quart d’heure, ou d’une petite demi heure de lecture, dont l’Academie des Ieux Floraux publiera toutes les années le sujet, qui sera pour l’année prochaine</hi> 1696. Du bon usage de la parole.</p>
            <p><hi rend="i">Toutes les personnes, de quelque qualité &amp; pays qu’elles soient, de l’un &amp; de l’autre Sexe, pourront aspirer aux Prix. Les Ouvrages qu’on reconnoistra avoir déja paru en tout, ou en quelque partie considerable seront rejetez. Les Auteurs qui prétendront aux Prix, feront remettre leurs Ouvrages dans tout le mois de Janvier de l’année</hi> 1696. <hi rend="i">lequel expiré on n’en recevra plus. Il faudra qu’on s’adresse à M<hi rend="sup">r</hi> Lafaille. Secretaire perpetuel des Jeux Floraux, qui loge prés la Place de S. Georges. Les Auteurs ne se feront point connoistre avant la distribution des Prix. Ils ne signeront point leurs Ouvrages, mais se contenteront d’y mettre un Paraphe &amp; une Sentence. Le Secretaire des Ieux en écrira la reception sur un Registre, où il mettra le nom, la qualité, &amp; la demeure des personnes qui luy auront délivré les Ouvrages, lesquelles personnes signeront le Registre, &amp; en recevront un extrait en forme de recepissé, signé du Secretaire. Les Auteurs seront obligez de luy fournir trois copies pareilles &amp; bien lisibles de chacun de leurs Ouvrages. L’aprés-midy du</hi> 3. <hi rend="i">jour de May on distribuera les Prix aux Auteurs mesmes, s’ils sont presens ; ou, s’ils sont absens, à ceux qui auront charge d’eux. On les désignera par la Sentence qu’ils auront mise au bas de l’Ouvrage. Aprés ils seront tenus de montrer le recepissé du Secretaire des Ieux, &amp; de se faire connoistre en recevant les Fleurs ; aprés quoy on leur donnera, ou à ceux qui auront charge d’eux, les attestations, portant qu’un tel, une telle année, pour un tel Ouvrage par luy composé, a remporté un tel Prix, &amp; l’Ouvrage en original y sera attaché sous le contreseel des Ieux. Vn mesme Auteur ne pourra neanmoins avoir le même Prix que trois fois en sa vie ; mais il pourra les avoir tous ou plusieurs en une mesme année.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Ceux qui obtiendront les Prix, ne seront point tenus de faire autre aucun remercîment<note resp="editor">Le texte original indique « aure aucun remercimens ».</note>.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Celuy qui aura remporté trois Prix, l’un desquels doit estre l’Amarante, pourra obtenir des Lettres de Maistre, &amp; il sera toute sa vie du Corps des Ieux Floraux, avec droit d’assister &amp; d’opiner comme Iuge avec le Chancelier, les Mainteneurs, &amp; les autres Maistres, aux Assemblées publiques &amp; particulieres, qui regarderont le jugement des Ouvrages, &amp; l’adjudication des Prix.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Ceux qui voudront parfaitement s’instruire de l’origine des Ieux Floraux. &amp; des nouveaux Statuts que Sa Majesté a voulu ajoûter à ses Lettres Patentes, le pourront estre par le Recueil des Pieces concernant les Ieux Floraux de Toulouse, qu’on va donner au Public. On verra dans ce Recueil, qui sera de l’Impression du Louvre, quelles sont les occupations ordinaires de cette Academie, &amp; quelle sera l’exactitude avec laquelle on procedera à l’examen des Ouvrages qu’on luy adressera.</hi></p>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-06_263" resp="wordpro">
          <head>[Reception de Mr l’Abbé de Clerembaud à l’Academie Françoise]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juin 1695 [tome 6], p. 263-270.</bibl>
          <p>La mort de M<hi rend="sup">r</hi> de la Fontaine ayant laissé une place vacante à l’Academie Françoise, cette celebre Compagnie l’a remplie avec l’agrément de Sa Majesté, par le choix qu’elle a fait de M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé de Clerembaud. Sa profonde érudition, &amp; la connoissance parfaite qu’il a de l’Histoire, ont esté des titres qu’elle a plus considerez en luy, que l’éclat de sa naissance. Il est Fils de Philippes de Clerembaud, Comte de Palluau, Chevalier des Ordres du Roy, Maréchal de France, Gouverneur &amp; grand Bailly de Berry, &amp; de Loüise-Françoise le Bouthillier, Fille aisnée de Leon Comte de Chavigny, Secretaire d’Estat ; Petit-fils de Jacques de Clerembaud, &amp; de Loüise Rigault de Millepié, &amp; arriere-Petit-fils de Hardy S<hi rend="sup">r</hi> de Chantebuzan, issu d’un Puisné des Seigneurs de la Plesse &amp; du Plessis-Clerembaud. M<hi rend="sup">r</hi> le Mareschal de Clerembaud son Pere, ayant porté les armes dés son jeune âge, se trouva au Combat du Thesin en 1636. au Siege de Landrecy en 1637. &amp; se signala en 1640. à l’attaque des Lignes d’Arras. Aprés s’estre distingué en plusieurs autres occasions, comme au Combat de Fribourg en 1644. aux Sieges de Thionville, Philisbourg, Courtray, Dunkerque, la Bassée, il fut Lieutenant General des Armées du Roy, qu’il commanda aux Sieges d’Ypres &amp; de Bellegarde. Sa Majesté le fit Maréchal de France en 1653. &amp; Chevalier de ses Ordres en 1661. &amp; il mourut à Paris en 1665. âgé de cinquante neuf ans.</p>
          <p>M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé de Clerembaud vint prendre sa place à l’Academie le Jeudy 23. de ce mois, &amp; fit connoistre par l’excellent Discours qu’il y prononça, qu’elle ne s’estoit point trompée en le choisissant comme un homme qui avoit toutes les qualitez qu’on peut souhaiter dans un Academicien. Il éleva les graces originales qui sont dans tous les Ecrits de M<hi rend="sup">r</hi> de la Fontaine, dont il remplissoit la place, &amp; dit que s’il s’estoit quelquefois oublié dans quelques Contes trop libres, qui luy estoient échapez contre son intention, &amp; peut-estre même sans y penser, ce qui est fort vray semblable, si on examine son caractere, il avoit effacé ces sortes de fautes par le regret qu’il en avoit témoigné dans les dernieres années de sa vie. Je ne vous dis rien du tour fin &amp; délicat qu’il donna aux Eloges des trois Protecteurs qu’a eus l’Academie, &amp; sur tout à celuy du Roy, dont le regne est une matiere inépuisable pour le Orateurs. Vous sçavez ce qu’on peut attendre d’un homme vrayment éloquent, &amp; vous pouvez là dessus donner le champ libre à vos idées. Mr Rose, President en la Chambre des Comptes, &amp; Secretaire du Cabinet, soutint noblement la qualité qu’il avoit de Directeur de la Compagnie. Il marqua en peu de mots le plaisir qu’elle se faisoit de recevoir dans son Corps un aussi digne Sujet que Mr l’Abbé de Clerembaud, à qui il representa que la place qu’il commençoit d’occuper, le mettoit dans une obligation particuliere de consacrer ses heureux talens à la gloire d’un Roy, dont les grandes actions faisoient l’admiration de toute la terre, &amp; qui estoit encore plus de cœur que de titre Roy veritablement tres-Chrestien. Ce que je vous dis n’est ny dans l’ordre, ny dans les termes qu’il fut prononcé. Ces Discours devant estre donnez au Public, selon la coutume, vous feront voir quand vous les lirez, combien l’Assemblée nombreuse qui se trouva ce jour-là au Louvre, en dut estre satisfaite. Aprés qu’ils eurent esté prononcez, Mr Charpentier, Doyen de l’Academie, leut une Piece fort éloquente, qu’il a adressée à Mr l’Evêque de Noyon, &amp; qui traite de l’utilité des Exercices Academiques. Vous connoissez ses rares talens, &amp; je n’ay rien à vous en dire de plus.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-06_325" resp="mercure">
          <head>[Nouvelles de Catalogne]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juin 1695 [tome 6], p. 325-326.</bibl>
          <p/>
          <p>Nos Ennemis crient victoire lors qu’ils ne sont battus qu’à demy. Ainsi le Roy d’Espagne a esté en pompe faire chanter le <hi rend="italic">Te Deum</hi> à Nostre-Dame d’Atoche, parce qu’il n’est entré dans Castelfollit que la moitié du Convoy qui avoit esté préparé pour le ravitailler. L’Armée du Roy s’assemble à une lieuë &amp; demie de Gironne, afin d’estre plus en état de pourvoir cette Place de toutes les choses dont elle pourroit avoir besoin. Celle des Ennemis s’assemble à Blanes. Mr de Vendosme, qui s’est abouché à Perpignan avec Mr de Noailles, y doit estre arrivé il y a quelque temps.</p>
        </div>
      </div>
      <div type="tome" xml:id="MG-1695-07">
        <head><hi rend="i">Mercure Galant</hi>, juillet 1695 [tome 7]</head>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-07_007" resp="wordpro">
          <head>[Sonnet qui a remporté le Prix donné par la Compagnie des Lanternistes de Toulouse]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juillet 1695 [tome 7], p. 7-14.</bibl>
          <p>Ie vous marquay, Madame, dans ma Lettre du mois de Mars, les Bouts-rimez que la Compagnie des Lanternistes de Toulouse avoit proposez à remplir à la gloire du Roy, pour le Prix qu’elle devoit distribuer le 24 du mois passé, jour de la Feste de Saint Jean-Baptiste. Ce jour-là ceux qui la composent s’estant assemblez en la maniere accoutumée chez M<hi rend="sup">r</hi> de Lucas, Conseiller au Parlement de Toulouse, le Secretaire de cette Compagnie ouvrit la seance par un Discours, où il exposa que pour bien juger des Ouvrages de Poësie, il en falloit connoistre tous les agrémens &amp; toute la finesse. Il s’étendit ensuite sur les divers caracteres de chaque espece de Poësie, &amp; particulierement sur le progrés des Bouts-rimez. Il finit par l’éloge du Roy, &amp; fit voir que ce n’estoit qu’à la faveur de ce nom sacré, que les Bouts-rimez s’estoient acquis une si haute réputation, &amp; qu’ils ne sçauroient manquer de plaire en publiant les heroïques vertus du plus grand Monarque qui fut jamais. Ce Discours finy, la Compagnie, déclara que le Sonnet que vous allez lire, avoit remporté le Prix. Il contient un éloge si juste &amp; si parfait de Sa Majesté, que je ne doute point que cette lecture ne vous fasse autant de plaisir, qu’elle en a donné à ceux qui l’ont jugé digne d’estre préferé à tous les autres.</p>
          <quote>
            <label>AU ROY.<lb /><hi rend="i">SONNET.</hi></label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Dans la route brillante où la gloire te</hi> guide,</l>
              <l><hi rend="i">Vingt Souverains jaloux en vain de toutes</hi> parts,</l>
              <l><hi rend="i">Elevent contre toy mille orgueilleux</hi> Rempars,</l>
              <l><hi rend="i">Toujours en ta faveur la Victoire</hi> décide.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Qui pourroit s’opposer à ta valeur</hi> rapide ?</l>
              <l><hi rend="i">Surpassant en un-jour Constantins &amp;</hi> Cesars,</l>
              <l><hi rend="i">Agissant &amp; tranquille au milieu des</hi> hazars,</l>
              <l><hi rend="i">Rien ne peut ébranler ton courage</hi> intrepide.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Que tu sçais bien remplir tes augustes</hi> Emplois !</l>
              <l><hi rend="i">Pere de tes Sujets, &amp; Protecteur des</hi> Loix,</l>
              <l><hi rend="i">Les flots ont beau gronder, nous bravons les</hi> Tempestes.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Si tu suivois le cours de tes exploits</hi> divers,</l>
              <l><hi rend="i">De l’Aurore au Couchant tu ferois des</hi> Conquestes ;</l>
              <l><hi rend="i">Mais, grand Roy, tu ne veux que calmer l’</hi> Univers.</l>
            </lg>
          </quote>
          <quote>
            <label>PRIERE POUR LE ROY.</label>
            <lg>
              <l rend="i"> De ton aile, Seigneur, daigne couvrir mon Roy ;</l>
              <l rend="i">Répans toujours sur luy des rayons de ta gloire,</l>
              <l rend="i">Puis que ce Conquerant ne cherche la Victoire,</l>
              <l rend="i">Que pour faire regner &amp; ton Nom &amp; ta Loy.</l>
            </lg>
          </quote>
          <p>Ce Sonnet est de Mademoiselle l’Heritier de Villandon, dont les heureux talens sont connus de tous ceux qui aiment les belles choses. Elle a écrit dés sa plus grande jeunesse, &amp; fait beaucoup d’Ouvrages estimez. Feu M<hi rend="sup">r</hi> l’Heritier, son Pere, s’estoit acquis une grande réputation par ceux qu’il a donnez au Public, &amp; sur tout, par son excellente Traduction des Annales &amp; des Histoires des Troubles des Pays bas, composez en Latin par le fameux Hugo Grotius. Les Bouts-rimez proposez par Mrs de la Compagnie des Lanternistes, ayant fait l’année derniere le divertissement de la Cour &amp; de toute la France, il y a sujet de croire, aprés un succés si glorieux, que ceux qui viennent de paroistre pour la dispute du Prix, seront receus aussi favorablement. Quelque recherchées qu’en soient les rimes, la grandeur &amp; la richesse de la matiere, les ont renduës comme naturelles.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-07_041" resp="wordpro">
          <head>[Ouvrages de Mr Felibien]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juillet 1695 [tome 7], p. 41-47.</bibl>
          <p>Je vous appris dans ma Lettre du mois passé, la mort de M<hi rend="sup">r</hi> Felibien. C’estoit un homme illustre, dont tous les Ouvrages sont à rechercher. C’est ce qui m’en a fait demander la liste, que les Curieux recevront sans doute avec plaisir. Voicy les titres de ce qu’il a fait imprimer en differens temps.</p>
          <p>Paraphrase sur le Cantique des trois Enfans, &amp; sur le <hi rend="i">Miserere.</hi></p>
          <p><hi rend="i">En 1644</hi>. Paraphrase sur les Lamentations de Jeremie.</p>
          <p><hi rend="i">En la mesme année</hi>, Consolation à Madame d’Aumont, sur la mort de M<hi rend="sup">r</hi> le Marquis d’Aumont, son Mary.</p>
          <p><hi rend="i">En</hi> 1650. Relation de ce qui s’est passé en Espagne à la disgrace du Comte Duc d’Olivarez, traduit de l’Espagnol.</p>
          <p>Deux Lettres de la Description de Vaux le-Vicomte.</p>
          <p>Dialogue de l’origine de la Peinture.</p>
          <p>Entretiens sur les Vies &amp; sur les Ouvrages des plus excellens Peintres anciens &amp; modernes, en cinq volumes, commencez à imprimer en 1666. &amp; achevez en l’année 1688. La seconde Edition du mesme Ouvrage a esté faite en deux volumes.</p>
          <p>Description de l’Arc de triomphe, fait à l’Entrée du Roy à la Place Dauphine.</p>
          <p>Abregé de la Vie de Grenade.</p>
          <p>Les Reines de Perse aux pieds d’Alexandre,</p>
          <p>Le Portrait du Roy.</p>
          <p>Les quatre Elemens mis en tapisserie.</p>
          <p>Les quatre Saisons de l’année.</p>
          <p>La Feste de Versailles, de 1688.</p>
          <p><hi rend="i">En</hi> 1669. Les Conferences de l’Academie Royale de Peinture.</p>
          <p>Le Chasteau interieur de l’ame de Sainte Therese, traduit de l’Espagnol.</p>
          <p>Description de l’Abbaye de la Trappe.</p>
          <p>La Vie du Pape Sixte V. traduite de l’Italien.</p>
          <p>Description sommaire du Chasteau de Versailles en 1674.</p>
          <p>Les Divertissemens de Versailles, donnez par le Roy en la mesme année.</p>
          <p>Description de la Grotte de Versailles.</p>
          <p>Les principes de l’Architecture, de la Sculpture, de la Peinture, &amp; des Arts qui en dépendent, avec un Dictionnaire des termes propres à chacun de ces Arts. Imprimé pour la premiere fois en 1676. &amp; pour la seconde en 1690.</p>
          <p><hi rend="i">En</hi> 1684. Le Songe de Philomathe, qu’on a aussi joint au dernier volume des Entretiens, &amp; mis dans un recueil imprimé in 8<hi rend="sup">n</hi>. l’an 1686.</p>
          <p>Les Tableaux, les Statuës, &amp; les Bustes des Maisons Royales, imprimez au Louvre.</p>
          <p>Les Inscriptions gravées dans la cour de l’Hostel de Ville de Paris, depuis 1660. jusqu’en 1686. sont de la composition du mesme M<hi rend="sup">r</hi> Felibien.</p>
          <p>M<hi rend="sup">r</hi> Felibien, son Fils, receu en survivance, a fait le Livre intitulé, <hi rend="i">Recueil historique de la Vie &amp; des Ouvrages des plus celebres Architectes</hi>, imprimé en 1687. Et un cahier intitulé, <hi rend="i">Monumens antiques</hi>, qui contient une Dissertation sur le <hi rend="i">Tombeau de Caius Latatius Catulus.</hi></p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-07_059" resp="wordpro">
          <head>[Histoire]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juillet 1695 [tome 7], p. 59-84.</bibl>
          <p>Ce qu’on m’a conté depuis quelques jours, a des circonstances plaisantes qui meritent que je vous en fasse part. Une Veuve assez jolie, vivoit sans inquietude, &amp; ne songeoit qu’à se divertir. Elle brilloit dans les Compagnies par une humeur enjoüée, qui la faisoit écouter avec plaisir, &amp; ceux qui la connoissoient faisoient peu de parties agreables sans souhaiter qu’elle en fust. Elle alloit mesme au devant pour s’en faire mettre, &amp; les promenades aux environs de Paris, l’Opera, la Comedie, quand on l’y vouloit mener, estoient toûjours de son goust. Elle avoit du bien, &amp; l’independance où elle vivoit luy paroissant un estat heureux, luy avoit fait déclarer assez hautement qu’elle renonçoit au mariage. On l’approuvoit en cela, mais on condamnoit en elle une épargne trop marquée sur de petites dépenses qu’on est quelquefois obligé de faire. On la regaloit par tout : elle mangeoit fort souvent chez ses Amies, &amp; ses Amies ne mangeoient jamais chez elle. Cette sorte d’avarice faisoit peine à quelques-unes, &amp; quand on luy en faisoit de legers reproches, elle répondoit en plaisantant, que la qualité de Veuve l’assujettissoit à une vie retirée qui ne permettoit aucun éclat. Cependant comme elle aimoit fort à voir le monde, elle demeuroit rarement chez elle, &amp; estant allée un jour chez une Dame qu’elle trouva avec une Amie commune, elle apprit d’elles qu’elles devoient aller le lendemain à Versailles, par la simple curiosité de voir à loisir toutes les beautez de ce lieu charmant. Elle demanda aussitost à estre de la partie, &amp; la Dame du logis luy ayant dit que l’Abbé son frere les menoit dans son carrosse, il entra tout à propos pour luy offrir une place. Ce surcroist de compagnie luy fit plaisir, parce que la Veuve estoit d’une humeur réjoüissante. La question fut de sçavoir où mettre un habit fort riche dont elle vouloit estre parée, &amp; qu’elle craignoit de gaster sur le chemin. L’Abbé luy dit que ne pouvant se montrer qu’en habit long à Versailles, il auroit une valise où tout ce qu’elle voudroit porter seroit rangé proprement. Le lendemain la partie s’executa. La Veuve fit apporter son habit, qu’elle prit soin elle-mesme de placer dans la valisé. Les deux autres Dames qui donnerent moins dans la parure, monterent en carrosse avec l’habit mesme qu’elles voulurent avoir pendant le voyage. Il fut de quatre ou cinq-jours. Comme l’Abbé avoit quantité d’Amis, ils regalerent tour à tour les Dames qu’il avoit menées, &amp; la jolie Veuve se fit quantité d’adorateurs par son esprit enjoüé, qui contribua beaucoup à faire regner la joye dans tous les repas. Son habit fut admiré. Non seulement il estoit fort riche, mais d’un tres bon goust. L’étoffe mesme en estoit particuliere, &amp; il luy faisoit une taille fine qui luy donnoit beaucoup d’agrément. Les Dames avec qui elle estoit venuë, tomberent d’accord avec l’Abbé que les plaisirs la suivoient par tout, tant elle estoit propre à les faire naistre, à quoy l’une d’elles ajoûta, que si elle s’en faisoit accompagner, c’estoit toûjours aux dépens des autres, &amp; qu’il estoit surprenant qu’étant de toutes les parties de divertissement de ses Amies qui la retenoient souvent à manger chez elles, &amp; ayant du bien qui la mettoit en estat de leur rendre quelquefois les mesmes honnestetez qu’elle en recevoit, elle ne leur fist jamais le moindre regale. L’Abbé répondit que la maniere agreable dont elle payoit de sa personne dans ces sortes de parties, la dispensoit de payer encore de sa bourse, &amp; riant ensuite d’une malice à luy faire qui luy tomba dans l’esprit, il ajoûta que si elles vouloient le seconder, il leur promettoit un grand repas, dont elle feroit les frais aussi bien que les honneurs. Les Dames ayant consenti à tout, &amp; s’étant offertes à donner leurs soins pour le succés de ce qu’il entreprendroit, il leur dit qu’il se chargeoit de faire voler l’habit de la Veuve à leur retour, aprés quoy il leur devoit estre aisé de l’obliger à le racheter pour la moitié de ce qu’il valoit ; que cet argent seroit suffisant pour le regale, &amp; que la feste ne seroit pas sans plaisir. Ce qui fut dit, fut executé. On retourna à Paris, &amp; comme on estoit parti exprés fort tard de Versailles, on n’y arriva que quand il fut nuit. On n’avoit parlé sur le chemin que du triomphe de la jolie Veuve, qui paroissoit fort contente d’elle-mesme, mais elle perdit sa belle humeur, lorsque l’ayant remenée chez elle, l’Abbé ordonna que l’on défist la valise, afin qu’on en tirast son habit. Cette valise ne se trouva point, &amp; un des Laquais vint dire, qu’on avoit coupé les courroyes qui l’attachoient au derriere du carrosse, &amp; qu’il falloit que le vol eust esté fait aux approches de Paris, puis qu’il estoit toûjours demeuré assis dessus, &amp; qu’il n’estoit descendu qu’à l’entrée du Cours. L’Abbé fit venir les autres Laquais, contre qui il feignit une colere extraordinaire de ce qu’ils avoient abandonné la valise. Comme ils croyoient qu’effectivement elle avoit esté volée, le secret n’estant connu que du premier qui avoit parlé, ils se regardoient l’un l’autre, &amp; tout consternez, ils se tenoient éloignez des coups qu’ils apprehendoient. Chacun s’excusoit sur son compagnon qu’il ne croyoit pas estre descendu, mais si l’Abbé parloit haut, la Veuve faisoit beaucoup plus de bruit. Son habit luy revenoit à plus de trente loüis, &amp; absolument elle ne vouloit point en porter la perte. Elle prétendoit qu’il estoit juste que ceux qui l’avoient laissé voler le payassent, &amp; il ne falloit leur faire aucune grace. L’Abbé luy dit qu’il ne sçavoit pas ce qu’elle devoit à son Laquais, si elle vouloit s’indemniser sur ses gages, mais que le soin qu’il avoit de payer les siens de mois en mois, ne luy laissoit pas une grosse somme entre les mains ; qu’il feroit mettre des gens en campagne pour tâcher d’avoir des nouvelles de sa valise volée, &amp; qu’il y avoit interest aussi bien qu’elle. On se separa aprés avoir essuyé de longues plaintes qu’elle recommença le lendemain avec les deux Dames qui l’allerent voir. Elle ne pouvoit se consoler d’avoir perdu son habit. Ce qu’il luy avoit cousté luy revenoit à toute heure dans l’esprit, &amp; outre le chagrin de la dépense, quand elle en auroit voulu acheter un autre, il luy paroissoit qu’il ne seroit point si bien assorti pour elle. Huit jours se passerent sans qu’elle pust rien découvrir du vol, quelques perquisitions qu’elle en fist faire. Enfin les Dames qui avoient contribué à ce vol, l’ayant obligée d’aller aux Tuilleries un peu plûtost que le beau monde n’a de coûtume de s’y assembler, elles furent à peine au bas de la grande allée, que la Veuve ayant jetté les yeux d’assez loin sur trois Dames qu’elle ne voyoit que par derriere, crut appercevoir son habit sur l’une d’elles. Ses Amies qui observerent l’agitation où elle estoit luy en ayant demandé la cause, elle leur fit remarquer qu’une de ces Dames avoit son habit, &amp; doublant le pas pour s’éclaircir mieux de la verité en s’approchant, elle asseura qu’elle ne se trompoit point. Les Dames luy dirent que quand ce seroit la mesme étoffe, il ne falloit pas conclurre que ce fust le mesme habit : mais plus elle s’attacha à l’examiner de prés, plus elle fut confirmée dans ce qu’elle avoit pensé. Ce n’estoit pas seulement la mesme étoffe, c’estoit la mesme doubleure, la mesme façon, &amp; mesme elle leur fit voir une tâche qu’elle avoit faite à l’un des costez dans un des repas qu’on leur avoit donnez à Versailles. Elle ne put plus se contenir, &amp; abordant tout d’un coup la Dame qui avoit l’habit, elle la pria fort civilement de luy vouloir dire chez quel Marchand elle avoit choisi cette belle étoffe, &amp; ce qu’elle en avoit payé : car elle ne croyoit pas qu’il fust de la politesse de luy dire qu’elle le reconnoissoit pour un habit de revente. La Dame inconnuë la regarda sans répondre, &amp; une seconde demande qu’elle luy fit ne luy ayant attiré encore qu’un regard, une des deux Dames qui l’accompagnoient luy dit qu’elle ne devoit pas s’estonner de son silence, que c’estoit une Dame Angloise venuë depuis quatre jours de S. Germain, qui ne sçavoit que fort peu de mots François, &amp; qu’il estoit inutile que l’on s’adressast à elle pour ce qu’on avoit envie de sçavoir. Alors la Veuve expliqua ce qui luy estoit arrivé en revenant de Versailles, &amp; dit qu’elle ne pouvoit comprendre comment son habit estoit tombé entre les mains de l’Angloise. Les Dames luy dirent que comme elle l’avoit apporté de S. Germain, &amp; qu’il venoit fort bien à sa taille, elles ne pouvoient douter qu’il n’eust esté fait exprés pour elle : que cependant puis qu’on asseuroit qu’il avoit esté volé, il leur seroit fort aisé d’apprendre ce qui en estoit en questionnant sa femme de chambre, qui parloit fort bien François. La Veuve qui sçavoit le nom d’une de ces Dames qu’elle connoissoit de veuë, convint d’une heure avec elle pour l’aller trouver le lendemain. Tout fut conduit avec tant d’adresse &amp; de vray-semblance que rien ne parut avoir esté concerté. L’Angloise estoit une femme de chambre qu’on avoit jugé à propos de faire passer pour étrangere, de peur qu’en parlant plus qu’on n’auroit voulu, elle n’eust fait soupçonner la tromperie. La Veuve ne manqua pas d’aller deux jours aprés chez la Dame, qui luy apprit que l’habit en question pouvoit bien estre le sien, puis qu’il estoit de hazard ; qu’il avoit esté porté chez l’Angloise par une femme inconnuë, &amp; que le grand marché l’avoit obligée de l’acheter ; qu’elle en avoit payé dix loüis, &amp; qu’encore qu’il luy faschast fort de s’en défaire, elle le rendroit en recevant ce qu’il luy avoit cousté. La Veuve demanda inutilement qui estoit la femme qui l’avoit vendu. Elle n’en put avoir de nouvelles, &amp; le seul parti qu’elle eut à prendre, ce fut, ou de renoncer à son habit, ou de rendre les dix loüis qu’on prétendoit avoir déboursez. Elle les donna, &amp; se tint heureuse de voir sa perte si diminuée. Chacun la felicita d’en estre quitte pour si peu de chose : &amp; l’Abbé entre les mains de qui l’argent fut remis, dit que la rencontre étoit pour luy d’un fort bon augure, &amp; qu’il esperoit reconnoistre au premier jour son habit long sur le dos de quelque Abbé qui l’auroit eu à bon compte. Cependant pour luy mieux marquer la joye qu’il avoit de l’heureuse découverte que le hazard luy avoit fait faire, il luy donna un repas fort propre avec les deux Dames qui avoient esté de la partie de Versailles. On beut d’abord à la santé de la jolie Veuve, comme estant la Reine de la feste, puis qu’on la faisoit pour elle, &amp; parmi les choses agreables qui furent dites, on la loüa tant de fois de la propreté du repas qu’on disoit toûjours qu’elle donnoit, qu’ayant compris qu’elle y avoit plus de part qu’elle n’avoit crû, elle dit que l’on pouvoit s’expliquer plus clairement, qu’elle entendoit raillerie ; qu’elle voyoit bien qu’elle faisoit les frais de la Feste, mais qu’elle s’estoit si bien divertie pendant le sejour qu’elle avoit fait à Versailles, qu’elle ne pouvoit payer assez les plaisirs qu’on luy avoit procurez, &amp; qu’ainsi elle abandonnoit sans aucune peine les dix loüis rendus à la Dame Angloise. Chacun plaisanta sur sa penetration, mais sans luy rien avoüer. Le lendemain, l’Abbé qui estoit galant, &amp; qui sçavoit vivre, luy envoya un Prestre inconnu qui luy remit dix loüis entre les mains comme une restitution, sans qu’elle dust s’informer de qui venoit cet argent. Elle estoit trop éclairée pour n’entendre pas ce que cette prétenduë restitution signifioit. Elle passa quinze jours sans en rien dire ni à l’Abbé ni aux Dames, aprés quoy elle les engagea à faire avec elle une promenade dont elle choisit le lieu. Ils y trouverent un Ambigu magnifique, qui leur fut servi dans le temps qu’ils ne songeoient qu’à s’en retourner. Elle en fit les honneurs ouvertement, &amp; dit aux Dames en riant qu’elle trouveroit peut estre moyen de leur donner quelque jour de l’inquietude, comme il leur avoit plû de luy en donner sur son habit. On ne fit plus mistere de rien, &amp; les Dames la prierent d’executer la menace le plûtost qu’elle pourroit, afin qu’elles pussent l’imiter dans la vangeance.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-07_097" resp="wordpro">
          <head>[Ode à Mr le Duc de la Rochefoucault]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juillet 1695 [tome 7], p. 97-102.</bibl>
          <p>Je vous envoye une Ode d’un stile aisé &amp; fort naturel, qui a esté faite à l’occasion du Jeu des Echecs.</p>
          <quote>
            <label>A MONSIEUR LE DUC<lb />DE LA<lb />ROCHEFOUCAULT.</label>
            <lg>
              <l rend="i">Je suis rendu, grace, grace,</l>
              <l rend="i">Je ne tiens plus devant toy,</l>
              <l rend="i">Et mon indiscrete audace</l>
              <l rend="i">Se change en un juste effroy.</l>
              <l rend="i">Par ma honteuse retraite</l>
              <l rend="i">Ie confesse ma défaite,</l>
              <l rend="i">Ne me demande plus rien,</l>
              <l rend="i">Duc, nostre guerre est finie.</l>
              <l rend="i">Est-ce à mon foible genie</l>
              <l rend="i">De se mesurer au tien ?</l>
              <l rend="i"> Contre moy dans la carriere</l>
              <l rend="i">A peine tu fais un pas,</l>
              <l rend="i">Que par ta démarche fiere</l>
              <l><hi rend="i">Tous mes projets sont à bas.</hi></l>
              <l rend="i">Ie voy, dès que tu t’avances,</l>
              <l rend="i">Ceder toutes mes défenses,</l>
              <l rend="i">Tomber tous mes champions.</l>
              <l rend="i">Dans ma resistance vaine,</l>
              <l rend="i">Roy, Chevalier, Roc &amp; Reine,</l>
              <l rend="i">Sont moindres que des Pions.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> En vain de me battre encore</l>
              <l rend="i">Tu conserves le desir,</l>
              <l rend="i">Du chagrin qui me devore</l>
              <l rend="i">Tu n’auras plus le plaisir.</l>
              <l rend="i">I’aimerois mieux, je te jure</l>
              <l rend="i">Par le chaud, par la froidure,</l>
              <l rend="i">Courir toutes nos forests,</l>
              <l rend="i">Et sauter des précipices</l>
              <l rend="i">En ces rudes exercices</l>
              <l rend="i">Où tu trouves tant d’attraits.</l>
              <l rend="i"> Ouy, j’irois teste baissée</l>
              <l rend="i">Sous le foudroyant airain,</l>
              <l rend="i">Fendre l’onde couroucée,</l>
              <l rend="i">De mon sang rougir le Rhin.</l>
              <l rend="i">Ce que tu fis pour la gloire,</l>
              <l rend="i">Quand Bellone &amp; la Victoire</l>
              <l><hi rend="i">T’enflammoient devant ton Roy,</hi></l>
              <l rend="i">Ie le ferois tout de mesme,</l>
              <l rend="i">Agité du trouble extrême</l>
              <l rend="i">Qui me saisit devant toy.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Que maudit soit Palamede,</l>
              <l rend="i">Si des Echecs Inventeur,</l>
              <l rend="i">Du desir qui me possede</l>
              <l rend="i">Il fut le premier Auteur.</l>
              <l rend="i">Aveuglement déplorable !</l>
              <l rend="i">Au lieu d’un charme agreable,</l>
              <l rend="i">Pour combattre le chagrin,</l>
              <l rend="i">Il choisit dans sa folie</l>
              <l rend="i">Ce que la mélancolie</l>
              <l rend="i">A de plus mortel venin.</l>
              <l rend="i"> Invention trop fatale,</l>
              <l rend="i">Triste jeu, cruel tourment,</l>
              <l rend="i">Dans la caverne infernale</l>
              <l rend="i">Tu pris ton commencement.</l>
              <l rend="i">Ce mal doit estre en usage</l>
              <l rend="i">Sur ce tenebreux rivage,</l>
              <l rend="i">Où regne un silence affreux.</l>
              <l rend="i">La cruauté des Furies,</l>
              <l rend="i">A ses mornes resveries</l>
              <l rend="i">Condamne les malheureux.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Sans doute que la Déesse</l>
              <l><hi rend="i">Patronne du beau Troyen,</hi></l>
              <l rend="i">Pour se vanger de la Grece</l>
              <l rend="i">Eut recours à ce moyen.</l>
              <l rend="i">Tisiphone qu’elle excite</l>
              <l rend="i">Fabrique au bord du Cocyte</l>
              <l rend="i">L’Echiquier &amp; les Echecs,</l>
              <l rend="i">Seure que ce jeu funeste</l>
              <l rend="i">Mieux que la guerre &amp; la peste</l>
              <l rend="i">Feroit consumer les Grecs.</l>
              <l rend="i"> Toujours la veuë arrestée</l>
              <l rend="i">Sur des quarrez blancs &amp; noirs,</l>
              <l rend="i">Avoir l’ame tourmentée</l>
              <l rend="i">De crainte &amp; de desespoirs.</l>
              <l rend="i">Toujours pis qu’à la torture</l>
              <l rend="i">De quelque horrible avanture</l>
              <l rend="i">Chercher à se garantir.</l>
              <l rend="i">Eh, si c’est ainsi qu’on joüe,</l>
              <l rend="i">Ixion est à la rouë</l>
              <l rend="i">Cloüé pour se divertir.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Vous, Ioüeurs, en qui j’honore</l>
              <l rend="i">Cent vertus &amp; cent talens,</l>
              <l rend="i">Sçachez qu’un jeu que j’abhorre</l>
              <l rend="i">Soüille ces dons excellens.</l>
              <l rend="i">O vous qui m’avez fait prendre</l>
              <l rend="i">Le triste dessein d’apprendre</l>
              <l rend="i">Ce jeu qui fait mon couroux,</l>
              <l rend="i">De C.… M.… f.…</l>
              <l rend="i">Fussiez-vous dans la riviere,</l>
              <l rend="i">Et les Echecs avec vous.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-07_168" resp="wordpro">
          <head>[Junie, ou les sentimens Romains]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juillet 1695 [tome 7], p. 168-169.</bibl>
          <p>Comme il n’a point paru d’Ouvrages de la composition de Madame de Pringy, dont la lecture n’ait donné beaucoup de plaisir, je croy vous en faire en vous apprenant qu’il en vient de paroistre un de sa façon, intitulé, <hi rend="i">Iunie, ou les Sentimens Romains</hi>. Les expressions dont cette Dame se sert, sont si nobles &amp; si énergiques, qu’elle n’a pas eu de peine à mettre dans leur jour les sentimens des Heros de son Histoire. Elle se vend chez la Veuve Coignard, rue de la Bouclerie, au bout du Pont Saint Michel.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-07_180" resp="wordpro">
          <head>[Sonnets sur les derniers Bouts-rimez]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juillet 1695 [tome 7], p. 180-191.</bibl>
          <p>Voicy quelques-uns des Sonnets sur les Bouts-rimez proposez par la celebre Compagnie des Lanternistes. Vous trouverez le nom de l’Auteur au bas de chaque Sonnet.</p>
          <quote>
            <label>AU ROY.<lb /><hi rend="i">SONNETS.</hi></label>
            <quote>
              <label>I.</label>
              <lg>
                <l><hi rend="i">Quel heureux sort, grand Roy ! vous avez Dieu pour</hi> guide.</l>
                <l><hi rend="i">Il regle vos projets, vous suit de toutes</hi> parts.</l>
                <l><hi rend="i">Vous vangez ses Autels, il défend vos</hi> remparts,</l>
                <l><hi rend="i">Quand vostre bras combat, c’est sa main qui</hi> décide.</l>
              </lg>
              <ab type="ornament">***</ab>
              <lg>
                <l><hi rend="i">C’est luy qui vous conduit dans la course</hi> rapide,</l>
                <l><hi rend="i">Où vous allez plus loin que n’ont fait les</hi> Cesars.</l>
                <l><hi rend="i">On vit ces Conquerans triompher des</hi> hazards,</l>
                <l><hi rend="i">Mais ils n’égaloient pas vostre cœur</hi> intrepide.</l>
              </lg>
              <ab type="ornament">***</ab>
              <lg>
                <l><hi rend="i">Le Ciel qui vous donna les glorieux</hi> emplois.</l>
                <l><hi rend="i">De regner &amp; de vaincre, &amp; d’affermir ses</hi> Loix.</l>
                <l><hi rend="i">Vous soutient aujourd’huy parmy tant de</hi> tempestes.</l>
              </lg>
              <ab type="ornament">***</ab>
              <lg>
                <l><hi rend="i">Essuiez hardiment ces orages</hi> divers</l>
                <l><hi rend="i">Le Seigneur vous promet d’éternelles</hi> conquestes,</l>
                <l><hi rend="i">Et s’il marche avec vous, que pourra l’</hi>Univers ;</l>
              </lg>
              <p>Leydet, Conseiller au Presidial de Bordeaux.</p>
            </quote>
            <quote>
              <label>II.</label>
              <lg>
                <l><hi rend="i">Grand Roy, dont la sagesse est le fidelle</hi> guide,</l>
                <l><hi rend="i">Tes armes ont porté l’effroy de toutes</hi> parts ;</l>
                <l><hi rend="i">Par toy la Ligue voit foudroyer ses</hi> rempars ;</l>
                <l><hi rend="i">Par toy toujours le Ciel heureusement</hi> décide.</l>
              </lg>
              <ab type="ornament">***</ab>
              <lg>
                <l><hi rend="i">La Victoire jamais ne parut si</hi> rapide,</l>
                <l><hi rend="i">Pour ce fier Conquerant, le premier des</hi> Cesars.</l>
                <l><hi rend="i">Elle vole pour toy ; ton cœur dans les</hi> hazards,</l>
                <l><hi rend="i">Toujours égal à soy, se fait voir</hi> intrepide.</l>
              </lg>
              <ab type="ornament">***</ab>
              <lg>
                <l><hi rend="i">La gloire &amp; la vertu partagent tes</hi> emplois.</l>
                <l><hi rend="i">En vain, pour éviter de tomber sous tes</hi> Loix,</l>
                <l><hi rend="i">De tous costez l’Europe éleve des</hi> tempestes.</l>
              </lg>
              <ab type="ornament">***</ab>
              <lg>
                <l><hi rend="i">Aprés avoir soumis tous ses peuples</hi> divers ;</l>
                <l><hi rend="i">Ta valeur doit placer au rang de tes</hi> conquestes,</l>
                <l><hi rend="i">Malgré tous ses efforts, celle de l’</hi>Univers.</l>
              </lg>
              <p>De Bonecamp, Medecin à Brest.</p>
            </quote>
            <quote>
              <label>III.</label>
              <lg>
                <l><hi rend="i">Loüis marche toujours où la gloire le</hi> guide,</l>
                <l><hi rend="i">Ses nobles actions brillent de toutes</hi> parts,</l>
                <l><hi rend="i">Il gagne des combats, il force des</hi> rempars,</l>
                <l><hi rend="i">Et par tout la fortune en sa faveur</hi> décide.</l>
              </lg>
              <ab type="ornament">***</ab>
              <lg>
                <l><hi rend="i">La Victoire le suit, &amp; d’un cours si</hi> rapide,</l>
                <l><hi rend="i">Qu’il fait presqu’oublier les exploits des</hi> Cesars,</l>
                <l><hi rend="i">Et mieux qu’eux mille fois affrontant les</hi> hasars,</l>
                <l><hi rend="i">Au milieu des perils il paroist</hi> intrepide.</l>
              </lg>
              <ab type="ornament">***</ab>
              <lg>
                <l><hi rend="i">C’est au merite seul qu’il donne let</hi> emplois,</l>
                <l><hi rend="i">Et gouverne l’Etat par de si sages</hi> Loix,</l>
                <l><hi rend="i">Que de ses Ennemis il brave les</hi> tempestes.</l>
              </lg>
              <ab type="ornament">***</ab>
              <lg>
                <l><hi rend="i">Il s’est fait admirer de cent Peuples</hi> divers,</l>
                <l><hi rend="i">Et le bruit éclatant de ses grandes</hi> conquestes,</l>
                <l><hi rend="i">A fait voler son nom au bout de l’</hi>Univers.</l>
              </lg>
              <p>D. H. R.</p>
            </quote>
            <quote>
              <label>IV.</label>
              <lg>
                <l><hi rend="i">Pourvû qu’en nos desseins la justice nous</hi> guide,</l>
                <l><hi rend="i">Qu’un monde d’Ennemis fonde de toutes</hi> parts,</l>
                <l><hi rend="i">Pour desoler nos champs, pour forcer nos</hi> rempars,</l>
                <l><hi rend="i">En faveur de nos vœux toujours le Ciel</hi> décide.</l>
              </lg>
              <ab type="ornament">***</ab>
              <lg>
                <l><hi rend="i">Tel a-t-on veu Louis dans sa course</hi> rapide,</l>
                <l><hi rend="i">Ternir par ses exploits la gloire des</hi> Cesars ;</l>
                <l><hi rend="i">Toûjours avec succés affronter les</hi> hasards,</l>
                <l><hi rend="i">Et signaler par tout son courage</hi> intrepide.</l>
              </lg>
              <ab type="ornament">***</ab>
              <lg>
                <l><hi rend="i">De ce Heros Chrestien les plus nobles</hi> emplois</l>
                <l><hi rend="i">Sont de faire observer les adorables</hi> Loix</l>
                <l><hi rend="i">De l’Estre souverain qui forme les</hi> tempestes.</l>
              </lg>
              <ab type="ornament">***</ab>
              <lg>
                <l><hi rend="i">S’il l’a fait reconnoistre en cent climats</hi> divers,</l>
                <l><hi rend="i">Ne merite-t-il pas qu’à toutes ses</hi> conquestes</l>
                <l><hi rend="i">Il joigne quelque jour celle de l’</hi> Univers.</l>
              </lg>
              <p>TAMIRISTE.</p>
            </quote>
            <quote>
              <label>V.</label>
              <lg>
                <l><hi rend="i">Sacrifie à la Paix la fureur qui te</hi> guide,</l>
                <l><hi rend="i">Ligue, aux vœux de Louis concours de toutes</hi> parts,</l>
                <l><hi rend="i">En vain opposes-tu de superbes</hi> rempars,</l>
                <l><hi rend="i">Du destin de la terre en arbitre il</hi> décide.</l>
              </lg>
              <ab type="ornament">***</ab>
              <lg>
                <l><hi rend="i">La Victoire par tout le suit d’un cours</hi> rapide,</l>
                <l><hi rend="i">A peine pour Rivaux souffre-t-il les</hi> Cesars ?</l>
                <l><hi rend="i">N’attens pas ton salut du temps, ny des</hi> hasards,</l>
                <l><hi rend="i">Il est dans ses projets sage, grand,</hi> intrepide.</l>
              </lg>
              <ab type="ornament">***</ab>
              <lg>
                <l><hi rend="i">Donne à ta rage encor de frivoles</hi> emplois,</l>
                <l><hi rend="i">Tost ou tard il faudra te soumettre à ses</hi> Loix,</l>
                <l><hi rend="i">Et laisser succeder la bonace aux</hi> tempestes.</l>
              </lg>
              <ab type="ornament">***</ab>
              <lg>
                <l><hi rend="i">Fomente contre luy mille complots</hi> divers,</l>
                <l><hi rend="i">Il consacre au Seigneur le fruit de ses</hi> conquestes,</l>
                <l><hi rend="i">Tu ne peux qu’à sa gloire armer tout l’</hi>Univers.</l>
              </lg>
              <p>PAR JAN.</p>
            </quote>
            <quote>
              <label>VI.</label>
              <lg>
                <l><hi rend="i">Grand Roy, qui pris toujours la gloire pour ton</hi> guide,</l>
                <l><hi rend="i">Ton nom porte aujourd’huy l’effroy de toutes</hi> parts,</l>
                <l><hi rend="i">Tu forces à ton gré les portes, les</hi> rempars,</l>
                <l><hi rend="i">Du succés des combats ta prudence</hi> décide.</l>
              </lg>
              <ab type="ornament">***</ab>
              <lg>
                <l><hi rend="i">Le cours de ta valeur fut de tout temps</hi> rapide,</l>
                <l><hi rend="i">En vain auprès de toy vante-t-on des</hi> Cesars,</l>
                <l><hi rend="i">Comme eux tu vas braver brusquement les</hi> hasars,</l>
                <l><hi rend="i">Il n’est point de Heros plus fier, plus</hi> intrepide.</l>
              </lg>
              <ab type="ornament">***</ab>
              <lg>
                <l><hi rend="i">Aux Conseils de Themis tu donnes tes</hi> emplois,</l>
                <l><hi rend="i">Ta clemence retient tes Peuples sous tes</hi> Loix,</l>
                <l><hi rend="i">Tes soins sçavent les mettre à couvert des</hi> tempestes.</l>
              </lg>
              <ab type="ornament">***</ab>
              <lg>
                <l><hi rend="i">De cent bras mutinez tu romps les coups</hi> divers ;</l>
                <l><hi rend="i">Et ton cœur à la fin lassé de ses</hi> conquestes,</l>
                <l><hi rend="i">Presente encor le calme à ce vaste</hi> Univers.</l>
              </lg>
              <p>Dibusty, de Bayonne, Docteur en Medecine.</p>
            </quote>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-07_191" resp="wordpro">
          <head>[Prix proposé pour remplir les mesmes Bouts-rimez à la gloire de Madame la Princesse de Conty]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juillet 1695 [tome 7], p. 191-193.</bibl>
          <p>Comme les Bouts-rimez précedens, dont le premier estoit <hi rend="i">Buste</hi>, aprés avoir esté remplis à la gloire du Roy, selon le dessein de Mrs les Lanternistes, l’ont esté ensuite à l’avantage de Madame la Princesse de Conti, vous avertirez, s’il vous plaist, tous vos Amis de Province, qu’un Particulier, qui a autant de zele que de respect pour cette grande Princesse, en donnera le Portrait pour Prix à celuy ou à celle qui aura le mieux réussi à faire l’Eloge de la mesme Princesse, pour qui tant de Plumes délicates se sont déja fait un plaisir de travailler. On ne leur propose point d’autres Bouts-rimez que ceux qu’ils verront employez dans ces six Sonnets. Ceux qui auront travaillé feront mettre leurs Ouvrages entre les mains du S<hi rend="sup">r</hi> Brunet, Libraire dans la grande Salle du Palais, au Mercure Galant, dans le dernier jour du mois d’Octobre prochain. Le Prix sera donné le 25. Novembre suivant, &amp; alors on déclarera quels Juges les auront examinez, &amp; le nom de la personne à qui on devra le Prix.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-07_193" resp="mercure">
          <head>[Paroles sur une gavotte de M. Charpentier]*</head>
          <bibl><title>Mercure galant</title>, juillet 1695 [tome 7], p. 193-195.</bibl>
          <p>Voicy des paroles qui ont esté faites sur une Gavote de Mr Charpentier, si connu de ses Ouvrages. Comme elle a grand cours, vous serez bien-aise d’en avoir tous les couplets.</p>
          <p/>
          <p>GAVOTE.</p>
          <p>I.</p>
          <p>Celle qui fait tout mon tourment,</p>
          <p>Ie l’aime à la folie :</p>
          <p>Depuis longtemps je suis Amant</p>
          <p>De l’aimable Sïlvie.</p>
          <p>La voir &amp; l’aimer seulement</p>
          <p>Est toute mon envie.</p>
          <p>Celle qui fait tout mon tourment</p>
          <p>Ie l’aime à la folie.</p>
          <p/>
          <p>II.</p>
          <p>La voir &amp; l’aimer seulement</p>
          <p>Est toute mon envie,</p>
          <p>Ie n’ay pû pa&amp;#946;er un moment</p>
          <p>Sans l’avoir bien servie.</p>
          <p>Celle qui fait tout mon tourment</p>
          <p>&amp;c.</p>
          <p/>
          <p>III.</p>
          <p>Ie n’ay point passé de moment</p>
          <p>Sans l’avoir bien servie.</p>
          <p>Les maux que je souffre en l’aimant</p>
          <p>Me couteront la vie.</p>
          <p>Celle qui fait tout mon tourment,</p>
          <p>&amp;c.</p>
          <p/>
          <p>IV.</p>
          <p>Les maux que je souffre en l’aimant</p>
          <p>Me couteront la vie.</p>
          <p>Dès que je la voy cependant,</p>
          <p>Mon ame en est ravie.</p>
          <p>Celle qui fait tout mon tourment,</p>
          <p>Ie l’aime à la folie.</p>
        </div>
      </div>
      <div type="tome" xml:id="MG-1695-08">
        <head><hi rend="i">Mercure Galant</hi>, août 1695 [tome 8]</head>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-08_007" resp="wordpro">
          <head>[Prélude]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, août 1695 [tome 8], p. 7-11.</bibl>
          <p>Le Sonnet qui commence cette Lettre, est un de ceux qui disputerent le Prix dans le temps que la celebre Compagnie des Lanternistes de Toulouse les examina, pour sçavoir à qui elle devoit l’adjuger. Il est du Pere Raphaël Imbert d’Aix, Augustin Déchaussé, &amp; il nous donne une si juste peinture du Roy, que vous vous ferez sans doute un fort grand plaisir de voir de quelle maniere il a renfermé en quatorze Vers les plus éclatantes actions de cet Auguste Monarque.</p>
          <quote>
            <label>A LA LOUANGE<lb />DE<lb />LOUIS LE GRAND.<lb /><hi rend="i">SONNET.</hi></label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">N’Avoir en guerre en paix, que la raison pour</hi> guide,</l>
              <l><hi rend="i">A terre, en mer, loin, prés, vaincre de toutes</hi> parts,</l>
              <l><hi rend="i">Etendre son Empire, y mettre des</hi> remparts,</l>
              <l><hi rend="i">Faire qu’en sa faveur le Ciel toujours</hi> décide.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Au Temple de la gloire aller d’un pas</hi> rapide,</l>
              <l><hi rend="i">En sagesse, en valeur surpasser les</hi> Cesars,</l>
              <l><hi rend="i">Seul contre cent Liguez au milieu des</hi> hazars</l>
              <l><hi rend="i">Estre toujours heureux, invincible,</hi> intrepide.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Aux plus dignes Sujets donner les grands</hi> Emplois,</l>
              <l><hi rend="i">Pour détruire l’Erreur faire de saintes</hi> Loix,</l>
              <l><hi rend="i">Par sa vertu, des siens éloigner les</hi> tempestes ;</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Tranquille regarder tant de Peuples</hi> divers,</l>
              <l><hi rend="i">S’efforçant, mais en vain, de borner ses</hi> Conquestes ;</l>
              <l><hi rend="i">C’est l’histoire d’un Roy qu’admire l’</hi>Univers.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-08_086" resp="wordpro">
          <head>Fable du Soleil &amp; de l’Aurore</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, août 1695 [tome 8], p. 86-102.</bibl>
          <p>Voicy une Fable qui vous apprendra pourquoy l’Aurore est Amie de Venus, &amp; d’autres choses à quoy il est avantageux de faire reflexion. Elle a esté faite par celuy qui a pris dans plusieurs autres Ouvrages, le nom de Berger de Flore.</p>
          <quote>
            <label>FABLE DU SOLEIL<lb />&amp; de l’Aurore.</label>
            <lg>
              <l rend="i">  Le Dieu du jour</l>
              <l rend="i">  Dont la grande ame,</l>
              <l rend="i"> Toute de lumiere &amp; de flâme,</l>
              <l rend="i"> A de grands panchans à l’amour,</l>
              <l rend="i">S’estoit laissé toucher aux appas d’une Belle,</l>
              <l rend="i"> Dont le teint frais &amp; délicat,</l>
              <l rend="i">Brilloit d’un blanc de lait, &amp; d’un vif incarnat,</l>
              <l rend="i">  Et qui, bien que mortelle,</l>
              <l rend="i">Avoit d’une Pallas l’air, le port &amp; l’éclat.</l>
              <l rend="i">Il se plaisoit à soupirer pour elle</l>
              <l rend="i"> Malgré le sort infortuné</l>
              <l rend="i">Qu’il avoit éprouvé dans l’amour de Daphné.</l>
              <l rend="i">Aminte, c’est le nom de l’aimable Pucelle,</l>
              <l rend="i"> Qu’il essayoit de s’acquerir,</l>
              <l rend="i"> Ne demandoit rien qu’à courir,</l>
              <l rend="i"> Aimoit la Chasse, habitoit la cabane,</l>
              <l rend="i">Avoit de la douceur, un grand fond de bonté,</l>
              <l><hi rend="i">Tout autant d’innocence enfin que de beauté,</hi></l>
              <l rend="i">Mais elle avoit aussi sur l’Autel de Diane,</l>
              <l rend="i">Fait ainsi que Daphné, vœu de virginité.</l>
              <l rend="i">Ce Dieu n’ignoroit pas cet incommode obstacle,</l>
              <l rend="i"> Au succès de sa passion.</l>
              <l rend="i">C’estoit en éclairant ce celebre spectacle.</l>
              <l rend="i">Qu’il s’estoit apperceu de son affection.</l>
              <l rend="i"> Il avoit pourtant esperance</l>
              <l rend="i">Que sa galanterie &amp; sa perseverance</l>
              <l rend="i">Pourroient d’Aminte allumer les desirs,</l>
              <l rend="i">Et luy faire au devoir préferer les plaisirs.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Il sçavoit bien aussi quelle estoit l’injustice</l>
              <l rend="i"> Du dessein qu’il vouloit tenter ;</l>
              <l rend="i">Mais y fermant les yeux, il prenoit pour supplice</l>
              <l rend="i"> La gloire de se surmonter,</l>
              <l rend="i"> Et s’il prévit le précipice,</l>
              <l rend="i">Au penchant de son cœur forcé de succomber,</l>
              <l rend="i">Il le trouva si beau, qu’il y voulut tomber.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Préferant donc à tout ses belles amourettes,</l>
              <l rend="i">Aux pieds de nostre Nimphe il mettoit ses grandeurs.</l>
              <l><hi rend="i">Tantost comme Phœbus, il luy contoit fleurettes,</hi></l>
              <l rend="i"> Et luy disoit mille douceurs.</l>
              <l rend="i">Tantost comme Apollon il cherchoit ses faveurs</l>
              <l rend="i">Par le son de sa Lyre &amp; par ses chansonnettes,</l>
              <l rend="i">Et pour la divertir employoit les neuf Sœurs,</l>
              <l rend="i"> Avec Pegase, &amp; ses courbettes,</l>
              <l rend="i">Ou la suivoit au bois parmy d’autres Chasseurs.</l>
              <l rend="i">Puis, comme Astre du jour, son soin dans sa carriere,</l>
              <l rend="i">Estoit de l’éclairer de toute sa lumiere,</l>
              <l rend="i">Afin de luy montrer ses brillantes ardeurs,</l>
              <l rend="i"> Et de tâcher, par cette belle flâme,</l>
              <l rend="i"> De chasser le froid de son ame.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Ce Dieu joua tout un Printemps</l>
              <l rend="i"> Ces officieux personnages,</l>
              <l rend="i"> Mais voyant qu’il perdoit son temps,</l>
              <l rend="i"> Il se lassa de rendre tant d’hommages,</l>
              <l rend="i"> Et sa chaleur s’augmentant par l’Esté,</l>
              <l rend="i"> Il resolut de passer sans remise</l>
              <l rend="i">De l’amour souple &amp; doux à l’amour emporté.</l>
              <l rend="i">La resolution n’en fut pas plûtost prise,</l>
              <l rend="i">Que Cupidon qui guettoit cet Amant,</l>
              <l rend="i"> Ne differa pas d’un moment,</l>
              <l rend="i">Suivant l’ordre receu d’en avertir sa Mere.</l>
              <l rend="i"> Alors la Reine de Cithere</l>
              <l rend="i">Qui par l’Astre du jour s’estoit vûë outrager,</l>
              <l rend="i">Ne souhaitoit rien tant que de pouvoir vanger</l>
              <l rend="i">L’affront le plus sanglant qu’on puisse jamais faire,</l>
              <l rend="i"> Lors que jaloux d’elle &amp; de Mars</l>
              <l rend="i">Il avoit en plein jour à cent fâcheux regards</l>
              <l rend="i"> Exposé leur secret mistere.</l>
              <l rend="i">Elle ouit donc l’avis que son Fils apportoit,</l>
              <l rend="i">Avec tout le plaisir que tire la colere</l>
              <l rend="i"> De l’espoir de se satisfaire,</l>
              <l rend="i">Et dit à son Ami ce qu’elle projettoit,</l>
              <l rend="i"> Pour punir leur grand adversaire.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Mars approuva le dessein de Venus.</l>
              <l rend="i"> La Déesse part là-dessus,</l>
              <l><hi rend="i">Se rend auprés d’Aminte, &amp; luy dit,</hi> Belle Fille,</l>
              <l>Oh Dieux ! qu’on voit en vous de grace &amp; de vertus !</l>
              <l> Que de merite y brille !</l>
              <l>J’en suis charmée : il faut les conserver,</l>
              <l>Et pour cela voicy ce qu’il faut observer.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l> Je sçay que le Soleil vous aime,</l>
              <l>Et qu’en vain en aimant il tâche à s’adoucir.</l>
              <l>Les effets trop certains de son ardeur extrême</l>
              <l> Sont de brûler, de hâler, de noircir.</l>
              <l>Vostre beauté vers luy n’est pas en assurance.</l>
              <l> Et qui pis est, vostre honneur encor moins.</l>
              <l>Las que vostre vertu luy fasse resistance,</l>
              <l>Il a tant de dépit d’avoir perdu ses soins,</l>
              <l> Qu’il a perdu la patience,</l>
              <l>Et veut pour s’en vanger vous faire violence.</l>
              <l>Nimphe, c’est un avis &amp; d’Amie &amp; d’Ami.</l>
              <l>  Redoutez son approche,</l>
              <l> Ayez pour luy le cœur de roche,</l>
              <l> Vous n’avez point de plus grand Ennemy.</l>
              <l>Fuyez-le, mais fuyant gardez-vous de vous rendre</l>
              <l>Aux pieds de la Déesse où se rendit Daphné,</l>
              <l>  Elle ne pourroit vous défendre</l>
              <l>  Contre cet Amant déchaisné,</l>
              <l> Sans vous causer quelque fâcheux esclandre,</l>
              <l> Dont vostre esprit seroit longtemps gesné.</l>
              <l>Au lieu donc de courir au Temple de Diane,</l>
              <l> Retirez-vous dans celuy de Junon ;</l>
              <l>Cette Reine des Cieux n’entend pas qu’on profane</l>
              <l> Les endroits qui portent son nom.</l>
              <l>Jusques à Jupiter tout craint de luy déplaire,</l>
              <l> Son pouvoir n’a point de pareil,</l>
              <l> Il vous tirera mieux d’affaire.</l>
              <l rend="i"> Aminte écouta ce conseil,</l>
              <l rend="i">S’en tint bien obligée à la belle Déesse,</l>
              <l rend="i"> Et le suivit, comme plein de sagesse.</l>
              <l rend="i"> Aussi-tost donc qu’elle voit le Soleil</l>
              <l rend="i">Eclater à ses yeux, &amp; venir auprés d’elle</l>
              <l rend="i"> La frayeur qu’elle a du danger,</l>
              <l rend="i">De perdre en demeurant ce qu’elle a de plus cher,</l>
              <l rend="i">Luy fait tourner le dos, &amp; luy prête son aile,</l>
              <l rend="i"> Pour fuir d’un pas plus prompt &amp; plus leger.</l>
              <l rend="i"> Le Soleil vainement l’appelle,</l>
              <l rend="i">Elle court devant luy, rien ne peut l’arrester ;</l>
              <l rend="i"> Le Dieu craignant qu’elle n’échape</l>
              <l rend="i">A l’amour qui le presse, &amp; qu’il veut contenter,</l>
              <l>Il faut <hi rend="i">dit-il,</hi> qu’au plûtost je l’attrape,</l>
              <l>Car Diane pourroit par un triomphe entier,</l>
              <l> Comme Daphné, la changer en laurier.</l>
              <l rend="i"> Ces mots sont suivis de sa course ;</l>
              <l rend="i">Mais avant qu’il l’attaque elle gagne un Autel,</l>
              <l rend="i">Où Iunon recevoit un culte solemnel ;</l>
              <l rend="i">Et la nommant son unique resource,</l>
              <l rend="i"> Elle se met avec devotion</l>
              <l rend="i">  Sous sa protection.</l>
              <l rend="i">Le Soleil transporté de l’ardeur qui l’anime,</l>
              <l rend="i"> Ne prend pas garde au changement de lieux ;</l>
              <l rend="i">Il oublie en courant que les plus grands des Dieux</l>
              <l rend="i"> Ne choquent point Iunon sans crime ;</l>
              <l rend="i"> Et ce clairvoyant n’a des yeux</l>
              <l rend="i"> Que pour l’innocente victime</l>
              <l rend="i">  Qu’il prétend immoler</l>
              <l rend="i"> Au feu dont il se sent brûler.</l>
              <l rend="i"> En peu de temps l’ayant atteinte,</l>
              <l rend="i">Toute éperduë &amp; tremblante de crainte,</l>
              <l rend="i"> Il la prend viste par le bras,</l>
              <l rend="i">La tire de l’Autel, l’éloigne de trois pas,</l>
              <l rend="i"> Rien ne le retient, il l’embrasse,</l>
              <l rend="i">  Et veut absolument</l>
              <l rend="i"> Que la pauvrette satisfasse,</l>
              <l rend="i">Sans respect du saint lieu, sans delay d’un moment,</l>
              <l rend="i"> Son amoureux emportement.</l>
              <l rend="i">Aminte en fait refus, &amp; se met en défense.</l>
              <l rend="i"> Il en vient à la violence.</l>
              <l rend="i"> Elle demande à Iunon du secours.</l>
              <l rend="i">Il s’en rit, il s’efforce à pousser ses amours</l>
              <l rend="i"> Aussi loin que son esperance.</l>
              <l rend="i">La Déesse survient, arreste fierement</l>
              <l rend="i">  Ce redoutable Amant,</l>
              <l rend="i"> Luy reproche son insolence,</l>
              <l rend="i"> Ses mépris, son incontinence ;</l>
              <l rend="i"> Et pour l’en punir hautement,</l>
              <l rend="i">Faisant de son supplice honneur à la sagesse,</l>
              <l rend="i">Elle éleve la Nimphe au celeste sejour,</l>
              <l rend="i"> Luy donne le rang de Déesse,</l>
              <l rend="i"> La place à la porte du jour,</l>
              <l rend="i"> Accroist sa force &amp; sa vitesse,</l>
              <l rend="i"> Et luy prescrit sa marche &amp; son retour.</l>
              <l rend="i">  Puis redoublant encore</l>
              <l rend="i">La fraischeur &amp; l’éclat des roses &amp; des lis,</l>
              <l rend="i"> Qui la rendoient semblable à Flore,</l>
              <l rend="i">Et dont le Dieu brillant estoit le plus épris,</l>
              <l rend="i">Elle la change enfin eu la charmante Aurore.</l>
              <l rend="i"> Aprés cela regardant le Soleil,</l>
              <l rend="i"> Elle luy dit, raillant de sa souffrance,</l>
              <l>Cette Belle a causé mille fois ton réveil,</l>
              <l> Et desormais sa vigilance</l>
              <l> Sçaura te tirer du sommeil.</l>
              <l> Je ne t’oste pas sa presence,</l>
              <l>Joüis en librement, conte-luy ton amour ;</l>
              <l>Il t’est permis de luy faire la cour.</l>
              <l>Voy de combien d’attraits brille son beau visage.</l>
              <l> En vis-tu jamais davantage ?</l>
              <l> Mais, insolent, n’espere pas</l>
              <l> De joindre de prés tant d’appas.</l>
              <l>On te verra courir d’une course éternelle,</l>
              <l> Tout brûlant d’amour aprés elle,</l>
              <l> Et tu perdras toujours tes pas,</l>
              <l>Iamais, au grand jamais, tu ne l’attraperas.</l>
              <l rend="i">Ce qui fut dit, se fait ; le Soleil court sans cesse</l>
              <l rend="i"> Aprés l’Aurore sa Maistresse,</l>
              <l rend="i">Mais son travail est vain, elle se rit de luy,</l>
              <l rend="i"> Sa course précede la sienne,</l>
              <l rend="i"> Et pour luy causer plus d’ennuy,</l>
              <l rend="i">Il n’est point de matin qu’elle ne se souvienne</l>
              <l rend="i">  Du salutaire avis</l>
              <l rend="i"> Que luy donna la divine Cypris,</l>
              <l rend="i">Et qu’en reconnoissance elle ne contribuë</l>
              <l rend="i"> Par une vertu qu’elle influë,</l>
              <l rend="i"> A rendre heureux les Favoris</l>
              <l rend="i">  Et d’elle, &amp; de son Fils.</l>
              <l rend="i">Le Soleil qui le sçait, en est plus miserable,</l>
              <l rend="i"> Et le sera tant qu’il sera Soleil,</l>
              <l rend="i"> L’exemple est grand &amp; sans pareil,</l>
              <l rend="i"> Amis, soit Histoire, soit Fable,</l>
              <l rend="i"> Nous en tirons cette moralité,</l>
              <l rend="i">Que l’on doit s’abstenir d’un amour reprochable,</l>
              <l rend="i">Et ne pas offenser une Divinité,</l>
              <l rend="i"> Dont la puissance est redoutable,</l>
              <l rend="i">Et qui nous peut punir toute une éternité.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-08_218" resp="wordpro">
          <head>[Second volume des Poësies de Me des Houlières]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, août 1695 [tome 8], p. 218-220.</bibl>
          <p>Comme vous avez un goust merveilleux pour les Ouvrages d’esprit, je ne sçaurois vous donner une meilleure nouvelle qu’en vous apprenant que le S<hi rend="sup">r</hi> Jean Villette Libraire de la ruë S. Jacques, commence à debiter un second volume des Poësies de l’Illustre Madame des Houlieres. Tout ce qu’elle a fait est d’une beauté &amp; d’une force à laquelle on ne peut rien ajoûter, &amp; son nom qui ne peut manquer de vivre éternellement, est mis avec beaucoup de justice, parmy ceux de nos plus grands Poëtes. Ce second volume contient aussi quelques pieces de Mademoiselle des Houlieres, sa Fille, en faveur de qui je ne vous diray qu’une seule chose. C’est qu’encore qu’elle ait tout l’esprit qu’on peut avoir, ce qui se rencontre en peu de personnes, cet avantage est en elle beaucoup moins considerable que la bonté de son cœur, &amp; la droiture de ses sentimens.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-08_220" resp="wordpro">
          <head>[Rome galante]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, août 1695 [tome 8], p. 220-223.</bibl>
          <p>On vend aussi depuis quelques jours un livre nouveau, qui merite vostre curiosité. Il est intitulé <hi rend="i">Rome Galante</hi>, &amp; divisé en deux parties. Dans la premiere l’Auteur a suivy pas à pas Jules Cesar dans ses conquestes d’amour, qu’il dit avoir esté aussi rapides que celles de guerre, &amp; comme cet Empereur n’avoit pas de Cour fixe, cela fait que la Scene y change à tous momens. Dans la seconde Partie, on trouve un enchaisnement des avantures des personnes considerables, dont la Cour d’Auguste estoit composée. L’Auteur ne se nomme point, &amp; fait seulement entendre qu’on doit beaucoup excuser d’un Cavalier sans étude, &amp; qui n’a eu d’autre employ que celuy des armes. Cependant son stile est fort agreable, &amp; ceux qui s’appliquent le plus à donner un tour aisé à ce qu’ils écrivent, ne le font pas bien souvent avec autant de succés. Enfin il n’y a rien qui soit plus capable de divertir que cette Histoire secrette de quantité d’événemens particuliers, arrivez sous les regnes des deux Empereurs que je viens de vous nommer. Elle se trouve chez le S<hi rend="sup">r</hi> Jean Guignard Libraire au Palais, à l’entrée de la grand’ Salle, à l’Image de S. Jean.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-08_262" resp="mercure">
          <head>[Mort de Mr l’Archevêque de Paris, avec le détail de tout ce qui s’est passé, lors qu’il a esté exposé au Public, à son Convoy, &amp; à son Service]</head>
          <bibl><title>Mercure galant</title>, août 1695 [tome 8], p. 262-277.</bibl>
          <p/>
          <p>Vous avez appris la perte que le Diocese de Paris a faite de Messire François de Harlay de Chanvalon, son Archevêque, Duc &amp; Pair de France, Commandeur des Ordres du Roy, nommé par Sa Majesté au Cardinalat, Proviseur de la Maison de Sorbonne, &amp; Superieur de celle de Navarre, Abbé de S. Pierre de Jumiege, &amp; l’un des quarante de l’Academie Françoise. Il mourut subitement le Samedy 6. de ce mois, âgé de soixante &amp; dix ans moins huit jours, en sa maison de Conflans, à deux lieuës de Paris, ayant esté six heures à l’agonie. Le soir on apporta son corps à Paris, &amp; le lendemain Dimanche 7. il fut exposé toute la journée sur un Lit de parade dans une des chambres de son Palais Archiepiscopal, où tout Paris l’alla voir en foule. [...]</p>
          <p>Le Jeudy 11. de ce mois, le Chapître de nôtre-Dame célébra un service pour le Repos de son ame. [...] La Messe fut réponduë par la Musique du Chapitre, &amp; aprés que tout fut finy, les Parens &amp; Amis allerent jetter de l’eau benite sur la Sepulture, où Mr l’Archevêque a esté inhumé.</p>
        </div>
      </div>
      <div type="tome" xml:id="MG-1695-09">
        <head><hi rend="i">Mercure Galant</hi>, septembre 1695 [tome 9]</head>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-09_028" resp="wordpro">
          <head>[Galanterie]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, septembre 1695 [tome 9], p. 28-40.</bibl>
          <p>La galanterie qui suit est d’un Cavalier que l’amour a rendu Poëte, &amp; qui s’estant trouvé la derniere fois aux Eaux de Bourbon, plus pour son divertissement que par le besoin qu’il avoit d’en prendre, prit de l’attachement pour une Dame d’un sort grand merite, à laquelle il écrivit cette Lettre mêlée de Vers &amp; de Prose.</p>
          <quote>
            <label>A MADA MED***</label>
            <quote>
              <lg>
                <l rend="i">Iris, je vous ay veuë, &amp; c’est assez vous dire</l>
                <l rend="i">Que l’Amour veut enfin que pour vous je soupire.</l>
                <l rend="i">Les traits que vos beaux yeux font par tout redouter,</l>
                <l rend="i">Ne sont point de ces traits que l’on puisse éviter.</l>
                <l rend="i">En vain ce libre aveu tient vostre ame alarmée.</l>
                <l rend="i">Ie suis né pour aimer, &amp; vous pour estre aimée ;</l>
                <l rend="i">Et par les nœuds secrets d’un mutuel accord,</l>
                <l rend="i">C’est à chacun de nous à remplir nôtre sort.</l>
                <l rend="i">Vos rigueurs contre moy seroient de foibles Armes,</l>
                <l rend="i">En feriez-vous briller moins d’attraits, moins de charmes ?</l>
                <l rend="i">Et pour fuir ces rigueurs quels que fussent mes soins,</l>
                <l rend="i">Estant belle toujours, vous aimerois-je moins ?</l>
                <l rend="i">Croyez moy, la revolte est toûjours condamnée.</l>
                <l rend="i">N’allons ni vous ni moy contre la destinée,</l>
                <l rend="i">Et tâchons d’éviter ce qu’on court de hazard,</l>
                <l><hi rend="i">A rejetter son ordre, ou se rendre plus tard.</hi></l>
                <l rend="i">C’est sans aucun regret, IRIS, que je vous aime,</l>
                <l rend="i">Faite pour estre aimée, agréez-le de mesme.</l>
                <l rend="i">Tous deux avec l’Amour tâchons d’en bien user,</l>
                <l><hi rend="i">Et ne l’obligeons point à nous tyranniser.</hi></l>
                <l rend="i">Qui l’eust creu, quand j’estois Maistre encor de mon ame,</l>
                <l rend="i">Que le sejour des Eaux m’en seroit un de flame,</l>
                <l rend="i">Et qu’ainsi tout d’un coup, par un charme vainqueur,</l>
                <l rend="i">Où l’on guérit les corps, on deust blesser mon cœur ?</l>
                <l rend="i">C’en est fait, je me rends, mais du moins quand je cede,</l>
                <l rend="i">La cause de mon mal peut estre mon remede.</l>
                <l rend="i">Ie l’ay pris à vous voir, &amp; quel qu’en soit le cours,</l>
                <l rend="i">Ie seray soulagé, si je vous vois toûjours :</l>
                <l rend="i">Mais n’en consultez point ce doucereux Critique,</l>
                <l rend="i">Ce grand Speculatif en fausse politique</l>
                <l rend="i">Qui toûjours réservé, toûjours misterieux,</l>
                <l rend="i">A peine à vous laisser la liberté des yeux.</l>
                <l rend="i">Si son qu’en dira-t’on empesche qu’on vous aime,</l>
                <l rend="i">Vous voyant sans Amant, qu’en direz-vous vous-mesme,</l>
                <l rend="i">Et que vous servira d’avoir avec le jour,</l>
                <l rend="i">Receu l’heureux talent de donner de l’amour ?</l>
                <l rend="i">De ses froides leçons fuyant l’indigne piege,</l>
                <l rend="i">Ioüissez malgré luy d’un si beau privilege,</l>
                <l rend="i">Et prenant sur mon cœur un pouvoir absolu,</l>
                <l rend="i">Veüillez ce que de vous le sort a resolu.</l>
              </lg>
            </quote>
            <p>Je sçay bien, Madame, que c’est prendre quelque soin de mon repos, que vous obstiner à vouloir que je regle sur les termes de la bonne amitié l’ardente passion que vous m’avez inspirée. Vous estes faite d’une maniere à ne laisser jamais vos esclaves en pouvoir de rompre leurs fers, &amp; je conçois aisément qu’il n’y a rien de plus dangereux que de vous abandonner sa liberté sans réserve.</p>
            <quote>
              <lg>
                <l rend="i"> L’amour que j’ay pour vous par mille inquietudes</l>
                <l rend="i">M’a fait déja sentir ce qu’il m’en doit couter,</l>
                <l rend="i">Et sur un ton bien haut vous me ferez chanter,</l>
                <l rend="i"> Si je m’en rapporte aux préludes.</l>
                <l rend="i">Dans la mer où je vogue il est mille rochers.</l>
                <l rend="i">Dont pasliroient les plus hardis Nochers ;</l>
                <l rend="i">Mais la peur d’y perir trouble peu mon courage.</l>
                <l rend="i">Mon cœur sous les dangers s’enfle d’un noble orgueil,</l>
                <l rend="i"> Et par la beauté de l’écueil</l>
                <l rend="i"> Il fait vanité du naufrage.</l>
              </lg>
            </quote>
            <p>Ainsi, Madame, laissons, s’il vous plaist, les choses au point où elles sont ; si mes chaînes sont trop lourdes à porter, vous me les verrez traîner avec joye, &amp; il n’y a rien de si déterminé de ma part, que l’hommage éternel de ma servitude.</p>
            <quote>
              <lg>
                <l rend="i">De mes maux je voy le gouffre,</l>
                <l rend="i">Et qu’avant que d’en mourir,</l>
                <l rend="i">Ce qu’il me reste à souffrir</l>
                <l rend="i">Passera ce que je souffre :</l>
                <l rend="i">Mais quel que soit le tourment</l>
                <l rend="i">Qui m’attende en vous aimant,</l>
                <l rend="i">Il n’a rien que j’apprehende.</l>
                <l rend="i">Je me plais dans mes ennuis,</l>
                <l rend="i">Et tout battu que je suis</l>
                <l rend="i">Ie veux bien payer l’amende.</l>
              </lg>
            </quote>
            <p>Comme il n’y a des peines que pour moy, il me semble que le scrupule vous prend mal à propos. Ce que vous appellez amitié qui ne tire point à consequence, a des langueurs bien incommodes, &amp; je doute fort que vous les ayez examinées, quand il vous a pris envie de l’établir entre nous.</p>
            <quote>
              <lg>
                <l rend="i">Agissons de bonne foy,</l>
                <l rend="i">La main sur la conscience,</l>
                <l rend="i">L’amitié sans consequence</l>
                <l rend="i">Est-elle de bon alloy,</l>
                <l rend="i">Pour qui, comme vous &amp; moy,</l>
                <l rend="i">En connoist la nonchalance ?</l>
                <l rend="i">Si sous ce terme adoucy</l>
                <l rend="i">De quelque amoureux soucy</l>
                <l rend="i">L’on tient l’intrigue secrete,</l>
                <l rend="i">Le terme vous est permis ;</l>
                <l rend="i">Mais, de grace, estes-vous faite</l>
                <l rend="i">Pour n’avoir que des Amis ?</l>
              </lg>
            </quote>
            <p>Non, Madame, vous estes trop belle &amp; trop aimable pour consentir à n’estre pas toujours aimée de la plus noble maniere dont on puisse aimer ; &amp; les charmantes qualitez qui vous donnent tant d’avantages parmy celles de vostre sexe, me sont trop connuës, pour me laisser jamais en estat d’affoiblir le parfait amour que je vous ay voué. D’ailleurs,</p>
            <quote>
              <lg>
                <l rend="i"> Aprés avoir, sans m’en rien dire,</l>
                <l rend="i"> Rangé mon cœur sous vostre empire,</l>
                <l rend="i">Si de ses soins jamais vous vous lassez,</l>
                <l rend="i"> Pour m’obliger à le reprendre,</l>
                <l rend="i"> Croyez-vous que ce soit assez</l>
                <l rend="i"> Que vous offrir à me le rendre ?</l>
              </lg>
            </quote>
            <p>Il est juste que vous le gardiez, puis que vous en avez fait vostre conqueste, &amp; il n’y auroit point de tirannie pareille à la vostre, si vous prétendiez l’assujettir à se détacher des sentimens passionnez qui l’attachent tout à vous. Ne faites point là-dessus un essay du pouvoir que vous avez sur luy. Aussi bien ce seroit un ordre fort inutile que celuy qu’il en recevroit, &amp; il ne pourroit produire autre chose, qu’un secret dépit de l’injuste contrainte que vous m’en voudriez imposer.</p>
            <quote>
              <lg>
                <l rend="i">Quand deux beaux yeux de leur gloire jaloux,</l>
                <l rend="i"> Etalent tout ce qui peut plaire,</l>
                <l rend="i"> Vn pauvre cœur qui les revere,</l>
                <l rend="i"> Est obligé de filer doux,</l>
                <l rend="i"> Et pour luy, quoi qu’il puisse faire</l>
                <l rend="i"> Pour se défendre de leurs coups,</l>
                <l rend="i"> L’amour est un mal necessaire.</l>
                <l rend="i">A voir le vif éclat de vos divins attraits,</l>
                <l rend="i"> I’en prens plus qu’on n’en prit jamais</l>
                <l rend="i"> Chaque fois que je vous regarde :</l>
                <l rend="i"> Comme il naist de vostre beauté,</l>
                <l rend="i"> S’il vous déplaist que je le garde,</l>
                <l rend="i"> Ostez m’en la necessité.</l>
              </lg>
            </quote>
            <p>C’est ce que vous ne sçauriez faire, puis qu’il n’est point en vostre pouvoir de n’estre pas la plus aimable de toutes les Femmes ; mais comme il n’est pas moins hors du mien de cesser d’estre le plus amoureux de tous les hommes,</p>
            <quote>
              <lg>
                <l rend="i">Ne corrigeons rien aux Planetes,</l>
                <l rend="i">Par qui nos jours semblent conduits.</l>
                <l rend="i">Soyez toujours ce que vous estes,</l>
                <l rend="i">Et moy toujours ce que je suis.</l>
              </lg>
            </quote>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-09_067" resp="wordpro">
          <head>[Allegorie]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, septembre 1695 [tome 9], p. 67-72.</bibl>
          <p>Vous ne serez pas fâchée d’apprendre des nouvelles de la guerre. Je ne vous en diray pourtant que d’Allegoriques, qui serviront à vous divertir. Voicy ce qui s’est trouvé dans la Lettre d’un Officier, dont il n’est pas necessaire de vous apprendre le nom.</p>
          <quote>
            <p><hi rend="i">Nostre General la Raison, irrité des dégasts que l’Amour fait dans son pays depuis quatre mois, a pris enfin la resolution de le combattre &amp; de le chasser Pour cet effet, nous nous mismes en campagne le</hi> 17. <hi rend="i">de ce mois, avec nos meilleures Troupes. Aprés quelques jours de marche un Deserteur des Ennemis vint se rendre, &amp; nous apprit que l’Amour fatigué de ses courses, se reposoit dans la Vallée du Chagrin, à une petite lieuë de nostre Camp, en attendant son Armée que le pillage avoit dispersée, &amp; qu’il n’estoit accompagné que des Regimens des Pleurs, de la Constance, &amp; de l’Esperance. Sur cet avis la Raison fit partir à l’entrée de la nuit un Sergent avec quinze Grenadiers du Regiment de Dépit mortel, pour aller aux nouvelles. Nous nous mismes en marche presque en mesme temps. Nostre Sergent nous confirma le rapport du Deserteur, &amp; nous assura que tout paroissoit tranquille dans le Camp de l’Amour, quoy que l’on y vist beaucoup de feux. Aussi-tost la Raison rangea son Armée en Bataille. Dépit mortel commandoit nostre Aîle droite, &amp; Transport jaloux, l’Aîle gauche. Nous marchâmes en cet ordre aux Ennemis, &amp; nous les chargeâmes vivement à la pointe du jour. Je ne vous feray point le détail de cette action, je vous diray seulement que tout l’honneur a esté de nostre costé, &amp; que nous eussions infailliblement fait l’Amour prisonnier, si son Regiment de l’Estime ne fust arrivé fort à propos pour luy. Ce secours imprévû nous étonna, &amp; nous empescha de poursuivre nostre Victoire. Nous nous retirâmes donc le soir dans nostre Camp en bon ordre, &amp; sans avoir perdu aucun Officier de marque. Dépit mortel &amp; Transport jaloux ont fait des prodiges, &amp; nostre General est charmé de la valeur de ces deux Braves Etrangers. Voicy ce que nous sçavons de la perte des Ennemis.</hi></p>
            <p><hi rend="i">La Constance blessé &amp; fait prisonnier, son Regiment entierement défait des Pleurs, Brigadier d’Infanterie, legerement blessé au coin de l’œil, son Regiment défait. L’Esperance blessé à mort, son Regiment taillé en pieces. L’Estime a reçû une legere contusion d’un éclat de soupçon. On dit que ce ne sera rien, mais que les moindres coups sont dangereux dans la Canicule. Son Regiment n’a point souffert. Adieu, mon Amy, je suis fatigué du Combat, &amp; vais me coucher. Je te manderay demain quelque chose de nouveau. l’Insensible Du Camp de la Raison, le</hi> 24. <hi rend="i">Juillet.</hi></p>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-09_072" resp="wordpro">
          <head>[Elegie]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, septembre 1695 [tome 9], p. 72-81.</bibl>
          <p>Rien n’est si cruel que de perdre ce qu’on aime, vous en jugerez par les choses tendres &amp; passionnées que vous trouverez dans l’ouvrage dont je vous fais part.</p>
          <quote>
            <label>ELEGIE.</label>
            <lg>
              <l rend="i">Dans l’aimable Saison qu’une verte peinture</l>
              <l rend="i">Orne les bois, les champs, embellit la nature,</l>
              <l rend="i">Que le Soleil brillant d’une plus vive ardeur</l>
              <l rend="i">Donne une ame nouvelle à la plus riche fleur ;</l>
              <l rend="i">Sur le bord d’un ruisseau dont les eaux argentines</l>
              <l rend="i">Conservent la fraischeur de deux Costes voisines,</l>
              <l rend="i">L’esprit libre de soins, &amp; le cœur sans amour,</l>
              <l rend="i">J’écoutois les concerts des oiseaux d’alentour,</l>
              <l rend="i">Quand du pied d’un vieux Saule une voix affoiblie,</l>
              <l rend="i">Vint troubler par ces mots, leur douce melodie.</l>
              <l rend="i"> Doux Chantres de nos bois, animaux innocens,</l>
              <l rend="i">Allez flatter plus loin l’oreille des passans ;</l>
              <l rend="i">Faites dans le chagrin où mon ame se noye,</l>
              <l rend="i">Vn plus heureux mortel témoin de vostre joye,</l>
              <l rend="i">Ou si vous demeurez dans les lieux où je suis,</l>
              <l rend="i">Daignez, petits oiseaux, partager mes ennuis.</l>
              <l rend="i">Angelique n’est plus ; une fiévre cruelle</l>
              <l rend="i">A l’ardeur de mes feux a ravi cette Belle.</l>
              <l rend="i">Et l’injuste destin, jaloux de mon bonheur,</l>
              <l rend="i">A fait depuis deux jours cette playe à mon cœur.</l>
              <l rend="i">Helas ! combien de fois assis sous ces ombrages,</l>
              <l rend="i">Avons-nous admiré vos differens ramages !</l>
              <l rend="i">Helas ! combien de fois dans ces Valons cheris,</l>
              <l rend="i">Brûlâmes nous des feux dont vous estiez épris !</l>
              <l rend="i">Nous y passions les jours à payer nos tendresses,</l>
              <l rend="i">De tout ce qu’ont de doux d’innocentes caresses,</l>
              <l rend="i">Et dans tous les plaisirs que vous pouviez goûter,</l>
              <l rend="i">Nous n’avions autre soin que de vous imiter.</l>
              <l rend="i">Ce temps, cet heureux temps, trop tost suivi d’un autre,</l>
              <l rend="i">Rend mon sort aujourd’huy bien different du vostre.</l>
              <l rend="i">Amoureux &amp; contens, tout répond à vos vœux,</l>
              <l rend="i">Vous vous applaudissez du bonheur de vos feux,</l>
              <l rend="i">Tandis que nuit &amp; jour l’ame aux ennuis ouverte,</l>
              <l rend="i">Je suis à soupirer, effrayé de ma perte.</l>
              <l rend="i">Infortuné Tircis, Angelique n’est plus.</l>
              <l rend="i">Ah ! mes plaisirs passez, qu’estes vous devenus ?</l>
              <l rend="i">Et toy, Tyran des cœurs, Amour impitoyable,</l>
              <l rend="i">Que ne la faisois-tu moins belle, &amp; moins aimable ?</l>
              <l rend="i">Ou si tu luy donnois ce trait toûjours vainqueur,</l>
              <l rend="i">Pourquoy ne l’armer pas d’une froide rigueur ?</l>
              <l rend="i">Mais non, cette Beauté digne d’estre éternelle</l>
              <l rend="i">Avoit pour moy l’ardeur que je sentois pour elle,</l>
              <l rend="i">C’est icy qu’animé d’un rayon de ses yeux,</l>
              <l rend="i">Je méprisois les biens de la terre &amp; des cieux.</l>
              <l rend="i">C’estoit sur ce gazon qu’elle aimoit à m’entendre</l>
              <l rend="i">Luy jurer un amour aussi constant que tendre,</l>
              <l rend="i">Et que dans ses regards elle me laissoit voir</l>
              <l rend="i">Ce que mon feu sur elle avoit pris de pouvoir.</l>
              <l rend="i">Si la Parque funeste au repos de ma vie,</l>
              <l rend="i">Dans la fleur de ses ans ne me l’eust pas ravie,</l>
              <l rend="i">Beaux lieux vous nous verriez au gré de nos desirs</l>
              <l rend="i">Toujours de nostre amour faire tous nos plaisirs,</l>
              <l rend="i">Mais la nuit du tombeau la derobe à ma vûë,</l>
              <l rend="i">Ah ! ma chere moitié, qu’estes-vous devenuë !</l>
              <l rend="i">Ie ne vous verray plus, mon malheureux espoir</l>
              <l rend="i">Ne sçauroit se flater du bien de vous revoir,</l>
              <l rend="i">Et de ce beau sejour la retraite tranquille,</l>
              <l><hi rend="i">Ne nous prestera plus son charitable azile.</hi></l>
              <l rend="i">Encore si vostre Ombre attentive à ma voix</l>
              <l><hi rend="i">Pouvoit se rendre icy pour la derniere fois,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Qu’elle pust un moment s’asseoir sur cette couche,</hi></l>
              <l rend="i">Que je pusse imprimer un baiser sur sa bouche !</l>
              <l rend="i">Mais elle suit du sort l’implacable courroux,</l>
              <l rend="i">Qui veut qu’elle me soit plus cruelle que vous.</l>
              <l rend="i">Ô toy, charmant Ruisseau, qui murmures sans cesse,</l>
              <l rend="i">Suspens un peu ton cours, tu n’as rien qui te presse.</l>
              <l rend="i">Avant que du Soleil les feux soient amortis,</l>
              <l rend="i">Tu te vas reposer dans le lit de Thetis.</l>
              <l rend="i">Sensible à ma douleur, dans ton sein pacifique,</l>
              <l rend="i">Fais moy, petit Ruisseau, retrouver Angelique ;</l>
              <l rend="i">Sous ce saule ombrageux, voisin de ces roseaux,</l>
              <l rend="i">Nous avons vû cent fois son portrait dans tes eaux.</l>
              <l rend="i">Mais loin de soulager ma tristesse profonde,</l>
              <l rend="i">Ie ternis par mes pleurs le cristal de son onde,</l>
              <l rend="i">Et moy-mesme, ennemy de mon contentement,</l>
              <l rend="i">Ie donne de la force à son foible panchant.</l>
              <l rend="i">Va, cours, dis à la Mer … Sa poitrine oppressée</l>
              <l rend="i">Refusa de donner le jour à sa pensée,</l>
              <l rend="i">Et son amour ardent par de derniers efforts,</l>
              <l rend="i">Détacha son esprit des liens de son corps.</l>
              <l rend="i"> De ces lieux désolez deux Nimphes boccageres,</l>
              <l rend="i">Couvertes tristement de mousse, &amp; de fougeres,</l>
              <l rend="i">Vinrent d’un pied leger au bord de ce Ruisseau,</l>
              <l rend="i">Et de leurs belles mains creuserent son tombeau.</l>
              <l rend="i">Pour garder de son nom une longue memoire,</l>
              <l rend="i">Elles eurent le soin d’y graver son histoire,</l>
              <l rend="i">Et les oiseaux touchez de ses cuisans soucis</l>
              <l rend="i">Chanteront aux Ecos l’infortuné Tircis.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-09_081" resp="wordpro">
          <head>[Histoire]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, septembre 1695 [tome 9], p. 81-112.</bibl>
          <p>On voit tous les jours arriver des choses entierement éloignées de ce qu’on a crû qui devoit estre ; mais jamais peut-estre il n’y a rien eu de plus extraordinaire que ce que je vais vous dire d’un Cavalier sage &amp; plein de raison, à qui l’usage du monde avoit fait faire de grandes experiences. Il estoit âgé de trente cinq ans, &amp; comme il joignoit beaucoup de bien à toutes les qualitez qui font l’honneste homme, il s’estoit offert plusieurs Partis dont il n’avoit pû s’accommoder. Aprés avoir examiné à loisir la diversité des caracteres des Femmes, il entendit parler avec beaucoup d’avantage de l’union de deux jeunes Sœurs qui sembloient n’avoir qu’une volonté, &amp; qui vivoient sous la conduite d’une aimable Mere, qui s’étoit acquis d’autant plus d’estime, qu’estant demeurée Veuve à vingt ans, elle avoit refusé divers Partis considerables, pour se donner toute entiere au soin de bien élever ses Filles. Comme elle avoit trouvé dans l’une &amp; dans l’autre un excellent naturel qu’il n’avoit fallu que cultiver, elle y avoit parfaitement réussi, &amp; leur docilité à la croire sur tous les avis qu’elle leur donnoit, jointe à leurs bonnes inclinations les rendant dignes de tout son attachement, il s’estoit formé entr’elles une tendresse reciproque qui n’étoit distinguée à l’égard des Filles que par le respect qu’elles avoient pour leur Mere. Le Cavalier trouva moyen d’avoir accés dans cette maison, &amp; il fut charmé de tout ce qu’il remarqua de noble &amp; de peu commun dans ces trois personnes. La Mere estoit encore assez jeune &amp; tres-bien faite ; &amp; si elle n’avoit pas ce vif éclat que donnent les belles années, elle conservoit de la beauté dans ses traits ; &amp; d’ailleurs il y avoit un tel agrément dans son esprit, qu’on ne pouvoit jamais s’ennuier en la voyant. L’aînée de ses Filles estoit dans sa dix septiéme année. C’estoit une Blonde aimable ; enjoüée, qui avoit en toutes choses des expressions heureuses, &amp; qu’on écoutoit toujours avec plaisir. La Cadette qui estoit Brune, &amp; moins âgée d’un an que sa Sœur, avoit quelque chose de plus doux, &amp; dans son esprit &amp; dans son visage, &amp; quoy qu’elle fust d’une humeur plus serieuse, ses manieres étoient si piquantes, qu’il estoit bien mal aisé de ne s’y pas rendre. La politesse &amp; l’honnesteté estoient égales dans l’une &amp; dans l’autre, &amp; le Cavalier ne put les voir si bien élevées sans donner mille loüanges à celle qui avoit pris soin de leur éducation. Comme il remarquoit qu’elle leur donnoit l’exemple sur toutes les bienseances, il eut pour elle une estime singuliere ; &amp; la Mere qui le connut bien-tost pour un homme avec qui il y avoit beaucoup à profiter, soit pour l’esprit, soit pour la pratique du monde, ne fut pas fâchée qu’il s’attachât à ses Filles, avec qui il avoit souvent en sa presence des conversations vives &amp; fort agreables. Insensiblement il se rendit familier en cette maison, &amp; la Mere ne se plaisoit pas moins à le voir que ses deux Filles. Leur sagesse &amp; l’amitié tendre qu’elles se marquoient l’une à l’autre en toutes sortes d’occasions, furent des charmes pour luy qui l’engagerent à une assiduité extraordinaire. Il entretenoit tantost l’Aînée, tantost la Cadette, selon que le hazard les luy faisoit rencontrer separément, &amp; on remarquoit à ses manieres qu’il estoit toujours également satisfait. Cependant comme ses visites commençoient à faire bruit sans que l’on pust démesler de laquelle il estoit le plus touché, de la Blonde ou de la Brune, la Mere se crut obligée de le faire déclarer, afin que s’il n’en vouloit à aucune d’elles, il s’accoutumast à estre moins assidu, &amp; qu’il se bornast pour elles aux simples devoirs d’Amy. Le Cavalier qui connut bien qu’il falloit parler, se trouva dans un fort grand embarras. Il convint que l’interest de ses filles demandoit qu’il s’expliquast ; &amp; il assura d’abord sa Mere, que si elle vouloit l’accepter pour Gendre, il estoit prest de la contenter sur cet article ; mais en même temps il luy avoüa qu’ayant découvert dans ses deux Filles mille qualitez aimables qui l’avoient charmé, il n’avoit pû s’empêcher de les aimer toutes deux, &amp; que ne voulant se marier que pour posseder entierement le cœur de la personne qu’il épouseroit, il la conjuroit de pressentir laquelle de la Blonde ou de la Brune seroit la plus disposée à estre sensible à son amour. Il ajoûta qu’il ne les vouloit contraindre ny l’une ny l’autre ; que la disproportion de son âge au leur pouvoit leur donner quelque éloignement pour cette alliance, &amp; que s’il estoit assez heureux pour estre veritablement aimé de l’une d’elles, il n’auroit aucune peine à conclure si tost qu’on l’en auroit assuré. La Mere se trouva embarrassée à son tour par cette réponse. Le Cavalier estoit un Party avantageux qu’elle voyoit n’estre pas à negliger. Il falloit satisfaire sa délicatesse sur ce qu’il ne vouloit point d’engagement qu’il ne fust seur d’estre aimé, &amp; l’égalité de sa tendresse pour ses Filles, dont l’âge estoit fort peu different, la portoit à ne vouloir rien résoudre qu’aprés qu’elle auroit connu de quelle maniere chacune avoit le cœur disposé pour le Cavalier. Elle parla d’abord à l’Aînée, qui voyant un établissement considerable dans ce mariage, ne balança point à vouloir le ceder à sa Cadette. Ainsi elle assura aussi-tost sa Mere qu’elle connoissoit ses plus secrets sentimens, &amp; qu’elle luy avoit vû un si fort panchant pour le Cavalier, qu’elle ne pouvoit douter que sa perte, s’il arrivoit qu’il luy échapast, ne luy fust un coup sensible ; qu’à son égard il ne falloit point apprehender qu’elle se fist une peine de voir marier sa Cadette la premiere ; qu’au contraire, comme elle l’aimoit tres-tendrement, elle seroit ravie qu’on fist réussir la chose à son avantage ; &amp; qu’elle en auroit d’autant plus de joye, qu’elle ne se sentoit rien pour le Cavalier qui passast l’estime, &amp; que si on la vouloit obliger à l’épouser, l’inclination y auroit bien moins de part que l’obéissance. La Mere luy dit en l’embrassant qu’elle ne luy ordonneroit jamais rien sur le mariage qui fust contraire aux sentimens de son cœur, &amp; sans approfondir davantage si elle parloit sincerement, elle l’envoya à sa Cadette, la chargeant du soin de ménager l’affaire avec elle. Cette aimable Fille parla la mesme langue à sa Sœur, &amp; sa Cadette trompée par la fausse indifference qu’elle témoigna pour le Cavalier, ne fit point difficulté de luy avouër, que ses belles qualitez avoient fait assez d’impression sur son cœur, pour luy faire écouter avec plaisir la proposition qui luy estoit faite, mais elle luy dit en mesme temps que si absolument elle vouloit renoncer à luy, ce qu’elle avoit peine à luy conseiller, parce qu’il estoit fort riche &amp; tres-honneste homme, la tendresse qu’elle avoit pour elle, &amp; ce qu’elle luy devoit comme à son Aînée, ne permettoient pas qu’elle consentist à l’épouser, qu’il ne se fust presenté pour elle un party qui luy convinst. Ce combat d’honnesteté obligea la Mere à dire que si l’inclination de l’une &amp; de l’autre estoit pareille pour le Cavalier, il seroit juste que l’on preferast l’aînée, mais qu’il falloit craindre que leur contestation ne le blessast en luy marquant trop d’indifference, &amp; que le party luy sembloit assez avantageux pour ne se pas arrester aux formalitez accoutumées. Le Cavalier qui sceut quelque chose de ce qui les empeschoit de se déclarer, fit à la mere une plainte délicate, &amp; dit qu’il voyoit regner beaucoup d’amitié entre ses Filles, mais qu’il remarquoit peu d’amour pour luy. Cependant la dispute des deux Sœurs ne finissoit point. L’Aînée qui avoit connu que sa Cadette aimoit veritablement le Cavalier, se montroit toujours indifferente, &amp; la Cadette disoit que quand il seroit certain que sa Sœur fust telle pour luy qu’elle vouloit le paroistre, la bien-seance luy deffendoit de se marier avant son aînée. Ce droit d’aînesse estant le plus grand obstacle qui se presentast, la charmante Blonde se crut obligée de le lever, ce qu’elle fit en se retirant dans un Convent, d’où elle détermina de ne point sortir qu’elle n’eust veu sa Cadette mariée. Sa retraite leur ayant fait croire à tous qu’elle n’étoit attachée au Cavalier que du costé de l’estime, on pensa serieusement à faire le mariage qui la devoit mettre en estat de revenir. Le Cavalier convaincu de n’en estre point aimé, par la resolution qu’elle avoit prise, réunit pour une seule les sentimens de tendresse qu’il sentoit auparavant pour toutes les deux, &amp; la Cadette ne luy cachant plus qu’il pouvoit tout sur son cœur, il s’abandonna si fort à sa passion, qu’il pressa la Mere de terminer promptement la chose. Déja le jour estoit arresté pour la conclurre, &amp; l’Aînée toujours devouée aux interests de sa Sœur, avoit promis de se trouver à la feste, quand cette Sœur qui se devoit marier deux jours aprés, sentit tout d’un coup de grandes douleurs suivies d’accidens qui dénotérent d’abord une dangereuse maladie. Le mal se déclara dés le lendemain pour la petite verole, &amp; ce fut une affliction extraordinaire pour la Mere. Le Cavalier qui la partagea tres-sensiblement, tâcha de la consoler en l’assurant que quelque changement qui arrivast au visage de sa Fille, comme il n’en pouvoit arriver aucun ny à son cœur ny à son esprit, il seroit toûjours empressé également à la vouloir épouser. L’Aînée ayant eu cette fâcheuse nouvelle, pressa beaucoup pour sortir de son Convent, afin de venir assister sa Sœur, mais la Mere qui craignoit le mesme malheur pour elle, ne le voulut point souffrir. Le mal devint d’une violence qu’aucun remede ne put appaiser &amp; la fiévre estant tres-forte il fut suivy de la mort en quatre jours. Le Cavalier en demeura consterné, &amp; rien ne peut égaler le déplaisir de la Mere. On déguisa d’abord la chose à la Sœur, mais enfin il fallut luy avouër la perte qu’elle avoit faite, &amp; le saisissement qu’elle en eut fut tel, que ne trouvant point de larmes, elle parut comme insensible, &amp; dans un accablement qui luy osta presque la connoissance de toutes choses. Quand elle fut un peu revenuë à elle-mesme, elle se soulagea en pleurant, mais la douleur avoit fait de tels efforts qu’elle n’y put résister. On la mit au lit, &amp; on douta plus d’un mois, si elle seroit plus heureuse que sa Sœur. Il est aisé de juger du triste estat où estoit la Mere, qui, ne pouvant aller voir sa Fille, n’osoit la faire venir chez elle, non-seulement de peur de luy nuire en la faisant transporter, mais à cause du mauvais air dont sa maison luy paroissoit infectée. Elle n’avoit point d’autre consolation que les visites du Cavalier, qui l’aimant autant qu’il l’estimoit, ne la quittoit presque point. Les remedes ayant esté employez avec succés, elle respira enfin sur l’assurance qu’on luy donna que sa Fille estoit sauvée, &amp; ce fut alors qu’elle ouvrit son cœur au Cavalier, en luy demandant pour elle ce qu’il avoit esté prest de faire pour sa Cadette. Il la rendit maîtresse de ses volontez, pourveu qu’elle voulust bien luy laisser le temps de se faire aimer, ne voulant point épouser sa Fille, pour peu qu’elle témoignast de répugnance à y consentir. La Mere se chargea de sçavoir ses sentimens, &amp; quand elle fut tout-à-fait guerie &amp; en estat de se montrer à la grille, ils allérent l’un &amp; l’autre mesler leurs larmes aux siennes. Cette premiere visite fut pleine de douleur, &amp; de regrets, &amp; cette aimable personne ayant témoigné dans deux ou trois autres, des sentimens tres-particuliers de consideration &amp; d’estime pour le Cavalier, la mere souhaita l’entretenir seule, ne doutant point qu’étant prévenuë pour luy aussi favorablement qu’elle l’étoit, elle ne voulust bien déferer à ses conseils, sur le mariage qu’elle souhaitoit. Elle la pria d’envisager les avantages qu’elle recevroit de cette alliance, soit pour le bien, soit pour le repos d’une vie heureuse, &amp; comme il falloit une réponse précise, parce que tout ce qu’elle luy disoit luy estoit connu, sa Fille luy répondit qu’il n’estoit point question de luy peindre le merite du Cavalier pour luy faire voir qu’il meritoit qu’on l’aimast ; qu’elle vouloit bien ne luy plus cacher que son cœur avoit toûjours esté fortement touché pour luy, &amp; qu’elle ne l’avoit cedé à sa Sœur que par un excez d’amitié pour elle, ayant découvert que ce seroit luy faire plaisir. La mere l’interrompit pour luy témoigner la joye qu’elle ressentoit de ces dispositions, qui mettroient le Cavalier hors d’inquietude, sa délicatesse le portant à souhaiter, si elle vouloit se donner à luy, que ce fust sans se faire violence. Sa Fille l’interrompit à son tour, &amp; l’ayant priée de l’écouter jusqu’au bout, elle ajoûta que si elle avoit à se marier, ce seroit au Cavalier préferablement à tout autre, mais que la mort de sa Sœur &amp; la maladie qui luy étoit survenuë ensuite avec danger de mourir, luy avoient fait faire de si serieuses reflections, sur le peu qu’étoient les choses du monde, qu’elle avoit résolu d’y renoncer, &amp; de se donner tout à fait à Dieu. Cette déclaration fut un coup de foudre pour la Mere : mais elle eut beau faire ; ses prieres ny ses pleurs ne la purent obliger à changer de sentiment, &amp; tous les efforts qu’elle employa pendant plus d’un mois furent inutiles. Il fallut enfin lui permettre de prendre l’habit de Religieuse, &amp; on la vit s’acquiter de cette cérémonie avec des marques de joye qu’on ne sçauroit exprimer. Comme on se flate toûjours, la Mere espera que l’austerité du Noviciat la dégouteroit, mais la grace qui la soûtenoit luy donna toûjours de nouvelles forces, &amp; elle fit profession avec le même détachement des vanitez de la terre qu’elle avoit reçû l’habit. Le Cavalier continua de voir la Mere avec de grandes assiduitez, &amp; comme elle luy imputoit un jour de luy avoir ôté une de ses Filles, qui n’auroit jamais songé à entrer dans le Convent, si elle n’eût pas voulu luy faire épouser sa sœur, il luy répondit qu’il ne pouvoit réparer la perte qu’elle prétendoit qu’il luy eût causée, qu’en se donnant tout à elle, &amp; l’épousant elle même, puis qu’il n’avoit pû épouser aucune de ses deux Filles. La Dame se mit à rire de la proposition, &amp; ce qu’elle écouta ce jour là comme une plaisanterie, devint peu de temps aprés une chose serieuse. Le Cavalier qui étoit charmé de sa vertu &amp; de sa conduite, l’avoit aimée, si tôt qu’il l’avoit connuë. Elle avoit encore de la beauté, &amp; ils étoient tous deux du même âge. Il luy remontra si fortement qu’ayant perdu ses deux Filles, elle n’avoit plus les mêmes raisons que l’avoient obligée de renoncer à un second mariage, qu’insensiblement elle se laissa persuader. Le Cavalier étoit revenu de toutes les folles passions qui entraînent la jeunesse, &amp; son humeur douce &amp; complaisante, jointe à une solidité d’esprit peu commune, ne la laissoient pas en état de craindre qu’on pût condamner son choix. Ainsi aprés avoir résisté un peu de temps, elle consentit à être sa femme, &amp; l’on admira la bizarrerie de la destinée, qui ayant rendu le Cavalier amant des deux Filles, dont il sembloit devoir épouser l’Aînée, aprés la mort de sa Sœur, lui avoit fait enfin épouser la Mere.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-09_139" resp="wordpro">
          <head>[Sonnets sur les derniers Bouts-rimez]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, septembre 1695 [tome 9], p. 139-144.</bibl>
          <p>Voicy encore trois Sonnets, qui ont esté faits sur les derniers Bouts-rimez de M<hi rend="sup">rs</hi> les Lanternistes de Toulouse. Le premier est de M<hi rend="sup">r</hi> Gillet le Fils, Avocat au Parlement de Dijon ; le second de Mademoiselle Chance ; &amp; le troisiéme, de M<hi rend="sup">r</hi> de Schoster.</p>
          <quote>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Quelle aveugle fureur, quelle rage vous</hi> guide,</l>
              <l><hi rend="i">Insolens Ennemis ? en vain de toutes</hi> parts,</l>
              <l><hi rend="i">Vous prétendez pouvoir abbattre nos</hi> remparts ;</l>
              <l><hi rend="i">En faveur de Louis la Victoire</hi> décide.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Vous l’avez vû cent fois dans sa course</hi> rapide,</l>
              <l><hi rend="i">Par des faits inoüis effacer les</hi> Cesars ;</l>
              <l><hi rend="i">Comme un simple Soldat affronter les</hi> hazards,</l>
              <l><hi rend="i">Et montrer en tous lieux un courage</hi> intrépide.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Toujours sage &amp; prudent par de nobles</hi> emplois,</l>
              <l><hi rend="i">Il met la foudre en main à ceux, qui sous ses</hi> loix,</l>
              <l><hi rend="i">Vont chercher des lauriers au milieu des</hi> tempestes,</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Rendez-vous, il est temps, mille Peuples</hi> divers,</l>
              <l><hi rend="i">Pour voir un si grand Prince, &amp; grossir ses</hi> conquestes,</l>
              <l><hi rend="i">Sont venus à l’envy du bout de l’</hi> Univers.</l>
            </lg>
            <lg>
              <label>II.</label>
              <l><hi rend="i">LOUIS du monde entier pourroit estre le</hi> guide,</l>
              <l><hi rend="i">Pour voir ce fameux Roy, l’on vient de toutes</hi> parts,</l>
              <l><hi rend="i">Son bras a renversé les plus fermes</hi> rempars,</l>
              <l><hi rend="i">A son gré de la Paix, de la guerre il</hi> décide.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Le cours de ses hauts faits est si beau, si</hi> rapide,</l>
              <l><hi rend="i">Qu’il vole au Champ de Mars plus loin que les</hi> Cesars ;</l>
              <l><hi rend="i">Remporte la Victoire au milieu des</hi> hazards,</l>
              <l><hi rend="i">Prudent à commander, au combat</hi> intrepide.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Toujours Grand, toujours juste en ses nobles</hi> emplois,</l>
              <l><hi rend="i">Sa pieté s’applique à maintenir nos</hi> loix,</l>
              <l><hi rend="i">Son foudre est sur la mer plus craint que les</hi> tempestes,</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Monarque eut-il jamais des talens si</hi> divers ?</l>
              <l><hi rend="i">S’il faisoit tous les ans d’aussi belles</hi> conquestes,</l>
              <l><hi rend="i">On le verroit un jour Maistre de l’</hi> Univers.</l>
            </lg>
            <lg>
              <label>III.</label>
              <l><hi rend="i">Suivez encore en vain la fureur qui vous</hi> guide</l>
              <l><hi rend="i">Ennemis obstinez, sortez de toutes</hi> parts,</l>
              <l><hi rend="i">Et revenez en foule au pied de nos</hi> remparts,</l>
              <l><hi rend="i">Attendre avec orgueil que le nombre en</hi> décide.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Affectez de marcher d’une course</hi> rapide,</l>
              <l><hi rend="i">Figurez-vous d’avoir pour soldats des</hi> Cesars,</l>
              <l><hi rend="i">Et quoy que peu portez à braver les</hi> hazards,</l>
              <l><hi rend="i">Paroissez animez d’un courage</hi> intrepide.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Louis n’interrompt pas ses augustes</hi> emplois,</l>
              <l><hi rend="i">Et de la mesme main qu’il vous donne ses</hi> loix,</l>
              <l><hi rend="i">Il forme contre vous ses foudres, ses</hi> tempestes.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Pensez en approchant de ses rampars</hi> divers,</l>
              <l><hi rend="i">Qu’un Heros, tel que luy, sçait garder ses</hi> conquestes,</l>
              <l><hi rend="i">S’il ne veut les ceder pour calmer l’</hi> Univers.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-09_145" resp="wordpro">
          <head>[Traduction de Mr de Senecé]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, septembre 1695 [tome 9], p. 145-152.</bibl>
          <p>Les Vers que vous allez lire sont de M<hi rend="sup">r</hi> de Senecé. Tous ses Ouvrages sont recherchez, &amp; l’estime que vous m’avez témoigné que l’on en fait dans vostre Province, m’oblige à vous faire part de celuy-cy. C’est l’Imitation d’une Ode Latine de M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé Boutard, à M<hi rend="sup">r</hi> le Cardinal de Boüillon, sur le sejour qu’il fait en sa belle Maison de Pontoise.</p>
          <quote>
            <lg>
              <l rend="i">Race des Demi-Dieux, &amp; soutien de l’Eglise,</l>
              <l rend="i">Boüillon, pourquoy brillant de tant de Dignitez,</l>
              <l rend="i">Préferer à la Cour, de vos vertus éprise,</l>
              <l rend="i"> Le sejour des champs écartez ?</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Ie n’en suis point surpris. La Maison fortunée</l>
              <l rend="i">Qui plaist à vostre cœur, &amp; rit à vos regards,</l>
              <l rend="i">Ioüit d’un doux climat, pompeusement ornée</l>
              <l rend="i"> Par le noble secours des Arts.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Augmentez par vos soins &amp; par vostre dépense,</l>
              <l rend="i">Les gais appartemens sous de superbes toits</l>
              <l rend="i">Y disputent la grace &amp; la magnificence</l>
              <l rend="i"> Aux Palais lambrissez des Rois.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Là, des premiers Cesars que le monde vit naître</l>
              <l rend="i">La riche Galerie offre les traits divers,</l>
              <l rend="i">Où LOUIS les efface, &amp; s’y montre leur Maistre,</l>
              <l rend="i"> Comme ils l’étoient de l’Univers.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Là du grand Godefroy la pieuse victoire,</l>
              <l rend="i">Dans des Tableaux exquis renaist sous la couleur,</l>
              <l rend="i">Et dans d’autres Turenne embellit nostre Histoire</l>
              <l rend="i"> Des miracles de sa valeur.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Vous-mesme étincelant dans la Pourpre Latine,</l>
              <l rend="i">Au milieu des Heros vous tenez vostre rang,</l>
              <l rend="i">Egal à ces grands noms d’où part vostre origine,</l>
              <l rend="i"> Digne heritier d’un si beau sang.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">A quoy bon vous parler du Pinceau salutaire</l>
              <l rend="i">Qui sauve de l’oubly cent Princes differens ?</l>
              <l rend="i">De vostre illustre Ayeul, de vostre illustre Pere,</l>
              <l rend="i"> Dans le marbre encor respirans ?</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Il vaut mieux celebrer ces charmantes Terrasses,</l>
              <l rend="i">Ces Iardins suspendus de hauts murs couronnez,</l>
              <l rend="i">Qui favoris de Flore, &amp; retraite des Graces,</l>
              <l rend="i"> Toujours de leurs dons sont ornez.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">C’est là que d’un coup d’œil aux superbes montagnes,</l>
              <l rend="i">Qui de vous obéir paroissent s’empresser,</l>
              <l rend="i">Pour vous laisser l’aspect des fertiles campagnes,</l>
              <l rend="i"> Vous commandez de s’abaisser.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Dans un lit transparent l’Oise lente, incertaine,</l>
              <l rend="i">Baise les murs sacrez de cet heureux sejour,</l>
              <l rend="i">S’en éloigne à regret, &amp; va dire à la Seine</l>
              <l rend="i"> Qu’il est l’objet de son amour.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">La Ville qui reçoit son nom de la Riviere,</l>
              <l><hi rend="i">Forme un Amphitheatre au sommet d’un costeau,</hi></l>
              <l rend="i">Et pour se faire voir s’étalant toute entiere</l>
              <l rend="i">Rit au magnifique Chasteau.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Soit pour la promenade, ou pour la rêverie,</l>
              <l rend="i">Mille ormeaux enlacez prompts à faire leur Cour,</l>
              <l rend="i">Ont soin de garantir vostre teste cherie,</l>
              <l rend="i">Des ardeurs de l’Astre du jour.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">C’est pour vous qu’au Printemps l’agreable Pomone</l>
              <l rend="i">Répand ses doux parfums dans les airs épurez,</l>
              <l rend="i">Et courbant ses rameaux vous presente en Automne</l>
              <l rend="i"> Le choix de ses fruits colorez.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Que j’aime la Naïade à vos ordres docile,</l>
              <l rend="i">Qui pousse en se joüant des torrens de cristal,</l>
              <l rend="i">Et va morguer la nuë en ondes moins fertile,</l>
              <l rend="i"> Iusqu’auprès de son lieu natal !</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">D’un Bois impenetrable aux gemeaux de Latone</l>
              <l rend="i">Les Dryades en Chœurs viennent de tous costez,</l>
              <l rend="i">A ce front plein de pourpre ajoûter la couronne</l>
              <l rend="i"> Des Lauriers que vous meritez.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">C’est vous, Boüillon, c’est vous, dont l’illustre presence</l>
              <l rend="i">De l’aimable colline entretient la beauté,</l>
              <l rend="i">Et par tout sous vos pas la tranquille abondance</l>
              <l rend="i"> Fait naistre la felicité.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">C’est là que sont par vous, Etranger, Domestique,</l>
              <l rend="i">Regalez, accueillis d’un air plein de candeur,</l>
              <l rend="i">C’est là que, de vos champs l’allegresse publique,</l>
              <l rend="i"> Vous suspendez vostre grandeur.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Chacun de vos talens admire l’excellence,</l>
              <l rend="i">Le sang, l’heureux genie, &amp; l’esprit cultivé,</l>
              <l rend="i">Charmé de voir en vous à la haute naissance</l>
              <l rend="i"> Se joindre un cœur plus élevé.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-09_176" resp="mercure">
          <head>[Ce qui s’est passé à l’Academie Françoise, le jour de S. Louis]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, septembre 1695 [tome 9],  p. 176-177.</bibl>
          <p>Le 25. du mois passé, Mrs de l’Academie Françoise solemniserent, selon leur coutume, la Feste de Saint Loüis, dans la Chapelle du Louvre. Mr l’Abbé Testu-Mauroy, l’un des quarante de ce Corps, celebra la Messe, pendant laquelle on chanta plusieurs Motets de la composition de Mr Oudot. Il réussit à son ordinaire, &amp; la Musique fut trouvée tres-bonne.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-09_204" resp="wordpro">
          <head>Le Rossignol &amp; les Fauvettes</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, septembre 1695 [tome 9], p. 204-209.</bibl>
          <p>Je vous envoye une Fable de M<hi rend="sup">r</hi> Diereville, dont le nom vous est connu par plusieurs Ouvrages d’un bon goust que je vous ay déja envoyez de sa façon.</p>
          <quote>
            <label>LE ROSSIGNOL<lb />&amp; les Fauvettes.</label>
            <lg>
              <l rend="i"> Depuis le retour du Printemps,</l>
              <l rend="i"> Vn Rossignol &amp; deux Fauvettes,</l>
              <l><hi rend="i">A former à l’envi les plus aimables chants,</hi></l>
              <l rend="i"> Passoient les jours dans leurs retraites.</l>
              <l rend="i">Ces Oiseaux tous d’accord, par mille tons divers</l>
              <l rend="i"> Faisoient retentir les boccages,</l>
              <l rend="i">Tous les Bergers charmez de leurs tendres ramages,</l>
              <l rend="i"> Venoient entendre leurs concerts.</l>
              <l rend="i">Tout leur applaudissoit ; les Nimphes des Fontaines,</l>
              <l rend="i">Pour les entendre mieux calmoient le bruit des eaux,</l>
              <l rend="i">Et les Zephirs poussoient de plus douces haleines ;</l>
              <l rend="i"> Il n’estoit permis qu’aux Echos</l>
              <l rend="i"> De repeter des chants si beaux.</l>
              <l rend="i"> Pour les rendre plus agreables,</l>
              <l rend="i">Le silence regnoit dans ces aimables lieux</l>
              <l rend="i">Quand un Hibou des plus épouvantables,</l>
              <l rend="i">Ialoux de ces concerts tendres, harmonieux,</l>
              <l rend="i"> Y mesla ses cris effroyables.</l>
              <l rend="i"> Cet horrible &amp; vilain Hibou,</l>
              <l rend="i"> Caché dans le creux d’un vieux Hestre,</l>
              <l rend="i"> Et craignant toujours de paroistre,</l>
              <l rend="i"> Se contentoit de crier par un trou.</l>
              <l rend="i"> Le Rossignol, loin de se taire,</l>
              <l rend="i">Dilata son gosier, &amp; par des roulemens,</l>
              <l rend="i"> Mieux soutenus &amp; plus charmans,</l>
              <l rend="i">Confondit du Hibou l’audace témeraire.</l>
              <l rend="i">Ce sot Oiseau de nuit tout bouffi de colere</l>
              <l rend="i"> D’entendre de si doux accords,</l>
              <l><hi rend="i">Vient encore à son trou faire des cris plus forts,</hi></l>
              <l rend="i">Tâche d’imiter l’Asne, &amp; comme luy veut braire.</l>
              <l rend="i"> Le Rossignol ne se tait pas,</l>
              <l rend="i">Le Hibou vainement à le troubler s’appreste.</l>
              <l rend="i">Contre les cris affreux d’une si laide beste,</l>
              <l> <hi rend="i">Les chants n’en ont que plus d’appas.</hi></l>
              <l rend="i"> Il sçait triompher de sa rage,</l>
              <l rend="i"> Ses chants sont toujours entendus ;</l>
              <l rend="i"> Mais les Fauvettes, quel dommage !</l>
              <l rend="i">Plus timides que luy, ne luy répondent plus.</l>
              <l rend="i">Par les plus tendres tons sans cesse il les engage</l>
              <l rend="i">A reprendre les chants qui l’avoient enchanté,</l>
              <l rend="i">Mais en vain il les presse, il n’est plus écouté :</l>
              <l rend="i">Il s’en plaint jour &amp; nuit de boccage en boccage.</l>
              <l rend="i"> Helas, dit-il en son langage,</l>
              <l rend="i"> Pour elles n’ay-je tant chanté</l>
              <l rend="i">Que pour estre privé de leur charmant ramage ?</l>
              <l rend="i">Aprés un beau Printemps, helas ! quel triste Esté</l>
              <l rend="i"> Vai-je passer dans un lieu si sauvage ?</l>
              <l rend="i">Estoit-ce là le prix que j’avois merité ?</l>
              <l rend="i">Dans le cruel ennuy dont il est tourmenté,</l>
              <l> <hi rend="i">Peut-estre en dit-il davantage,</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Dans ces Vers reconnoissez vous,</l>
              <l rend="i"> Ennemis des plaisirs des autres.</l>
              <l rend="i"> Quand vous en devenez jaloux,</l>
              <l rend="i"> N’en pouvant pas faire les vôtres,</l>
              <l rend="i">Et qu’enfin vous troublez des passe-temps si doux,</l>
              <l rend="i"> N’estes-vous pas de vrais Hibous ?</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-09_308" resp="mercure">
          <head>[La foire de Besons]*</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, septembre 1695 [tome 9],  p. 308-312.</bibl>
          <p>Vous me demandez ce que c’est que la foire de Besons, dont vous n’avez jamais oüi parler, &amp; qui a donné lieu à la Comedie qui a esté faite sous ce titre. Il y a eu de temps immemorial une Foire au Village de Besons, au commencement du mois de Septembre. Cette estoit peu connuë à Paris, &amp; la pluspart des Bourgeois qui avoient des maisons, dans les Villages des environs, &amp; de la Noblesse des lieux circonvoisins s’y trouvoient seulement, &amp; le menu Peuple s’y divertissoit à peu prés comme l’on fait à la Foire de Vaugirard. Depuis quelques années les Assemblées y ont augmenté tous les ans, quelques Danseurs de l’Opera, s’y estant trouvez avec de leurs Amis &amp; s’y estant divertis à danser &amp; à faire danser l’Assemblée. Ils y revinrent les années suivantes, avec une plus grosse compagnie, &amp; quantité de leurs écoliers, en sorte qu’il se fit une espece de bal fort rejoüissant. La pluspart y ayant esté masquez, &amp; depuis trois ou quatre années, les Assemblées y ont tellement crû que la confusion y a toûjours fait naistre quelque desordre divertissant. Ce qui a donné lieu à faire une espece de Comedie vaudeville, &amp; comme rien n’est plus couru que ces sortes d’ouvrages, &amp; que cette Comedie s’est trouvée tres-agreable, &amp; tres enjoüée, on y a esté en foule. Tout a concouru à son grand succés, l’agrément de la Piece, le plaisir d’y voir deux jeunes Demoiselles, Filles de l’Auteur, qui sçachant mieux qu’un autre ce qui leur convient, a si heureusement réüssi dans la distribution de ces Personnages, que ces deux jeunes Demoiselles sont devenuës dans cette Piece, le charme de tout Paris. Les airs qui ont esté faits par Mr de Giliers, &amp; les Balets par Mr de la Montagne, ont extremement plû. Il y a longtemps qu’ils ont l’un &amp; l’autre beaucoup de reputation pour ces sortes d’ouvrages. Il n’y a pas jusques à la decoration qui n’ait fait beaucoup de plaisir à voir. Elle representoit la Foire de Besons. Elle est de Mr Joachim Peintre Italien, qui a un talent tout particulier pour ces sortes d’ouvrages, où il réussit parfaitement bien.</p>
        </div>
      </div>
      <div type="tome" xml:id="MG-1695-10">
        <head><hi rend="i">Mercure Galant</hi>, octobre 1695 [tome 10]</head>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-10_007" resp="wordpro">
          <head>[Priere pour le Roy]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, octobre 1695 [tome 10], p. 7-12.</bibl>
          <p>La Guerre presente estant une Guerre de Religion, puis que l’invasion d’Angleterre n’a point eu d’autre prétexte, &amp; que le Roy la soutient pour la gloire de l’Eglise, on fit dans le temps qu’elle s’alluma beaucoup de Prieres pour Sa Majesté, de la nature de celle que vous allez lire. Elles ont recommencé depuis peu, &amp; je vous en envoye une nouvelle.</p>
          <quote>
            <p><hi rend="i">Seigneur, qui seul meritez l’adoration de toutes les Nations de l’Vnivers que vous avez créé, faites que Loüis, qui est le Chef d’œuvre de vos mains divines, le Modele des Souverains, &amp; le Pere des Peuples, continuë de regner sur ses Sujets. Egalez par vostre bonté la durée de ses jours au nombre de ses vertus &amp; de ses conquestes, dont il vous rapporte toute la gloire, confessant qu’il la tient de vous. Grand Dieu, qui préparez au Roy Tres-Chrestien des récompenses solides dans vostre glorieuse Eternité, donnez en dés cette vie à sa haute valeur &amp; à sa pieté sincere, par un triomphe perpetuel sur ses Ennemis &amp; les vostres ; &amp; puis qu’aveuglez qu’ils sont, &amp; entraînez par le Demon de l’Envie, ils ont refusé la Paix que nostre Auguste Monarque, inspiré par vostre Esprit, leur a offerte, ne souffrez pas qu’ils puissent jamais alterer celle de son cœur ; conservez luy toujours ce don si précieux ; répandez continuellement vos benedictions sur sa Personne sacrée, sur sa Famille Royale, &amp; sur son Royaume, qu’il gouverne avec tant de sagesse, &amp; qu’il amis sous vostre divine protection, vous reconnoissant pour le Roy des Rois, &amp; pour le puissant Dieu des Armées. Sauveur du monde, sauvez ce Prince qui est selon vostre cœur. Nous vous supplions tres-humblement, nous que vous avez fait naistre ses fidelles &amp; heureux Sujets, d’écouter les prieres, &amp; d’exaucer les vœux que nous vous adressons pour luy. Nous vous admirons, &amp; vous honorons dans vostre image vivante ; nous vous adorons, &amp; vous remercions avec le Fils aîné de vostre Eglise, des victoires que vous luy faites remporter sans cesse sur tant de Puissances unies contre ses Etats. N’abandonnez jamais un Prince qui combat pour vous. Conduisez en tous lieux ses pas ; secondez en tout temps son zele, soutenez son bras, dirigez son esprit, animez son cœur, remplissez son ame de vos graces, &amp; faites enfin, mon Dieu, que ce Heros incomparable n’ait point d’autre objet icy-bas que la gloire de suivre avec une joye ineffable &amp; une entiere obéissance, les salutaires inspirations de vostre Esprit adorable, &amp; d’executer avec un profond respect &amp; une humilité parfaite, les ordres immuables de vostre divine Providence.</hi></p>
          </quote>
          <p>Cet Ouvrage est de M<hi rend="sup">r</hi> Guionnet de Vertron, connu par une infinité d’autres, tant Latins que François, &amp; qui écrit également bien en Prose &amp; en Vers.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-10_119" resp="wordpro">
          <head>[Histoire]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, octobre 1695 [tome 10], p. 119-161.</bibl>
          <p>Il n’y a rien de si surprenant que ce qui est arrivé à une jeune Personne d’un fort grand merite, à qui la fortune a fait éprouver en peu de temps ses changemens les plus extraordinaires &amp; les plus bizarres. Elle estoit Fille d’un Pere qui ayant beaucoup de naissance, &amp; cherchant à s’élever encore davantage, avoit hazardé tout ce qu’il avoit de bien sur des espérances qui l’avoient flaté mal à propos. La moindre de ses imprudences estoit de s’estre marié par amour. Heureusement il n’estoit venu que cette Fille de son mariage, &amp; elle avoit environ dix ans, lors qu’une maladie violente emporta son Pere, avant qu’il eust donné aucun ordre au malheur de ses affaires. Ainsi il ne luy laissa pour tout avantage que celuy de demeurer sous la conduite d’une Mere habile, qui ayant esté contrainte de s’accommoder de ses droits pour peu de chose avec des Creanciers riches &amp; puissans, qui pouvoient les contester, trouva le moyen de se soutenir par la grande œconomie, ce qui luy acquit une estime generale, &amp; luy donna des Amis, chose rare dans la mauvaise fortune. Sa Fille estoit belle, d’une humeur fort douce, &amp; toutes ses inclinations estant portées à la gloire, sa Mere tâcha de les seconder par tout ce qu’une bonne éducation peut ajoûter à un naturel heureux, &amp; qui estoit disposé à recevoir toutes les impressions de vertu &amp; de sagesse qu’elle prenoit soin de luy donner. Ses instructions eurent tant d’effet, qu’à mesure que sa Fille avançoit en âge, on voyoit que sa raison se formoit de plus en plus. Elle avoit en tout une équité merveilleuse, qui servoit de regle à ses sentimens ; &amp; on peut dire que l’on n’avoit jamais veu dans une personne qui ne faisoit que de commencer à entrer au monde, briller plus d’esprit &amp; de politesse. Les belles qualitez de l’ame estant jointes à mille agrémens qu’elle avoit receus de la nature, la rendirent l’admiration de tous ceux à qui il estoit permis de la pratiquer, &amp; sa Mere qui luy trouvoit elle-même un fond de merite, qui ne pouvoit que s’augmenter par le temps, en prit sujet de se promettre pour elle tous les avantages qu’on peut esperer quand l’habileté soutient la bonne conduite. On parloit par tout de sa beauté, &amp; une douceur d’esprit toute charmante, qui estoit meslée à beaucoup de complaisance &amp; d’honnesteté, luy attiroit des loüanges, même de la plus grande partie des Femmes qui la rencontroient en quelque visite, quoy que naturellement elles tâchent d’affoiblir ce qui paroist en meriter de trop grandes. Vous jugez bien qu’il luy eust esté facile d’avoir une grosse Cour du costé des hommes, si elle eust voulu souffrir leurs empressemens. Tout les engageoit à souhaiter qu’elle daignast agréer leurs soins. Sa Mere étoit encore fort bien faite, &amp; avoit beaucoup d’esprit ; mais plus elle l’avoit pénétrant, plus elle crut devoir s’en servir pour ménager les interests de sa fille. Elle la gardoit comme un tresor qu’il ne falloit pas montrer souvent, &amp; elle redoubloit l’envie que l’on avoit de la voir par les obstacles qu’elle y faisoit naistre. Cette politique éloignoit certaines gens qui ne cherchoient qu’à satisfaire leurs yeux, &amp; à joüir d’une agréable conversation, &amp; en même temps elle enflammoit ceux qui ayant le cœur sensible, faisoient leurs efforts pour obtenir que les assiduitez leurs fussent permises. Ils voyoient bien qu’il ne falloit pour cela qu’une déclaration en bonne forme. Quelques uns se hazardoient à la commencer, mais comme ils ne parloient pas assez clairement, on se tenoit toûjours avec eux dans une réserve qui empeschoit la familiarité qu’ils eussent bien voulu acquerir. Le merite de la jeune Demoiselle estoit une amorce bien flateuse ; mais sitost qu’elle leur faisoit faire quelque pas qui les pouvoit engager, la consideration de son peu de bien les retenoit. Parmy ce nombre d’Amans qui s’expliquoient à demy, la Mere jetta les yeux sur un Cavalier, qui luy parut plus capable que les autres d’une passion qui l’entraîneroit où elle cherchoit à le mener. Il avoit l’esprit aisé, l’humeur douce &amp; complaisante, beaucoup d’agrément dans ses manieres, &amp; ne dépendant que de luy-même, il n’avoit à rendre compte à personne des engagemens qu’on pouvoit luy faire prendre. Elle s’attacha principalement à favoriser les empressemens qu’il faisoit paroistre, &amp; fermant les yeux sur sa naissance qui n’estoit pas des plus relevées, elle ne regarda que son bien, qui estoit assez considerable pour mettre sa fille dans un établissement fort avantageux pour elle. Le privilege qu’il eut de la voir plus assidûment que ses Rivaux, fut une distinction qui piqua sa vanité. Il crut pouvoir s’applaudir sur ses bonnes qualitez, qui luy facilitoient un accés libre dont personne ne partageoit l’avantage, &amp; l’habitude des soins qu’on luy permettoit de rendre à la Belle, l’ayant livré insensiblement à toute l’ardeur de sa passion, il en devint éperduëment amoureux. C’estoit dans l’un &amp; dans l’autre un si grand rapport d’humeur &amp; de sentiment, que la simpathie serra fortement les nœuds que l’amour avoit formez. La Belle le trouvoit fort à son gré, &amp; ne doutoit point qu’elle ne vêcust heureuse avec luy. La Mere ne perdit point de temps, &amp; voyant les choses à peu prés au point qu’elle avoit préveu, elle mit le Cavalier dans la necessité de conclure sans aucun retardement, ou de s’abstenir de voir sa Fille. Il en estoit trop charmé pour pouvoir prendre ce dernier party. Ainsi il fallut qu’il s’engageast sans retour, &amp; il le fit avec un épanchement de cœur qui persuada la Belle qu’elle en estoit veritablement aimée. L’affaire ayant esté arrestée entre eux, il ne voulut point la tenir secrete, &amp; fit vanité de la beauté de son choix. Quoy qu’on n’y pust rien trouver à redire, la Belle ayant un merite singulier, on ne laissa pas d’en estre surpris. Le Cavalier avoit toûjours paru attaché au bien, &amp; on avoit eu d’abord de la peine à croire qu’il fust capable de s’abandonner assez à l’amour pour ne rien chercher du costé de la fortune. Le mariage se devoit faire dans fort peu de jours, lors qu’on en parla chez une Dame qui avoit toûjours grande compagnie. On dit hautement que la Demoiselle estoit digne encore d’une meilleure fortune, &amp; tout le monde se trouva si bien d’accord à vanter l’agrément de sa personne, la douceur de son esprit, &amp; l’égalité de son humeur, qu’il n’y eut qu’une seule voix sur son article, à l’exception d’une jeune Veuve, qui ne pouvant s’opposer ouvertement à de si justes loüanges, se contenta de dire, que quelque merite qu’eust la Belle, c’estoit l’acheter bien cher que de la prendre pour rien. La Veuve avoit autant de méchantes qualitez, que celle dont on parloit en avoit de bonnes. C’estoit l’esprit du monde le plus dangereux. Elle estoit naturellement portée à nuire, ne pouvant souffrir qu’on dist du bien de personne, &amp; cherchant à abaisser tous ceux que l’on élevoit ; de sorte que ce fut assez d’avoir entendu parler si avantageusement de la Belle pour luy donner envie de luy rendre tous les mauvais offices, dont elle pourroit imaginer les moyens. L’arrivée du Cavalier luy fit naistre de nouveaux sujets de jalousie. Tout le monde le congratula sur son bonheur, &amp; la Veuve qui le connoissoit, &amp; qui fut aigrie des choses avantageuses qu’on recommença à dire de la Demoiselle, le pria de la venir voir le lendemain, afin qu’elle pust luy faire ses complimens &amp; plus à loisir ; &amp; avec moins de tumulte. Il y alla, &amp; comme elle estoit aussi dissimulée qu’artificieuse, elle luy dit qu’elle prenoit part à la satisfaction qu’il avoit sujet de se promettre pendant les premiers six mois de son mariage, estant impossible qu’il ne trouvast ce temps court, avec une aimable &amp; jolie personne, aprés quoy elle insinua adroitement qu’il n’y avoit rien de plus dangereux que d’engager pour toûjours sa liberté par un sentiment d’amour qui s’affoiblissoit presque aussitost ; que la plus belle Maistresse perdoit tous ses charmes par le nom de Femme ; qu’on avoit alors de longs sujets de se repentir d’avoir renoncé aux avantages de la fortune, qui gardant toûjours leur prix avoient de quoy se consoler de bien des choses, &amp; que s’il vouloit luy laisser le soin de le marier, elle estoit assez de ses Amies pour travailler de tout son pouvoir à luy trouver un party qui luy convint. Le Cavalier s’écria sur la proposition &amp; en la remerciant des marques qu’elle luy vouloit donner de son amitié, il luy dit qu’il s’estoit trop déclaré, pour pouvoir se dédire avec honneur ; qu’il concevoit bien que l’amour perdoit beaucoup de sa violence par le mariage ; que peut-estre quand il avoit donné sa parole, il n’avoit pas assez serieusement examiné s’il n’agissoit pas contre luy-même, mais qu’il ne voyoit point de tour pour la retirer ; qu’il sembloit bien même que son cœur n’y consentiroit qu’avec une peine extrême, &amp; qu’aprés avoir poussé les choses aussi loin qu’il avoit fait, il ne pouvoit reculer sans s’exposer à estre blâmé de tout le monde La Veuve traita de foiblesse la délicatesse du Cavalier sur le point d’honneur, &amp; luy ayant dit beaucoup de choses avec une vivacité d’esprit surprenante qui ébloüit sa raison, elle ajoûta, que s’il craignoit les reproches qu’on luy pourroit faire sur un manque de parole commun aux plus scrupuleux, quand il est causé par l’interest, ce moment de honte seroit réparé en peu de temps par le grand bien que luy devoit apporter une personne, qui estoit maistresse de ses volontez, &amp; recherchée par tant de gens importans, qu’il auroit lieu de se tenir glorieux de la préference qu’elle se chargeoit de luy faire avoir. En suite elle luy fit un portrait de cette mesme personne si semblable à elle-même, qu’il ne douta presque point que ce ne fust elle qui le vouloit épouser. En effet, elle estoit fort riche, &amp; elle avoit à choisir entre plusieurs Amans distinguez. Le Cavalier la pressa long-temps de luy nommer l’aimable personne dont elle venoit de luy faire la peinture ; &amp; la Veuve remit jusqu’au lendemain à satisfaire une juste curiosité, afin qu’il eust le temps de se consulter, &amp; de sçavoir s’il se trouvoit en estat de répondre à la proposition qu’elle luy faisoit. Il passa la nuit dans des agitations extraordinaires. L’infidelité qu’il falloit qu’il fist à une personne qui estoit si digne de tout son amour, estoit pour luy une peine insupportable, mais les avantages qu’il devoit trouver avec la Veuve, qui estoit jeune &amp; fort agreable, furent des charmes ausquels il ne fut pas possible de résister. Il trouvoit d’ailleurs beaucoup de gloire à obtenir sans peine par la force de son seul merite, comme il le croyoit, ce que plusieurs autres, dont la naissance avoit plus d’éclat, poursuivoient depuis long-temps inutilement, &amp; se perdant dans ses flateuses idées, il ne sentit plus la perfidie qu’il alloit commettre. Il retourna chez la Veuve, qui refusa de s’expliquer en termes plus clairs, s’il ne luy donnoit parole, que pourvû qu’il eust lieu d’estre content du costé de l’interest, il épouseroit la personne qu’elle avoit à luy nommer. Il répondit, que si malgré son peu de merite, il estoit assez heureux pour faire approuver qu’il prétendist à celle qu’il soupçonnoit, rien ne pourroit l’empêcher de donner les mains à tout ce qu’il faudroit faire pour joüir de ce bonheur. Enfin, aprés quelques contestations, qui ne servirent qu’à luy mettre plus fortement dans le cœur ce qu’il commençoit déja d’y avoir, il fut obligé de dire ce qu’il pensoit, &amp; il prononça le nom de la Veuve. Elle se mit à sourire, &amp; refusa de luy avoüer d’abord que ce fust d’elle qu’elle eust entendu parler dans le Portrait où il croyoit qu’on la pouvoit reconnoistre ; mais enfin elle s’estoit si bien mis en teste de rompre le mariage, qui eust unis la Belle dans un estat plus heureux que celuy où elle estoit, que par le seul plaisir d’empêcher le changement qui estoit prest d’arriver à sa mauvaise fortune, elle resolut d’épouser le Cavalier, &amp; voulut bien luy accorder tous les avantages qu’il luy demanda. Le mariage se fit en trois jours, &amp; avec tant de secret, que la Belle, qui n’en avoit pas le moindre soupçon, demeura longtemps sans le pouvoir croire. Autant que l’estime qu’on avoit pour elle, la fit plaindre de tout ce qu’il y avoit d’honnestes gens qui la connoissoient, autant blâma-t-on le Cavalier qui l’avoit trompée si lâchement ; mais sur tout il ne se trouva personne qui crust la Veuve excusable. Comme on luy avoit dû refuser divers Partis beaucoup plus considerables que le Cavalier qu’elle venoit d’épouser precipitamment, sans s’estre donné le temps de le bien connoistre, on ne put douter qu’elle ne l’eust fait par un sentiment de jalousie, qui l’avoit portée à chercher contre son propre interest, cette injuste voye de faire avorter une affaire, dont le succés devoit donner de la joye à tout le monde. Son caractere envieux, bas &amp; malfaisant, fit l’entretien de toute la Ville, &amp; jamais Femme ne fut si generalement méprisée. La Belle souffrit l’injustice qui luy estoit faite avec une moderation, qui persuadant encore plus de la beauté de son ame, redoubla l’estime qu’on avoit conçuë pour elle. Elle se contenta de dire que le bien ayant esté de tout temps l’Idole des hommes, on ne devoit pas estre surpris, que le Cavalier luy eust sacrifié son honneur, &amp; qu’elle souhaitoit qu’il n’eust jamais sujet de se repentir d’en avoir usé si mal avec elle. Ses souhaits ne furent point accomplis. La Dame qui ne l’avoit épousé que par caprice, sans que son cœur fust touché d’amour, ou qu’elle eust esté prévenuë d’estime, en prit un dégoust qui l’obligea de s’abandonner à tout ce que son humeur avoit de bizarre. Elle prétendoit luy avoir fait grace en voulant bien se donner à luy, &amp; sur ce principe, toutes ses manieres estoient méprisantes &amp; imperieuses. Il essaya vainement de la gagner par ses complaisances, c’estoient tous les jours des hauteurs insupportables. Son emportement luy tenoit lieu de raison, &amp; rien ne pouvant la faire changer. S’il vouloit avoir quelque repos, il falloit qu’il s’asservist en esclave à toutes ses volontez. Ce fut alors qu’il reconnut, mais trop tard, la faute qu’il avoit faite. Ami de la paix qu’il ne trouvoit point, &amp; comptant la tranquillité pour le suprême bonheur, il regretoit à toute heure l’aimable personne avec qui il n’avoit tenu qu’à luy de passer une vie douce &amp; heureuse, &amp; s’il l’eust pû racheter par la moitié de son bien, il l’auroit donné avec plaisir ; mais il avoit beau se chagriner, le mal estoit sans remede. Sa Femme cherchoit tous les jours de nouveaux moyens de le tourmenter, &amp; tous les efforts qu’il fit pendant deux années entieres pour adoucir cet esprit sauvage, ne servirent qu’à luy faire mieux connoistre qu’il se flatoit inutilement d’en pouvoit venir à bout. Il estoit prest de l’abandonner, &amp; il meditoit un long voyage qui l’auroit mis à couvert de ses froideurs, puis qu’on pouvoit appeller ainsi ses extravagances, lors que ses emportemens continuels luy ayant brûlé le sang, luy causerent une fiévre qui l’en délivra. Elle mourut en fort peu de jours, &amp; il ne se vit pas plûtost tiré d’esclavage, que regardant tout ce qu’il avoit souffert comme une juste punition de sa perfidie, il resolut de la réparer en reprenant sa premiere passion. Tous les charmes de la Belle se presenterent à luy, &amp; il se sentit sur tout si fort penetré de cette douceur d’esprit qui la rendoit toujours d’une humeur égale, que son amour réveillé par ses idées, fut plus violent qu’il ne l’avoit esté en naissant. Avant que de s’exposer aux premiers reproches qu’il s’attendoit bien qu’on luy feroit, il voulut se les rendre moins fâcheux, en faisant prévenir la Mere &amp; la Fille par un Amy, qui alla les assurer de sa part qu’elles pouvoient disposer comme elles voudroient, &amp; de sa personne &amp; de son bien. La Mere surprise de ce compliment, répondit avec assez de froideur, qu’aprés le juste sujet qu’il leur avoit donné à l’une &amp; à l’autre de se défier de ses promesses, il leur falloit des effets &amp; non pas des paroles. La Fille fit voir plus de fierté, &amp; quoy que l’Amy du Cavalier luy pust dire, elle déclara que s’estant rendu une fois indigne de son estime, il ne la pourroit jamais regagner, &amp; que comme elle ne vouloit songer à se marier que pour remplir ses devoirs, il prétendroit inutilement à sa tendresse, puis que ne le pouvant estimer, elle sentoit bien que tout l’amour qu’il luy marqueroit, ne vaincroit pas son indifference. Le Cavalier ne s’estonna pas de cette fiere réponse, il crut qu’il dissiperoit par les assurances qu’il luy donneroit luy-même, la crainte qu’elle avoit sujet d’avoir qu’il ne parlast pas de bonne foy, &amp; il alla luy rendre visite ; mais il eut beau faire, elle refusa obstinément de le voir, &amp; il ne put parler qu’à la Mere, qui persuadée de son repentir, luy promit ses soins pour fléchir sa Fille, qui cependant demeura inexorable. Ses meilleurs amis, en luy disant qu’elle avoit raison d’estre irritée, ne laissoient pas de blâmer ses refus opiniâtres. Ils luy remontroient que le Cavalier avoit esté assez puny de son manque de parole, pour l’obliger à oublier cette injure, &amp; que dans l’estat malheureux de ses affaires, elle devoit faire pour elle-même ce qu’il ne meritoit pas qu’elle fist pour luy. Elle répondoit sans se rendre à aucune des raisons dont on se servoit pour la combattre, que si la fortune luy estoit toûjours peu favorable, l’avantage de sa naissance &amp; la bonté de son cœur estoient des biens assez grands pour luy devoir tenir lieu de tout. Cette fermeté à se mettre au dessus de toutes sortes de vûës d’interests, pour n’épouser pas un homme qui l’avoit forcée à ne le plus estimer, fit admirer le courage de la Belle. Les moins portez à loüer ce qui n’est pas de leur caractere, en parlerent avec admiration, &amp; le bruit en fut si grand, qu’un homme tres riche, &amp; d’un rang fort distingué, regarda les sentimens de cette aimable personne, comme quelque chose qui surpassoit la force ordinaire de son Sexe. Il s’informa d’elle, &amp; ayant appris tout d’une voix qu’elle possedoit tout ce qu’on peut souhaiter de grand &amp; de noble dans une Fille, il fit si bien qu’il se rencontra deux ou trois fois en un lieu où elle avoit coûtume d’aller. Il la regarda attentivement, l’entendit parler, &amp; sortit sans luy avoir dit aucune chose. Deux jours aprés il alla chez elle, &amp; voyant la Mere étonnée de sa visite, il luy dit qu’il ne doutoit point que le compliment qu’il alloit luy faire ne la surprist. Ce compliment est qu’il luy venoit demander sa Fille en mariage ; qu’il avoit assez de bien pour luy faire soûtenir avec avantage le rang qu’il luy donneroit, &amp; qu’il n’attendoit que leur réponse pour faire venir un Notaire qui dresseroit les Articles. Elles trouverent la chose si peu vray-semblable, qu’elles furent toutes deux dans un embarras d’esprit qui ne se peut exprimer. Le Prétendant qui s’en apperçût le fit cesser en leur apprenant qu’il sçavoit toute l’avanture de la Belle. Il ajoûta que la fermeté qu’elle avoit euë dans sa mauvaise fortune, de mépriser un homme riche, mais qui s’estoit montré si indigne d’elle, par la lâche tromperie dont il devoit plus long-temps souffrir la peine, l’avoit rempli de tant d’admiration, qu’il avoit en mesme temps resolu de s’assurer le bonheur qu’un mal-honneste homme avoit refusé. Cela fut dit avec de si fortes marques d’estime, &amp; si serieusement, que la Belle fut forcée d’ajoûter foy à ce qui luy paroissoit ne devoir estre qu’un songe. L’execution du dessein qu’on avoit pris, suivit en fort peu de temps, &amp; ce qui fut extrémement remarquable, le hazard voulut que le Cavalier se rencontra dans l’Eglise lors que les deux Amans y entrerent pour se marier. Il ne sçavoit rien de cette affaire, &amp; lors qu’on luy eut appris la Ceremonie qui le preparoit, il dit en soupirant que la Belle estoit digne encore d’une plus haute fortune. Il s’évanoüit presque en mesme temps, &amp; il fallut le porter chez luy. Le chagrin le fit ensuite tomber dans une maladie de langueur, dont il a encore de la peine à revenir. Quant à la Belle, il ne se peut rien ajoûter à son bonheur. Elle est adorée de son Mary, dont elle fait la felicité, &amp; le moindre des avantages que son mariage luy a procurez, est le titre de Comtesse.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-10_161" resp="wordpro">
          <head>[Traduction d’une Ode d’Horace, par Mademoiselle Cheron]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, octobre 1695 [tome 10], p. 161-167.</bibl>
          <p>L’Ouvrage que vous allez lire est de Mademoiselle Cheron. Elle en a fait de si beaux, &amp; qui ont receu un applaudissement si general, que son nom fait son éloge.</p>
          <quote>
            <label>IMITATION.<lb />De l’Ode VII. du IV. Livre<lb />d’Horace à Torquatus.</label>
            <lg>
              <l>Diffugêre nives, redeunt jam gramina campis,</l>
              <l>Arboribusque comæ.</l>
            </lg>
            <lg>
              <l rend="i">Les frimats ont fait place à la jeune verdure ?</l>
              <l><hi rend="i">L’Amante de Zephire étalant ses couleurs,</hi></l>
              <l rend="i"> Emaille la terre de fleurs,</l>
              <l rend="i">Et nos bois ont repris leur verte chevelure.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Les torrens mutinez, dont les puissans efforts</l>
              <l rend="i">Déracinoient les Pins en tombant des montagnes,</l>
              <l rend="i">Laissent à découvert nos fertiles campagnes,</l>
              <l rend="i">Et le fleuve orgueilleux se renferme en ses bords.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Déja les Graces toutes nuës,</l>
              <l rend="i"> Avec les Nymphes sont venuës,</l>
              <l rend="i"> Par leurs danses &amp; leurs chansons,</l>
              <l rend="i">Celebrer le retour du Pere des Saisons.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">N’esperons rien icy d’éternelle durée.</l>
              <l rend="i">A peine la froidure est elle retirée,</l>
              <l rend="i">Que le Printemps fleury prépare dans nos champs</l>
              <l rend="i">De la blonde Cerès les utiles presens.</l>
              <l rend="i"> Pomone qui vient aprés elle,</l>
              <l rend="i"> Cede à son tour à la saison cruelle,</l>
              <l rend="i"> Qui l’aneantit tous les ans,</l>
              <l rend="i">Et donne à la Nature une langueur mortelle.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Ainsi circule chaque année,</l>
              <l rend="i"> Les jours ont un pareil destin,</l>
              <l rend="i"> Le couchant chasse le matin,</l>
              <l rend="i">La nuit qui luy succede attend l’autre journée ;</l>
              <l rend="i">On les voit tour à tour s’entre-suivre &amp; perir.</l>
              <l rend="i"> Rien icy-bas ne conserve son estre.</l>
              <l rend="i">Mais les jours, les saisons que le temps fait mourir,</l>
              <l rend="i"> Un autre temps les fait renaistre.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> L’Astre qui dans la sombre nuit</l>
              <l rend="i">Fait briller sa pâle lumiere,</l>
              <l rend="i"> A mesure qu’il se détruit,</l>
              <l rend="i"> Répare sa perte premiere,</l>
              <l rend="i"> Et d’un nouvel éclat nous luit</l>
              <l rend="i"> En recommençant sa carriere.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Nous seuls miserables Humains,</l>
              <l rend="i"> Qu’un fatal instant doit dissoudre,</l>
              <l rend="i">Nous ne renaissons plus, quand la Parque en ses mains</l>
              <l rend="i">Tient l’urne où nostre orgueil n’est plus qu’un peu de poudre.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Où-sont ces fameux Potentats ?</l>
              <l rend="i"> Que reste-t-il de ce pieux Enée ?</l>
              <l rend="i"> Ancus, Tullus, par leurs riches Etats</l>
              <l rend="i">Se sont-ils exemptez de la loy du trépas ?</l>
              <l rend="i">Comme au plus malheureux leur course est terminée.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Mais puis qu’un espoir incertain</l>
              <l rend="i">Ne peut nous assurer si nous serons demain ;</l>
              <l rend="i"> S’il est vray qu’une mort rapide,</l>
              <l rend="i">En trompant nos desirs peut abreger nos jours ;</l>
              <l rend="i">Par les plaisirs tâchons d’en mélanger le cours,</l>
              <l rend="i"> Et qu’une avarice sordide</l>
              <l rend="i">N’augmente point la part d’un heritier avide.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Lors que nostre ame fugitive</l>
              <l rend="i"> De l’Acheron verra la triste rive,</l>
              <l rend="i">Que nous éprouverons ce terrible moment,</l>
              <l rend="i">Où Minos des Enfers gouvernant la balance,</l>
              <l rend="i"> Par un severe jugement</l>
              <l rend="i">Du retour desiré tranchera l’esperance.</l>
              <l rend="i"> Alors les grandeurs, l’opulence</l>
              <l rend="i">Ne suivront point nos pas aux bords du Phlegeton :</l>
              <l rend="i"> Et le sçavoir, &amp; l’éloquence</l>
              <l rend="i">Ne persuadent point Cerbere ny Pluton.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> En vain Diane sollicite</l>
              <l rend="i"> Pour ravir la chaste Hyppolite,</l>
              <l rend="i"> Tous ses efforts sont superflus,</l>
              <l rend="i">Bien que des sombres lieux elle soit Souveraine.</l>
              <l rend="i">Quand le Stix est passé l’on ne retourne plus,</l>
              <l rend="i">Et Thesée aux Enfers n’a sceu rompre la chaîne</l>
              <l rend="i"> De son Ami Pirrithoüs,</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-10_167" resp="wordpro">
          <head>[Lettre de Mr de Senecé, sur cette Traduction]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, octobre 1695 [tome 10], p. 167-177.</bibl>
          <p>Mademoiselle Cheron ayant envoyé cette Ode à M<hi rend="sup">r</hi> de Senecé, dont vous connoissez le bon goust &amp; la beauté du genie, M<hi rend="sup">r</hi> de Senecé luy écrivit la Lettre suivante.</p>
          <quote>
            <p>A Mâcon le 21. d’Aoust.</p>
            <p><hi rend="i">Je vous rends, Madame, des graces infinies, de l’agréable présent que vous m’avez fait. Quelque envie que j’aye de vous en dire mon sentiment, comme vous le desirez, il ne m’est pas aisé de le faire, &amp; les graces de vostre Poësie, sont au dessus de mes expressions. Je suis forcé chaque jour de reconnoistre que pour la naïveté du stile, pour le tour aisé, pour la pureté du langage vôtre sens surpasse le nostre, &amp; que c’est à son école que nous devons nous instruire. Mais comme les personnes de ce sexe, qui excellent en de pareils talens sont en petit nombre, soit par le deffaut de l’éducation, soit par celuy de l’application necessaire, il faut avoüer que celles qui s’y distinguent comme vous, sont dignes d’une loüange infinie. Aussi vous osay-je promettre que non-seulement le siécle où nous vivons vous rendra justice, mais encore que la posterité ne se taira pas sur vostre merite, &amp; que vous occuperez quelque jour un rang illustre dans la mémoire des hommes, parmy tout ce que la terre a jamais produit de plus digne de leurs éloges, dans la plus belle moitié du monde.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Mais pour vous convaincre de ma sincerité, je suis bien aise de vous dire ce que j’ay trouvé à desirer dans vostre Ouvrage. J’aurois bien voulu qu’il fust composé de Stances regulieres, &amp; toutes d’une même mesure, le nom d’Odes que les Anciens ont donné à cette espece de Poësie, &amp; l’exemple des Grecs &amp; des Romains, impose, ce me semble, une pareille necessité. Vne Ode est un amas de couplets d’une même chanson, qui doivent par consequent estre d’une même cadence, pour se pouvoir tous chanter sur le même air. Quoy que je ne condamne pas les Vers irreguliers, dont on se sert avec beaucoup de grace dans les Idylles, &amp; dans d’autres Ouvrages de pareille nature ; cependant il me semble que dans les Odes, il faut necessairement de la regularité, &amp; de la justesse.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Je vous envoye un petit Ouvrage de même qualité, que je ne prétens pas mettre en parallèle avec le vostre : me délivrent les Muses de cette vanité. Je l’a y seulement composé dans la vûë de cultiver vostre amitié, estant persuadé que celles que l’on contracte au Parnasse ont besoin d’aliment, sur tout pendant l’absence, &amp; qu’elles s’entretiennent par des presens reciproques, aussi bien que les autres. Vous ne trouverez pas dans mon Ode l’exactitude d’un Traducteur : j’en laisse le scrupule à ceux qui travaillent aprés les Historiens. Mais quand il s’agit d’imiter un Poëte, je tâche en conservant le sens principal de son Ouvrage, de m’imaginer en quels termes il auroit executé son dessein, s’il avoit vêcu dans nostre siécle, &amp; parmy nostre Nation. Horace a bonne grace de parler de la succession d’Ittale, Roy de Pergame, dont la memoire estoit encore toute recente chez le Peuple Romain, qu’il avoit nommé son heritier. Si je l’imitois en cela, au lieu d’inserer un agrément dans mon Ouvrage, j’y proposerois un Enigme, qui auroit besoin de commentaire chez beaucoup de gens. Il en est de même des Marbres du Mont Hymette, ausquels j’ay substitué ceux de Beziers qui nous sont plus connus ; &amp; si dans la description du luxe, j’ay parlé des Porcelaines de la Chine dont il n’a dit mot, il est vraysemblable qu’il en auroit pû toucher quelque chose, s’il avoit vêcu dans un temps, où l’on employe des sommes si considerables à cette fragile acquisition. Il me semble qu’il faut encore avoir égard à toutes les délicatesses de ceux pour lesquels on écrit, &amp; ne leur proposer aucun objet qui les puisse choquer. C’est par cette raison que je n’ay pas voulu peindre d’aprés Horace cette femme sale &amp; crasseuse, qui ruinée par un usurpateur de son bien, &amp; reduite à la mendicité, porte dans ses bras des enfans couverts de haillons, &amp; aussi sales qu’elle. Ce portrait auroit paru touché trop fortement, &amp; nos Dames sont assez fatiguées de trouver par les vuës de semblables objets, sans que l’on vienne encore les leur presenter dans des Vers, où elles s’attendent à ne rien voir que de briant. Pour moy je crois que ceux qui veulent traduire les Poëtes avec une exactitude scrupuleuse, tombent dans l’inconvenient, &amp; dans la grossiereté des premiers Peintres, qui d’écrivant des lignes sur les ombres d’un corps humain, en prenoient bien à la verité les dimensions, &amp; les contours avec beaucoup de regularité, mais n’exprimoient point cette vie, &amp; cette grace, que l’Art a eu tant de peine à donner à ses figures, si nous en croyons Pline sur le chapitre des Anciens, &amp; Vasari sur celuy des Modernes, en quoy, Madame, vous surpassez la gloire des uns &amp; des autres. Quoy qu’il en soit, je ne prétens pas icy faire une plus longue Apologie de ma maniere de traduire les Poëtes ; si vous l’approuvez ce sera infailliblement la bonne, &amp; vous entretenir plus long temps sur des maximes que vous sçavez, &amp; que vous pratiquez mieux que moy, c’est porter, dit le proverbe Grec, des Hiboux dans Athenes.</hi></p>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-10_177" resp="wordpro">
          <head>[Ode d’Horace, traduite par le même]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, octobre 1695 [tome 10], p. 177-183.</bibl>
          <p>Cette Lettre estoit accompagnée de l’Ode qui suit.</p>
          <quote>
            <label>IMITATION<lb />De l’Ode XVIII. du II. Livre d’Horace, qui commence,</label>
            <lg>
              <l>Non ebur, neque aureum</l>
              <l>Mea renidet in domo lacunar.</l>
            </lg>
            <lg>
              <l rend="i">La dent des Elephans, l’écaille des Tortues</l>
              <l rend="i">Ne composent chez moy ny parquet, ny lambris,</l>
              <l rend="i">Ie n’y conserve point des antiques Statues</l>
              <l rend="i"> Les fastueux débris.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Des Marbres de Beziers la veine la plus fine</l>
              <l rend="i">N’y fait point remarquer son émail different,</l>
              <l rend="i">Et ce n’est point pour moy que commerce la Chine</l>
              <l rend="i"> Son limon transparent.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Ie n’ay point le secret de ces bas artifices,</l>
              <l rend="i">Dont on grossit l’amas de ses possessions,</l>
              <l rend="i">Impudemment intrus par de lâches services</l>
              <l rend="i"> Dans les successions.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Mais avec les talens que la Muse me donne,</l>
              <l rend="i">Avec un procedé de la fourbe ennemy,</l>
              <l rend="i">Tout pauvre que je suis, le Riche ambitionne</l>
              <l rend="i"> De m’avoir pour amy.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Content d’un petit fond qui vient de mes Ancestres,</l>
              <l rend="i">Je songe à le transmettre à mes derniers Neveux,</l>
              <l rend="i">Sans étourdir le Ciel, sans fatiguer nos Maistres</l>
              <l rend="i"> De Placets, ny de vœux.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Par l’insensible effort du jour qui luy succede,</l>
              <l rend="i">On voit le plus beau jour dans le neant poussé ;</l>
              <l rend="i">Par la Lune qui suit, de celle qui précede</l>
              <l rend="i"> L’éclat est effacé.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Et vous, Ambitieux, près de la sepulture</l>
              <l rend="i">A bastir des Palais on vous voit empressez,</l>
              <l rend="i">Comme si du tribut qu’impose la Nature</l>
              <l rend="i"> Vous estiez dispensez ?</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">A l’ardeur de vostre ame au profit attentive,</l>
              <l rend="i">La fremissante Mer oppose en vain ses bords,</l>
              <l rend="i">Et vous osez tenter pour alonger la rive</l>
              <l rend="i"> De risibles efforts.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Cet avare Demon qui vous tient dans ces chaînes,</l>
              <l rend="i">Vous force d’arracher les bornes du Voisin,</l>
              <l rend="i">Pour ajoûter encore à vos vastes domaines</l>
              <l rend="i"> Sa gerbe, &amp; son raisin.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Privez de leur foyer par cette violence,</l>
              <l rend="i">Le malheureux Epoux, &amp; sa triste moitié,</l>
              <l rend="i">Laissent à leurs Enfans pour toute subsistance</l>
              <l rend="i"> L’art de faire pitié.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Bastissez, ravissez, acquerrez à toute heure :</l>
              <l rend="i">Forcez dans peu de jours de prendre un autre ton,</l>
              <l rend="i">Le Louvre où vous ferez la plus longue demeure,</l>
              <l rend="i"> Est celuy de Pluton.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">La Parque égale tout, &amp; la terre équitable,</l>
              <l rend="i">Du merite ou du rang ne faisant aucun choix,</l>
              <l rend="i">Enferme dans son sein le Fils du miserable,</l>
              <l rend="i"> Et la Race des Rois.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Le severe Portier de la Cour infernale</l>
              <l rend="i">Interdit du retour les sentiers inconnus,</l>
              <l rend="i">Le subtil Promethée, &amp; le riche Tantale</l>
              <l rend="i"> N’en sont point revenus.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Du sort qui le condamne aux travaux de la vie,</l>
              <l rend="i">Le Pauvre en cet azile évite la fureur ?</l>
              <l rend="i">Et Caron l’y conduit, soit qu’il en ait envie,</l>
              <l rend="i"> Soit qu’il en ait horreur.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-10_240" resp="wordpro">
          <head>Le chat et le fromage. Fable</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, octobre 1695 [tome 10], p. 240-250.</bibl>
          <p>La Fable qui suit est de la composition de M<hi rend="sup">r</hi> Boüillet, Ingenieur.</p>
          <quote>
            <label>LE CHAT ET LE FROMAGE.<lb /><hi rend="i">FABLE.</hi></label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Au fond d’un Corbillon fermé de toutes parts</hi></l>
              <l rend="i">Gisoit dessus du foin à couvert des hazards</l>
              <l rend="i"> Vn tendre &amp; savoureux fromage.</l>
              <l rend="i">Son fumet en passant vint frapper l’odorat</l>
              <l rend="i">  D’un chat.</l>
              <l rend="i">Croquepoulet estoit le nom du personnage,</l>
              <l rend="i">Voir ce mets délicat qui le vint ébloüir,</l>
              <l rend="i">Le convoiter, chercher les moyens d’en jouir,</l>
              <l rend="i"> Fut pour luy presque mesme chose,</l>
              <l rend="i"> Mais par malheur la corbeille estoit close</l>
              <l rend="i"> Et du surplus rare l’occasion.</l>
              <l rend="i">Une Vieille sans dents qui veilloit à l’office</l>
              <l rend="i"> Eust empesché le malefice,</l>
              <l> <hi rend="i">Il luy faloit user d’invention.</hi></l>
              <l rend="i">Quand Chats ont medité de faire une malice</l>
              <l rend="i">Difficulté chez eux aigrit la passion.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Or voulant mettre à fin cette haute avanture</l>
              <l rend="i">Sur le point que le jour cede à la nuit obscure,</l>
              <l rend="i">Nostre Chat suit la Vieille, &amp; se cache avec soin</l>
              <l rend="i">  Dans un coin.</l>
              <l rend="i">La Duegna sortie, il approche la cage,</l>
              <l rend="i">Et comme il estoit Chat peu novice en tels tours,</l>
              <l rend="i"> Au jeune &amp; credule Fromage</l>
              <l rend="i"> Il tint à peu prés ce discours.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Que vous estes charmant, que vostre odeur est douce !</l>
              <l rend="i"> Quelle cresme ! quel embonpoint !</l>
              <l rend="i"> Vous sortez de divine source,</l>
              <l rend="i"> I’en jure, &amp; ne me trompe point.</l>
              <l rend="i">Non, vostre lait n’est pas d’une commune vache ;</l>
              <l rend="i">Il fut tiré du pis de la fille d’Inache</l>
              <l rend="i">Vous meriteriez place à la table des Dieux.</l>
              <l rend="i"> Ny le Nectar ny l’Ambrosie,</l>
              <l rend="i"> Ny la plus douce Malvoisie</l>
              <l rend="i">N’ont rien auprès de vous qui soit delicieux.</l>
              <l rend="i">Pourroit-on point toucher cette odorante écorce ?</l>
              <l rend="i"> Ne craignez rien, Fromage tout charmant,</l>
              <l rend="i"> Ie suis devenu vostre amant,</l>
              <l rend="i"> Et ne veux rien de vous par force.</l>
              <l rend="i">Ouvrez vostre guichet, objet de mes amours,</l>
              <l rend="i"> Ie vous feray la pate de velours,</l>
              <l rend="i">J’éloigneray de vous les souris meurtrieres,</l>
              <l rend="i">Et vous protegeray contre la dent des rats ;</l>
              <l rend="i"> Et sur les plus hautes goutieres,</l>
              <l rend="i"> Ie miauleray vos appas.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Quand le pauvre Fromage auroit esté moins tendre,</l>
              <l rend="i">A de vives raisons il faut enfin rendre,</l>
              <l><hi rend="i">Sur tout lors qu’on y joint, &amp; fleurette, &amp; douceur,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">La louange &amp; la flaterie</hi></l>
              <l rend="i"> Font une double batterie</l>
              <l rend="i">Qui bien-tost a détruit les deffense du cœur.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Le Fromage éblouy par cette douce amorce,</l>
              <l rend="i"> Moitié de gré, moitié de force,</l>
              <l rend="i">Au Matou seducteur entr’ouvrit guichet.</l>
              <l rend="i">Vous jugez aisément que Don Croquepoulet</l>
              <l rend="i">Ne se fit pas prier d’entrer dans la corbeille.</l>
              <l rend="i">Le pauvre fils d’Io fut pris au trébuchet ;</l>
              <l rend="i">Mieux eust valu pour luy, faire la sourde oreille,</l>
              <l rend="i"> Point n’eust souffert un tel échet.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Croquepoulet dedans la cage,</l>
              <l rend="i"> Teste à teste avec le Fromage,</l>
              <l rend="i">Avant d’aller au fait, fit un peu le badin ;</l>
              <l rend="i">Puis y porte la dent, puis d’outrage en outrage.</l>
              <l rend="i">L’entame de tout sens, le pille, le fourage</l>
              <l rend="i">Tout ainsi qu’il eust fait des choux de son jardin.</l>
              <l rend="i">Voila ce que produit la credule innocence</l>
              <l rend="i"> Qu’accompagne un tendre penchant ;</l>
              <l rend="i"> Toujours on butte à l’insolence</l>
              <l rend="i">On la voit le butin du fourbe &amp; du méchant.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> De cette avanture tragique</l>
              <l rend="i">Le bruit se répandit chez la Gent Fromagique.</l>
              <l rend="i">Sur un cas si nouveau, grande rumeur entre eux.</l>
              <l rend="i"> Où mettre à l’abry le Fromage,</l>
              <l rend="i"> Si renfermé dans une cage</l>
              <l rend="i">Il ne peut résister aux Matoux cauteleux.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Pour opiner sur cette affaire</l>
              <l rend="i">Leur Prince Parmezan députe promptement</l>
              <l rend="i">Des postillons par tout où son nom se revere,</l>
              <l rend="i"> Avec un ordre fort severe,</l>
              <l rend="i"> Sous peine de Banissement,</l>
              <l rend="i"> Qu’un Fromage de chaque espece</l>
              <l rend="i"> Sans s’excuser sur sa vieillesse</l>
              <l rend="i"> Se rende à son commandement,</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Fromages assemblez, les plus vieux opinerent</l>
              <l rend="i">L’un à faire cecy, l’autre à faire cela ;</l>
              <l rend="i">Mais de tous ces moyens nuls ne les contenterent,</l>
              <l rend="i"> Tant que sur la fin se leva</l>
              <l rend="i"> Vn gros fromage de Griere,</l>
              <l rend="i"> Qui raisonnant à sa maniere,</l>
              <l rend="i"> Leur fit cet éloquent discours.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Nous allons voir, Seigneurs, arriver tous les jours</l>
              <l rend="i">Le cruel accident qui fait nostre tristesse.</l>
              <l rend="i">Il ne vient, selon moy, que de trop de tendresse.</l>
              <l> <hi rend="i">Ainsi tous les Fromages mous,</hi></l>
              <l rend="i">Tendres par consequent, &amp; dont le cœur se pique,</l>
              <l rend="i"> Seront les dupes des Matous,</l>
              <l rend="i"> Au détriment de la chose publique.</l>
              <l rend="i">Partant je crois, Seigneurs, &amp; c’est mon sentiment,</l>
              <l rend="i"> Que nous devons incessamment</l>
              <l rend="i"> Les mettre sous la sauve garde</l>
              <l rend="i"> Du sexe remply de pudeur,</l>
              <l rend="i"> Dont le cœur est toûjours en garde</l>
              <l rend="i">Contre tout ce qui fait sentir de la langueur.</l>
              <l rend="i">Cet avis trouvé bon, l’on députe vers celles</l>
              <l rend="i"> Que le renom d’estre cruelles</l>
              <l rend="i"> Rendoit propres à cet employ.</l>
              <l rend="i">Quatre Angelois de la part de leur Roy</l>
              <l rend="i"> Fort joliment les haranguerent,</l>
              <l rend="i">Et du sexe charmant, Messieurs les Députez</l>
              <l rend="i"> Favorablement écoutez</l>
              <l rend="i">Ayant receu l’aveu, joyeux s’en retournerent.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Les Fromages depuis ce temps</l>
              <l rend="i"> En de tranquilles passetemps</l>
              <l rend="i">Sont sous un tel rampart les plus contens du monde,</l>
              <l rend="i"> Ils ne s’inquietent de rien.</l>
              <l rend="i"> Ainsi chaque Fille a le sien</l>
              <l rend="i">Autour duquel, sans fruit, maint matou fait la ronde,</l>
              <l rend="i">Bien est-il vray, que des soins assidus</l>
              <l rend="i"> Quelquefois ne sont pas perdus.</l>
              <l rend="i"> Bien est-il vray, qu’une chanson touchante,</l>
              <l rend="i"> Vn doux billet, un discours plein de feu,</l>
              <l rend="i">Vne colation délicate &amp; galante,</l>
              <l rend="i"> Vn discret &amp; sincere aveu,</l>
              <l rend="i">Et plus que tout cela les dans &amp; les richesses,</l>
              <l rend="i">Belles, vous font souvent manquer à vos promesses,</l>
              <l rend="i">Sans compter le fatal &amp; le tendre moment</l>
              <l rend="i">Dont maint Croquepoulet sçait faire bon usage.</l>
              <l rend="i">Contre tant d’ennemis on combat vainement :</l>
              <l rend="i"> L’on a beau jurer d’estre sage,</l>
              <l rend="i">L’amour vient arracher vostre consentement.</l>
              <l rend="i">Alors Fille aux abois oubliant son serment</l>
              <l rend="i"> Laisse aller le chat au fromage.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
      </div>
      <div type="tome" xml:id="MG-1695-11">
        <head><hi rend="i">Mercure Galant</hi>, novembre 1695 [tome 12]</head>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-11_007" resp="wordpro">
          <head>[Priere pour le Roy]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, novembre 1695 [tome 12], p. 7-11.</bibl>
          <p>Les grandes &amp; merveilleuses qualitez du Roy n’éclatent pas moins par le tendre amour que ses Sujets ont pour luy, que par le grand nombre de Conquestes, qui ont mis sa gloire au plus haut degré où aucun Monarque ait pû jamais élever la sienne. Ceux à qui l’étude des belles Lettres a donné quelque talent pour écrire, s’ils n’ont pas l’avantage de le servir de leur bras dans ses Armées, employent leurs Plumes à publier ce qui fera l’admiration des Siecles les plus éloignez du nostre, &amp; tous unanimement forment des vœux pour la conservation de sa Personne sacrée, qui est la chose du monde qui importe le plus à toute la France. Je vous ay déja fait part de plusieurs Prieres qui ont esté faites pour obtenir la continuation des graces du Ciel sur ce grand Prince. En voicy une nouvelle, par laquelle on demande ce qui est le plus selon son cœur, c’est à dire, la fin d’une Guerre qui depuis tant d’années trouble le repos de toute l’Europe.</p>
          <quote>
            <label>PRIERE A DIEU,<lb />pour le Roy.</label>
            <lg>
              <l rend="i">C’est vous, Seigneur, c’est vous qui nous avez donné</l>
              <l rend="i">Pour Roy le plus zelé des Monarques du monde,</l>
              <l rend="i"> Et qui l’ayant à regner destiné,</l>
              <l rend="i">L’avez doüé du don de sagesse profonde.</l>
              <l rend="i"> Nous reconnoissons que par vous,</l>
              <l rend="i">Contre tant d’Ennemis de son bonheur jaloux,</l>
              <l rend="i">Tous ses pas ont esté suivis de la Victoire.</l>
              <l rend="i">Pour comble de faveurs, faites qu’à ses Sujets,</l>
              <l rend="i">Qui par ses grands travaux ont acquis tant de gloire,</l>
              <l rend="i">Il fasse enfin goûter les douceurs de la Paix.</l>
            </lg>
          </quote>
          <p>Cette Priere est de M<hi rend="sup">r</hi> Lucas, Avocat au Parlement, dont le zele pour le Roy, a déja paru en d’autres Ouvrages.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-11_070" resp="wordpro">
          <head>[Sonnet]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, novembre 1695 [tome 12], p. 70-72.</bibl>
          <p>Voicy un Sonnet que vous ne serez pas fâchée de voir. Il a esté fait sur les derniers Bouts-rimez qui vous sont connus.</p>
          <quote>
            <label>A MONSIEUR LE DUC<lb />DE VENDOSME.<lb /><hi rend="i">SONNET.</hi></label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Prince, dont le grand cœur a l’honneur seul pour</hi> guide,</l>
              <l><hi rend="i">Tu fais voir à ton Roy pressé de tant de</hi> parts,</l>
              <l><hi rend="i">Qu’un bras comme le tien peut sauver ses</hi> rempars,</l>
              <l><hi rend="i">Et faire que pour luy la Victoire</hi> décide.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l> <hi rend="i">L’Espagnol a montré par sa fuite</hi> rapide</l>
              <l><hi rend="i">Qu’il te redoute plus qu’il ne fit les</hi> Cesars.</l>
              <l><hi rend="i">Tu sçais te soûtenir dans les plus grands</hi> hasars,</l>
              <l><hi rend="i">En sage General, en Soldat</hi> intrepide.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l> <hi rend="i">On peut sans craindre rien te donner tous</hi> emplois,</l>
              <l><hi rend="i">Te laisser commander sans te faire des</hi> loix,</l>
              <l><hi rend="i">Dans peu tu nous mettras à couvert des</hi> tempestes,</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l> <hi rend="i">Et malgré les efforts de cent jaloux</hi> divers,</l>
              <l><hi rend="i">LOUIS toujours Vainqueur gardera ses</hi> conquestes,</l>
              <l><hi rend="i">Par ta teste &amp; ton cœur maistrisant l’</hi> Univers.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-11_073" resp="wordpro">
          <head>[Madrigal]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, novembre 1695 [tome 12], p. 73-74.</bibl>
          <p>Vous avez sceu, Madame, que Messire Louis-Antoine de Noailles, Evêque &amp; Comte de Châlons, Pair de France, ayant esté nommé par le Roy Archevêque de Paris, ce choix a esté si agreable à Sa Sainteté, qu’Elle luy a accordé ses Bulles <hi rend="i">gratis</hi>. C’est sur ce Gratis que M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé de Saint-Hussant a fait le Madrigal que vous allez lire.</p>
          <quote>
            <lg>
              <l rend="i">Le Pape en bon Pasteur discernant ses Oüailles,</l>
              <l rend="i">Et plaçant avec choix ses bienfaits differens,</l>
              <l rend="i">Vient d’accorder gratis les Bulles à Noailles,</l>
              <l rend="i">Qui couteroient, dit-on, soixante mille francs,</l>
              <l rend="i">Quelque Iudas dira : Ce Pape eust pu mieux faire.</l>
              <l rend="i">Mais non ; luy qui cherit les Pauvres comme un Pere,</l>
              <l rend="i">Sçait qu’ils ne perdront rien à ce sage Gratis.</l>
              <l rend="i">Pour eux toujours la somme est également bonne.</l>
              <l rend="i">Qu’importe que ce soit le Pape qui la donne,</l>
              <l rend="i"> Ou l’Archevêque de Paris ?</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-11_074" resp="wordpro">
          <head>[Inscription]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, novembre 1695 [tome 12], p. 74-75.</bibl>
          <p>Ces autres Vers sont de M<hi rend="sup">r</hi> de Bosquillon, l’un des Academiciens de l’Academie Royale de Soissons, en faveur de cet illustre Prelat.</p>
          <quote>
            <label>INSCRIPTION.<lb />Pour le Portrait de M<hi rend="sup">r</hi> de<lb />Noailles, Archevêque<lb />de Paris.</label>
            <lg>
              <l rend="i">Avec de tendres soins sauver les malheureux</l>
              <l rend="i">Des traits empoisonnez de l’affreuse indigence ;</l>
              <l rend="i">Estre l’œil de l’Aveugle, &amp; le pied du Boiteux,</l>
              <l rend="i">D’un poste merité redouter l’éminence.</l>
              <l rend="i">Par ces rares vertus le Prelat que tu vois,</l>
              <l rend="i">Compte dans son Troupeau le plus Chrestien des Rois.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-11_076" resp="wordpro">
          <head>[Vers faits à l’occasion de la Dispute des Anciens &amp; des Modernes]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, novembre 1695 [tome 12], p. 76-86.</bibl>
          <p>Une conversation formée sur la grande dispute des Anciens &amp; des Modernes qui partage les Sçavans depuis quelques années, a fait naitre les Vers qui suivent. Mademoiselle l’Heritier que je vous ay mandé avoir remporté le prix la derniere fois par le jugement des Lanternistes de Toulouse, soutint dans une Compagnie distinguée, qu’ainsi que le Roy a surpassé Cezar &amp; Alexandre, de mesme Corneille avoit esté au dessus de Sophocle, &amp; d’Euripide, Moliere au dessus d’Aristophane &amp; de Terence, les le Brun &amp; les Mignards au dessus d’Appelles, &amp; les Girardons &amp; les le Hongre au dessus de Praxitelle &amp; de Phidias. Cette Demoiselle prouva ses sentimens par de vives raisons, &amp; en poursuivant la conversation elle avança que l’action de Mademoiselle de la Charsse est beaucoup plus belle que celle de Clelie. Plusieurs personnes de la Compagnie se rendirent aux raisons de Mademoiselle l’Heritier, &amp; le lendemain de cette conversation, ayant l’idée remplie de cette dispute, elle envoya ces Vers à Mademoiselle d’Alerac, Sœur cadette de Mademoiselle de la Charsse. Madame la Marquise de la Charsse &amp; Mesdemoiselles ses filles, qui sont toutes trois des personnes des plus éclairées, applaudirent cette Piece avec éclat, &amp; la montrerent à une Princesse d’un goust délicat, qui l’honora d’un éloge fort glorieux. Vous en allez juger par vous-mesme.</p>
          <quote>
            <label>A MADEMOISELLE<lb />D’ALERAC.</label>
            <lg>
              <l rend="i">Aimable d’Alerac, la docte Antiquité</l>
              <l rend="i">N’a pas toujours suivi l’exacte verité.</l>
              <l rend="i"> Cent &amp; cent fois Rome &amp; la Grece,</l>
              <l rend="i"> Avecque toute leur sagesse,</l>
              <l rend="i"> Ont fait en stile triomphant,</l>
              <l rend="i"> D’un moucheron un Elephant.</l>
              <l rend="i"> Les noms de Heros, d’Heroïnes,</l>
              <l rend="i"> De Grands, de Divins, de Divines,</l>
              <l rend="i">Dans ces temps reculez se donnoient aisément.</l>
              <l rend="i">S’il falloit le prouver par cent divers exemples,</l>
              <l rend="i"> I’en ferois des listes bien amples,</l>
              <l rend="i"> Mais n’en citons qu’un seulement.</l>
              <l rend="i">Clelie a sceu se faire une immortelle gloire,</l>
              <l rend="i">Se retirant d’un Camp qui luy sembloit fatal,</l>
              <l rend="i"> Et passant le Tibre à cheval.</l>
              <l rend="i">Cet exploit n’estoit point si digne de memoire,</l>
              <l rend="i">Et dans ce siecle heureux nous voyons parmy nous</l>
              <l rend="i"> Des Heroïnes, dont les coups,</l>
              <l rend="i">Avec plus de justice orneront nostre Histoire.</l>
              <l rend="i">Vne sage Amazone entreprit des desseins,</l>
              <l rend="i"> Qui sur le bord de la Durance,</l>
              <l rend="i">Ayant fait éclater son grand cœur, sa prudence,</l>
              <l rend="i">Du Piemontois trop remply d’arrogance,</l>
              <l rend="i">Rendirent les projets inutiles &amp; vains.</l>
              <l rend="i">Ces faits que l’avenir à peine pourra croire,</l>
              <l rend="i">Marqueront des François les glorieux destins.</l>
              <l rend="i">Louis dans leur party met si bien la victoire,</l>
              <l rend="i">Que les Lauriers de Mars chargent de belles mains.</l>
              <l rend="i">On sçait donc, n’en déplaise à l’antique Italie,</l>
              <l rend="i">Que la Charsse en nos jours a surpassé Clelie,</l>
              <l rend="i">De mesme que son Roy, le plus grand des Humains,</l>
              <l rend="i">Surpasse les Heros des Grecs &amp; des Romains.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l> <hi rend="i">Et vous, Muse toute charmante,</hi></l>
              <l rend="i"> Qui nous chantez avec tant de douceurs,</l>
              <l rend="i"> Les feux &amp; les tendres langueurs</l>
              <l rend="i">Du Dieu dont j’ay toujours bravé la main puissante,</l>
              <l rend="i"> Voyant les graces de vos Vers,</l>
              <l rend="i"> Quels noms &amp; quels titres divers</l>
              <l rend="i"> Vous auroit pu donner la Grece ?</l>
              <l rend="i">En est il d’assez beaux pour vostre politesse ?</l>
              <l rend="i">Erinne n’a jamais pensé si finement,</l>
              <l rend="i">Et jamais n’a tourné si délicatement</l>
              <l rend="i">Ses Ecrits, dont Lesbos vanta tant la justesse.</l>
              <l rend="i"> Faisons donc redire à l’Echo,</l>
              <l rend="i"> D’Alerac passe autant Erinne</l>
              <l rend="i"> Que Scudery passe Sapho,</l>
              <l rend="i">Et Deshoullieres, Corinne.</l>
            </lg>
          </quote>
          <p>Ces autres Vers furent ajoûtez impromptu par Mademoiselle l’Heritier, en presence de Mademoiselle de la Charsse.</p>
          <quote>
            <lg>
              <l rend="i">La Charsse, d’Alerac, charmant couple de Sœurs,</l>
              <l rend="i"> Dont le merite &amp; le courage</l>
              <l rend="i"> Sont les ornemens de nostre âge,</l>
              <l rend="i"> Que mon Sexe vous doit d’honneurs !</l>
              <l rend="i"> Vous prouvez à son avantage,</l>
              <l rend="i">Qu’ainsi que le sçavoir, l’esprit &amp; la beauté,</l>
              <l rend="i"> L’heroïque intrepidité</l>
              <l rend="i"> Entre souvent dans son partage,</l>
              <l rend="i">Et luy fait une route à l’Immortalité.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Je ne dis rien de vostre Mere,</l>
              <l rend="i"> De son esprit, de sa vertu ;</l>
              <l rend="i"> Vn merite si peu vulgaire</l>
              <l rend="i"> N’est pas un sujet d’impromptu.</l>
            </lg>
          </quote>
          <p>Vous devez vous souvenir que dans une de mes Lettres, je vous ay fait le détail de l’action heroïque de Mademoiselle de la Charsse, qui dans le Dauphiné, s’opposa avec une intrepidité surprenante, au passage d’une Troupe de Piémontois, dont elle renversa les desseins par son courage.</p>
          <p>Voicy une réponse aux Vers de Mademoiselle l’Heritier, par Mademoiselle d’Alerac.</p>
          <quote>
            <label>A MADEMOISELLE<lb />L’HERITIER.<lb /><hi rend="i">MADRIGAL.</hi></label>
            <lg>
              <l rend="i">Digne heritiere des neuf Sœurs,</l>
              <l rend="i"> Tu fais valoir mon nom par tes Vers enchanteurs.</l>
              <l rend="i">Quand je ne te devois nulle reconnoissance,</l>
              <l rend="i">Ma Muse vouloit te chanter,</l>
              <l rend="i">Mais je ne trouvois rien qui pust me contenter,</l>
              <l rend="i">Et te bien exprimer tout ce que mon cœur pense.</l>
              <l rend="i">Je veux finir ce timide silence ;</l>
              <l rend="i">Car enfin, qui peut se vanter</l>
              <l rend="i">De dire en ta faveur tout ce que l’on doit dire ?</l>
              <l rend="i"> Nul ne peut parler dignement</l>
              <l rend="i"> De ton esprit plein d’agrément ;</l>
              <l rend="i">L’on te voit triompher dés qu’on te voit écrire,</l>
              <l rend="i"> Et triompher modestement.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-11_086" resp="wordpro">
          <head>[Sur un nouvel ouvrage de Mademoiselle l’Heritier]*</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, novembre 1695 [tome 12], p. 86-87.</bibl>
          <p>Je vous ay déja parlé dans une autre lettre du merite de Mademoiselle l’Heritier, &amp; si l’on pouvoit douter dans vostre Province, de ce que j’ay dit à son avantage, vous n’auriez qu’à y faire voir le Recueïl de ses Ouvrages qu’elle vient de donner au Public, sous le titre de <hi rend="i">Oeuvres meslées</hi>, pour faire connoistre qu’elle excelle veritablement parmy celles de vostre Sexe qu’un rare genie distingue. Ce Recueïl que debite le sieur Jean Guignard, Libraire au Palais, contient diverses Nouvelles, écrites d’un stile aisé, &amp; dont la lecture est tres-agréable. Elles sont suivies de plusieurs pieces en Vers &amp; en Prose, &amp; l’on trouve à la fin le Triomphe de Madame des Houlieres. Y a-t-il quelqu’un qui puisse ne prendre pas interest à la gloire d’une personne si illustre, &amp; dont le nom ne mourra jamais.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-11_178" resp="wordpro">
          <head>[L’Amy parfait]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, novembre 1695 [tome 12], p. 178-181.</bibl>
          <p>Voicy des Vers d’un Cavalier plein de merite, qui se sentant un panchant tres-fort pour la Maistresse de son Amy, se fait violence pour le surmonter, afin de rendre ce qu’il croit devoir à l’amitié.</p>
          <quote>
            <label>L’AMI PARFAIT.</label>
            <lg>
              <l rend="i"> Petits Oiseaux, qui dans nos Bois,</l>
              <l rend="i">Animez par les feux d’une ardeur mutuelle,</l>
              <l rend="i"> Aprés avoir fait vostre choix,</l>
              <l><hi rend="i">En donnez chaque jour une preuve nouvelle,</hi></l>
              <l rend="i"> Helas ! que vostre sort est doux,</l>
              <l rend="i">Et qu’il sera pour moy toujours digne d’envie ?</l>
              <l> <hi rend="i">Si cent fois vous sentez en vous</hi></l>
              <l rend="i">Vn transport qui vous donne une nouvelle vie,</l>
              <l rend="i">Rien ne peut vous contraindre à le dissimuler ;</l>
              <l rend="i"> Cent fois vostre ame en est ravie,</l>
              <l rend="i"> Et cent fois vous pouvez parler.</l>
              <l rend="i">Dans vos tendres amours rien ne peut vous déplaire,</l>
              <l rend="i"> Contens chacun de vostre foy,</l>
              <l rend="i"> Vous ne souffrez point d’autre loy :</l>
              <l rend="i">Autre chose à vos yeux n’est que pure chimere.</l>
              <l rend="i"> La politique d’ici-bas,</l>
              <l rend="i">L’importune raison, la fausse complaisance,</l>
              <l rend="i">D’un rival assidu la trop grande constance,</l>
              <l rend="i">La crainte &amp; le remords n’arrestent point vos pas,</l>
              <l rend="i">Contre vous ces tirans n’ont aucune puissance.</l>
              <l rend="i"> Heureux de n’en ressentir pas</l>
              <l rend="i"> La trop frequente violence,</l>
              <l rend="i">Par vos tendres chansons vous pouvez exprimer</l>
              <l rend="i">Qu’au milieu de vos cœurs l’amour a pris naissance,</l>
              <l rend="i"> Et qu’il vous est permis d’aimer.</l>
              <l rend="i">Mais si dans vos amours rien ne peut vous contraindre,</l>
              <l rend="i"> Ah, pour moy que je suis à plaindre,</l>
              <l rend="i"> Et que mon sort est malheureux !</l>
              <l rend="i">Esclave infortuné de la parfaite estime</l>
              <l rend="i">Qu’a de moy meritée un Ami genereux,</l>
              <l rend="i"> Ie n’ose sans commettre un crime,</l>
              <l rend="i">Malgré tout mon panchant, devenir amoureux.</l>
              <l rend="i">Ou s’il arrive enfin dans l’amoureux Empire,</l>
              <l rend="i"> Que mon cœur en secret soupire,</l>
              <l rend="i"> Vne trop severe amitié,</l>
              <l rend="i"> Pour moy sans aucune pitié,</l>
              <l rend="i">Dans ce funeste état me défend de le dire.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-11_203" resp="wordpro">
          <head>[Avanture]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, novembre 1695 [tome 12], p. 203-211.</bibl>
          <p>Durant le sejour que la Cour a fait à Fontainebleau, deux intimes Amis, l’un Abbé, &amp; l’autre Officier dans les Armées de Sa Majesté, firent parti d’aller ensemble visiter l’Hermite de Franchard, à une lieuë du Chasteau, le Cavalier dans l’esprit de curiosité, &amp; l’Abbé pour divertir son Ami d’une forte passion qu’il avoit pour une belle personne dont il avoit l’esprit occupé à tous momens. Ces deux Amis partirent pour cet effet un jour que le Roy alla de bonne heure à la Chasse, &amp; s’entretinrent si agréablement des belles qualitez du Prince, qu’ils arriverent insensiblement à la porte de l’Hermitage, sans que l’Abbé eust encore pensé à reprendre son Amy de ses amours, ny que le Cavalier eût reflechi un moment sur l’objet de ses plus cheres pensées. Ils entrerent ainsi dans la cellule, déja satisfaits de leur voyage ; mais aprés avoir salué celuy qui l’habitoit, homme sans Lettres, &amp; sans éducation, doué d’ailleurs d’une grande probité &amp; d’une singuliere devotion, ils furent ravis tous deux de trouver avec luy un Gentilhomme étranger, converti depuis douze ans à la Foy Catholique, qui sans affecter de parler selon les maximes Chrétiennes qu’il avoit veritablement meditées, fit voir à l’un &amp; à l’autre pendant plus d’une heure de conversation qu’ils eurent ensemble, les excellentes qualitez de son esprit, par le raisonnement Apostolique dont il se servit dans le discours. J’espere vous donner une idée plus juste de ce digne personnage dans la Relation que je vous feray du Dialogue qui se fit ce jour là dans la cellule touchant la veritable retraite. Je me contenteray aujourd’huy de vous dire que le Cavalier parla de cette matiere aussi pertinemment qu’on puisse se l’imaginer ; ce qui surprit fort son Amy, qui ne s’attendoit à rien moins qu’à trouver en luy tant d’habileté.</p>
          <p>La conversation finie, les deux Amis prirent congé de l’Hermite &amp; du Gentilhomme pour s’en retourner à la Cour ; mais avant que de sortir de ce sejour angelique, ils s’apperceurent de quelques caracteres peints sur les Rochers d’alentour avec des representations de nostre derniere fin. Ils s’y arresterent, &amp; virent une infinité de Sentences tirées des Saintes Ecritures, que le Gentilhomme dont je viens de vous parler, avoit appropriées avec esprit aux representations de ce lieu. L’Abbé se servit de cette heureuse occasion pour parler à son Amy cœur à cœur, &amp; luy faire voir la vanité de ses inclinations, &amp; la vûë des Rochers animez des veritez de l’Evangile qui luy reprochoient sa conduite. Le Cavalier avoit déja perdu l’enjoûment ordinaire de ses belles manieres dans ces lieux, lors que l’Abbé s’aperceut qu’il se faisoit un changement sur son visage à mesure qu’il s’arrestoit à chaque passage de l’Ecriture. Il l’en avertit, mais soit que le Cavalier fust surpris de voir que son Amy s’apercevoit de ce qui se passoit dans son ame, ou qu’il voulust bien luy en faire confidence comme de toutes ses autres affaires ; Je ne sçay, dit-il, si c’est la beauté de ce Desert qui charme mon esprit, ou si je me suis tantost épuisé sur une matiere dont je n’avois jamais tant parlé, mais je me trouve dans une espece d’assoupissement qui ne m’est pas ordinaire. Quoy qu’il en soit, je vous diray, mon cher Abbé, que ces beaux lieux, cette sainte conversation, &amp; ces grandes veritez écrites de toutes parts sur ces rochers, font une telle impression sur mon cœur, que je ne pense plus à rien moins qu’à la personne à qui je me suis si fortement attaché. L’Abbé qui vit bien que son Ami changeoit de sentimens, &amp; qu’il estoit sur le point de faire des vœux &amp; des protestations de quitter le monde, pour demeurer toujours dans une si belle retraite, tâcha de le divertir d’une devotion qui faisoit un peu trop de progrés en un seul jour. Il le mena pour ce, la sur une hauteur dans une maniere de Pavillon, que le Roy fit faire il y a quelques années, pour repaistre sa Cour de la manne du desert. On découvre de cet endroit la plus belle plaine &amp; le plus beau paysage qu’on puisse voir au milieu des rochers &amp; des forests. C’est là que l’Abbé voyant son Ami qui contemploit ces lieux avec admiration, fit ces Vers qu’il anima en mesme temps par des accens de Musique qu’il crayonna sur la muraille du Pavillon. Ils en chanterent ensemble les notes, que je vous envoye gravées.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-11_282" resp="wordpro">
          <head>[Epistre en Vers]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, novembre 1695 [tome 12], p. 282-288.</bibl>
          <p>Les Vers qui suivent viennent de bon lieu, &amp; vous les lirez avec plaisir.</p>
          <quote>
            <label>EPISTRE A TIRSIS,<lb />estant encore à sa maison de campagne, aprés la Toussaint.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Quoy, toujours Campegnard ? toujours dans un Village !</hi></l>
              <l rend="i">A paslir sur un livre occupé de vos loix !</l>
              <l rend="i">Vostre Nogent, Tirsis, vous plaist donc davantage</l>
              <l rend="i"> Que le plus beau sejour des Rois ?</l>
              <l rend="i"> Voulez-vous devenir sauvage ?</l>
              <l rend="i">Voulez vous imiter ce Conseil d’autrefois,</l>
              <l rend="i"> Vous-mesme attelez le harnois,</l>
              <l rend="i">Et mettre comme luy la main à l’heritage ?</l>
              <l> <hi rend="i">On n’entend plus dans nôtre bois</hi></l>
              <l rend="i"> Des petits oiseaux le ramage,</l>
              <l rend="i">Les Bergers ne vont plus danser sur le rivage,</l>
              <l rend="i">Vous ne les trouvez plus de flutes &amp; de hautbois,</l>
              <l rend="i"> Assaisonnant leur badinage.</l>
              <l rend="i">L’Echo qui se plaisoit à redoubler leur voix,</l>
              <l rend="i"> A presque perdu son langage,</l>
              <l rend="i"> Et les arbres depuis un mois,</l>
              <l rend="i">Ne portent plus de fruit &amp; quittent leur feüillage.</l>
              <l rend="i"> Vous n’avez plus de petits pois,</l>
              <l rend="i"> Et vous n’usez plus de laitage.</l>
              <l rend="i">Qui peut donc retarder, Tirsis, vostre voyage ?</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Ce n’est plus la saison des fleurs,</l>
              <l rend="i">Leur odeur agreable &amp; leurs vives couleurs</l>
              <l><hi rend="i">Ne charment plus les sens prés de vostre hermitage.</hi></l>
              <l rend="i">Le Soleil n’y paroist qu’au travers d’un nuage,</l>
              <l rend="i"> Et pour augmenter vos douleurs</l>
              <l rend="i">D’un broüillard fort épais vous humez le breuvage.</l>
              <l rend="i">Déja Dame Chicane &amp; ses avant-coureurs,</l>
              <l rend="i"> Les Avocats, les Procureurs,</l>
              <l rend="i"> Chacun revient de son Bailliage,</l>
              <l rend="i"> Et fait revenir les Plaideurs.</l>
              <l rend="i">Déja cette vertu qui reforme les mœurs,</l>
              <l rend="i"> A qui Harlay fait rendre hommage,</l>
              <l rend="i">Qui deffend l’Orphelin, l’assiste, &amp; le soulage,</l>
              <l rend="i"> Themis mande ses Orateurs,</l>
              <l rend="i">Pour declamer icy contre mille voleurs</l>
              <l rend="i"> Qui sont menacez de l’orage.</l>
              <l rend="i">Déja les Magistrats que l’honneur encourage,</l>
              <l rend="i">Presidens, Conseillers, Maistres &amp; Correcteurs,</l>
              <l rend="i"> Font revenir leur équipage.</l>
              <l rend="i"> Déja les Regens, les Docteurs,</l>
              <l rend="i">Ont fait de leurs Placards l’ordinaire étalage.</l>
              <l rend="i"> Pour attirer les Auditeurs,</l>
              <l rend="i">Et le hardy Damon, si connu des Autours,</l>
              <l rend="i">Qui d’écrire eut toujours une immortelle rage,</l>
              <l rend="i"> Poussé par le vent des flatteurs.</l>
              <l rend="i"> Vient d’enfanter un gros ouvrage,</l>
              <l rend="i">Qui n’aura gueres d’acheteurs,</l>
              <l rend="i"> Car voicy comment les lecteurs</l>
              <l> <hi rend="i">En ont déja fait le partage.</hi></l>
              <l rend="i">Vn tome servira d’allumette aux Traiteurs</l>
              <l rend="i">Où Damon va souvent se rougir le visage.</l>
              <l><hi rend="i">Le second peut servir d’enveloppe au fromage,</hi></l>
              <l rend="i">L’autre est bon à brusser pour chasser les vapeurs,</l>
              <l rend="i">Du dernier devinez l’usage.</l>
              <l rend="i"> Enfin, tous vos amis, Tirsis, sont de retour ;</l>
              <l rend="i"> Ils font revenir leur ménage.</l>
              <l rend="i"> Ce n’est donc point le voisinage,</l>
              <l rend="i"> Ny la saison qui vous engage</l>
              <l rend="i">A tenir si longtemps à Nogent vôtre Cour.</l>
              <l> <hi rend="i">Quoy ! seroit-ce un dépit d’amour ?</hi></l>
              <l rend="i"> Non, Tirsis, vous estes trop sage</l>
              <l rend="i">Pour donner seulement à cet Aveugle un jour.</l>
              <l rend="i"> Pliez donc au plustost bagage,</l>
              <l rend="i"> Sinon, je vous feray le tour,</l>
              <l rend="i">D’empescher qu’on vous nomme à nostre Echevinage.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-11_288" resp="wordpro">
          <head>[Tombeau de Mr Felibien]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, novembre 1695 [tome 12], p. 288-291.</bibl>
          <p>M<hi rend="sup">r</hi> de Santeul, Chanoine Regulier de Saint Victor, si connu de tout le monde par la beauté de ses Vers latins, en a fait, qu’il intitule, <hi rend="i">Le Tombeau de l’Illustre M<hi rend="sup">r</hi> Felibien</hi>. Voicy l’Imitation qui en a esté faite en nostre langue.</p>
          <quote>
            <lg>
              <l rend="i">De doctes Artisans n’ont point fait le Tombeau</l>
              <l rend="i">Du fameux Felibien que regrette la France.</l>
              <l><hi rend="i">Les Arts mesmes, les Arts, d’un chef d’œuvre si beau.</hi></l>
              <l rend="i"> Ont formé la noble ordonnance,</l>
              <l rend="i">D’un cœur reconnoissant, dans ce hardy dessein,</l>
              <l rend="i">La Peinture empressée autant que redevable,</l>
              <l rend="i">Acheva son Portrait d’une sçavante main,</l>
              <l rend="i"> Mais sur la toile perissable.</l>
              <l rend="i">Il s’éleva contr’elle un bruit tumultueux.</l>
              <l rend="i">D’un mouvement jaloux la Troupe fut troublée,</l>
              <l rend="i">Et d’un effort commun, les Arts impetueux</l>
              <l rend="i"> Travaillérent au Mausolée.</l>
            </lg>
          </quote>
          <p>Le mesme M<hi rend="sup">r</hi> de Santeul a fait d’autres Vers pour mettre sous le Portrait de M<hi rend="sup">r</hi> Felibien, &amp; ils ont encore esté imitez de cette sorte, en nostre langue.</p>
          <quote>
            <lg>
              <l rend="i">On peut connoistre à l’air de son visage</l>
              <l rend="i">Quel il estoit, combien il estoit grand ;</l>
              <l rend="i">Mais ses Ecrits, par qui mieux on l’apprend,</l>
              <l rend="i">Sur ce Portrait ont beaucoup d’avantage.</l>
              <l rend="i">C’est ce Sçavant, dont les nobles travaux</l>
              <l rend="i">Ont de Louis éternisé la gloire,</l>
              <l rend="i">En consignant aux fidelles métaux</l>
              <l><hi rend="i">De ses hauts faits la surprenante histoire.</hi></l>
              <l rend="i">Joignant les mœurs au sçavoir, Felibien</l>
              <l rend="i">Charma la Cour, édifia la Ville,</l>
              <l rend="i">Par les talens qui forment l’homme habile,</l>
              <l rend="i">Par les vertus qui font l’homme Chrestien.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
      </div>
      <div type="tome" xml:id="MG-1695-12">
        <head><hi rend="i">Mercure Galant</hi>, décembre 1695 [tome 13]</head>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-12_055" resp="wordpro">
          <head>Eglogue</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, décembre 1695 [tome 13], p. 55-70.</bibl>
          <p>Il n’y a rien dont on ne puisse tirer une matiere de dispute. C’est ce que vous connoîtrez par l’Ouvrage que vous allez lire, dans lequel deux Bergers examinent si le jour doit remporter l’avantage sur la nuit.</p>
          <quote>
            <label><hi rend="i">EGLOGUE.</hi></label>
            <lg>
              <l rend="i">Vn jour je vis de loin Philidor &amp; Silene</l>
              <l rend="i">S’asseoir nonchalamment sur le bord de la Seine,</l>
              <l rend="i">Où pour prendre le frais renonçant au sommeil,</l>
              <l rend="i">Tous deux estoient venus au lever du Soleil.</l>
              <l rend="i">Curieux de sçavoir ce qui les y fait rendre,</l>
              <l rend="i">Me couvrant d’un buisson je tâche à les entendre,</l>
              <l rend="i">Au moment que leur Muse agitoit si la nuit</l>
              <l rend="i">A plus ou moins d’appas que le jour qui la suit.</l>
              <l rend="i">La voix de ces Bergers, dont retentit la rive,</l>
              <l rend="i">Rendoit chaque Nayade autour d’eux attentive ;</l>
              <l rend="i">Et dans ce lieu tranquille, ou regne un plein repos,</l>
              <l rend="i">Silene tout à coup commence par ces mots.</l>
            </lg>
            <lg>
              <label>SILENE.</label>
              <l rend="i">N’en doutons point, Berger, l’ame n’est point émuë</l>
              <l rend="i">De ce qui chaque jour se presente à la veuë.</l>
              <l rend="i">Combien de fois nos yeux ont-ils vû le Soleil,</l>
              <l><hi rend="i">Sans avoir admiré cet Astre sans pareil ?</hi></l>
              <l rend="i">Ah, que plein de rayons il entre en sa carriere !</l>
              <l rend="i">Ce Dieu devant ses pas fait marcher la lumiere.</l>
              <l rend="i">Vois comme par son ordre elle ramene aux fleurs</l>
              <l rend="i">Tout le long de ces bords mille &amp; mille couleurs.</l>
              <l rend="i">A ce feüillage épais elle rend la verdure ;</l>
              <l rend="i">Dans la plaine voisine, où ! a moisson est meure</l>
              <l rend="i">Elle vient de nouveau redorer les épis :</l>
              <l rend="i">Elle est fidelle à rendre &amp; le lustre &amp; le prix</l>
              <l rend="i">A l’or, aux Diamans, aux Perles, au Porphire,</l>
              <l rend="i">Et sur le sein de Flore éveillant le Zephire,</l>
              <l rend="i">Cet Amant va porter le frais dans l’Vnivers,</l>
              <l rend="i">Et de douces odeurs parfumer tous les airs.</l>
            </lg>
            <lg>
              <label>PHILIDOR.</label>
              <l rend="i">Le Monarque des jours, au moment qu’il s’éveille,</l>
              <l rend="i">Ressuscite, il est vray, bien plus d’une merveille,</l>
              <l rend="i">Mais enfin au sortir de l’humide élement,</l>
              <l rend="i">Pourquoy nous cache-t-il les feux du Firmament ?</l>
              <l rend="i">Il est si beau de voir dans la voûte azurée</l>
              <l rend="i">Mille Astres éclatans dont elle étoit parée.</l>
              <l rend="i">Par tout l’argent y brille enchassé dans l’azur,</l>
              <l rend="i">Le jour le Ciel n’est point ny si net, ny si pur,</l>
              <l><hi rend="i">Et puis, le blond Phœbus éclairant toutes choses,</hi></l>
              <l rend="i">Montre d’affreux serpens, comme il montre des roses.</l>
              <l rend="i">S’il fais de cent vertus éclater les appas,</l>
              <l rend="i">Il luit sur cent forfaits qu’il faudroit ne voir pas.</l>
              <l rend="i">Peut-estre les malheurs dignes que l’on ignore,</l>
              <l rend="i">Avant qu’estre éclairez, sont pleurez par l’Aurore.</l>
            </lg>
            <lg>
              <label>SILENE.</label>
              <l rend="i">Je le croy, mais aussi cette foible clarté</l>
              <l rend="i">Qu’ont les Astres, n’est rien qu’un éclat emprunté.</l>
              <l rend="i">On dit que le Soleil finissant sa carriere,</l>
              <l><hi rend="i">Daigne les enrichir de sa propre lumiere,</hi></l>
              <l rend="i">A leur retour on voit s’enfuir de toutes parts,</l>
              <l rend="i">Loin des lieux habitez, le Negoce &amp; les Arts.</l>
              <l rend="i">Ouy, si-tost que la nuit étend ses voiles sombres,</l>
              <l rend="i">Tout ce vaste hemisphere est caché sous les ombres.</l>
              <l rend="i">D’une main elle efface alors chaque couleur,</l>
              <l rend="i">Quand de l’autre elle imprime une horrible noirceur,</l>
              <l rend="i">Et répandant au loin cette morne peinture,</l>
              <l rend="i">Le Cocyte n’a point de rive plus obscure,</l>
              <l rend="i">Que le sont cent climats dépoüillez d’agrément,</l>
              <l rend="i">Et qui n’en montrent plus qu’aux Hiboux seulement.</l>
            </lg>
            <lg>
              <label>PHILIDOR.</label>
              <l rend="i">Se plaint-on que la nuit soit sombre &amp; tenebreuse,</l>
              <l rend="i">Lors qu’on veut qu’elle cache une intrigue amoureuse ?</l>
              <l rend="i">Vn jour le beau Tircis, le plus beau des Mortels,</l>
              <l><hi rend="i">L’encensoir à la main s’approchoit des Autels,</hi></l>
              <l rend="i">Qu’il avoit élevez exprés pour la Déesse,</l>
              <l rend="i">Et disoit ; chere Nuit, faites que ma Maistresse,</l>
              <l rend="i">Qui hesite à se rendre, à vostre ombre ait recours,</l>
              <l rend="i">Ie viens vous en prier de la part des Amours.</l>
              <l rend="i">En effet, une Belle, en craignant d’estre veuë,</l>
              <l rend="i">Le jour prés d’un Amant a trop de retenuë.</l>
              <l rend="i">Les plaisirs dans la nuit se dérobent bien mieux.</l>
              <l rend="i">C’est un larcin qui plaist au Souverain des Dieux.</l>
            </lg>
            <lg>
              <label>SILENE.</label>
              <l rend="i">Si quittant son Epoux l’Amante de Céphale</l>
              <l rend="i">Alloit montrer ailleurs une ardeur sans égale,</l>
              <l rend="i">La Déesse sçavoit que les plaisirs d’amour</l>
              <l rend="i">Valent mieux lors qu’on peut les dérober de jour.</l>
              <l rend="i">De jour voyant un teint, dont la blancheur vermeille</l>
              <l rend="i">A celle de la Rose &amp; du Lis est pareille,</l>
              <l rend="i">A suivre un doux transport on est plus excité ;</l>
              <l rend="i">La nuit pour bien aimer a trop d’obscurité.</l>
              <l rend="i">D’ailleurs le jour souvent joint la gloire aux delices.</l>
              <l rend="i">On l’attend pour voler aux nobles exercices.</l>
              <l rend="i">C’est alors qu’un Heros rend des Peuples soumis,</l>
              <l rend="i">S’il ne connoist la peur qu’au front des Ennemis.</l>
              <l rend="i">C’est alors qu’aux Tournois une illustre jeunesse,</l>
              <l rend="i">Signale dans les jeux sa force &amp; son adresse,</l>
              <l rend="i">En face du Soleil &amp; les Chiens &amp; les cors</l>
              <l rend="i">Font trembler le gibier retiré dans les Forts,</l>
              <l rend="i">D’où sortant, le Chasseur le poursuit dans la Plaine,</l>
              <l rend="i">Et fait qu’un trait lancé porte une mort certaine.</l>
              <l rend="i">Pour nous autres Bergers, exerçant nos esprits,</l>
              <l rend="i">Le jour aux meilleurs Vers nous assignons les prix ;</l>
              <l rend="i">C’est le jour que d’un pied croisé sur sa houlette,</l>
              <l rend="i">On médite, on essaye un air sur sa musette,</l>
              <l rend="i">Puis devant le Dieu Pan en jouant de son mieux,</l>
              <l rend="i">Quelquefois on s’attire un souris gratieux.</l>
            </lg>
            <lg>
              <label>PHILIDOR.</label>
              <l rend="i"> Que de doctes labeurs, que de rares merveilles,</l>
              <l rend="i">Doivent tout leur renom à de sçavantes veilles ?</l>
              <l rend="i">Apparemment les traits d’un habile Orateur</l>
              <l rend="i">Qui passant par l’oreille arrivent jusqu’au cœur</l>
              <l rend="i">Sont l’effet merveilleux d’une étude profonde,</l>
              <l rend="i">Qu’il fait durant la nuit, loin du bruit &amp; du monde.</l>
              <l rend="i">Pleins d’un noble desir, je crois que des Guerriers</l>
              <l rend="i">Apprennent le bel art de cueillir des lauriers,</l>
              <l rend="i">Lors qu’ils passent la nuit à feüilleter l’Histoire</l>
              <l rend="i">Pour apprendre quels faits meritent plus de gloire,</l>
              <l rend="i">Puis alors le sommeil sur leur paupiere assis,</l>
              <l rend="i">Peignant ces faits en songe, en retrace le prix.</l>
              <l rend="i">C’est la nuit qu’on s’instruit à bien dire, à bien faire,</l>
              <l rend="i">La Science &amp; la Gloire ont la Nuit pour leur mere.</l>
            </lg>
            <lg>
              <label>SILENE.</label>
              <l> <hi rend="i">Ainsi que dans un champ au son des chalumeaux</hi></l>
              <l rend="i">Dés que le jour paroist retournent les Troupeaux,</l>
              <l rend="i">Et non moins que l’Abeille au lever de l’Aurore</l>
              <l rend="i">Se répand par essain dans l’empire de Flore.</l>
              <l rend="i">Dans les Villes de mesme, on voit de toutes parts</l>
              <l rend="i">Avecque le matin revenir les beaux Arts.</l>
              <l rend="i">Sur les toiles alors les pinceaux se répandent,</l>
              <l rend="i">Mille traits aprés eux prennent place &amp; s’étendent,</l>
              <l rend="i">Et le sçavant Sculpteur se plaist à retoucher</l>
              <l rend="i">L’ouvrage que la veille il n’a pû qu’ébaucher.</l>
            </lg>
            <lg>
              <label>PHILIDOR.</label>
              <l rend="i">Si l’on ne peut gagner une gloire certaine,</l>
              <l rend="i">Qu’aprés avoir senti le travail &amp; la peine,</l>
              <l rend="i">Et si Pallas l’ordonne à tous ses nourrissons,</l>
              <l rend="i">Tirons-en pour la Nuit avantage, &amp; disons,</l>
              <l rend="i">Ce qu’aux Cerfs alterez est une eau pure &amp; claire,</l>
              <l rend="i">Ce qu’aux Amans parfaits est un aveu sincere,</l>
              <l rend="i">Et ce qu’aux indigens est l’amas des tresors,</l>
              <l rend="i">Au sortir du travail, le sommeil l’est aux corps.</l>
            </lg>
            <lg>
              <label>SILENE.</label>
              <l rend="i"> Ne me le dites point, rien n’est plus effroyable,</l>
              <l rend="i">L’image de la mort peut-elle estre agreable ?</l>
              <l rend="i">Elle est peinte sur nous quand le plus froid des Dieux</l>
              <l rend="i">D’un humide pavot appesantit les yeux.</l>
              <l><hi rend="i">On se couche, on s’étend, on ferme la paupiere,</hi></l>
              <l rend="i">Nos sens sont interdits, nostre ame est prisonniere,</l>
              <l rend="i">Et le long de son lit étendu mollement</l>
              <l rend="i">Sur son chevet l’on tombe, on est sans mouvement.</l>
            </lg>
            <lg>
              <label>PHILIDOR.</label>
              <l rend="i"> Lorsqu’un cruel soucy nous trouble &amp; nous agite,</l>
              <l rend="i">Et qu’au milieu des maux que dans nous il excite,</l>
              <l rend="i">Nostre ame pour sortir fait en vain mille efforts,</l>
              <l rend="i">Que sans pouvoir mourir on meurt de mille morts,</l>
              <l rend="i">Le corps s’appesantit, sous les maux, il s’affaisse,</l>
              <l><hi rend="i">Ensuite avec le temps la paupiere s’abbaisse,</hi></l>
              <l rend="i">Mais qui nous rend plus forts au moment du réveil ?</l>
              <l rend="i">Qui nous empesche enfin de mourir ? Le Sommeil.</l>
            </lg>
            <lg>
              <label>SILENE.</label>
              <l rend="i"> Je ne puis me lasser de le redire encore,</l>
              <l rend="i">Rien n’est égal au jour qu’une Iris que j’adore,</l>
              <l><hi rend="i">On l’estime, on l’admire, on l’aime en la voyant,</hi></l>
              <l rend="i">Tout charme à son abord, tout plaist, tout est riant,</l>
              <l rend="i">Cent fois dans mes discours m’efforçant de luy plaire,</l>
              <l rend="i">A l’objet le plus beau j’égalois la Bergere.</l>
              <l rend="i">Ainsi je la nommois belle comme le jour,</l>
              <l rend="i">Vn Dieu ne peut mentir, &amp; j’en croyois l’Amour.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-12_070" resp="wordpro">
          <head>[Avanture]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, décembre 1695 [tome 13], p. 70-73.</bibl>
          <p>Le Mecredy, dernier jour du mois passé, il arriva icy une chose qui fait voir que dans les occasions pressantes, les Dames ne manquent ny de courage, ny de presence d’esprit. Madame de Turquantin, Femme du Sous-Doyen du Presidial de Tours &amp; alliée à tout ce qu’il y a de plus considerable dans la Robe, estoit depuis deux mois à Paris, où elle vient de temps en temps solliciter des procés pour son Mary, qui est devenu aveugle. Elle estoit logée chez M<hi rend="sup">r</hi> de Reperfon, son Procureur, ruë de la Harpe, &amp; un Voleur estant entré dans sa chambre sur les deux heures aprés minuit, elle s’éveilla par le bruit qu’il fit en ouvrant sa Garderobe. Il tenoit quelques-uns de ses habits qu’il prétendoit emporter ; &amp; la Dame ne sçachant pas bien ce qu’elle entendoit, ne laissa pas de se jetter hors du lit, &amp; de se saisir d’une épée qu’elle a coutume d’avoir auprés d’elle lors qu’elle voyage. Dans le temps qu’elle appelloit du secours, le Voleur courut à elle pour l’empêcher de sortir, ce qui l’obligea de se défendre, &amp; de luy donner quelques coups d’épée dans le corps. Le Voleur n’eut point alors un autre party à prendre que de se jetter par la fenestre de la chambre, qui estoit un premier étage. Quand on eut apporté de la lumiere, on trouva beaucoup de sang dans la chambre, sur la fenestre &amp; dans la ruë. Je rapporte simplement le fait, &amp; laisse juger de l’action, qui marque le cœur d’une Amazone.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-12_073" resp="wordpro">
          <head>[Lettre sur le Livre de la vie d’Adam]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, décembre 1695 [tome 13], p. 73-86.</bibl>
          <p>Je vous ay parlé d’un Livre nouveau, intitulé, <hi rend="i">La Vie d’Adam</hi>. Vous ne serez pas sans doute fâchée de voir une Lettre à laquelle cet Ouvrage a donné lieu.</p>
          <quote>
            <label>A M<hi rend="sup">r</hi> L’ABBÉ B…</label>
            <p><hi rend="i">Je me souviens, Monsieur, que vous m’avez proposé quelques doutes sur le Livre qui a pour titre</hi>, La Vie d’Adam. <hi rend="i">Je ne sçay s’ils estoient bien serieux, &amp; si vous avez cru tout de bon que cet Ouvrage meritast vos reflexions ; mais si vous voulez que je vous en dise ma pensée, il me suffit de sçavoir, que c’est une Traduction de l’</hi>Adamo de Loredan, <hi rend="i">pour n’en avoir qu’une mediocre idée, &amp; pour le mettre au nombre des Pieces plus capables de donner du plaisir que de l’instruction. Ce Noble Venitien s’est joüé visiblement de son sujet, &amp; sans respecter la source sacrée d’où il l’avoit tiré, il n’a songé qu’à le farder des plus vives couleurs de son éloquence, &amp; à l’embellir des faits les plus agreables que son imagination luy a pû fournir.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Il a imité dans cette occasion ce que le fameux Lope de Vega a fait dans une autre. Cet Auteur Espagnol voyant que l’Evangile avoit renfermé en tres-peu de mots tout ce que les Pasteurs avoient fait, ou pû dire à la Créche de Bethléem, &amp; au sujet de la Naissance du Sauveur, se resolut d’en faire un détail, &amp; s’imaginant pour cet effet un certain nombre de Bergers &amp; de Bergeres, avec tout ce que la devotion la plus ingenieuse leur pouvoit suggerer dans ce moment, il en composa, dans un volume assez gros, la plus excellente Pastorale qu’on verra jamais.</hi></p>
            <p><hi rend="i">C’est ainsi que j’ay vû il y a quelques années un Manuscrit</hi> in folio, <hi rend="i">composé par un pauvre Garçon, sur l’Entretien de Nostre Seigneur avec les deux Disciples qui alloient en Emmaüs. Ce jeune Domestique, qui n’avoit point d’autre étude que quelque lecture qu’il avoit faite de l’Ecriture Sainte en Langue vulgaire avec beaucoup de ferveur &amp; de pieté, ayant remarqué que Saint Luc s’estoit contenté de dire en general que Jesus-Christ avoit interpreté tout ce qu’il y avoit de figures &amp; de prédictions de sa Personne dans les Livres de Moyse, aussi bien que dans les Pseaumes, &amp; dans les Prophetes, prit le dessein de former un Dialogue plus étendu, &amp; de faire expliquer par Nostre Seigneur à ces deux Disciples, chaque endroit de l’Ancien Testament qui le regardoit Ainsi par la seule vraysemblance il trouva le moyen d’amplifier d’une maniere fort agreable un seul point d’Histoire de l’Evangile de Saint Luc, jusqu’à en faire un Ouvrage aussi diffus que je l’ay marqué.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Mais pour ne s’en pas tenir aux exemples que nous fournissent ces sortes de Pieces, les Langues Italiennes, Espagnoles &amp; Françoise, Valerio, Evêque de Verone &amp; Cardinal, dans son Ouvrage intitulé</hi> de Rhetorica Christiana, <hi rend="i">nous apprend qu’une des causes des fausses Legendes des Martyrs, a esté la coutume qui s’observoit autrefois en plusieurs Monasteres, d’exercer les jeunes Religieux par des amplifications Latines qu’on leur proposoit sur le Martire de quelque Saint, ce qui leur donnant la liberté de faire agir &amp; parler les Tyrans, &amp; les Saints persecutez, en la maniere qui leur paroissoit la plus vray-semblable, leur donnoit lieu en mesme temps de composer sur ces sortes de sujets, des especes d’histoires bien plus remplies d’ornemens &amp; d’inventions que de verité ; mais quoy qu’elles ne meritassent pas d’estre fort considerées, celles qui paroissoient les plus ingenieuses &amp; les mieux faites, ne laissoient pas d’estre mises à part ; en sorte qu’aprés un long temps se trouvant avec les Manuscrits des Bibliotheques des Monasteres, il estoit fort difficile de discerner ces jeux d’esprit d’avec les autres legitimes, &amp; les histoires veritables des Saints qui s’y conservoient. Il faut avoüer cependant que ces pieux Ecrivains estoient excusables, en ce que n’ayant eu d’autre dessein que de s’exercer sur de saintes matieres, ils n’avoient pû prévoir la méprise qui est arrivée dans la suite ; de maniere que si la posterité s’est trompée, ç’a esté plûtost l’effet de son peu de discernement, qu’une preuve de leur mauvaise intention.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Il seroit difficile d’avoir la même indulgence pour le celebre Simeon Metaphraste, Auteur Grec du neuviéme siecle, qui le premier nous a donné les Vies des Saints pour chaque jour des mois de l’année, puis qu’il est visible qu’il n’a pû par cette raison les composer que fort serieusement, quoy que cependant il les ait remplies &amp; amplifiées de plusieurs faits imaginaires, au témoignage même de Bellarmin, qui dit assez nettement, que Metaphraste a écrit quelques unes de ces Vies en la maniere qu’elles ont pû estre, &amp; non telles qu’elles ont esté effectivement. Mais comment cela ne seroit il pas arrivé à des Historiens Ecclesiastiques, par un pieux Zele d’honorer les Saints, &amp; de rendre leurs Vies agreables au Peuple, plus porté ordinairement à admirer ceux qu’il revere, qu’à les imiter, puis que cette liberté s’estoit même glissée autrefois jusque dans la Traduction de quelques Livres de la Bible, &amp; que nous apprenons de S. Jerôme, dans la Préface sur celuy d’Esther, que l’Edition vulgate de ce Livre de l’Ecriture, qui se lisoit de son temps, estoit pleine de plusieurs additions, que je ne sçaurois mieux exprimer que par les termes de ce même Pere</hi> quem librum, <hi rend="i">dit-il, parlant du Livre d’Esther</hi>, editio vulgata lacinosis hinc inde verborum finibus trahit, addens ea quæ ex tempore dici potuerant, &amp; audiri, sicut solitum est scholaribus disciplinis sumpto themate, excogitare quibus verbis uti potuit qui injuriam passus est, vel qui injuriam fecit.</p>
            <p><hi rend="i">Voila à peu prés, Monsieur, la conduite que Loredam a tenuë dans son</hi> Adam. <hi rend="i">Il a fait parler Dieu, Adam, Eve, &amp; tout ce qu’il y a d’autres sujets de cette Piece, en la maniere qu’il a cru qu’ils devoient ou pouvoient parler ; mais il y a meslé encore plusieurs faits, &amp; quelques circonstances qui n’ont aucun fondement dans l’Histoire, &amp; qui doivent uniquement leur origine à son Inventeur. Telles sont, par exemple, la naissance de Calameada avec Cain par le premier enfantement d’Eve ; celle de Debora avec Abel par le second, &amp; telles sont aussi les circonstances de la mort d’Adam aussi bien que les dernieres paroles qu’il fait dire à ce premier Pere des Hommes ; à Seth, son troisiéme Fils. Car quelle plus grande Fable que ces deux Tours qu’il dit qu’Adam ordonna à Seth de bastir, l’une qui pust résister au feu, &amp; l’autre à l’eau.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Il n’en faut pas davantage, Monsieur, pour plaindre le Public, de se voir ainsi abusé par de specieux phantômes &amp; de badines imaginations, sur un point aussi serieux de l’Histoire qu’est la Vie d’Adam. Mais si cette science peut estre soufferte, servons nous du moins du Correctif de Saint Augustin, en nous souvenant que cet illustre Docteur &amp; Défenseur de la verité, n’a jamais voulu même autoriser ce qui s’appelle officieux ou pieux, mensonges. Disons sagement avec luy ces belles paroles qu’il nous a laissées dans son Livre de la vraye Religion</hi>, Non sit nobis Religio in phantasmatibus nostris, melius est enim qualecunque verum, quam omne quod libet quod pro arbitrio fungi potest. <hi rend="i">Je suis, Monsieur, vostre, &amp;c.</hi></p>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-12_086" resp="wordpro">
          <head>Dialogue de l’Amour &amp; de l’Amitié</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, décembre 1695 [tome 13], p. 86-113.</bibl>
          <p>Le Dialogue qui suit est de M<hi rend="sup">r</hi> de la Tronche de Roüen.</p>
          <quote>
            <label><hi rend="i">DIALOGUE</hi><lb /><hi rend="i">De l’Amour &amp; de l’Amitié.</hi></label>
            <label>L’AMITIÉ.</label>
            <p>Mon Frere, je vous donne le bon jour. Je suis ravie de vous rencontrer. Vous m’évitez toujours avec tant de soin, que je n’ay jamais pû trouver l’occasion de vous dire tout ce que j’ay sur le cœur.</p>
            <label>L’AMOUR.</label>
            <p>Moy, ma Sœur, je vous évite ! C’est à quoy, je vous jure, que je n’ay jamais pensé.</p>
            <label>L’AMITIÉ.</label>
            <p>N’est-ce pas m’éviter que de fuir par tout ma compagnie, &amp; particulierement chez les personnes mariées ? Comment donc nommez-vous cela ?</p>
            <label>L’AMOUR.</label>
            <p>J’ay cru vous faire plaisir de vous y laisser seule, afin que personne n’y partageast vostre empire. Ne vous plaindrez vous point aussi de ce que je ne vous accompagne pas chez les Amis &amp; chez les Parens.</p>
            <label>L’AMITIÉ.</label>
            <p>Ce n’est pas de même. Vostre presence n’y est pas necessaire, mais j’ay besoin de vous dans le mariage. Sans vous mon regne n’y est pas de longue durée ; j’y deviens languissante, on m’y neglige. Il faut que vous m’aidiez à entretenir l’union des cœurs que vous avez joints, mais vous n’estes qu’un volage.</p>
            <label>L’AMOUR.</label>
            <p>Vous m’en devez sçavoir bon gré. Si je cours de conquestes en conquestes, n’est-ce pas pour les mettre sous vostre domaine ? J’unis les cœurs des Amans, ils s’unissent ensuite eux-mêmes par le mariage. Alors je vous les abandonne.</p>
            <label>L’AMITIÉ.</label>
            <p>C’est justement de quoy je me plains, mais si l’on vous en croit, je vous en seray beaucoup à retour. Je vous suis redevable de toutes vos conquestes, vous n’avez vaincu que pour me faire joüir de la victoire, &amp; vous ne travaillez qu’à m’acquerir de nouveaux Sujets. Cependant tous les jours vous débauchez les plus fidelles des miens, vous ne me les enlevez que pour en faire vos esclaves. Combien de force, combien d’Amis vivoient sous mes loix, que vous avez rendus rivaux &amp; jaloux, pour les livrer à la haine, qui a toujours esté ma plus mortelle ennemie.</p>
            <label>L’AMOUR.</label>
            <p>Ah, ma Sœur, je vous proteste que quand cela arrive, c’est contre mon intention. La haine est autant mon ennemie que la vostre, &amp; ce n’est pas moy qui fais que deux Amis commencent à se haïr.</p>
            <label>L’AMITIÉ.</label>
            <p>C’est que vous estes un broüillon, un petit étourdy qui ne cherchez qu’à satisfaire vostre caprice à quelque prix que ce soit, qui n’examinez jamais l’avenir, qui ne regardez point aux consequences, toujours dans l’action.</p>
            <label>L’AMOUR.</label>
            <p>Je ne me donne pourtant pas beaucoup de mouvement quand je veux gagner les cœurs. Je n’ay besoin souvent que d’une œillade, d’un sourire, d’un je ne sçay quoy. Pour vous, ma Sœur, qui estes une grande parleuse…</p>
            <label>L’AMITIÉ.</label>
            <p>Je vous prie, mon Frere, de ne point faire de comparaison de vos manieres avec les miennes. Vous estes un fourbe perpetuel, qui vous servez indifferemment de toutes sortes de moyens pour parvenir à vos fins, sans bonne foy, sans sincerité, sermens, parjures, tout vous est bon. Vicieux, vous vous couvrez du manteau de la vertu. Débauché, vous faites gloire de l’estre ; lâche, vous vous piquez de valeur ; roturier, vous ne parlez que de noblesse ; rempli de defauts, vous vantez vostre merite ; sans beauté, vous avez recours au fard. Quel visage ne prenez-vous pas ? Aujourd’huy vieux, &amp; demain jeune, une robe, une épée, rien ne vous fait peine. Taisez vous quelque chose avec reflexion ? Empresse &amp; violent donnez-vous seulement le temps aux cœurs que vous voulez unir de se reconnoistre ? Pour moy, j’étudie avec prudence les Sujets que je veux ranger sous mes loix. Je choisis à loisir ceux que je trouve dignes de moy ; je ne reçois que le vray merite. J’inspire dans tous les cœurs la vertu &amp; la generosité, &amp; j’ay vû des Amis s’exposer à la mort pour leurs Amis.</p>
            <label>L’AMOUR.</label>
            <p>Je ne vous conseille pas d’entrer dans ce détail. Vous n’y trouverez pas vostre compte. L’histoire est toute pleine d’Amans qui ont choisi &amp; le même moment pour mourir, &amp; le mesme tombeau pour estre mieux unis aprés leur mort. Ne vous en faites point tant à croire, les vrais amis sont plus rares que les veritables Amans. Vostre empire n’est rempli que d’infidelitez &amp; de trahisons, on n’y rencontre par tout que de faux amis.</p>
            <label>L’AMITIÉ.</label>
            <p>Je ne dis pas que vous n’y en trouviez quelques-uns. Les hommes sont si difficiles à connoistre, &amp; leurs manieres sont si trompeuses, que je ne pense pas estre infaillible dans le choix que j’en fais ; mais si avec toute l’étude &amp; l’application que j’y apporte, je me trompe quelquefois, que ne faites-vous pas, vous qui n’y prenez aucune précaution ?</p>
            <label>L’AMOUR.</label>
            <p>Si j’estois si difficile, mon empire seroit bientost desert. Vos Sujets ne se gouvernent pas comme les miens. Les unions que vous faites sont toutes spirituelles, les sens n’y ont que tres-peu de parti mais ceux que je fais obéir à mes loix, n’ayant pour objet que la satisfaction de leurs sens, dont le goust n’est rempli que de caprice &amp; d’inconstance, ne s’engageroient jamais à aimer, si je leur donnois le temps de se connoistre. Il faut que je leur fasse violence, que je les enleve avec force, que je les ébloüisse, que je les enchante.</p>
            <label>L’AMITIÉ.</label>
            <p>Mais aussi, mon Frere, quand une fois vous les avez conduits jusqu’au mariage, où ils ont le temps de s’examiner &amp; de se connoistre, combien de defauts remarquent-ils qu’ils n’avoient jamais vûs ? Que de visages couverts de lis &amp; de roses ne vont point jusqu’au lit nuptial, &amp; demeurent étalez sur la toilette ? Combien…</p>
            <label>L’AMOUR.</label>
            <p>Ah tout beau, ma Sœur, ne m’accablez point par vos reflexions ; voila mon unique chagrin. Si l’Himen estoit une fois banni du monde, je ne vivrois que dans la joye &amp; dans les plaisirs ; car ne croyez pas que ce soit moy qui engage les Amans à se marier ; mais quand une fois ils s’aiment fortement, je n’en suis plus le maistre. Ils vont plus viste que je ne veux, je ne sçaurois plus les arrester. Ils courent au mariage comme à leur souverain bonheur, &amp; c’est là où les infidelles me creusent un tombeau. Ah, ma Sœur, si vous estiez bien informée, vous ne me blâmeriez pas tant de vous laisser seule chez les personnes mariées. Si vous sçaviez de quelle maniere ils me traitent, vous me plaindriez. Les perfides qui avoient pour moi quelques jours auparavant mille complaisances, qui ne se lassoient point de me caresser, qui me baisoient cent fois le jour, ne me disent pas une seule parole de douceur. Ils me dédaignent, ils me rabaissent. Enfin fatiguez des reproches que je leur en fais, ils m’étoufferoient &amp; me feroient mourir tout à fait, si je ne prenois la fuite.</p>
            <label>L’AMITIÉ.</label>
            <p>Vous n’avez que ce que vous meritez ; c’est le fruit de l’ambition qui vous devore. Vous voulez estre le vainqueur de tout le monde, qu’il n’y ait pas un canton sur la terre où vostre puissance ne se fasse sentir, que nul mortel ne puisse échaper à vos coups ; &amp; pour courir par tout l’Univers, il faut que vous voliez avec une rapidité qui ne vous permette pas d’assortir les humeurs, les âges, les temperamens ; ce qui produit cette monstrueuse bigarrure d’unions qu’on voit dans le monde ; un fou avec la prude, un devot avec la coquette, une jeune personne avec un vieillard, de la Roture avec la Noblesse ; un homme d’esprit avec une étourdie, &amp; un homme sage avec une évaporée.</p>
            <label>L’AMOUR.</label>
            <p>On ne reprochera jamais à l’Amour ces unions si mal assorties.</p>
            <label>L’AMITIÉ.</label>
            <p>A qui voulez-vous donc qu’on s’en prenne ?</p>
            <label>L’AMOUR.</label>
            <p>A l’interest, ma Sœur, qui fait luy seul presque tous les mariages.</p>
            <label>L’AMITIÉ.</label>
            <p>Que ne l’obligez-vous à ne point entreprendre sur vos droits, ou que ne le chassez-vous de l’Univers ?</p>
            <label>L’AMOUR.</label>
            <p>L’interest est bien plus fort que vous ne pensez. C’est le Dieu le plus aimé de tous les hommes ; il n’y en a aucun qui ne luy dresse des Autels. Dés le commencement du monde il s’est si fortement insinué dans leur esprit, qu’ils ne le sçauroient abandonner ; &amp; lors qu’on luy veut faire la guerre, ils le cachent, ils le déguisent si bien, que quoy qu’il soit par tout, on ne le sçauroit trouver en aucun lieu.</p>
            <label>L’AMITIÉ.</label>
            <p>Je détruirois donc le mariage, afin que l’interest n’eust plus le moyen de vous chagriner &amp; de vous perdre de réputation.</p>
            <label>L’AMOUR.</label>
            <p>Cela ne seroit pas difficile. Les Mortels ne sont pas si universellement entestez de luy que de l’interest ; mais, ma Sœur, pour une raisonneuse comme vous, qui prévoyez l’avenir, &amp; qui prévenez les consequences, je ne sçay pas comment vous me faites cette proposition.</p>
            <label>L’AMITIÉ.</label>
            <p>Pourquoy donc, mon Frere ?</p>
            <label>L’AMOUR.</label>
            <p>Sans le Mariage, ma Sœur, qu’arriveroit-il de vostre empire &amp; du mien ? Quoy que j’aye contre luy tout le dépit possible, je suis pourtant oblige de le souffrir. Les hommes estant tous mortels, si le mariage n’avoit pas pour but de faire multiplier leur espece, nous manquerions bientost de nouvelles creatures, qui s’elevent pour estre pour vous &amp; pour moy de tres-bons &amp; tres-fidelles Sujets.</p>
            <label>L’AMITIÉ.</label>
            <p>Je voudrois bien sçavoir, puis que vous aimez tant la propagation du genre humain, pourquoy vous avez tant fait mourir d’hommes, soit par les Duels, soit dans les Sieges &amp; les Batailles ; car on dit souvent que l’amour en a esté cause. Les champs Troyens fument encore d’un nombre infini d’hommes, qui furent immolez à la passion que vous inspirâtes à Paris pour Helene.</p>
            <label>L’AMOUR.</label>
            <p>Pourquoy prenez-vous plaisir à m’imputer tout le mal qui se fait dans le monde ? Ne sçavez-vous pas, ma Sœur, que l’ambition &amp; le point d’honneur travaillent incessamment à détruire vos Sujets &amp; les miens ; que je ne prens aucune part aux querelles generales &amp; particulieres ; ce que je fais seulement inspire la belle gloire à ceux qui par la valeur veulent plaire à leurs Maistresses ? Je suis un Dieu pacifique qui aime la douceur, qui ne me plais que dans la tranquillité &amp; dans la mollesse, qui ne trouve du goust que dans le son de la Lyre &amp; de la Musette, que les trompettes &amp; les timbales chassent &amp; étourdissent. En un mot, je prétens estre le Dieu des plaisirs, &amp; je me pique d’estre le plus aimable de tous les Dieux.</p>
            <label>L’AMITIÉ.</label>
            <p>Pourquoy donc, si vous estes si aimable, vous déguisez-vous pour trouver entrée dans le cœur d’une jeune beauté, &amp; pourquoy prenez-vous mon nom &amp; mes manieres pour le surprendre ?</p>
            <label>L’AMOUR.</label>
            <p>Moy, prendre vos manieres, ma Sœur ? cela ne m’est jamais arrivé. Je me sers quelquefois de vostre nom. Vous me faites passer vous-même dans le monde pour un petit badin, qui pour peu qu’on l’écoute, &amp; s’en fait à croire, devient entreprenant &amp; hardy avec le beau Sexe. C’est ce qui fait qu’à mon seul nom une tendre Beauté s’alarme &amp; s’effraye. Je l’approche sous le vostre, mais dans le même moment elle sent bien qu’elle n’a jamais goûté dans l’amitié ce charme que je luy fais ressentir. Elle aime cependant à se tromper, &amp; quoy qu’elle s’apperçoive bien que ce n’est pas vous qui la pressez, elle semble le vouloir croire ; mais je ne suis pas si difficile à connoistre, &amp; quoy que Frere &amp; Sœur, la ressemblance entre nous n’est pas si grande que l’on s’y puisse tromper.</p>
            <label>L’AMITIÉ.</label>
            <p>Mais, mon Frere…</p>
            <label>L’AMOUR.</label>
            <p>Mais, ma Sœur, vous ne songez pas que depuis que nous causons, j’ay perdu plus de temps qu’il n’en faudroit pour conquerir une Province entiere. Remettons, s’il vous plaist, la conversation à une autrefois, car j’entens Mercure qui se plaint que plusieurs Amans se refroidissent par mon absence, &amp; que plusieurs jeunes cœurs tombent en foiblesse &amp; dans le découragement depuis qu’ils ne ressentent plus mes douces impressions. Je vous promets de revenir au plûtost pour vous donner une entiere satisfaction sur ce qu’il vous reste à me dire.</p>
            <label>L’AMITIÉ.</label>
            <p>Je serois bien fâchée que vostre retardement fust cause de quelque trouble dans vostre Empire. Adieu, mon Frere, je suis vostre tres-humble Servante.</p>
            <label>L’AMOUR.</label>
            <p>Ah, je veux vous baiser auparavant.</p>
            <label>L’AMITIÉ.</label>
            <p>Ah, ce petit fripon, il n’aime qu’à baiser.</p>
            <label>L’AMOUR.</label>
            <p>Adieu jusqu’au revoir.</p>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-12_114" resp="wordpro">
          <head>[Histoire]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, décembre 1695 [tome 13], p. 114-140.</bibl>
          <p>Le manque de bien fait prendre souvent aux plus aimables personnes des resolutions qui ne s’accommodent guere aux sentimens de leur cœur. Une jeune Demoiselle, qui meritoit tout par ses belles qualitez, eut le malheur de demeurer sans fortune avec sa Mere, qui l’aimant fort tendrement, donnoit tous ses soins pour luy procurer quelque avantage. Son Pere qui estoit d’une Maison assez distinguée, la voyant assez jolie &amp; toute aimable, luy avoit donné des Maistres dés ses plus jeunes années, pour la Danse, pour la Musique, pour le Luth, le Clavessin, &amp; enfin pour toutes les choses où il avoit remarqué qu’elle avoit quelque talent, mais il estoit malheureusement entré dans des affaires, qui aprés un long procés avoient causé sa ruine entiere, &amp; il en estoit mort de déplaisir. La Belle qui avoit besoin d’appuy dans le malheureux estat où elle estoit, chercha à se faire des Amis, &amp; parmy ceux qui s’attachoient à elle, un Cavalier d’un esprit fort doux, &amp; que la droiture de ses sentimens faisoit estimer de tout le monde, luy rendit des soins qui se firent remarquer. Elle les souffrit par le pouvoir d’une simpathie secrete qui attiroit son panchant vers luy ; mais en le rendant fort amoureux, elle conserva toujours beaucoup d’empire sur elle. Cette réserve venoit des difficultez qu’elle prévoyoit sur son mariage, quand il parleroit de l’épouser. Il n’avoit de luy qu’un bien mediocre, qui ne pouvoit suffire à la mettre dans un établissement assez commode pour la faire vivre heureuse, &amp; toute son esperance estoit aux bontez d’un Oncle fort riche dont il devoit heriter, &amp; qui témoignoit vouloir luy faire une avance considerable en le mariant. Ainsi il s’agissoit de sçavoir s’il seroit d’humeur à consentir que son Neveu épousast une personne qui n’avoit pour dot que sa vertu, &amp; dont le merite faisoit toute la richesse. Le Cavalier, que son amour aveugloit, ne douta point qu’il ne vinst à bout de cet obstacle, &amp; ravi de voir que cette charmante Fille voulust bien répondre à sa passion, il luy promit qu’il employeroit auprés de son Oncle des personnes si puissantes, qu’il luy seroit impossible de les refuser. Il luy tint parole, &amp; rien ne fut oublié de tout ce qu’il pouvoit faire pour s’assurer le bonheur où il aspiroit ; mais tous les moyens qu’il imagina ne purent gagner cet Oncle ; &amp; non seulement il s’opposa à l’amour du Cavalier avec une opiniastreté invincible ; mais ayant en veuë un party qui luy devoit estre avantageux, il le menaça de luy ôter sa succession s’il continuoit à voir la Belle. Le Cavalier ne put cacher à cette aimable Personne le mauvais succés qu’il avoit eu. Il vint luy en rendre compte, tout penetré de douleur, &amp; sa passion s’irritant par les obstacles, il voulut luy persuader que les menaces dont elle craignoit les suites, n’avoient esté faites que pour les intimider, &amp; que si elle vouloit bien souffrir qu’il l’épousast, son Oncle s’adouciroit sitost qu’il verroit la chose faite. La Belle qui s’aveugloit moins que le Cavalier, &amp; qui malgré l’estime qu’elle avoit pour luy, ne se sentoit le cœur engagé qu’autant que son devoir le pouvoit permettre, luy representa tout ce qu’il avoit à craindre en s’abandonnant à un amour qui ne pouvoit que les rendre tous deux malheureux. Elle ajoûta qu’il n’estoit pas juste qu’il renonçast à une grande fortune qui luy estoit assurée, s’il avoit de la complaisance pour son Oncle, &amp; le pria de ne la plus voir, puis que ses visites ne feroient que nuire à sa réputation, sans qu’il se mist à couvert de la disgrace qu’il devoit apprehender. Le Cavalier combattit long-temps la resolution qu’elle prit de ne le plus recevoir chez elle ; mais enfin il fut contraint de se rendre aux sages raisons, qui luy firent voir qu’il falloit qu’il s’éloignast, &amp; tout ce qu’il en obtint, fut une assurance reciproque qu’ils demeureroient toujours Amis, &amp; qu’en quelque lieu que fust le Cavalier, elle recevroit de ses nouvelles, &amp; luy donneroit des siennes, sans qu’il parust qu’ils eussent ensemble aucun commerce de Lettres. Jamais il n’y eut douleur si violente que celle du Cavalier à cette cruelle separation ; mais ce fut peu de la ressentir tres-vivement, il eut encore de fâcheux combats à rendre. On ne se contentoit pas du sacrifice qu’il faisoit de son amour, on vouloit qu’il se disposast à épouser la personne sur qui on avoit jetté les yeux, &amp; il ne put s’affranchir de la persecution qu’on luy faisoit pour l’engager à ce mariage, qu’en demandant à faire un voyage en Italie, afin de faire cesser tous les soupçons qu’on luy témoignoit avoir, que quelques promesses qu’il fist d’étouffer sa passion, il cherchoit toujours à voir en secret l’aimable Fille qui l’avoit causée. Son Oncle avoit un procés fort important à faire juger dans un Parlement assez éloigné. Ce fut là qu’il l’envoya pour en faire les poursuites, &amp; par son éloignement l’orage qui s’élevoit contre luy fut entierement calmé. Cependant la Belle que d’heureux talens accompagnoient, s’abandonna à ce que le Ciel voudroit ordonner de sa destinée. L’absence du Cavalier fit place à de nouveaux Prétendans, &amp; un Conseiller d’une Cour Superieure fut un des plus assidus. Il avoit beaucoup de bien, &amp; la Belle ne pouvoit rien faire de mieux pour ses avantages, que d’essayer de toucher son cœur. Elle y employa toute son adresse, &amp; parut y réussir. Comme il aimoit la Musique avec passion, il estoit charmé de la douceur de sa voix, &amp; il ne se lassoit point d’entendre les Pieces qu’il la prioit de joüer sur le Clavessin ou sur le Luth. Le Cavalier, à qui elle fit part de cette conqueste, toujours, amoureux, toujours regrettant de n’estre pas en pouvoir de suppléer à ce qui manquoit à son merite, se dépouïlloit de ses interests, pour ne s’attacher qu’aux siens, &amp; luy donnoit des conseils utiles sur les démarches qu’elle devoit faire pour ne laisser pas échaper ce nouvel Amant. La Belle en fit d’assez engageantes, quoy que toujours sans blesser sa gloire, pour mettre le Conseiller en état de ne pouvoir renoncer à elle ; &amp; quand elle vit son attachement au point où elle avoit voulu le porter pour ne craindre pas qu’il le pust rompre, elle luy dit, qu’il luy estoit fort avantageux d’avoir un Ami de son caractere, mais qu’il falloit satisfaire le Public, &amp; que des visites aussi assidues que les siennes pouvant faire tort à sa réputation, elle se trouvoit obligée de le prier, ou de cesser de la voir, ou de déclarer le sujet qui l’amenoit, afin de ne point donner de prise à la médisance. Le Conseiller qui ne manquoit pas d’esprit, essaya d’abord de luy faire croire que pourvû qu’on eust une conduite innocente, on devoit for peu s’inquieter des sots contes, &amp; voyant que tout ce qu’il luy disoit sur ce ton là ne contentoit point sa délicatesse, il ajousta qu’elle pouvoit bien juger qu’estant toute aimable, on ne pouvoit la voir longtemps sans prendre pour elle tous les sentimens d’amour qu’elle inspiroit, &amp; que dés qu’on s’attachoit à aimer une personne aussi vertueuse qu’elle estoit, ce ne pouvoit estre que dans des veuës legitimes ; que les siennes n’avoient rien dont elle pust s’offenser, &amp; qu’il luy en donneroit des marques solides sitost qu’il seroit sorti d’une affaire qui estoit en termes de s’accommoder. Cette réponse n’ayant rien de positif, elle s’obstina à le presser, &amp; il fut enfin obligé de luy promettre qu’il l’épouseroit dans un certain temps. Il luy demanda six mois pour mettre toutes ses affaires en estat, &amp; comme elle n’aspiroit qu’à avoir ses assurances, elle consentit à luy accorder ce terme, pourvû qu’il luy fist une promesse avec un dédit de dix mille écus. Ce fut un sujet de longues disputes. Le Conseiller qui ne cherchoit qu’à gagner du temps, parce qu’il estoit bien-aise de continuer à voir cette charmante personne, qu’il n’avoit aucun dessein d’épouser, ne voulut point donner le Billet des dix mille écus ; &amp; la Belle qui le connoissoit plein d’avarice, auroit préferé l’acquisition de cette somme, qui l’auroit mise en repos, au mariage dont il la flattoit. Pendant qu’ils estoient dans ces contestations, le Conseiller prétendant toujours qu’on se devoit assurer sur sa parole, il arriva une chose que l’on peut dire tenir du miracle. La Belle ne pouvoit esperer de bien de sa Famille que par la mort de quatre personnes, dont la plus âgée ne passoit pas cinquante ans, &amp; par divers accidens, ces quatre personnes moururent en moins d’un mois ce qui la fit devenir une tres-riche heritiere. Outre les Terres &amp; les autres biens en fond, elle se vit maistresse de plus de quarante mille écus en argent comptant. Il est aisé de s’imaginer les empressemens qu’eut le Conseiller pour toutes les choses qui pouvoient luy plaire. Comme il luy avoit donné parole de l’épouser, quoy que foiblement, &amp; sans intention de le faire, il se crut en droit de se flater de son choix préferablement à tous ceux qui s’offriroient ; &amp; pour effacer de son esprit les sujets de plainte qui luy estoient demeurez, il tâcha de réparer par mille offres de service, le refus qu’il s’estoit obstiné de faire de la promesse qu’elle avoit voulu avoir de luy, pour seureté des paroles qu’il donnoit. Cependant les successions venuës à la Belle luy donnerent des affaires. Elle chercha à les mettre en ordre, &amp; il fallut qu’elle allast dans tous les lieux où il luy estoit échu du bien, ce qui l’occupa pendant toute l’année de son deüil. Elle recevoit souvent des Lettres du Conseiller, &amp; elle y faisoit réponse assez gracieusement. Ses esperances s’estant augmentées par là, elle ne fut pas si-tost de retour, qu’il parla de mariage. La Belle luy répondit qu’il estoit temps d’y songer ; mais qu’avant toute autre chose, il falloit penser aux meubles qui luy estoient necessaires. Le Conseiller qui crut en devoir laisser le choix à sa volonté, fut fort surpris quand il vit qu’elle les portoit jusqu’à la magnificence. Son avarice en souffrit, &amp; la Belle qui le reconnut à son air chagrin, luy dit qu’il ne devoit point se mettre en peine de cette dépense ; qu’elle avoit de quoy y fournir abondamment sans qu’il en payast aucune chose, &amp; qu’elle luy demandoit seulement ses soins, parce qu’il avoit le goust tres bon, &amp; qu’elle sçavoit qu’il feroit faire les choses à bien meilleur compte qu’elle, qui n’en sçachant pas assez bien le prix, s’exposeroit à estre trompée. Il fut fait comme il fut dit. Le Conseiller donna tous les ordres, &amp; ce fut la Belle qui paya. Tout estant prest, carrosses, meubles, habits, il n’estoit plus question que de la fonction du Notaire. La Belle luy dit qu’elle le feroit venir au premier jour ; mais qu’elle estoit obligée auparavant de luy faire une déclaration qui pourroit ne luy pas plaire. Cette déclaration estoit, que par toutes ses manieres depuis qu’elle avoit souffert qu’il la vist assiduement, elle n’avoit que trop bien compris que s’il n’estoit arrivé aucun changement dans son estat, il se seroit bien gardé de la vouloir épouser ; qu’elle le regarderoit toujours comme son Ami, &amp; qu’elle venoit de luy en donner des marques par toutes les commissions dont elle avoit consenti à le charger, mais que jamais elle ne seroit sa femme, &amp; que la reconnoissance l’engageoit à se donner à un homme qui n’avoit eu des yeux que pour elle dans sa mauvaise fortune ; que c’estoit à son égard un si grand merite, qu’elle ne croyoit jamais pouvoir faire assez pour luy témoigner combien son cœur en estoit touché, &amp; qu’ainsi la resolution qu’elle avoit prise estoit si ferme, qu’il essayeroit inutilement de l’ébranler. On ne sçauroit dire à quel excés de dépit &amp; de colere ce discours porta le Conseiller. Il estoit au desespoir, non seulement de voir de grands biens luy échaper par sa seule faute, mais de ne pouvoir justement se plaindre du procedé de la Belle, qui pour se vanger de son avarice, qui l’avoit empêché de l’épouser lors que la chose ne dépendoit que de luy, l’avoit chargé de beaucoup de soins, qu’il n’auroit pas pris s’il n’avoit cru qu’il les prenoit pour luy-même. Il s’en plaignit cependant, &amp; ne la quitta qu’aprés avoir poussé son emportement jusqu’à la menace. Elle n’eut pas lieu d’en estre inquiete, puis qu’elle épousoit le Cavalier qui la mettoit à couvert de tout. Ils s’estoient toujours écrit depuis son éloignement, &amp; sa fortune ne fut pas sitost changée, qu’elle luy manda que sa personne &amp; son bien seroient à luy, dés qu’elle auroit terminé quelques affaires qui la devoient occuper pendant quelque temps. Cette generosité fit un effet merveilleux sur l’Oncle du Cavalier, qui loin de s’opposer encore à son mariage, luy fit une avance dont il eut lieu d’estre satisfait La Belle l’épousa peu de jours aprés que le Conseiller eut esté congedié ; &amp; comme il n’y eut jamais ny plus de raison dans deux personnes, ny plus de rapport d’humeur, rien ne sçauroit approcher de l’union dans laquelle ils vivent.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-12_164" resp="wordpro">
          <head>Stances</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, décembre 1695 [tome 13], p. 164-171.</bibl>
          <p>Vous ne serez pas fâchée de voir les Vers que je vous envoye. Ils sont de M<hi rend="sup">r</hi> Rault, de Roüen, &amp; faits sur ces paroles de Job, <hi rend="i">Qui est ce qui me fera la grace, que dans l’enfer mesme vous me protegiez, &amp; vous me cachiez jusqu’à ce que vostre fureur soit passée ?</hi></p>
          <quote>
            <label>STANCES.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Quel lieu pourra, Seigneur, me mettre en seureté,</hi></l>
              <l rend="i"> Contre ce bras qui tient la foudre,</l>
              <l rend="i"> Et dont vous reduisez en poudre,</l>
              <l rend="i"> Ceux qui vous ont trop irrité ?</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Helas ! autant de fois que je vois à mes yeux,</l>
              <l rend="i"> Eclater vostre main armée,</l>
              <l rend="i"> Ie tremble, &amp; mon ame allarmée,</l>
              <l rend="i"> Fremit dans les plus sombres lieux.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Je voudrois dans ma peur que l’antre le plus noir,</l>
              <l rend="i"> La forest mesme la plus sombre,</l>
              <l rend="i"> En m’environnant de son ombre,</l>
              <l rend="i"> Empeschât le Ciel de me voir.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Que pour me délivrer d’un si terrible effroy,</l>
              <l rend="i"> Je pusse au centre de la terre,</l>
              <l rend="i"> Me cacher loin de ce tonnerre,</l>
              <l rend="i"> Que vous faites gronder sur moy.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Oüy ; je me cacherois au milieu d’un rocher,</l>
              <l rend="i"> Dans les Tombeaux, où sont les ondes,</l>
              <l rend="i"> Dans les grottes les plus profondes,</l>
              <l rend="i"> Si ces lieux pouvoient me cacher.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Ie voudrois que mon œil n’eust jamais vû le jour,</l>
              <l rend="i"> Ni la Lune, ni les Etoiles,</l>
              <l rend="i"> Ou que la nuit avec ses voiles,</l>
              <l rend="i"> M’ensevelist dans son sejour.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Quand du Ciel en couroux le tonnerre éclatant</l>
              <l rend="i"> Est tout prest de crever la nuë,</l>
              <l rend="i"> Celuy dont l’ame en est émeuë,</l>
              <l rend="i"> De Laurier se couvre à l’inflant.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Mais ces carreaux affreux qui partent de vos mains,</l>
              <l rend="i"> Ces éclairs, &amp; cette tempeste,</l>
              <l rend="i"> Dont je ne puis sauver ma teste,</l>
              <l rend="i"> Font que je fremis &amp; je crains.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Les cavernes, les bois, &amp; les sombres deserts,</l>
              <l rend="i"> Et la bauge la plus secrette,</l>
              <l rend="i"> Pour moy n’ont aucune retraite,</l>
              <l rend="i"> Puis que ces lieux vous sont ouverts.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Les feüillages épais, &amp; les rameaux touffus,</l>
              <l rend="i"> Sembloient cacher le premier Homme ;</l>
              <l rend="i"> Qui pour avoir mordu la Pomme.</l>
              <l rend="i"> De son crime devient confus.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Mais quand il voit son Dieu le poursuivre de prés,</l>
              <l rend="i"> Et qu’il en connoist la puissance,</l>
              <l> <hi rend="i">Il a honte de sa presence,</hi></l>
              <l rend="i"> Trahi de ses propres forests.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Le lieu le plus obscur ne le soulage pas ;</l>
              <l rend="i"> En vain il se cache à soy-même,</l>
              <l rend="i"> Il a de son Auteur suprême,</l>
              <l rend="i"> Toûjours l’image sur ses pas.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Dans l’antre des Lions Daniel est jetté,</l>
              <l rend="i"> Pour luy leur rage se modere.</l>
              <l rend="i"> Mais les Chaldéens au contraire,</l>
              <l rend="i"> En éprouvent la cruauté.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Ainsi pour me cacher, les forests, les valons,</l>
              <l rend="i"> Où regnent les ombres affreuses,</l>
              <l rend="i"> Dans leurs retraites tenebreuses,</l>
              <l rend="i"> Ne sçauroient être assez profonds.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Loth dans un antre obscur, est vû des yeux de Dieu,</l>
              <l rend="i"> Sa caverne trahit son crime.</l>
              <l rend="i"> Que Caïn se cache en l’abysme,</l>
              <l rend="i"> Abel le poursuit en tout lieu.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Ionas, quoique plongé dans le centre des eaux,</l>
              <l rend="i"> Voit que ce centre est infidele,</l>
              <l><hi rend="i">Et bien que le fond le recele,</hi></l>
              <l rend="i"> Les ondes sont de clairs tombeaux</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Le monstrueux Poisson qui l’avoit englouti,</l>
              <l rend="i"> Sans en hâter les funerailles,</l>
              <l rend="i"> Le revomit de ses entrailles,</l>
              <l rend="i"> Et ce Prophete en est sorti.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">La Mer même perfide en ses plus sombres lieux,</l>
              <l rend="i"> Trahit les secrets de ses ondes,</l>
              <l rend="i"> Et ses grottes les plus profondes,</l>
              <l rend="i"> Découvrent leur sein à nos yeux.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Quelle fidelité dans les tombeaux affreux !</l>
              <l rend="i"> Les ossemens s’en font paroistre,</l>
              <l rend="i"> L’Echo parle, &amp; l’on peut connoistre,</l>
              <l rend="i">Qu’elle est aux antres les plus creux.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Aux bois les plus touffus se fiera-t-on jamais ?</l>
              <l rend="i"> Le retour d’une aspre froidure,</l>
              <l rend="i"> Qui les dépoüille de verdure,</l>
              <l rend="i"> Fait tomber leur ombrage épais.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Ainsi le Ciel, la mer, les antres, les forests,</l>
              <l rend="i"> Pour la frayeur qui me redouble,</l>
              <l rend="i"> Et qui met mon esprit en trouble,</l>
              <l rend="i"> N’ont pas des lieux assez secrets.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Seigneur, ma sureté ne dépend que de vous ;</l>
              <l rend="i"> Vous dissiperez mes allarmes,</l>
              <l rend="i"> Si pour moy mettant bas les armes,</l>
              <l> <hi rend="i">Vous appaisez vostre courroux.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-12_234" resp="wordpro">
          <head>[Vers de Mr de Santeul, pour mettre au dessous du Portrait de Mr Fagon]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, décembre 1695 [tome 13], p. 234-237.</bibl>
          <p>En vous parlant dans ma Lettre précedente de ce qui s’estoit passé le mois dernier aux Ecoles de Medecine à l’occasion de la reconnoissance que la Faculté a voulu rendre publique envers M<hi rend="sup">r</hi> Fagon, j’oubliay de vous dire que quelques jours auparavant, M<hi rend="sup">r</hi> Burlet, Professeur de la mesme Faculté, avoit fait un Discours pour l’ouverture des Ecoles de Medecine, dans lequel il fit voir combien les Arrests donnez depuis peu par le Conseil du Roy, &amp; par le Parlement, en faveur des Medecins de Paris, estoient honorables à tout le Corps, &amp; salutaires au Public. L’Assemblée fut tres-nombreuse. Le Recteur de l’Université s’y trouva, &amp; le Discours de M<hi rend="sup">r</hi> Burlet reçût beaucoup d’applaudissemens. Je ne vous rapporte rien de ce qu’il dit de M<hi rend="sup">r</hi> Fagon, dont l’Eloge devenoit naturel à son discours, puisque c’est à luy que la Faculté doit ce qui en faisoit le sujet ; de sorte que quand il n’auroit rien dit de ce premier Medecin de Sa Majesté, tout s’y seroit rapporté, sans mesme qu’on le nommast. Je devois en vous en parlant le mois passé, vous dire qu’on avoit fait graver au dessous du Portrait de la These qui luy estoit dédiée, les Vers que vous allez lire. Ils sont du fameux M<hi rend="sup">r</hi> de Santeul.</p>
          <quote>
            <lg>
              <l rend="i">Quem sibi Rex legit medicum ex omnibus unum,</l>
              <l rend="i"> Jam per vota diu publica lectus erat.</l>
              <l rend="i">Quæ sortes ! quæ fata viro concredita, Regni</l>
              <l rend="i"> Dum venit à salvo principe tuta salus.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-12_237" resp="wordpro">
          <head>[Imitation des mesmes Vers]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, décembre 1695 [tome 13], p. 237-238.</bibl>
          <p>Voicy une Imitation de ces Vers, qui peint bien celuy pour qui ils ont esté faits.</p>
          <quote>
            <lg>
              <l rend="i">Sage, plein de sçavoir, vertueux, secourable,</l>
              <l rend="i">De son Auguste Maistre il merita le choix.</l>
              <l rend="i"> Déja le Public équitable</l>
              <l rend="i"> Des longtemps luy donnoit sa voix.</l>
              <l><hi rend="i">Sur quels Destins il veille ! &amp; de quelle importance</hi></l>
              <l rend="i">Sont les soins où l’engage aujourd’huy son employ,</l>
              <l rend="i"> Puisque le salut de la France</l>
              <l rend="i"> Est en la santé de son Roy.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-12_255" resp="wordpro">
          <head>[Extraits de tous les beaux endroits des ouvrages des plus celebres Autheurs]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, décembre 1695 [tome 13], p. 255-258.</bibl>
          <p>Il n’y a personne qui ne demeure d’accord de la beauté des Ouvrages des Auteurs dont voicy les noms.</p>
          <quote>
            <p>Balzac.</p>
            <p>Voiture.</p>
            <p>Costar.</p>
            <p>Durfé.</p>
            <p>Scudery.</p>
            <p>Gomberville.</p>
            <p>Bergerac.</p>
            <p>Sarazin.</p>
            <p>Ablancourt.</p>
            <p>Moliere.</p>
          </quote>
          <p>Ce dernier n’est pas celuy qui a travaillé pour le Theatre. La pluspart de ceux qui aiment à lire, &amp; qui veulent profiter de ce qu’ils lisent, &amp; sur tout les personnes qui composent, ou qui parlent en public, font ordinairement des remarques sur les Livres qui sont de leur goust, &amp; vont mesme bien souvent jusqu’à faire d’amples extraits de ce qu’ils y trouvent de plus beau. C’est ce qu’a fait M<hi rend="sup">r</hi> Corbinelli, en s’appliquant à la lecture des Ouvrages des Auteurs que je viens de vous nommer. Ainsi ce sera une peine épargnée à ceux, ou qui les ont lus, sans en faire des extraits, ou qui ont dessein de les lire pour en faire, puis que ces extraits ont esté imprimez à Amsterdam, en cinq volumes, qui se debitent de l’impression de Hollande, chez le S<hi rend="sup">r</hi> Jean Jombert, prés des Augustins, à l’Image Nostre-Dame. On trouve aussi dans ces mesmes volumes d’autres extraits de plusieurs Ouvrages des plus habiles Auteurs qui ne sont point nommez. M<hi rend="sup">r</hi> Corbinelli ayant déja fait la mesme chose avec succés à l’égard des Poëtes François, on doit estre persuadé qu’il n’aura pas moins bien réussi sur les Ouvrages en Prose de nos Auteurs les plus estimez. Je vous ay parlé de luy en d’autres occasions, &amp; vous ay fait connoistre à fond son merite.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-12_262" resp="mercure">
          <head>[Rejouissances faites pour la naissance de Mr le Prince de Dombes dans cette Souveraineté]</head>
          <bibl><title>Mercure galant</title>, décembre 1695 [tome 13], p. 262-265.</bibl>
          <p/>
          <p>Je vous ay déjà appris la naissance de Mr le Prince de Dombes. Cette naissance ayant répandu une joye generale dans la Souveraineté, les Peuples ravis de se voir toujours sous la domination de Monsieur de Duc du Maine leur Souverain, qui y est extrémement aimé, se sont empressez de la faire paroistre par des réjoüissances publiques. Tous les Corps furent convoquez au Dimanche 11. de ce mois. Le Parlement suivi du Corps de la Noblesse, composée de plus de cent Gentilhommes, &amp; de tous les autres Corps, assista au Te Deum, qui fut chanté solemnellement en l’Eglise Cathedrale, avec une Musique &amp; une Simphonie tres-agreable. De là il alla allumer un grand feu d’artifice, du fameux Villette. Mr de Seve, premier President de ce Parlement, qui avoit à sa gauche Mr de Damas, Marquis d’Antigny, Gouverneur de la Souveraineté, y mit le feu. Le Parlement donna un grand Soupé aux Dames &amp; à toute la Noblesse, &amp; ensuite un Bal magnifique à Madame la Gouvernante, qui est de l’illustre Maison de la Baume-Montrevel. Mr le premier President en fit les honneurs avec un air de qualité &amp; de politesse qui contenta toute l’assemblée.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1695-12_312" resp="wordpro">
          <head>Souhaits pour Iris</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, décembre 1695 [tome 13], p. 312-315.</bibl>
          <p>Si tous ceux qui font des souhaits, pensoient aussi ingenieusement que l’Auteur des Vers que vous allez lire, chacun auroit envie d’en entendre faire souvent. Je vous envoye ces Souhaits pour vos Estrennes. Vous pourrez en recevoir de moins agreables.</p>
          <quote>
            <label>SOUHAITS POUR IRIS.</label>
            <lg>
              <l rend="i">Que vos jours par Clotho filez d’or &amp; de soie,</l>
              <l rend="i">Au milieu des plaisirs coulent toujours en joie,</l>
              <l rend="i">Sans que d’aucun malheur vostre sort soit atteint,</l>
              <l rend="i">Et que le temps enfin qui détruit toutes choses,</l>
              <l rend="i">Respecte, s’il se peut, &amp; ces lis, &amp; ces roses,</l>
              <l rend="i">Dont la nature seule a paré vostre teint.</l>
              <l rend="i">Qu’on se plaise à vous voir, &amp; plus à vous entendre.</l>
              <l rend="i">Soyez par tout aimée, &amp; vivez sans amour ;</l>
              <l rend="i">Dormez toute la nuit, travaillez peu le jour,</l>
              <l rend="i">Gardez avec grand soin ce qu’on ne peut vous rendre.</l>
              <l rend="i">Laissez parler le monde, &amp; faites toujours bien.</l>
              <l rend="i"> Ne prestez point, n’empruntez rien,</l>
              <l rend="i"> Toûjours égale, toûjours saine.</l>
              <l rend="i">Vn revenu commode, &amp; des plaisirs sans peine.</l>
              <l rend="i"> Soyez devote sans excés,</l>
              <l rend="i"> Nulle affaire, point de procés,</l>
              <l rend="i"> Exempte de haine &amp; d’envie,</l>
              <l rend="i"> Et contente de vostre sort,</l>
              <l rend="i"> Vivez sans crainte de la mort,</l>
              <l rend="i"> Mourez sans regretter la vie.</l>
              <l rend="i">Iris, voila les vœux que mon cœur fait pour vous.</l>
              <l rend="i"> S’ils ne répondent point aux vôtres,</l>
              <l rend="i"> Parlez, il luy sera plus doux</l>
              <l rend="i"> Et plus aisé d’en faire d’autres.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
      </div>
    </body>
  </text>
</TEI>